A force de parcourir Paris, d’observer les gammes de produits développées par les artisans, de goûter et d’expérimenter, j’ai fini par reconnaître des signatures simplement en pénétrant dans certaines boulangeries. Des intitulés, des façonnages, des pains spéciaux reprenant des saveurs et des couleurs similaires, on comprend rapidement que les sources d’inspiration de nombre d’artisans demeurent limitées. Cela signifierait-il pour autant que le métier de boulanger consiste au final à appliquer toujours les mêmes recettes, à « tourner en rond » ? Certainement pas, il y a des milliers de façons de développer son individualité… mais ce n’est pas le débat du jour.
Sur la place Victor Hugo, dans le 16è arrondissement, la boulangerie-pâtisserie-salon de thé A la Petite Marquise affiche une façade bien moderne pour un établissement qui a un vécu, une histoire. « Depuis 1936 » comme l’indiquent les sachets de pain remis aux clients. Bien entendu, le lieu devait évoluer et il s’est offert une grande rénovation au cours de l’été 2010. A présent, la clientèle est reçue dans un cadre plutôt élégant, associant dorures, tons clairs et foncés. Cela ne dénote pas dans le quartier.
A quelques mètres d’autres « institutions » boulangères telles que Béchu et Carton, on peut dire sans se tromper que le style est ici résolument plus moderne, ce qui n’est pas un mal. On sent, dès que l’on pénètre dans la boutique, une autre dynamique.
Cela commence par les produits. Je vous parlais en introduction d’une signature, ce n’est pas sans raison. On trouve ici quelques pains qui sembleraient sortis tout droit d’une boulangerie Kayser, telle que la fameuse tourte de Meule, représentée dans la plupart des boulangeries de l’enseigne. Le pain au Sarrasin reprend également une grande partie des caractéristiques du « Rustique » de la maison. Même constat pour les Pavés au Noix, aux Olives ou aux Figues, Ciabatta et autres pains au Fromage. Cette inspiration semble avoir une explication toute trouvée : l’actuel propriétaire de cette boulangerie n’est autre que l’ancien dirigeant des sandwicheries Midoré… reprises depuis par le fameux groupe Kayser. Le monde de la boulangerie est tout petit, voyez-vous.
Ce qui nous intéresse, ce sont les saveurs, la qualité des produits. En l’occurrence, c’est somme toute assez correct sans pour autant relever de l’exceptionnel. La baguette de tradition est de bonne facture, assez douce et craquante, même si sa cuisson mériterait d’être bien plus aboutie. Cela a pour conséquence d’en limiter la conservation et les arômes, ce qui est tout à fait regrettable. Ce manque de cuisson se retrouve malheureusement de façon généralisée sur les pains proposés ici, mis à part sur les grosses pièces, telles que la tourte de Meule ou de Seigle. Pour autant, le pain au Sarrasin n’en demeure pas moins agréable, avec une belle présence du blé noir. Plusieurs des pains spéciaux sont réalisés à partir d’une pâte de type viennoise, ce qui leur confère un caractère moelleux et doux que l’on pourra apprécier ou non. Leurs tarifs ont une fâcheuse tendance – commune dans le quartier – à grimper rapidement.
La pâte feuilletée ne semble pas être le point fort de la maison, puisque les viennoiseries ne présentent aucun intérêt particulier, même si elles affichent quant à elles de belles teintes dorées. Mieux vaut donc passer son tour. Si l’on continue dans le domaine des douceurs, une gamme de macarons aux couleurs peu engageantes est proposée. Tapageur, cela semble être le maître de mot du secteur sucré de la Petite Marquise, puisque c’est également de cette façon que l’on peut qualifier les pâtisseries, même si elles n’en demeurent pas moins soignées et plutôt bien finies. Rien de bien innovant côté saveurs, ce sont des classiques parisiens, que ce soit sur le registre du classique (éclairs, tartes…) ou du contemporain (simili-Ispahan, …). Si l’on dépasse le simple aspect visuel, la dégustation n’offre pas une expérience exceptionnelle. Passons sur le cas des tartes aux fraises nourries aux hormones
Pour le traiteur, du classique. Des sandwiches, quelques en-cas, des fougasses aux herbes et quelques torsades garnies. Cela se tient, mais les tarifs représentent un frein considérable à l’achat.
Le service est d’une belle efficacité, très professionnel. Il ne faut pas en attendre une grande chaleur humaine, surtout aux heures d’affluence (et il y en a de nombreuses !), mais le travail est bien fait. La clientèle est servie comme il se doit, rien de spécial à signaler.
Infos pratiques
3 place Victor Hugo – 75116 Paris (métro Victor Hugo, ligne 2) / tél : 01 45 00 77 36
Avis résumé
Pain ? Acceptable, les façonnages sont plutôt élégants, même si les cuissons sont trop courtes sur les petites pièces (pavés, baguettes, bâtards divers…), ce qui ne permet pas aux pains et aux croûtes d’exprimer tous leurs arômes. La gamme est assez étendue, et on y retrouve la « signature » de l’enseigne Kayser, notamment au travers de la tourte de Meule, le pain au Sarrasin (équivalent du Rustique), les pavés aux Noix, Olives ou Figues… Côté conservation, c’est acceptable, tout comme les tarifs qui restent dans la moyenne du quartier. Pour le goût, même constat, cela se déguste sans difficulté. Les pains sont dépourvus d’acidité (travail sur levain liquide, « à la Kayser »), la baguette de tradition offre une croûte fine et une grande douceur, même si son caractère n’est pas très marqué.
Accueil ? Le service est efficace, professionnel. Il ne véhicule pas une grande chaleur humaine mais le travail est fait comme il se doit, la clientèle est respectée.
Le reste ? Passons notre tour sur les viennoiseries, sans intérêt, même si bien cuites. Elles n’offrent aucun plaisir particulier une fois en bouche. Pour les pâtisseries et macarons, les couleurs sont bien trop tapageuses pour être honnêtes, même si les finitions sont tout à fait correctes. Finissons par le traiteur, où l’on retrouve divers sandwiches, quiches et autres fougasses aux herbes. Acceptable, mais les tarifs ont tendance à rebuter.
Faut-il y aller ? La Petite Marquise nous offre une maison plutôt bien tenue, bien moins « poussiéreuse » que ne peuvent l’être Bechu ou Carton, installés quelques mètres plus loin sur l’avenue Victor Hugo. Les tarifs sont bien sûr à la « hauteur » du quartier, même s’ils demeurent assez sages comparés à certains de ceux pratiqués par ces deux confrères. On aura plutôt tendance à privilégier le pain et le salé que le sucré, plutôt moyen même si bien fini visuellement. Nous dégustons avant tout avec nos papilles…