Le façonnage est un élément important de la constitution d’un pain. On voit parfois certains boulangers réaliser de véritables chefs d’oeuvre avec la pâte, la question étant alors de savoir si le produit demeure comestible, et s’il aurait vraiment vocation à être consommé. Au quotidien, il serait bien difficile de réaliser les mêmes exploits, et avec le volume à produire dans certains fournils, le fait même d’aboutir à un pain présentable paraît être extraordinaire. Certains y ont même renoncé, en faisant appel à des diviseuses-formeuses de type PanovA ou Panéotrad, ce qui leur permet de multiplier les formats et les fournées. Cette tâche est en effet contraignante, voire usante à long terme. D’autres font le choix volontaire d’abandonner le façonnage pour ne pas imprimer leur « marque » sur la pâte… Nous entrons là dans des débats bien théoriques.

En réalité, la forme que le boulanger va donner à un pain aura deux conséquences directes : le rendre attirant – ou non ! – pour le consommateur, et influer sur la façon de le consommer. On ne va pas déguster de la même façon une baguette ou une tourte, forcément. Certains s’amusent en intégrant des valeurs et concepts au façonnage : des petites boules à partager, comme pour le pain Brochette au Maïs de Dominique Saibron, des pétales pour la Fleur du Vendredi de Jean-Paul Mathon…

Pain Châtaigne-Noix, Bread & Roses

Dans le cas présent, c’est le soin pris pour le dessin et la forme qui m’ont toujours séduit sur ce pain. En effet, chez Bread & Roses, on ne badine pas avec le façonnage : le pain châtaigne-noix arbore fièrement un dessin de feuille sur sa croûte, en plus de présenter une séparation nette entre sa base et sa croûte supérieure, à l’image des Tabatières de Picardie… sauf qu’ici, c’est en Corse que l’on nous emmène. « Un pain de berger Corse » comme aime le décrire cette « deli-bakery » fondée par Philippe Tailleur, amoureux du pain et des bons produits.
Bon, ce pain l’est, assurément. L’association entre les deux fruits se révèle d’une grande subtilité : tandis que la châtaigne apporte des notes douces et sucrées, la noix exprime son caractère légèrement amer et vif, presque fumé dans le cas présent. L’équilibre se créé sur cette base et se prolonge dans les textures. La mie fondante moelleuse est chahutée par le croquant des cerneaux entiers incorporés à la pâte, et la croûte entre dans le jeu avec un léger craquant et une caramélisation bien réalisée.
Même si l’utilisation d’une farine de châtaigne a un impact direct sur le prix final, on aboutit à un produit bien plus agréable et équilibré que la plupart des pains aux noix, souvent acides et agressifs. Ainsi, le gourmand pourra prendre plaisir à l’associer avec des fromages variés – un bon Comté un peu vieux sera un partenaire de grande valeur -, des viandes blanches ou tout simplement nature, car cela demeure une création très savoureuse en elle-même. Bien sûr, on peut considérer que ce pain n’est pas vraiment de saison, et qu’il sera plus adapté en automne… tout dépend des goûts, et je l’apprécie personnellement par tous les temps.

Vue tranchéePain Châtaigne-Noix, Bread & Roses

Voilà donc un pain que l’on choisit avec les yeux, de par son façonnage plus que soigné (une application bien rare !), et auquel on revient pour son goût… Certes, le prix est élevé, mais comme toujours chez Bread & Roses, les ingrédients sont sélectionnés avec soin : farines biologiques, noix savoureuses, il n’y a pas de secret.

Pain Châtaigne-Noix, Bread & Roses (Paris 6è & 8è), vendu à la pièce, 4,80€ la boule d’environ 430g.

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