06
Juil
Pain du jour : Pain au foin, Yosuké Fujié, Maison Landemaine Asnières
2 commentairesDevant leur pétrin, les artisans boulangers ressemblent à s’y méprendre à des druides : ils préparent de savoureuses mixtures, lesquelles ne manquent pas de vie : bulles, liquides, solides variés, … si le mélange est bien réalisé, l’alchimie ainsi créée fait le reste et ce sont de beaux pains qui sortiront du four. Malheureusement, ce sont souvent des apprentis sorciers qui se trouvent aux commandes, pour un résultat bien moins glorieux. Pire encore, ils ont tendance à penser que des mélanges fabriqués en industrie et chargés en substances douteuses pourraient faire illusion. Seulement voilà, il n’existe pas de potion magique pour acquérir du savoir-faire, et les raccourcis n’aboutissent à rien de bon, que ce soit en boulangerie, en magie, dans les histoires pour enfant ou ailleurs.
Yosuké Fujié est un boulanger aussi talentueux que discret. S’il est originaire du Japon, c’est bien en France qu’il a appris le métier, avec toute l’implication et l’exigence que l’on prête aux japonais. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est au sein de Maison Landemaine qu’il a évolué jusqu’à devenir responsable du fournil de leur boulangerie d’Asnières-sur-Seine lors de son ouverture l’an passé. Entre temps, il aura obtenu le 6ème prix de la Meilleure Baguette de Paris en 2013 et vogué quelques mois vers d’autres horizons, notamment au sein du Moulin de la Vierge, dont les fours à bois auront marqué son expérience d’artisan.
En plus d’être un technicien, Yosuké est un créateur. C’est au contact de chefs cuisiniers reconnus qu’il a développé des pains surprenants, adaptés aux mets servis sur des tables prestigieuses. Du pain de mie à l’ortie à celui parfumé à la bière au yuzu, il a multiplié les essais pour offrir des produits aboutis et à la hauteur des exigences de ses partenaires.
Depuis quelques mois, deux de ses créations sont proposées en boutique, à Asnières. La clientèle peut ainsi découvrir la tourte de Meule aux pommes Granny Smith – un délicat équilibre entre saveurs acidulées et sucrées – et le pain au foin.
Si les pains fumés rencontrent un vif succès sur la place parisienne, je dois dire que j’ai été nettement plus séduit par la subtilité de ce produit. Pour le réaliser, Yosuké fait patiemment infuser du foin dans l’eau de coulage avant de la filtrer. Il a choisi de réaliser ce pain sur une base de farine de Tradition, avec une longue fermentation et peu de levure.
Les arômes naturellement sucrés du froment s’expriment ainsi pleinement dans cette mie moelleuse, et le foin les sublime tout particulièrement : il devient un véritable condiment et n’a de cesse de relancer le plaisir à la dégustation.
L’étape de fabrication la plus délicate reste en définitive la cuisson : du fait de l’absence de matières grasses dans la pâte, les saveurs infusées ont tendance à s’échapper car rien ne les « fixe ». De nombreux essais auront été nécessaires pour aboutir au résultat présenté aujourd’hui en boutique.
Derrière son aspect rustique – le pain est façonné en de grosses pièces, coupées à la demande pour le client -, ce produit révèle une grande délicatesse et s’associe élégamment avec tous types de plats, sans jamais en masquer la saveur. Les viandes blanches sont très bien relevées par la note végétale du foin.
On pourrait faire une longue tirade sur la balade dans les champs que nous propose Yosuké avec ce pain. C’est vrai qu’en définitive, c’est un peu ça : un promenade entre les blés et le foin. Pour les urbains que nous sommes, je ne suis pas persuadé que tout cela ait beaucoup de sens, alors restons sobres mais apprécions à sa juste valeur le goût de ce pain, qui fait partie de mes préférés.
Pain au foin, vendu à la coupe, 6,80€/kg, uniquement dans la boulangerie Maison Landemaine Asnières.
Bonsoir,
Cela me fait penser au pain de campagne Bio (blé-seigle) que proposait l’année dernière Bruno Solques dans le 6ème Arrt.
Pain à la flouve : la plante était infusée dans l’eau puis incorporée à la pâte. J’aimais bien le parfum délicat que cela donnait.
Sauf que dans un cas on a un produit bien réalisé, léger et agréable à déguster, alors que dans l’autre on a… une brique.