Le temps maussade que nous connaissons depuis plusieurs semaines ne nous incite pas vraiment à avoir le moral, tant de grisaille en une période qui devrait faire chanter la verdure n’a rien de bien réjouissant. Ainsi, les pains non plus ne sont pas à la fête, ils ont une désagréable tendance à perdre de leur consistance en bien peu de temps, faute à la forte humidité ambiante. De plus, difficile d’avoir des envies « de saison », non, nous aspirerions plus à de la douceur, aux palmiers… à partir dans les îles, pourquoi pas.

3€ le billet aller-retour, l’offre est séduisante, et elle durera l’ensemble du mois de Mai dans les boulangeries Kayser. Si l’on consultait les communiqués de presse de la maison (modifiés depuis), c’était initialement le « traditionnel » Ekmek aux framboises qui était prévu en pain, un pain turc moelleux et sucré, réalisé avec du miel et de l’huile d’olive. Seulement, le thème de la Fête du Pain – les femmes, je le rappelle – a visiblement inspiré l’entreprise, qui a choisi de changer ses projets pour aller faire un tour du côté de la Réunion.

Macatias, cela ne vous dit sans doute rien, mais cela signifie en réalité pain en swahili (un dialecte bien particulier)… Il fut le pain des esclaves, car son utilité était de se débarrasser du surplus de pâte réalisée sur levain, surplus qui bien sûr avait trop fermenté du fait de la température connue sous ces latitudes. Trop acide, l’idée était alors de rajouter du sucre, produit localement. Ainsi ce pain était créé… repris ensuite par les boulangers de l’île, où la baguette que l’on connaît aujourd’hui n’est arrivée que plus tard. Ils laissaient tout simplement fermenter leur pâte très longtemps (plus d’une nuit, généralement) et y incorporaient le sucre. Aujourd’hui, la tradition est resté, et les locaux autant que les touristes adorent déguster ce petit pain au réveil. Sur l’île, il est décliné à toutes les « sauces » : nature, mais aussi enrichi de chocolat, de noix de coco, parmi d’autres créations plus originales voire farfelues.

Chez Eric Kayser, le Macatias nous est proposé parfumé aux fleurs d’orangers, ce qui renforce cette douce chaleur venue des îles. Réalisé à partir du fameux levain naturel de la maison, il reprend en tout point les caractéristiques du petit pain réunionnais, bien qu’il soit ici façonné en boules de 250g. Ainsi, on retrouve sa texture proche de celle d’une brioche : très moelleuse, filante et légère. Les notes sucrées amusent notre palais, exaltées par le parfum de la fleur d’oranger. La croûte n’oppose pas de résistance, ce n’est pas l’objectif, mais elle concentre ce caractère sucré de par sa légère caramélisation au four. Demandez-le bien cuit, vous profiterez ainsi mieux de cette réaction qui contribue à donner un peu plus de relief et de saveur à ce produit.
Ces caractères en feront bien sûr l’ami des petits-déjeuners, mais il accompagne aussi de façon surprenante divers plats salés, en leur apportant un contraste intéressant. Ainsi, les poissons blancs s’en accommodent très bien, et on se laisse porter vers les plages de la Réunion où la vie est plus douce… et le ciel moins gris.
Côté conservation, c’est honorable. Certes, le pain sèche légèrement, mais cela renforce son caractère sucré et la fleur d’oranger se fait plus présente.

Ayant pu tester ce produit dans différentes adresses Kayser, sa réalisation semble assez bien maîtrisée par les différentes équipes de la maison, malgré le fait que ce soit un pain qui ne fasse pas partie des classiques de l’entreprise. L’arôme de fleur d’oranger varie parfois, sans que cela soit très marqué. Les cuissons, quant à elles, sont généralement bien menées, avec des croûtes dorées. La sole risque toutefois d’être trop cuite, ce qui gâche alors la douceur du produit, mais cela demeure anecdotique. Seul son prix peut rebuter : 3€ les 250g, ce n’est pas bon marché, mais en faisant le comparatif avec les tarifs des brioches et autres pains moelleux, plus lourds et moins digestes, cela demeure assez acceptable.

Voici donc un pain qui met bien à l’honneur une culture différente de la nôtre, avec une création locale que l’on ne retrouve pas habituellement dans nos boulangeries. C’est une initiative appréciable, tout à fait dans l’esprit de la Fête du Pain, et je trouve que plus d’artisans devraient profiter de cette occasion pour mettre en oeuvre de telles pratiques. En effet, c’est par la diversité, la découverte et les saveurs que l’on peut inciter le consommateur à se tourner vers un artisan plutôt qu’un point chaud ou un supermarché dont les gammes font plutôt grise mine.

Pain Macatias, Eric Kayser – plusieurs adresses dans Paris et en banlieue, pain vendu à la pièce pendant le mois de Mai, 3€ les 250g.

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