Les boulangers ont de nombreuses raisons de se plaindre du manque d’attention qu’on leur porte, de leur faible médiatisation, surtout lorsque l’on regarde ce qui se fait du côté de la restauration ou plus récemment de la pâtisserie. Certains sont devenus de véritables stars, oubliant parfois leur métier de base. A côté de cela, acheter une baguette de pain, cela fait partie de notre quotidien et on aurait bien du mal à y trouver quelque chose d’exceptionnel, même si le talent de nos artisans les plus talentueux ne manque pas d’être reconnu par leur clientèle. Une petite partie sort son épingle du jeu, que ce soit par leur savoir-faire ou leur capacité à développer leur entreprise en dehors de ses murs initiaux.

Tout cela pourrait bien devenir de l’histoire ancienne dans quelques mois. En effet, la chaine de télévision M6 a récemment annoncé sa volonté d’adapter en France un concept venu du Royaume-Uni. Le principe de l’émission ? Partir à la recherche de la meilleure boulangerie. Un programme sans animateur qui devrait remplacer en quotidienne, sur la tranche de « l’access prime-time », c’est à dire avant la série ou l’émission de la soirée. Ce créneau est jusqu’à présent occupé par Un Diner presque Parfait, dont l’audience est récemment passée sous la barre des 10%… Une perte de vitesse bien compréhensible au vu du temps depuis lequel cette émission est à l’antenne, avec de grandes difficultés à se renouveler.

Real Bread Campaign

Real Bread Campaign

« Britain’s Best Bakery » a rencontré un grand succès dans son pays d’origine, et c’est sans doute pour cette raison que M6 souhaite miser sur le concept. A la différence près que la France ne présente pas le même paysage boulanger : nous avons la chance de compter bien plus d’artisans sur notre territoire (au delà de notre culture de pain, cela s’explique aussi mathématiquement… par son étendue !), et sans doute plus à même de fournir du bon pain, les anglais n’étant pas particulièrement réputés pour la qualité du leur. D’ailleurs, c’est d’autant plus amusant quand on lit un site tel que celui de la « Real Bread Campaign », visant à promouvoir le « vrai pain » au Royaume-Uni. Il me paraît bien difficile de trouver « la » meilleure boulangerie de France, car un grand nombre sera forcément ignoré.

Le formulaire sur M6.fr

Pour autant, les téléspectateurs et gourmands peuvent dès à présent proposer leurs adresses préférées grâce à un formulaire mis en ligne sur le site m6.fr, et accessible ici : http://www.m6.fr/m6-et-vous/participer-emissions/boulangerie.html
Certaines, dont la popularité est importante, ont déjà été contactées par M6.

Reste une inconnue de taille : même s’il n’y a pas de présentateur, il faudra bien une équipe de choc pour juger les boulangeries. En la matière, plusieurs choix sont possibles : des « amateurs éclairés » de pain, à l’image de Steven Kaplan, des boulangers à la réputation déjà bien installée, des journalistes, … J’avoue que je suis bien curieux de connaître le parti pris par la production. Réponse en septembre, ou un peu avant si des informations filtrent.

Dans tous les cas, l’initiative demeure intéressante en soi même si titanesque, avec une approche un peu discutable : cela aura pour mérite de faire parler de la profession, ce qui n’est pas un mal. Espérons seulement que le tout ne tombera pas dans les biais et les travers habituels, privilégiant certains communicants au détriment des autres.

Je crois que parfois, au delà d’un fonds de commerce, il y a la réputation et les habitudes des passants du secteur qui se vendent avec une boutique. A tel point que certains feraient tout pour ne pas les perdre. Souvenez-vous, nous en avions un peu parlé lorsque le couple Maurice avait repris la boulangerie Secco de la rue Jean Nicot. Cela s’était fait de façon très discrète à l’époque, tout comme pour la passation Poujauran-Secco. Le sujet n’a plus lieu d’être aujourd’hui, puisque la boulangerie affiche aujourd’hui les couleurs de « Pariseven ». Toutefois, quelques adresses perpétuent cette bien étrange pratique à Paris.

Vu de la rue, rien n'a changé...

Vu de la rue, rien n’a changé…

A nous de les dénicher ? Pas vraiment. Dans tous les cas, le salon de thé-boulangerie-pâtisserie Carton de l’avenue Victor Hugo a vu défiler les tenanciers sans changer d’un poil, comme si le vent du changement n’atteignait pas ce secteur du 16è arrondissement. C’est d’ailleurs un peu troublant : l’enseigne affiche toujours Carton, alors même que les pâtisseries, chocolats et emballages laissent trahir le nom de… Huré.
En effet, depuis la fin février, la famille (Benoît, Quentin et Stéphanie) a pris ses quartiers ici, portant à 4 le nombre de ses implantations parisiennes. Ils prennent la suite de Jean-Noël Sans, lequel semble avoir abandonné l’idée de percer dans la boulangerie parisienne : il a en effet cédé ses deux affaires, en commençant à la rentrée précédente par celle du 52 rue du Bac.

Pâtisseries, Carton - Huré, Paris 16è

Pas de révolution en vue, il ne faudrait pas perturber les habitués, mais on notera tout de même quelques évolutions liées à l’identité même de cet artisan. Ce dernier s’est un peu adapté vis à vis de l’offre développée dans ses autres boutiques : les pâtisseries se font plus classiques, moins tapageuses. Religieuses, éclairs, saint-honoré, charlottes aux fruits, quelques entremets au chocolat… à consommer sur place ou à emporter, un véritable changement de culture pour une entreprise jusqu’alors habituée à proposer ses produits uniquement en service au comptoir.

Sandwiches et en-cas, Carton - Huré, Paris 16è

Bien sûr, il n’aurait pas été question d’oublier les fondamentaux qui ont fait le succès de leurs autres adresses : une large gamme d’en-cas salés, dont les fameux pavés garnis, quiches, pizzas salades et sandwiches. Même diversité côté gourmandises, avec une large gamme de brioches (nutella, feuilletée, aux pralines, écorces d’orange…) et de viennoiseries (torsades, escargots variés…).

Pains, Carton - Huré, Paris 16è

Le pain connaît le même traitement, avec notamment le fameux « Acajou » et son mélange de fruits secs, ou la plus originale baguette Bio agrémentée d’une pointe de farine de châtaigne. La gamme est plus courte que rue Rambuteau ou place d’Italie, mais cela demeure toujours plus développé que la moyenne.

Viennoiseries, Carton - Huré, Paris 16è

Le problème, dans tout cela, est qu’à trop vouloir en faire… on risque de mal faire. Que ce soit en viennoiserie ou en pain, les produits manquent relativement d’application même si les cuissons sont assez bien menées. La baguette de Tradition se révèle d’ailleurs tout à fait honorable, avec un parfum de froment soutenu et une mie fraiche mais une conservation moyenne. Vaut-elle pour autant les 1,40€ (pour 250g) demandés à l’achat ? Pas sûr. C’est d’ailleurs sur ce point que les Huré se sont le plus adaptés : les tarifs ont été revus à la hausse pour les mêmes produits. Hors de question de « casser » la tradition onéreuse du quartier, certes justifiée en partie par les loyers, mais très certainement fortement exagérée en raison du niveau de vie des riverains.

Tartes & cheesecakes à la part, Carton - Huré, Paris 16è

Malgré tout, ce changement va plutôt dans le bon sens : les produits sont globalement plus frais et savoureux, le pain a repris des couleurs et de l’intérêt, servi par les farines des Moulins Bourgeois. Reste toujours l’accueil, plutôt désinvolte et manquant de professionnalisme de façon récurrente.

Infos pratiques

150 Avenue Victor Hugo – 75016 Paris (métro Victor Hugo, ligne 2 ou Rue de la Pompe, ligne 9) / tél : 01 47 04 66 55
fermé le lundi.

Le painrisien fêtera ces jours-ci ses deux ans d’activité régulière. (il avait été créé en février 2011, mais n’est devenu actif qu’à partir d’avril)
Pendant cette période, plus de 200 boulangeries auront été visitées et référencées sur la fameuse carte, tandis que près de 600 billets étaient rédigés autour de ces lieux, de leur actualité, de leurs produits… mais aussi de tout ce qui fait la « vie painrisienne ».

Le chemin parcouru est gigantesque, aussi bien en nombre de kilomètres, de mots, que par l’esprit et la réflexion. Jamais je n’aurais pensé atteindre une telle longévité, et surtout cette ouverture et cette compréhension du monde de la boulangerie-pâtisserie. En effet, le temps où j’exigeais la « perfection quotidienne » est bien loin, et c’est avant tout la profession dans sa vie et son mouvement perpétuel que je tente de dépeindre aujourd’hui, en y incluant humain et sensibilité.

On m’a parfois menacé, plus souvent critiqué, mais si je continue à écrire c’est parce que je pense qu’il y a encore beaucoup à défendre et à mettre en valeur : chaque jour, nos artisans perpétuent une culture et un savoir-faire exceptionnels, qui ont bien peu d’équivalents s’ils sont réalisés dans les règles de l’art. Ces fameuses règles, cette tradition du pain, nous nous devons de la préserver et de la magnifier. Cela se traduit par des engagements marqués tout au long de la filière : des champs au fournil, matières premières et méthodes de fabrication doivent être au diapason… Tout cela pour aboutir à un produit respectueux du consommateur, mais aussi de ceux qui le font : hors de question de sous-considérer les agriculteurs, les ouvriers boulangers, les acteurs de la meunerie artisanale… Le pain doit être bon pour tout le monde.

Bon, il ne l’a pas toujours été pour moi. Je dois dire que j’ai eu des expériences plutôt désagréables au fil de mes parcours, même si cela reste bien peu comparé au plaisir de découvrir le travail d’artisans talentueux. Au delà de ça, on m’a diagnostiqué cet été une « possible » intolérance au gluten – écartée depuis… Autant vous dire que cela n’aide pas à apprécier les produits à base de blé. En deux ans, j’aurais parfois écrit au bord de l’épuisement, de la crise de nerfs, … mais c’était mon « engagement », et je continue à le tenir. Ces derniers mois ont été particulièrement difficiles, la faute à une santé fragile et à un froid tenace. Cela m’a obligé à revoir mes projets : je ne passerai malheureusement pas mon CAP Boulanger en juin, comme je le souhaitais initialement. Pour autant, l’idée n’est pas abandonnée et j’espère bien pouvoir la concrétiser à moyen terme.

Malgré ces difficultés et ces revirements, il faut continuer à écrire l’histoire : bien sûr, en vous faisant partager mes découvertes boulangères et plus globalement painrisiennes, mais aussi en allant plus loin dans la mise en avant de nos boulangers talentueux. Ainsi, je souhaite développer une série de portraits d’artisans, où l’homme et sa démarche seront pleinement exposés. J’invite d’ailleurs dès à présent l’ensemble des boulangers lisant ce billet à prendre contact avec moi afin que nous organisions une rencontre.
Le développement du painrisien ne s’arrête pas là : l’outil mobile promis depuis quelques mois doit sortir de terre, ainsi que d’autres outils destinés plus directement aux professionnels du secteur : l’expertise développée au fil du temps doit à présent trouver un intérêt concret pour faire évoluer la boulangerie.

Bref, vous l’aurez compris, vous pouvez compter sur le painrisien pour évoluer et vous rapprocher toujours plus de la réalité de la boulangerie… Affaire à suivre !

La gastronomie est entrée, comme le reste de notre société depuis plus longtemps d’ailleurs, dans une véritable guerre des égos. Certes, cela fait la joie des agences de relations publiques et des magazines, puisqu’il faut que chaque chef ait son nom partout, absolument partout. Occuper le terrain, alors qu’ils feraient parfois mieux d’occuper leur laboratoires ou leurs cuisines… Pas facile en effet d’être sur tous les fronts, vous comprenez. Dès lors, il est nécessaire d’avoir « son lieu », « sa boutique », entraînant très logiquement une multiplication des adresses, souvent excessive puisque le succès n’atteint pas les portes de chacun de ces lieux.

La République Pâtissière, Paris 4è

D’autres développent un autre état d’esprit et parviennent tout de même à faire aboutir leurs projets. Il y aurait donc une justice ? La justice de la… République, peut-être. C’est en effet à deux pas de la fameuse place, plus précisément au 57 rue de Saintonge – juste à côté de la seconde boulangerie de Benjamin Turquier ! – qu’a ouvert ce matin la « République Pâtissière ».
Sous ce nom se cachent 4 créateurs passionnés, qui exerçaient précédemment leurs talents par le biais d’Internet ou d’un petit réseau de distributeurs. BnS Kitchen, Choo, Mademoiselle Proust et L’Angélique, voici leurs noms. Ils ne vous sont peut-être pas inconnus, mais peu importe au final : aujourd’hui, l’ouverture de cette boutique physique leur permet d’exprimer leurs identités respectives et de raconter leurs histoires.

Tiramisus, tartes, cheesecakes, macarons... La vitrine propose de nombreux choix.

Tiramisus, tartes, cheesecakes, macarons… La vitrine propose de nombreux choix.

Des histoires, ils en ont à nous faire partager, d’ailleurs : chez BnS Kitchen, les deux fondateurs (Benjamin et Steeve) sont issus de parcours en reconversion professionnelle, tout comme chez Choo, où les associées nous viennent tout droit du secteur de la publicité. Chez Mademoiselle Proust, la fondatrice – Marion de son prénom – a voulu faire partager les gâteaux (issus d’un carnet de cuisine tenu depuis l’enfance) qu’elle confectionnait pour ses deux garçons… En bref, des entrepreneurs qui ont voulu croire en leurs rêves. La difficulté pour chacun d’eux était sans doute d’atteindre la « masse critique » pour se permettre d’ouvrir un point de vente physique, d’où l’intérêt de la mutualisation.

Madeleines "Leonie" de Mademoiselle Proust

Madeleines « Leonie » de Mademoiselle Proust

Ainsi, dans cette petite boutique aux charmants meubles anciens, l’espace se partage entre macarons, cheesecakes, tiramisus, biscuits secs, madeleine, choux et gâteaux de voyage. L’éventail de produits ne devrait pas tarder à s’élargir et à investir pleinement l’espace. Dans chacun des cas, on peut apprécier le caractère profondément artisanal et sincère des réalisations. J’ai pu apprécier la qualité des fameux « Choo », dont un Oriental Blossom (graines de sésame et crème vanille-fleur d’oranger) très réussi, craquant et moelleux, ainsi qu’une tarte chocolat-whisky de chez BnS Kitchen. Certes, quelques ajustements restent sans doute à faire, comme sur le fond de tarte que j’ai trouvé un peu épais à mon goût… mais l’essentiel est là.

La République Pâtissière, Paris 4è

Les artisans ne manquent pas de plaisir à partager ce nouveau lieu, que ce soit en assurant le service ou même virtuellement sur leurs sites et réseaux sociaux respectifs. Il faut dire qu’être confronté directement à sa clientèle est une expérience pleine d’enseignements, avec la possibilité d’obtenir un retour direct sur son travail. En parallèle, ils continueront certainement à assurer leurs activités « historiques », avec bien sûr le supplément de visibilité et de crédibilité que cette boutique peut leur donner.

Les biscuits de Mademoiselle Proust

Les biscuits de Mademoiselle Proust

Souhaitons en tout cas une longue vie à cette belle initiative, gourmande et… démocratique, au delà de républicaine, puisque les tarifs pratiqués demeurent tout à fait raisonnables !

Infos pratiques 57 rue de Saintonge – 75004 Paris (métro République, lignes 3, 5, 8 et 11) / tél : 09 50 40 41 41
ouvert du mardi au samedi de 11h à 20h, le dimanche de 11h à 15h.
Facebook : http://www.facebook.com/RepubliquePatissiere

Faut-il y aller ? Pour croquer dans un des sablés de Mademoiselle Proust, un « Choo » – salé ou sucré ! – ou encore une tarte, un macaron ou un tiramisu de chez BnS Kitchen, bien sûr ! Ces douceurs n’étaient auparavant accessibles qu’en livraison ou dans quelques épiceries fines, pour les produits secs. A présent, elles ont trouvé un écrin à leur mesure : à la fois sympathique, honnête et gourmande, la République Pâtissière ne manquera certainement pas d’attirer les becs sucrés parisiens, et notamment les habitants du secteur que la curiosité invitait déjà nombreux en ce premier jour d’ouverture.

Les apparences sont parfois trompeuses. C’est là un fait avéré, et dans un sens c’est tout particulièrement heureux : cela nous oblige à aller plus loin, à prendre le temps de découvrir avec plus d’attention et de « délicatesse » les produits ou les gens qui font notre quotidien. Ainsi on goûte aux êtres autant qu’aux choses, avec le caractère parfois douloureux et compliqué que cela peut avoir. Il s’agit là d’un exercice nécessaire pour acquérir un regard juste et en phase avec ce que l’on a réellement en face de nous… Sinon, on se contente de voir passer le temps et les choses sans avoir de prise sur elles, sans les comprendre.

Pour le pain, cela s’applique tout particulièrement. Certains savent être de beaux menteurs – même si c’est heureusement plus rare – et d’autres ne laissent pas transparaître toute la délicatesse et la complexité qu’ils renferment. Le plaisir des yeux doit alors s’accompagner de celui du toucher – caresser une croûte, apprécier son craquant et la flexibilité d’une mie -, de l’odorat – certains pains développent des « nez » enivrants ! – et du goût, bien sûr.
Le patrimoine du pain français compte de nombreuses spécialités, aux formes et méthodes de fabrication bien spécifiques. On aurait tendance à les oublier au profit de la fameuse baguette de Tradition, devenue une référence autant qu’un standard. C’est un tort, et nous nous devons de redonner toute leur place à ces produits de terroir.

Paillasse de Lodève, Maison Delcourt, Paris 16è

Aujourd’hui, c’est la Paillasse de Lodève que je voulais vous faire découvrir. Si j’ai parlé d’apparence trompeuse, ce n’est certainement pas un hasard : en voyant ce pain assez « massif », on s’attend à quelque chose de plutôt dense et lourd. Or, c’est tout le contraire : la surprise commence dès qu’on le prend en mains, puisqu’il se révèle particulièrement léger. Son façonnage légèrement torsadé et sans recherche de style marqué répond à son histoire : la paillasse, dite encore paillasson ou paillassou était une corbeille à pain confectionnée avec de la paille de seigle liée avec des écorces de ronces. Elle servait à entreposer le pain, à le transporter et même à stocker les pétrissures successives. La façon de faire ce pain allongé dans une paillasse, alors que toutes les miches étaient rondes, arriva à Lodève, ville de foires et de marchés, pendant les guerres de religion. Ce pain fut rapidement placé sous la protection de saint Fulcran, patron de la cité, puis adopté par la corporation des tisserands, qui au cours de leur journée étaient assurés d’avoir du pain frais. (source Wikipédia)

Vue tranchée, Paillasse de Lodève, Maison Delcourt, Paris 16è

Grâce à cette fermentation en masse, suivie d’une simple découpe, le pain peut développer son caractère très alvéolé, que l’on retrouve bien chez Guillaume Delcourt. La mie de sa paillasse est en effet particulièrement souple, légère, fraiche, et relevée d’un petit fond de levain. Les gourmands ne peuvent qu’apprécier la croûte très craquante et bien cuite : en effet, ce pain connaît généralement une cuisson poussée, ce qui développe ses notes caramélisées. Dans la pièce présentée ici, c’est un petit peu juste, mais qu’importe. La conservation demeure toujours excellente, avec cette belle sensation de fraicheur qui demeure le lendemain de l’achat, chose difficilement concevable pour une baguette de Tradition classique.
La douceur des parfums développés par cette paillasse en fait un excellent pain de table, que l’on rompt simplement avec les doigts, sans cérémonie… ce qui correspond bien à l’idée de terroir, d’honnêteté. Pas de notes de crème (ce qui le rend parfait à tartiner avec un peu de beurre demi-sel au petit-déjeuner !), mais au contraire des notes de céréales vives et pures.

La Maison Delcourt, malgré sa localisation dans le 16è arrondissement, n’en profite pas pour autant pour gonfler artificiellement le prix de cette spécialité. Proposée pour 1,40€ la pièce de 250g, la Paillasse de Lodève est un plaisir quotidien que l’on ne manquera pas de renouveler…

Paillasse de Lodève, Maison Delcourt – Paris 16è, vendu à la pièce – 1,40€ les 250g.

Billets d'humeur

12
Avr

2013

« Je vais tester »…

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Des symptômes. Les mots et les phrases sont les symptômes des maux qui rongent notre époque. Consommation aseptisée et jetable, volonté d’aller toujours plus vite, loin, moins cher, … performance, performance, avant toute chose. Je vous parlais la semaine dernière de ceux qui ne respectent pas la qualité des produits ou leur personnel, mais il faut bien savoir que de l’autre côté de la barrière – du mien, du vôtre, celui des consommateurs, tout n’est pas si rose. Si l’on peut se permettre de nous faire manger n’importe quoi, c’est peut-être parce que l’on ne sait plus vraiment faire la différence entre le « bon » et le « mauvais ».

Au delà de ça, beaucoup de gens ne vont plus découvrir un lieu, un savoir-faire, une histoire, non, ils « vont tester ». C’est leur réponse lorsqu’on leur parle d’une adresse. Comme si l’objectif était d’éprouver les équipes oeuvrant en son sein, comme s’il fallait toujours réaliser un comparatif, une analyse du fond et de la forme. Alors oui, ils testent. Ils prennent des photographies qu’ils vont partager de façon abondante sur les divers réseaux sociaux à leur portée. Tout le monde saura de cette façon qu’ils y étaient, que le lieu avait eu l' »honneur » de passer par le crible de leur bon goût…

Certes, la phrase peut paraître tout à fait anodine en elle-même et sans doute peu de personnes l’utilisant en mesurent la portée et les implications. Bien sûr, cela m’amène à me poser des questions sur ma propre démarche de painrisien, et sur ma façon d’aborder le travail des artisans : ne fais-je pas tout simplement fausse route en visitant toutes ces boulangeries ? Au fil du temps, ma démarche a changé, ainsi que mon appréciation des choses. Je suis ainsi passé d’une recherche des « meilleurs pains » à une volonté de mettre en avant ce qui peut se faire de bien dans la profession, tout en portant une certaine notion d’exigence… cette dernière prenant en compte le caractère profondément humain et aléatoire que peut revêtir une production boulangère.

En définitive, je voudrais juste appeler chacun d’entre nous à plus de « responsabilité » dans notre façon de consommer. Considérer le travail d’un artisan comme une chose presque jetable, comme c’est le cas lorsque l’on « teste », n’est certainement pas lui rendre hommage et l’inciter à se dépasser chaque jour pour sa clientèle. Au final, personne n’en sort gagnant et un certain fossé se creuse entre les deux parties, avec des incompréhensions mutuelles et un dialogue qui pourrait bien finir par se rompre. Evitons donc de zapper, d’être volages et toujours avides de la nouveauté devant l’éternel. Je suis certain que nous pourrions bien « tester » cette façon de faire, non ?

Les positions de force ne sont pas éternelles. Ainsi, les grands noms de la boulangerie parisienne ne sont jamais à l’abri de « revers de fortune », d’échecs ou d’adaptations forcées à la conjoncture. Ils se multiplient souvent à l’excès, portés par leur envie d’en faire toujours plus… et de gagner plus, bien sûr. Je parlais récemment de surfeurs, nous sommes plutôt ici dans le domaine de la navigation et du nautisme. Face aux conditions météo, il est parfois bon de réduire la voilure.

Réduire la voilure ? Une bien jolie expression pour indiquer que l’on se sépare de certains éléments, humains, mobiliers ou immobiliers. Dans un climat morose, les points de vente les moins en vogue ont tendance à être débarqués de façon plus ou moins discrète.
Je ne sais pas si c’est l’esprit dans le cas présent, mais la Fournée d’Augustine (et de Pierre Thilloux, son fondateur et dirigeant) a récemment cédé sa boulangerie du 11è arrondissement, sise au 28 boulevard Voltaire. Le changement est d’ailleurs difficilement perceptible, puisque la boutique arbore toujours les teintes bleutées de l’enseigne. Seul le auvent et l’affiche « changement de propriétaire » nous informent sur la passation de témoin opérée ici.

Boulangerie Gaïa, Paris 11è

Nous sommes ainsi passés d’Augustine à… Gaïa, ou de la grand-mère bretonne « bien de chez nous » à une fameuse déesse. Le résultat en est-il pour autant divin ?
Laissons un peu de temps à l’artisan pour affirmer ses choix et aspirations, même si l’on peut dores et déjà apprécier quelques uns des mouvements notables engagés dans le fournil du lieu. A commencer par le meunier, qui n’est plus le même : à présent, la farine ne vient plus de l’Essonne et des moulins Fouché, mais de Seine-et-Marne, plus précisément de Verdelot, puisque ce sont les Moulins Bourgeois qui ont été sélectionnés par l’artisan.

Le pain

Le pain

Forcément, cela a un impact sur la gamme de pains. La « Gaïa », baguette signature de l’endroit, nous offre sa mie bise et ses notes miellées, accompagnées d’un fond de noisette. Cette dernière ne manque pas d’allure avec ses extrémités pointues et son grignage appliqué. Pour le reste, la tourte vendue au poids est honorable, comme le moelleux viennois aux noix. On appréciera également le gros pain aux fruits secs (raisins et pistaches) à la découpe, très gourmand.

Les viennoiseries

Les viennoiseries

Pour le reste, rien de bien exceptionnel. Les viennoiseries ne justifient pas l’arrêt, tout comme les quelques pâtisseries et gâteaux basques présentés en vitrine. Pas mieux du côté des kouglofs, plutôt approximatifs.
Le service, quant à lui, sait se montrer efficace et agréable, ce qui limite l’attente. Les produits et méthodes de vente sont bien maîtrisés, rien à signaler.

Les pâtisseries

Les pâtisseries

Infos pratiques

28 boulevard Voltaire – 75011 Paris (métro ) / tél : 0143381275
fermé le dimanche.

Avis résumé

Pain ? La baguette Gaïa se défend bien et possède son petit caractère : une mie bise, une croûte fine et de doux parfums de noisette et de miel, accompagnés par une bonne conservation et un façonnage élégant, voilà qui en fait un pain agréable pour 1,10€ les 250g. La tourte, vendue au poids, se révèle tout aussi honorable et accessible (4,50€/kg). On appréciera également sa déclinaison aux fruits secs (raisins et pistaches). Les amateurs retrouveront également le Baltik, un pain à la mie sombre et aux céréales, développé par les Moulins Bourgeois. Enfin, l’amertume des noix se trouve adoucie dans un moelleux viennois, avec ses douces notes lactées. Globalement, les cuissons sont abouties et les façonnages appliqués.
Accueil ? Professionnel, souriant et efficace, rien à redire de ce côté là. La clientèle est servie rapidement dans cette boutique qui n’a pas beaucoup évolué par rapport à ce qu’elle était avec son ancien propriétaire. Cela manque tout de même d’une certaine « âme ».
Le reste ? Rien de bien intéressant. Pâtisseries et viennoiseries font plutôt triste mine, tout comme les kouglofs qui représentent pourtant un effort méritoire de diversification de la gamme. Pas mieux côté traiteur, mieux vaut donc se concentrer sur les fondamentaux… le pain, ce qui n’est pas une mauvaise chose dans une boulangerie.

Faut-il y aller ? La boulangerie Gaïa peine encore à assumer son statut de déesse. La reprise étant récente, donnons le temps à cet artisan de prendre ses marques, même si sa baguette « Gaïa » est dès à présent plutôt réussie. Ce changement de propriétaire marque un certain virage dans le développement de la Fournée d’Augustine : Pierre Thilloux chercherait-il à réduire la voilure pour faire face à une conjoncture difficile ? Affaire à suivre.

Nos artisans boulangers ne sont pas seulement des as du pétrin, des artistes du façonnage, … non, ils doivent aussi être des surfeurs de haut niveau, vous savez, ces maîtres de l’équilibre. Quand ils réalisent leurs produits, ils doivent parvenir à un résultat savoureux, ni trop salé, ni trop humide, en bref tenir sur leur planche et voguer vers le plaisir gustatif. Autant vous dire que certains font plutôt de la brasse coulée, ce qui ne profite à personne. On devrait peut-être ajouter une épreuve sportive à l’examen du CAP Boulanger, pour tester le sens de l’équilibre de nos aspirants artisans…

Je dois bien l’avouer, je ne suis pas un grand adepte des pains aux noix. Je trouve qu’ils dégagent une trop forte amertume au fil de la dégustation, et finissent donc par masquer le repas qu’ils devraient accompagner. On les conseille souvent pour accompagner des fromages, mais j’avoue que je n’adhère pas vraiment à cette idée car il est alors difficile de profiter pleinement du parfum du dit produit. Cependant, tout n’est pas perdu, puisqu’il reste possible d’incorporer à la pâte d’autres ingrédients pour « compenser » cette puissance aromatique.

Pain noix-raisins, Au Vide Gousset - La Boulangerie (Paris 2è)

Justement, les raisins s’entendent bien avec. Dans sa boulangerie de la rue des Petits-Pères, Lionel Favario associe ainsi raisins blonds, bruns et noix dans sa fameuse pâte du Pain des Petits-Pères, réalisée à partir d’un levain très doux et de trois farines. La longue fermentation qui lui est appliqué n’exclut pas les fruits secs, et cette « dégradation » collective a pour effet de colorer la mie dans cette teinte grise. L’intérêt est également aromatique, puisque le pain s’imprègne alors du parfum de ce mélange.

Bien sûr, il existe sans doute des dizaines de déclinaisons plus ou moins réussies autour de cette association. Dans le cas présent, la qualité du produit tient à plusieurs facteurs. Tout d’abord, on ne peut qu’apprécier la cuisson poussée, qui confère à la croûte des notes torréfiées. Ces dernières contrastent nettement avec la mie très hydratée qu’elle renferme, laquelle dégage des parfums de miel et de sucre à ses premières heures de vie.
Justement, ce pain a vraiment une « vie » et évolue de façon intéressante au fil des jours, ce qui rendrait bien dommage une dégustation trop rapide. Le format plutôt généreux (ce sont en effet des pièces de près de 800g qui sont façonnées) permet bien ce vieillissement.

Mie du Pain noix-raisins, Au Vide Gousset - La Boulangerie (Paris 2è)

Ainsi, le caractère très gourmand et addictif lié à la forte humidité laisse peu à peu place à des arômes plus vifs. Certes, les raisins continuent à distiller leur moelleux et leur sucre, mais la noix se fait plus présente. La mie devient alors plus ferme, c’est une autre expérience de dégustation qui nous est offerte. Le jeu craquant, croquant, fondant demeure quant à lui.
On appréciera dans tous les cas la générosité en fruits secs et la qualité de ces derniers, ce qui est loin d’être une généralité. Le panachage entre raisins blonds et bruns est, par ailleurs, plutôt bien vu et le gourmand peut s’amuser à tenter la distinction entre les deux, la première variété se révélant plus douce et sucrée que la seconde.

Terminons sur des considérations esthétiques, car même si le façonnage de ce pain demeure très « rustique », je trouve qu’il ne manque pas d’allure et suscite forcément l’envie, que ce soit de par sa croûte foncée ou par sa mie riche en couleurs…

Pain Noix-Raisins, Au Vide Gousset – La Boulangerie – Paris 2è, vendu au poids.

On me parle souvent de la rigueur des japonais, de leur capacité à réaliser chaque jour des produits d’exception, que ce soit en pain, pâtisserie ou viennoiserie. Ils respectent profondément notre savoir-faire et ne pourraient concevoir de prendre le risque de l’écorner, bien au contraire : il en ressort souvent magnifié. Je n’ai pas encore eu l’occasion de le constater sur place, un jour peut-être. Toujours est-il que les nippons sont nombreux à faire le chemin jusqu’à chez nous, à l’inverse. Certains repartent… d’autres restent ou reviennent.

C’est le cas de Morihide Yoshida. Diplômé de l’école japonaise Nippon Kashi Senmon Gakko, il a ensuite perfectionné son savoir au sein de la prestigieuse Ecole Nationale Supérieure de la Pâtisserie à Yssingeaux avant de retourner dans son pays. Là-bas, c’est au Park Hyatt de Tokyo qu’il a exercé, avant de fonder sa propre boutique « Patisserie Naturelle Nature & Co » en 2005. Ses créations ont été reconnues dans des concours tels que le prix André Lecomte, mais aussi à la télévision japonaise dans l’émission « TV Champion 2 Pastry Chef » en 2006 et 2007. En France, il a également oeuvré au sein du laboratoire de la Pâtisserie des Rêves.

La devanture est très sobre et offre une vision directe sur les produits.

La devanture est très sobre et offre une vision directe sur les produits.

Un clin d’oeil amusant, d’ailleurs, puisque Thierry Teyssier aura fait partie de ses premiers visiteurs. En effet, ce talentueux pâtissier a ouvert sa propre boutique hier, sur l’avenue de Breteuil… soit à quelques mètres des bureaux du fameux entrepreneur.
La devanture sobre et moderne, aux lignes très japonaises de par leur caractère épuré, ne laissent pas paraître l’historique du lieu. Pourtant, l’endroit était occupé il y a encore quelques mois par une boulangerie peu à la gloire de son propriétaire. Sombre, mal agencée et à l’aspect « pas très net », la boutique proposait des produits de qualité discutable. Lors de la reprise du fonds, Morihide Yoshida et son équipe ont découvert un laboratoire dans un bien triste état… le plus inquiétant dans tout cela demeurant sans doute que l’artisan installé ici possède toujours deux autres affaires dans le quartier : Patrick Lallement est en effet présent rue Lecourbe et avenue Duquesne. Autant vous dire que cela n’incite pas à recommander ces adresses.

Morihide Yoshida de dos dans sa boutique, avec au premier plan les viennoiseries présentées sur la rue.

Morihide Yoshida de dos dans sa boutique, avec au premier plan les viennoiseries présentées sur la rue.

Les péripéties auront été nombreuses avant d’aboutir à cette ouverture : du plomb dans la peinture des murs, l’importance des travaux à accomplir (l’ensemble de la boutique et du laboratoire ont été remaniés)… Au lieu de décembre 2012, ce fut donc avril 2013. Les gourmands ne regretteront sans doute pas l’attente, dans tous les cas.
Ici, pas de saveurs japonaises mais des classiques tout ce qu’il y a de plus français, remis au goût du jour et réalisés avec toute cette fameuse finesse japonaise.

Brioches, viennoiseries ou curiosités comme le très moelleux Bananier, rien ne manque !

Brioches, viennoiseries ou curiosités comme le très moelleux Bananier, rien ne manque !

La vitrine sur la rue nous attire avec ses gourmandes viennoiseries et brioches. Croissants, pains au chocolat bien sûr, mais aussi un petit détour en Bretagne avec le Kouign-Amann ou le Far Breton ainsi que par la région de Bordeaux avec un Canelé bien caramélisé. Les financiers et gâteaux de voyage (cakes au chocolat, au citron ou aux fruits confits et caramel) sont au diapason.
Pour autant, il ne faudrait pas oublier de se retourner pour se concentrer sur les pâtisseries proposées ici.

De grands classiques pâtissiers réalisés avec finesse.

De grands classiques pâtissiers réalisés avec finesse.

Chez Morihide Yoshida, les grands classiques pâtissiers sont sublimés. Saint-Honoré « Duo » Pistache-Framboise, Montélimar, Chiboust passion, Polonaise, Millefeuille Noisette, Mont-Blanc, tarte au citron (et son fond de citron caviar !), éclairs chocolat ou café, Concorde framboise, Baba aux agrumes, … Le tout bénéficie d’une excellente qualité de finition et d’une belle maîtrise technique. On appréciera la mention des allergènes présents dans chacun des gâteaux directement sur les étiquettes, même si celles-ci ne sont pas exemptes de fautes de français. Un petit défaut de jeunesse qui ne manque pas de charme, en définitive.

Les bonbons de chocolat

Les bonbons de chocolat

Les bonbons de chocolat maison, déclinés juste à côté, ne manquent pas de nous séduire également, avec des enrobages fins et des saveurs délicates. Miel de châtaignier, menthe fraiche-citron vert, pralinés variés et agrumes enrobés de chocolat, la gamme est variée.

Quelques pâtisseries et leurs étiquettes, très détaillées. Un bel effort que l'on aimerait retrouver plus souvent.

Quelques pâtisseries et leurs étiquettes, très détaillées. Un bel effort que l’on aimerait retrouver plus souvent.

Tout cela ne serait rien sans cet accueil très japonisant, à la fois calme, précis et impliqué, montrant toujours une sincère empathie et une volonté de satisfaire au mieux la clientèle. Ah, ce que l’on aimerait échanger notre désinvolture si française contre cet univers délicat, parfois… mais il sait aussi venir à nous, alors ne nous plaignons pas.

Comment résister à ce Saint-Honoré à la chantilly pistache douce et onctueuse, aux choux recouverts d'un caramel craquant et garnis d'une légère crème à la framboise, le tout abritant un coeur de confit de framboise ? Ajoutez à cela une base de pâte feuilletée bien fraiche et fondante ainsi que quelques pistaches cristallisées, vous obtenez une pâtisserie de grande qualité pour 5,8€.

Comment résister à ce Saint-Honoré à la chantilly pistache douce et onctueuse, aux choux recouverts d’un caramel craquant et garnis d’une légère crème à la framboise, le tout abritant un coeur de confit de framboise ? Ajoutez à cela une base de pâte feuilletée bien fraiche et fondante ainsi que quelques pistaches cristallisées, vous obtenez une pâtisserie de grande qualité pour 5,8€.

Infos pratiques

65 avenue de Breteuil – 75007 Paris (métro Ségur, ligne 10 – Sèvres-Lecourbe, ligne 6 ou Duroc – ligne 13)

Faut-il y aller ? Sans plus attendre, oui ! Les tarifs demeurent raisonnables, l’accueil est charmant, et les produits sont un bel hommage à nos pâtisseries et viennoiseries françaises. Morihide Yoshida y apporte délicatesse, taux de sucre réduit et qualité de finition (si peu de temps après l’ouverture, la performance est à signaler !), tout cela dans un écrin d’une belle sobriété. Une adresse qui ne manquera pas de faire parler d’elle, j’en suis certain.

Ce n’est pas beau de mentir. Cette phrase, vous l’avez sûrement entendue de nombreuses fois pendant votre enfance. Les adultes savent en effet bien nous rappeler le caractère peu vertueux du mensonge, alors qu’ils bâtissent chaque jour un monde où ce dernier en serait presque érigé en religion. Certains mentent sur la nature réelle de leur viande, d’autres sur les comptes bancaires qu’ils possèdent à l’étranger… En définitive, le résultat est le même : il y a une tromperie manifeste, et les individus qui entourent ceux qui la génèrent en paient le prix.

Même chose en boulangerie-pâtisserie artisanale. Seulement, le mensonge peut prendre plusieurs formes, qui se révèleront plus ou moins insidieuses. L’un des plus étalés sur la place publique demeure d’utilisation de produits issus de l’industrie, simplement décongelés ou cuits sur le point de vente. On en a beaucoup parlé ces dernières semaines, avec notamment un reportage diffusé sur France 5 à ce sujet.

Coup de Pâtes et ses confrères sait bien reproduire les codes de la boulangerie artisanale pour vendre...

Coup de Pâtes et ses confrères sait bien reproduire les codes de la boulangerie artisanale pour vendre…

Petit à petit le savoir-faire se perd dans les méandres du business et des économies hasardeuses. Hasardeuses, elles le sont : à long terme, les consommateurs désorientés et ayant un net sentiment – compréhensible – de trahison finiront par se tourner définitivement vers des lieux où la couleur est directement affichée, où les prix sont moins élevés même si le goût n’y est certainement pas. Peut-on leur en vouloir ? Certainement pas – et les artisans scient petit à petit la branche sur laquelle ils sont assis. Parmi les fournisseurs de scie et autres objets tranchants, Coup de Pâtes, Fedipat, Panavi et autres… sans compter sur certains groupes de meunerie, comme Nutrixo/Grands Moulins de Paris et leurs fameuses « Recettes de mon Moulin ».

Tout le monde ne peut pas se vanter d'utiliser une farine Label Rouge, loin de là...

Tout le monde ne peut pas se vanter d’utiliser une farine Label Rouge, loin de là…

Pour ceux qui continuent à réaliser les produits par eux-mêmes, les mensonges ne sont pas pour autant écartés. A commencer sur le plan de la qualité des matières premières : tout le monde n’utilise pas des beurres de première qualité, ne confectionne pas des sandwiches avec un jambon, des fromages ou des crudités savoureux, ou pire encore ne pétrit pas des farines réalisées dans les règles de l’art, sans incorporation d’additifs. Quelle est notre information là dessus ? Quasi inexistante, en réalité, mis à part lorsque justement le boulanger s’est employé à mettre en oeuvre de « bonnes pratiques », qui passent notamment par des labels (Bio, Label Rouge ou encore CRC). Nous sommes bien loin de voir cette façon de faire se généraliser : beaucoup de meuniers poussent encore à l’utilisation de leurs mélanges, et produisent des farines dépourvues de tout intérêt nutritif ou gustatif. La filière demeure très ambivalente, partagée entre processus toujours plus exigeants et course aux économies.

Tous les fournils sont loin d'être aussi propres et bien aménagés que celui-ci !

Tous les fournils sont loin d’être aussi propres et bien aménagés que celui-ci !

Bon. On pourrait s’arrêter là, se limiter à cette vision très technique et froide des choses. Dans l’absolu, le mensonge n’aurait de conséquence que sur un produit, et en la matière, nous détenons encore le pouvoir de l’acheter ou pas, selon s’il correspond à notre goût. A mon sens, le pire des problèmes se situe sur le plan humain. Oui, vous savez, toutes les petites mains qui oeuvrent en coulisses chaque jour, pour que vous puissiez profiter de vos gourmandises. Force est de constater que leurs conditions de travail sont loin d’être aussi optimales qu’elles devraient l’être : laboratoires étroits, souvent dépourvus de toute lumière naturelle, et parfois même à la limite de la salubrité.

Après tout, l’envers du décor importe bien peu pour de nombreux artisans : devrait-on, dès lors, se gêner pour employer et sous-considérer du personnel d’origine étrangère (Sri Lankais, Indiens, …) dont la situation n’est pas toujours régulière ? Devrait-on avoir du respect pour tous ces apprentis japonais qui débarquent en France des étoiles dans les yeux, avides de découvrir notre savoir-faire et notre gastronomie ? Bien sûr, le constat est similaire quand il s’agit d’apprentis français, même s’il est à nos yeux moins « marquant ».
Ne nous étonnons pas trop si on les voit ressortir de leurs lieux de travail épuisés, pouvant à peine marcher. Ils réalisent un service tellement important : celui de notre gourmandise. Seulement, cette dernière finit par avoir un goût amer lorsque l’on sait tout cela, et plus particulièrement quand on sait quelles maisons ont ce genre de pratiques.

Nos chefs – d’entreprise, pâtissiers, de restauration… – ont fini par avoir des égos tellement développés qu’ils considèrent pouvoir demander toujours plus à leurs équipes. Ne parlons même pas du cas des femmes, car la misogynie demeure omniprésente dans les métiers de bouche et plus particulièrement de la boulangerie-pâtisserie.
A force de côtoyer le « milieu », j’ai fini par situer où étaient ces zones d’ombre, cerner les contours de cette réalité peu glorieuse. Seulement, devrais-je pour autant revêtir les habits d’un chevalier sauveur des opprimés ? Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire et à entendre ? Je n’en suis pas certain. Dès lors, je me tais. J’observe et je me tais. La vérité devient alors amère et solitaire, bien loin du caractère vertueux qu’elle devrait revêtir. Finalement, je reprends mes cours de philosophie de lycée, et je relis cette phrase « il n’y a pas une vérité mais des vérités ». Tout dépend certainement de la façon dont on regarde les choses, en définitive…