Il faut bien parfois mettre le doigt sur les sujets qui fâchent. Certes, cela ne fait pas plaisir à tout le monde, mais nous n’avons en définitive aucun intérêt à nous enfermer dans des consensus mous et dans une « bien-pensance » plus destructrice que créatrice à long terme : elle n’incite pas à se poser des questions et à rechercher le changement… or, ce dernier est indispensable. C’est d’autant plus important quand cela concerne des questions de santé publique.

Justement, parlons de santé. Le pain devrait être l’aliment santé par excellence, et c’est malheureusement loin d’être toujours le cas : entre des glutens secs ajoutés en abondance pour « corriger les farines », des additifs à ne plus savoir qu’en faire, ou encore des processus de fabrication n’aboutissant pas à des pains très digestes… Faites votre marché.
Le sel est un des autres éléments auxquels il est bon de s’intéresser. Naturellement présent dans la liste des ingrédients du pain, son rôle varie pour certains : exhausteur de goût (et oui, cela relève les pains fades et masque la mauvaise qualité de la farine !), agent de développement (certains boulangers ayant des problèmes d’activité se sont vus conseiller par leur meunier d’augmenter le taux de sel…), nous sommes bien loin de la fonction de nécessité qu’il devrait simplement remplir. Heureusement, nos têtes pensantes et gouvernantes se sont emparées de la question depuis quelques temps déjà, et ont tenté de pousser vers une réduction des quantités : il faut dire qu’au vu des risques (hypertension, notamment), l’enjeu est de taille.

Pain du Coin, Josephine Bakery, Paris 6è

Chez certains boulangers « à l’ancienne », on ne pèse même pas la quantité de sel : une poignée, un sac de sel, un pétrin, vous mélangez tout cela et le tableau est scellé. A l’inverse, d’autres s’intéressent de bien plus près à la question… et c’est le cas de Benoît Castel, jamais avare d’expérimentations. Parmi les dernières en date, l’utilisation du sel Salish dans certains de ses pains, et notamment le fameux Pain du Coin dont je vais vous parler aujourd’hui.
Ce sel fumé est un sel de mer qui provient des Etats Unis et plus précisément du nord de l’état de Washington. Il doit son nom à des populations amérindiennes, originaires du nord de cet état. Ces populations utilisent le bois d’Aulne rouge depuis des siècles pour fumer les saumons et les viandes afin de les conserver. Le sel Salish est ainsi fumé avec le même bois, ce qui lui donne une couleur et un goût de fumé caractéristiques.

L’intérêt d’un goût marqué est de pouvoir réduire la teneur en sel dans le pain sans pour autant perdre sa fonction d’assaisonnement. C’était là la volonté de l’artisan, et le pari est tenu : ce produit ne manque pas de saveur, bien au contraire. Les notes fumées s’y retrouvent, associées à d’autres plus boisées liées au travail sur levain naturel. C’est là l’autre spécificité de cette création : son nom n’a pas été choisi par hasard, car le levain a été développé à base de… coing. Il confère à ce pain quelques accents sucrés, ainsi qu’une excellente conservation. Cette dernière est accrue par une cuisson poussée, permettant la formation d’une croûte épaisse et caramélisée.
Elle contraste ainsi nettement avec la mie, dense mais fondante : on retrouve bien là les avantages des « grosses pièces » vendues à la découpe, comme c’est le cas ici.
Le mélange des farines de Meule et de Seigle réalisé au pétrissage achève d’apporter au produit des saveurs rustiques et marquées.

Mie du Pain du Coin, Josephine Bakery, Paris 6è

Benoît Castel et son équipe nous proposent donc un pain de caractère, ce dernier étant renforcé par l’incorporation récente du fameux sel sus-cité. Même traitement pour son « pain de Ménage », proposé généralement le samedi. Ce dernier incorpore un peu de farine de Sarrasin et reprend une tradition d’un pain « brut de décoffrage », généralement réalisé au sein même des foyers… tout en bénéficiant dans le cas présent de l’ensemble du savoir-faire des boulangers de Joséphine Bakery et d’une réalisation dans un fournil professionnel.

Pain du Coin, Joséphine Bakery – Paris 6è, vendu au poids – 8,5€ le kilogramme.

6 réflexions au sujet de « Pain du jour : Pain du Coin, Joséphine Bakery (Paris 6è) »

  1. En lisant cet article, la mention du sel Salish fait écho à un questionnement que je me posais depuis des multiples dégustations du pain des amis de Christophe Vasseur : d’ou vient ce gout fumé? A votre avis correspond-il à une utilisation de ce fameux sel également?

  2. Actuellement, mon levain me fait des pains qui ont un goût fumé! Pourtant, je les prépare actuellement dans un four conventionnel! Est-ce possible? Normal? J’ai trouvé ce goût curieux. Au tout début de mon levain, je n’avais pas ce gout fumé il est apparu après seulement quelques semaines.

  3. Bonjour , j’ai récemment dégusté le fameux pain des amis et je m’interroge aussi sur cette arôme de fumé qui ressort de ce pain . Si quelqu’un pourrait m’éclairer ?

  4. Depuis l’article ci-dessus, Benoît Castel a quitté la rue Jacob pour s’installer en son nom et Josephine Bakery a continué de fabriquer et de vendre le Pain du coin -à 11 euros du kilo. Une chance pour ceux pour moi qui traversent rarement le 11ème arrondissement et qui ai regretté le départ de Benoît Castel du quartier de l’Opéra où un corner B.C. était installé dans un grand magasin. C’est là que j’ai découvert ce Pain du coin, le meilleur de la ville à mon goût et pas vraiment détrôné depuis.
    Aujourd’hui la boulangerie rue Jacob ne vend plus le Pain du coin car il a finalement changé de nom, probablement au terme d’une longue bataille entre les deux anciens associés.

  5. Depuis l’article ci-dessus, Benoît Castel a quitté la rue Jacob pour s’installer en son nom et Josephine Bakery a continué de fabriquer et de vendre le Pain du coin -à 11 euros du kilo. Une chance pour ceux pour moi qui traversent rarement le 11ème arrondissement et qui ai regretté le départ de Benoît Castel du quartier de l’Opéra où un corner B.C. était installé dans un grand magasin. C’est là que j’avais découvert ce Pain du coin, le meilleur de la ville à mon goût, et pas vraiment détrôné depuis.
    Aujourd’hui la boulangerie rue Jacob ne vend plus le Pain du coin car il a finalement changé de nom, probablement au terme d’une longue bataille entre les deux anciens associés.

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