Dans chaque profession, l’évocation de certains noms ou entreprises fait inévitablement frissonner vos interlocuteurs, d’autant plus quand ils sont en situation de concurrence avec ces dernières… sans disposer forcément de toutes les armes pour mener un combat équitable. Même s’il n’est jamais désagréable de se rafraichir un peu quand les températures sont élevées, il ne faut pas abuser du phénomène mais plutôt chercher à le comprendre : pourquoi une telle peur, pourquoi des entreprises très différentes par leurs formes et leurs objectifs se retrouvent sur le même terrain, à la conquête de la même clientèle …?

A Brie-Comte-Robert (77), la boulangerie Marie Blachère est intégrée au magasin Grand Frais. Un concept "tout sous le même toit" (primeurs, boucherie, crémerie...) assez redoutable, car on y retrouve un état d'esprit "marché" plus attirant que celui des grandes surfaces, tout en étant pratique pour le consommateur. Cela explique sans doute le succès rencontré par l'enseigne, qui a multiplié ses implantations au cours des dernières années (132 magasins en France !)

A Brie-Comte-Robert (77), la boulangerie Marie Blachère est intégrée au magasin Grand Frais. Un concept « tout sous le même toit » (primeurs, boucherie, crémerie…) assez redoutable, car on y retrouve un état d’esprit « marché » plus attirant que celui des grandes surfaces, tout en étant pratique pour le consommateur. Cela explique sans doute le succès rencontré par l’enseigne, qui a multiplié ses implantations au cours des dernières années (132 magasins en France !)

Marie, en voilà un joli prénom. Seulement voilà, si je l’accompagne du patronyme de Blachère, j’en connais beaucoup qui le trouveront nettement moins charmant. En effet, les boulangeries Marie Blachère poussent… comme des petits pains dans les zones commerciales. Indépendantes ou adossées au concept Grand Frais, elles développent une politique commerciale agressive, avec des prix bas et de nombreuses offres incitant le consommateur à multiplier ses achats. 3 baguettes achetées, 1 offerte, même pratique pour les pizzas ou viennoiseries, la mécanique est bien huilée et fonctionne d’autant plus avec la forte tendance à recourir à la surgélation du pain au sein des ménages. Dès lors, inutile de se soucier d’une éventuelle perte liée à l’achat d’un tel volume de pain.

Peu de doutes sur l'origine des viennoiseries, mais un laboratoire tout à fait transparent, où les opérations sont réalisées à la vue du client.

Peu de doutes sur l’origine des viennoiseries, mais un laboratoire tout à fait transparent, où les opérations sont réalisées à la vue du client.

Plutôt que d’aborder l’affaire sous l’angle d’une attaque directe à l’artisanat, essayons de s’y intéresser de façon objective. Avant tout, on peut reconnaître que Bernard Blachère, développeur du concept, a bien intégré les éléments menant au succès d’une affaire de boulangerie : du pain frais, fabriqué sous les yeux des clients, avec des tarifs attractifs, le tout implanté au coeur des zones d’achat.
En effet, lorsque l’on pénètre dans la boutique, c’est un peu comme si l’on entrait dans un grand laboratoire : le fournil et la cuisson des viennoiseries sont entièrement ouverts sur l’espace de vente, ce qui attire et rassure le consommateur. Cette dimension de « spectacle » est renforcée par un service quasi-survolté, pris entre la vente et la mise en rayon des produits tout juste cuits. Une nouvelle fournée de viennoiseries ? L’occasion de relancer les ventes en vantant leur caractère chaud et – forcément – délicieux.

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Bien sûr, pour le délicieux, on repassera : il ne fait aucun doute que la plupart des produits, en dehors du pain, sont d’origine industrielle. Je ne suis pas certain de trouver cela choquant pour autant : la pratique n’est pas franchement cachée, et la clientèle vient avant tout pour le prix… pas pour le goût. Pour 0,80€ la pièce, bien peu d’artisans peuvent s’aligner, mais le pire est sans doute de se dire que la plupart de ces derniers proposent les mêmes produits à des tarifs supérieurs. Pâtisseries, tartelettes, brownies (pour ces derniers, les fervents défenseurs de l’enseigne nous soutiennent qu’ils sont fabriqués sur place. Accordons-leur les brownies, alors.)… le constat est similaire.

Dans le fournil, les boulangers s'activent pour enfourner et défourner quasiment en continu. A la vente, les baguettes sont proposées en 3 cuissons différentes. Un objectif : être consensuel au maximum.

Dans le fournil, les boulangers s’activent pour enfourner et défourner quasiment en continu. A la vente, les baguettes sont proposées en 3 cuissons différentes. Un objectif : être consensuel au maximum.

S’il y a bien une chose à laquelle nous devons nous intéresser, c’est le pain. Nous ne sommes pas dans un point chaud, et des boulangers oeuvrent dans le fournil tout au long de la journée pour répondre à la demande. La star, c’est la fameuse Baguette de Marie, vendue 0,95€ la pièce de 250g, soit à peine plus cher que la baguette de pain courant chez nombre d’artisans boulangers. Si l’on en achète 3, avec une 4ième gratuite, l’unité passe alors à moins de 70 centimes. C’est dans ce cas que l’opération peut devenir intéressante, même si le produit parvient à se défendre, contre toute attente.

Ne demandons pas des miracles de façonnage, même si le résultat est loin d'être hideux. En choisissant une baguette bien cuite, cela n'a rien de catastrophique, d'autant que le produit se conserve assez bien, sans trop sécher ni perdre de sa consistance.

Ne demandons pas des miracles de façonnage, même si le résultat est loin d’être hideux. En choisissant une baguette bien cuite, cela n’a rien de catastrophique, d’autant que le produit se conserve assez bien, sans trop sécher ni perdre de sa consistance.

Certes, cette baguette ne manque pas de défauts : sa sole est bien loin d’être propre et laisse apparaître quelques déchets issus des fournées précédentes, elle se révèle assez salée (excellent exhausteur de goût, forcément) et sa mie manque relativement d’alvéolage pour un résultat assez cotonneux. Pour autant, si on la demande bien cuite, elle se laisse manger, même si sa présence en bouche est limitée. La croûte est très croustillante et sa caramélisation apporte du parfum. Là encore, le concept est bien pensé : le client choisit sa cuisson. Blanche, intermédiaire ou bien cuite, tout est fait pour correspondre aux goûts des consommateurs.

Non, la photo n'est pas la seule raison de cette teinte : la mie est bien blanche. Farine de qualité moyenne, pétrissage intensif, il faut bien produire tout en limitant les coûts.

Non, la photo n’est pas la seule raison de cette teinte : la mie est bien blanche. Farine de qualité moyenne ou pétrissage intensif, il faut bien produire tout en limitant les coûts.

Même chose pour les pains spéciaux, avec des céréales, des fruits secs variés, du complet ou des pains dits « orientaux ». Pour 1,95€ la pièce de 300g, l’argument prix prend du plomb dans l’aile, et au vu de la qualité plus qu’aléatoire des produits, mieux vaut passer son tour. Ce n’est pas beaucoup mieux du côté des pizzas, très approximatives.

Les pains spéciaux ne sont pas des chefs d'oeuvre de boulangerie...

Les pains spéciaux ne sont pas des chefs d’oeuvre de boulangerie…

Pourtant, les lieux ne désemplissent pas, et chaque nouvelle ouverture s’accompagne d’un succès, mettant parfois en difficulté les artisans aux alentours. Cela illustre bien la force de la gratuité et de l’emplacement. De plus, au vu des volumes induits par cette pratique, les visites potentielles du consommateur dans une boulangerie sont réduites de façon intrinsèque : qui irait acheter du pain alors que le congélateur en est rempli, du fait de l’achat simultané de 4 baguettes… voire plus.

Vous l’aurez compris, je ne ferais sans doute pas d’une succursale de chez Marie Blachère ma boulangerie de quartier. Néanmoins, je m’incline devant la performance entrepreneuriale et en appelle à la réflexion des boulangers en situation de concurrence frontale avec ce type d’enseigne : pour subsister, il est nécessaire d’être « malin » et de développer une gamme qui offre une véritable différence et une valeur ajoutée : entièrement réalisée maison, bien sûr, elle peut tout à fait se battre sur le terrain des prix au travers de produits simples (tartes, en-cas variés…) qui sont de véritables vecteurs de marge. Il faut également porter une attention particulière à la qualité du service et à la régularité, pour fidéliser la clientèle. Sinon, ne nous étonnons pas de voir les clients aller plus près de Marie…

Ici, le concept Marie Blachère est bien résumé : des prix bas avec des "offerts" et un pain fabriqué sur place, ce qui différencie l'enseigne des terminaux de cuisson et rassure le consommateur.

Ici, le concept Marie Blachère est bien résumé : des prix bas avec des « offerts » et un pain fabriqué sur place, ce qui différencie l’enseigne des terminaux de cuisson et rassure le consommateur.

Il me semble que l’on a beaucoup parlé de mariage, ces derniers temps. En effet, il était question de l’autoriser pour tous, quelque soit ses aspirations. Le sujet a déchainé les foules, avec de nombreuses manifestations, prises de parole, attaques et contre-attaques… L’affrontement en aura même fini par être violent, renforçant encore un peu plus les clivages existant dans notre pays. Côté boulangerie, les querelles de clocher existent tout autant et la profession sait très bien se diviser, avec une base encore très traditionaliste et rétrograde. Je n’aurais même pas été surpris de les retrouver dans les fameux cortèges se voulant « pour tous », mais passons…

Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Dans le 14è arrondissement, c’est un boulanger-pâtissier qui propose de nous remettre tous d’accord, de créer une union universelle… L’Alliance, puisque c’est le nom de cette entreprise, est tenue par Antoine Pabois et son épouse. Cela explique peut-être le nom choisi, auquel cas on peut dire que l’attention est charmante. Installés ici depuis début 2012, ils succèdent à Rudy Regnery, lequel semble avoir choisi de se concentrer sur son affaire dédiée au pain biologique située non loin de là, rue d’Alésia.

Pâtisseries, Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Le voisinage est d’ailleurs riche en boulangeries, et notamment celle de Dominique Saibron… c’est sans doute ce qui m’a tenu éloigné de la rue Alphonse Daudet jusqu’à présent. A tort, puisque j’y ai découvert une affaire fort bien tenue, tout particulièrement du côté des gourmandises. En effet, cet ancien compagnon semble prendre un grand plaisir à travailler le sucré, au travers d’une belle offre déclinée aussi bien en frais qu’en sec : pâtisseries soignées, classiques (religieuses, millefeuilles, tartes aux fruits…) ou plus créatives avec des entremets aux associations de saveurs réussies, verrines, mais aussi sablés, cakes, chocolats, … La viennoiserie est à l’avenant, avec des croissants, pains au chocolat mais aussi oranais ou kugelhopfs et brioches vendéennes de bonne facture.

Viennoiseries, Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Le pain est un peu moins brillant, fait regrettable pour une boulangerie. La baguette de Tradition, même si son parfum de froment est bien présent, se révèle trop crémeuse et, de fait, pâteuse. Malgré un façonnage appliqué, sa croûte manque de consistance et la mâche manque de fraicheur. Des cuissons plus poussées contribueraient à rendre le produit plus agréable à la dégustation. Le reste de la gamme reste dans le secteur classique, avec une tourte de Seigle Biologique sans grand intérêt, tout comme le pain de campagne à la mie très dense. Bref, on passera volontiers notre tour sur ces produits pour se concentrer sur le reste, visiblement mieux maîtrisé par l’artisan. A noter au passage la gamme de quiches, pizzas et autres fougasses tout à fait honnêtes.

Pains, Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Le charme simple de cette boutique « de quartier » est accompagné à merveille par un service chaleureux et sans prétention, attaché à échanger avec une clientèle de quartier habituée des lieux. Le contraste avec la boulangerie de Dominique Saibron à quelques pas est frappant : deux ambiances, deux façons de voir le métier, mais il en faut pour tout le monde et ces univers peuvent très bien cohabiter… preuve en est du cas présent.

Infos pratiques

17 rue Alphonse Daudet – 75014 Paris (métro Alésia, ligne 4) / tél : 01 53 90 42 19
ouvert du mercredi au dimanche de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Je n’avais pas titré ce billet par hasard, car malheureusement, on ne nous passera pas la baguette (de Tradition) de cet artisan au doigt. Cette dernière (1,15€ les 250g), même si relativement savoureuse avec des notes de froment bien présentes, manque cruellement de « fraicheur » à la dégustation, avec un caractère pâteux plutôt rédhibitoire. Sa croûte ne parvient pas à rattraper le tout, cette dernière ne présentant pas de consistance particulière, un fait lié en partie à des cuissons trop peu marquées. Seules les grosses pièces se révèlent d’ailleurs plus cuites, à l’image du pain de campagne proposé à la coupe, dont la mie demeure trop dense cependant. Malgré des façonnages appliqués, le pain ne semble donc pas être un des points forts de cet artisan.
Accueil ? Parfaitement en phase avec le décor, à la fois simple et sympathique, ouvert à une clientèle de quartier attachée à son commerce de proximité. Ici, on reconnaît les habitués, une ambiance bien différente de celle que l’on peut trouver à deux pas d’ici, sur la place d’Alésia. Un peu de douceur et d’attentions sont parfois bienvenus, surtout dans une ville telle que Paris.
Le reste ? Antoine Pabois semble développer le plus de compétences dans le milieu du sucré, avec des gammes variées et soignées : pâtisseries (4,20€ en moyenne la pièce individuelle) classiques ou créatives, sablés, chocolats, viennoiseries, financiers, cakes… Les gourmands seront séduits par ce choix large autant qu’accessible. La gamme traiteur s’inscrit dans une ligne similaire, avec des quiches, pizzas et fougasses tout à fait honnêtes.

Faut-il y aller ? Un peu en retrait de la place d’Alésia et de son activité bourdonnante, le couple Pabois nous propose ici une boutique simple et sympathique, comme on aime en trouver en bas de chez soi. On regrettera toutefois que le pain soit un peu en retrait, les farines des Moulins de Chars n’étant pas particulièrement mises en valeur ici. Des cuissons mieux menées et une meilleure maîtrise des hydratations contribueraient sans doute à rendre le résultat plus convaincant, car malgré tout les saveurs ne sont pas si absentes. Cela ne doit pas pour autant nous empêcher d’apprécier les douceurs sucrées élaborées par cet artisan, tout à fait soignées et justement savoureuses.

Dans chaque métier, les différents acteurs font un choix de positionnement qui a de nombreuses implications sur le fonctionnement quotidien de leur entreprise. Tandis que certains se spécialiseront dans la réduction des coûts, pour aboutir à un produit le moins cher possible, d’autres préféreront développer des gammes plus qualitatives et donc moins orientées sur le facteur prix. Après tout, il faut bien qu’il y en ait pour tous les goûts et pour toutes les bourses afin de ne pas limiter certains biens ou services à une élite privilégiée, qui en détiendrait l’exclusivité « de fait ».

Le temps n'était pas particulièrement radieux pour visiter cette ancienne sucrerie... J'aurais donc vu Decollogne sous l'eau !

Le temps n’était pas particulièrement radieux pour visiter cette ancienne sucrerie… J’aurais donc vu Decollogne sous l’eau !

Chez Decollogne, le parti-pris a été dès le début de s’orienter vers la réalisation de farines biologiques haut de gamme, destinées à des artisans particulièrement exigeants et passionnés. Fruit de l’association des familles Decollogne et Lecocq, l’entreprise était implantée historiquement en banlieue parisienne, à Précy-sur-Marne, où elle effectuait une mouture sur meule ou sur cylindre. Les choses ont bien changé depuis 1971, année à laquelle l’entreprise a été créée. En effet, Dijon Céréales a racheté l’entité en 1998, avec l’ambition de se lancer dans l’aventure du Bio. Depuis, le directeur général de l’époque, Jacques Denizet, a passé la main à Marie-Lucie Jacquey, laquelle s’emploie au quotidien avec ses équipes à dynamiser la marque et à lui trouver de nouveaux débouchés.

La sucrerie avant sa reprise par Decollogne.

La sucrerie avant sa reprise par Decollogne.

Pas facile de s’imposer, comme je vous l’avais écrit précédemment, mais le dynamisme de la chef d’entreprise et de ses commerciaux est à la hauteur du défi qu’ils ont à relever. De par sa localisation francilienne, Decollogne a longtemps été vu comme un meunier dédié à Paris et sa région, avec un berceau de clients : Dominique Saibron (et son Boulanger de Monge, à l’époque), Jean-Luc Poujauran (en farine de Meule non Biologique), la maison Grégoire rue Monge, … mais aussi, et cela n’a pas manqué de lui être reproché, le groupe Carrefour. En effet, ce dernier a fait partie des pionniers du Bio en développant sa fameuse « Boule », en partenariat avec Dominique Saibron. C’est tout naturellement que l’artisan leur a proposé son fournisseur. Ainsi, le distributeur a longtemps représenté une part importante du Chiffre d’Affaires de l’entreprise… ce qui est bien moins le cas aujourd’hui, ses approvisionnements s’étant diversifiés, en plus de l’arrivée de nouveaux clients chez le meunier « Créateur de Farines ».

Le sac de farine 1kg destiné aux consommateurs. Son visuel a été particulièrement soigné, pour se démarquer dans les linéaires ou dans les boutiques des artisans clients du meunier.

Le sac de farine 1kg destiné aux consommateurs. Son visuel a été particulièrement soigné, pour se démarquer dans les linéaires ou dans les boutiques des artisans clients du meunier.

Cette signature n’a pas été choisie par hasard, et c’est sans doute ce qu’apprécient le plus les artisans travaillant avec ce fournisseur : leurs farines sont « 100% blé », c’est à dire dépourvues d’ingrédients supplémentaires visant à faciliter son travail. Un gage de qualité, renforcé par un approvisionnement majoritairement français : plus de 70% des blés moulus sont originaires de nos régions, le reste venant d’Europe de l’Est, où l’on obtient des blés dits « de force », permettant ainsi un meilleur usage en panification. Dans le cadre de besoin spécifiques, des « maquettes » et assemblages dédiés peuvent être mis en place, et c’est ainsi que plusieurs boulangeries bénéficient de leur mélange sur mesure, avec par exemple un taux de protéines plus important.

Carrefour dispose de sacs de farine bien différenciés, identifiant ainsi un mélange spécifique développé pour le distributeur.

Carrefour dispose de sacs de farine bien différenciés, identifiant ainsi un mélange spécifique développé pour le distributeur.

Chaque jour, l’équipe de commerciaux emmenée par Cyril Chambay (15 ans de maison, ce n’est pas rien !) sillonne les routes de France et d’ailleurs : le positionnement haut de gamme de Decollogne séduit particulièrement à l’international, au Japon, en Russie, en Irlande, en Italie… Un bon moyen pour se développer, même si la France reste un marché essentiel. Au delà des artisans, les industriels sont aussi intéressés par le savoir-faire spécifique du meunier, et c’est ainsi que des entreprises telles que Jacquey développent leurs gammes biologiques avec l’aide de ce dernier. A chaque farine son usage, et il faut à chaque fois développer des mélanges, que ce soit pour la biscuiterie, le pain, ou… l’usage domestique !

Les premiers sacs 5kg destinés aux consommateurs sur leur palette.

Les premiers sacs 5kg destinés aux consommateurs sur leur palette.

En effet, la dernière nouveauté made in Aiserey est destinée au consommateur, puisque des conditionnements de 1 et 5 kilogrammes sont venus enrichir le catalogue Decollogne. Avec leur habillage vichy du meilleur effet et la déclinaison en boite en métal, le produit ne manque pas d’arguments, d’autant qu’il est réalisé à partir de blés 100% français. Nous sommes ainsi bien loin des mélanges de blé plutôt médiocres développés par les marques de distributeur sur le même segment. Au delà de ce produit, cela traduit une véritable démarche orientée vers le grand public, qui trouve d’ailleurs son prolongement par des animations sur des marchés locaux, par la vente directe de farine au moulin, par un programme de visites prochainement mis en place… et même éventuellement par la vente de pain, à l’avenir !

Sur son écran de contrôle, le chef meunier dispose d'une vision en temps réel des opérations de mouture en cours au sein du moulin.

Sur son écran de contrôle, le chef meunier dispose d’une vision en temps réel des opérations de mouture en cours au sein du moulin.

Puisque l’on parle de pain, le consommateur pourra à l’avenir reconnaître le meunier au sein de ses boulangeries clientes, et notamment au travers d’une sacherie développée récemment. La « Perle Bio », une baguette de Tradition mise au point par les équipes de Decollogne, est actuellement proposée aux artisans et devrait prochainement rejoindre, accompagnée de sa signalétique, les présentoirs.

Ici, pas de cloison : les silos côtoient directement le coeur du moulin, où l'on peut voir les différents étages d'un seul coup d'oeil.

Ici, pas de cloison : les silos côtoient directement le coeur du moulin, où l’on peut voir les différents étages d’un seul coup d’oeil.

Ce site bourguignon s’inscrit donc durablement dans la communauté qui l’entoure, et il participe activement à son renouveau. Lors du rachat de la sucrerie par le groupe Beghin-Say, l’avenir de l’activité industrielle n’était pas assuré. Preuve en est que l’usine finira par fermer quelques temps plus tard. L’activité sucrière était pourtant bien ancrée dans l’histoire d’Aiserey, au point qu’une fête était organisée chaque année autour de cette « spécialité ». Il a bien fallu y renoncer et accepter de voir le blé remplacer la betterave, car c’est bien ce qui s’est passé : sous l’impulsion de Decollogne et de Dijon Céréales, des terres avoisinantes se sont reconverties. Le processus se poursuit, puisque l’objectif est d’impliquer toujours plus d’agriculteurs dans ce projet Biologique, respectueux des terres et des hommes.

Face aux besoins croissants en terme de stockage (différentes variétés de céréales, mélanges toujours plus nombreux...), de nouveaux silos sont en cours de mise en place au sein du moulin.

Face aux besoins croissants en terme de stockage (différentes variétés de céréales, mélanges toujours plus nombreux…), de nouveaux silos sont en cours de mise en place au sein du moulin.

Après un an et demi d’activité, l’outil trouve peu à peu son rythme de croisière, avec une capacité d’écrasement de plus de 20000 tonnes par an. Même si cette dernière n’est pas atteinte, elle a permis d’éviter la saturation qui se profilait en Seine-et-Marne, du fait d’un moulin vieillissant. Il aura fallu plus de 6 millions d’euros pour en arriver à ce résultat, mais on ne peut que saluer son caractère saisissant.
Ici, peu de choses sont laissées au hasard. Du port obligatoire de la blouse et de la charlotte pour accéder au moulin (conformément aux standards IFS auxquels Decollogne veut prétendre) aux systèmes de désinsectisation mécanique (rien de chimique ici, même si des solutions « naturelles » existent) à chaque étape de transformation ou de transport du blé, l’objectif est de parvenir à un produit de haute qualité sanitaire… et gustative.

Un exemple de mouture sur meule de pierre.

Un exemple de mouture sur meule de pierre.

C’est bien ce qui distingue les farines moulues ici : l’intérêt porté au goût qu’elles produiront suite à leur transformation est particulièrement marqué. Variétés de blé sélectionnées, mélanges étudiés, bien sûr… mais le processus de mouture a son importance également. Historiquement, Decollogne est un fervent défenseur de la farine de Meule, et il était inévitable que son outil de production la mette à l’honneur. 12 meules tournent ainsi en permanence afin de produire une farine « plus grasse et plus riche en fibres, en nutriments essentiels et en vitamines ». Le plus surprenant est sans doute le ressenti au toucher : en effet, les farines issues des 8 cylindres situés à côté s’avèrent beaucoup moins « douces », du fait même de l’action de cisaillement de ces derniers (les meules, quant à elles, « compressent ».

Les meules de pierre en pleine action. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement de ces dernières grâce à des vitres incassables disposées sur le côté.

Les meules de pierre en pleine action. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement de ces dernières grâce à des vitres incassables disposées sur le côté.

Côte à côte, c’est une des autres particularités de ce moulin décidément hors normes : tout y est rassemblé dans le même lieu, sans cloisons, ce qui permet d’avoir une vision globale du processus. De l’arrivée des grains dans les silos les plus sombres au transfert dans les plus clairs une fois la farine produite, le visiteur peut suivre dans cette yourte un parcours qui n’a rien de bien mongol.

Ce bâtiment, en forme de yourte, correspond à l'héritage de la sucrerie, où le produit était acheminé par le sommet avant d'être traité.

Ce bâtiment, en forme de yourte, correspond à l’héritage de la sucrerie, où le produit était acheminé par le sommet avant d’être traité.

Continuons justement notre parcours dans la filière en nous rendant à Longvic, à quelques kilomètres de là. C’est ici qu’est situé le laboratoire de Cérélab, une entreprise détenue à 51% par Dijon Céréales et à 49% par Eurogerm. Sa vocation est d’analyser les farines et blés, de procéder à des tests de panification, … pour Decollogne ou divers clients extérieurs. Elle a d’ailleurs été récemment mandatée par le meunier Bio pour démontrer les vertus de la mouture à la Meule, notamment en terme de valeurs nutritionnelles.
Pour faciliter les échanges et créer un véritable pôle intégré à Aiserey, Cérélab déménagera prochainement à quelques mètres du moulin, achevant ainsi la boucle initiée par le groupe.

Le laboratoire de Cérélab.

Le laboratoire de Cérélab.

Terminons la visite par un petit arrêt au coeur de ce même groupe, au siège de Dijon Céréales. La coopérative peut aisément être qualifiée de tentaculaire : extrêmement implantée en Bourgogne, elle y compte aujourd’hui 13 silos stratégiques, 7 silos majeurs d’expédition, plusieurs magasins Gamm’ Vert, d’autres boutiques dédiées aux professionnels… ainsi qu’une seconde filière farine au travers de Dijon Céréales Meunerie.
Pierre Guez et son équipe ont fait le « pari » de la Bio depuis plusieurs années et apportent à Decollogne les moyens de son développement, même si les choix du groupe ne sont pas toujours partagés par cette entreprise, qui a fini par occuper une place véritablement « à part » – à juste titre. Les investissements autour du Bio continuent, avec une équipe toujours plus importante dédiée à la recherche sur la qualité des blés, ainsi que par l’incitation à la conversion vers ce mode de culture.

Signe de la puissance du groupe Dijon Céréales... La salle de réunion, très moderne, confortable et bien équipée.

Signe de la puissance du groupe Dijon Céréales… La salle de réunion, très moderne, confortable et bien équipée.

Souhaitons donc une bonne continuation à Marie-Lucie Jacquey et à l’ensemble des hommes et femmes qui font vivre Decollogne. Il est important d’avoir aujourd’hui sur le marché de la meunerie des acteurs engagés sur la qualité et la mise en place de bonnes pratiques aussi bien sur le blé que sur le produit final… et nous avons là une entreprise qui s’implique pleinement dans cet esprit.

Les salons professionnels représentent un poste de coût non négligeable pour les entreprises exposantes, car leurs organisateurs exigent des loyers élevés… pour des retours parfois limités. Certes, c’est une excellente occasion pour développer son réseau, toucher un maximum de prospects, mais le visiteur a souvent tendance à adopter un comportement « zappeur » qui ne favorise pas la mise en place d’échanges durables. Dans le cas de la boulangerie, Europain demeure l’événement biennal par excellence, une sorte de « grand messe » où les différents acteurs de la filière – groupements boulangers, meuniers, équipementiers, … – ont pris l’habitude de se retrouver.

Les Rencontres des Moulins de Chars (95)

La famille Maurey semble avoir décidé de jouer les trublions pour l’édition 2014, puisqu’elle n’y sera pas présente, que ce soit par un stand « propre » ou au travers du groupement Banette auquel ses moulins sont affiliés. A cela plusieurs raisons : comme je l’ai expliqué en introduction, le salon ne présentait pas, selon le meunier, un environnement particulièrement propice à la discussion avec ses clients. De plus, ils n’y étaient pas « maîtres en leur demeure », d’autant plus qu’ils s’y rangeaient derrière les couleurs du groupement.

Un logo mettant en avant la famille Maurey et son engagement au service des artisans a été créé et est repris sur la plupart des éléments de communication.

Un logo mettant en avant la famille Maurey et son engagement au service des artisans a été créé et est repris sur la plupart des éléments de communication.

Pour autant, hors de question de ne pas mettre en place un dispositif visant à fédérer les artisans auprès de leur marque, laquelle est en plein développement. Ainsi sont nées les Rencontres des Moulins de Chars, qui se tiennent sur le site éponyme depuis dimanche et jusqu’à demain. Cela traduit concrètement la stratégie menée par Thomas Maurey, que j’avais d’ailleurs pu vous décrire lors de ma précédente visite dans les lieux. Prendre de plus en plus d’indépendance, mettre en avant une identité propre, des chantiers essentiels pour l’entreprise familiale face à un marché de plus en plus concurrentiel. Forte de son positionnement essentiellement artisanal – 450 boulangers, pour environ 70% du Chiffre d’Affaires -, elle peut accompagner les projets de chacun en portant des valeurs de proximité et de partage. Aide à la mutation de fonds, à l’installation, formations, interventions de démonstrateurs… Autant d’outils qui comptent dans la relation avec un moulin.

La gamme des Moulins de Chars s'est étoffée avec le temps, et on y retrouve autant les grands classiques aux céréales que des créations "de saison", à l'image de la Soléiade et son mélange d'herbes et de tomates séchées. Saluons le travail réalisé par les démonstrateurs, car les pains sont très soignés et bien cuits.

La gamme des Moulins de Chars s’est étoffée avec le temps, et on y retrouve autant les grands classiques aux céréales que des créations « de saison », à l’image de la Soléiade et son mélange d’herbes et de tomates séchées. Saluons le travail réalisé par les démonstrateurs, car les pains sont très soignés et bien cuits.

Signe de l’importance prise par la communication au sein de l’entreprise, un poste dédié à la communication a été créé l’an passé. Laure de Cabissole prend en charge les différents aspects liés à l’image des sites meuniers de la famille Maurey : dispositifs liés aux produits (PLV, argumentaire de vente, …), aux campagnes de communication (avec notamment la valorisation de l’approvisionnement 100% des blés, dans un rayon de 150km autour du Moulin de Chars), … et donc aux événements. Elle s’est naturellement chargée de l’organisation des Rencontres, en partenariat avec le prestataire GL Events.

La gamme Banette ne représente qu'un petit stand comparé à celui dédié aux créations des Moulins de Chars... un signe de la volonté d'indépendance développée ici.

La gamme Banette ne représente qu’un petit stand comparé à celui dédié aux créations des Moulins de Chars… un signe de la volonté d’indépendance développée ici.

Pour une première édition, le succès semble être au rendez-vous : au total, ce seront entre 450 et 500 personnes qui auront été accueillies sur le site, une véritable performance quand on sait la difficulté des artisans à se dégager de leurs contraintes de production quotidiennes. Le format est volontairement moins « festif » qu’il n’a pu l’être par le passé. En effet, les 100 ans du moulin avaient été fêtés sous la forme d’un dîner musical, une mise en scène sans doute charmante mais peu productive. Les enjeux actuels en boulangerie artisanale font qu’il était bien nécessaire d’adopter un ton plus sérieux… mais néanmoins convivial.

Toute la journée, Jérôme Le Teuff (chef pâtissier chez Stéphane Glacier) présente son savoir-faire en fabriquant des pièces artistiques en sucre. A côté de lui, Bernard Darrigues et Mickaël Morieux concoctent des spécialités basques (gâteau basque, brioches, sablés...). Une belle façon de mettre en avant le fait que les terroirs ont pleinement leur place en boulangerie artisanale : c'est en effet une bonne façon pour les artisans de se différencier les uns des autres. A partir de 17h, l'ambiance est plus conviviale encore avec la présence de démonstrations réalisées par Executive Traiteur (cuisine moléculaire, plancha négative...).

Toute la journée, Jérôme Le Teuff (chef pâtissier chez Stéphane Glacier) présente son savoir-faire en fabriquant des pièces artistiques en sucre. A côté de lui, Bernard Darrigues et Mickaël Morieux concoctent des spécialités basques (gâteau basque, brioches, sablés…). Une belle façon de mettre en avant le fait que les terroirs ont pleinement leur place en boulangerie artisanale : c’est en effet une bonne façon pour les artisans de se différencier les uns des autres. A partir de 17h, l’ambiance est plus conviviale encore avec la présence de démonstrations réalisées par Executive Traiteur (cuisine moléculaire, plancha négative…).

Un programme de conférences ponctue les journées, avec des interventions autour des attentes des consommateurs, de l’hygiène ou encore de la gestion. En parallèle, le fournil installé sous la tente principale et animé par les démonstrateurs de l’entreprise produit au fil de la journée des pains à partir des différents mélanges proposés aux clients. Les différents produits de la gamme « Rusti » sont à l’honneur, ainsi que la fameuse « Charmante », dernière née de la gamme. Cette baguette positionnée « premium », avec un prix de vente conseillé de 1€, répond à un constat réalisé sur le terrain : nombre d’artisans sont encore à la peine avec la baguette de Tradition, laquelle se révèle assez exigeante. Face à cela, le mélange mis au point par les Moulins de Chars offre flexibilité et facilité de mise en oeuvre, avec des caractéristiques appréciées par les consommateurs (aspect assez « jaune » lié à un mélange de blés spécifique, bonne conservation, note de levain pour donner du goût…).

Dernière née de la gamme des Moulins de Chars, la Charmante est particulièrement mise en avant, de par sa facilité de mise en oeuvre (possibilité de la réaliser en machine, grande tolérance, ...) avec un positionnement "premium".

Dernière née de la gamme des Moulins de Chars, la Charmante est particulièrement mise en avant, de par sa facilité de mise en oeuvre (possibilité de la réaliser en machine, grande tolérance, …) avec un positionnement « premium ».

J’avoue être un peu perplexe face à ce qui est pour moi un certain constat d’échec, et la proposition d’une « jambe de bois » à un système qui peine à fonctionner pour des boulangers qui manquent autant de technique que de passion. Je ne suis pas certain qu’ajouter des produits pour remplacer un savoir-faire manquant soit un choix tout à fait pertinent, même si cette Charmante s’est avérée assez convaincante.

Les Moulins de Chars viennent de mettre au point des produits spécifiques pour la réalisation de pâtes à pizza en toute simplicité. Ce travail a été réalisé en partenariat avec Thierry Graffagnino, champion du monde de Pizza en 2011 et 2012. Jusqu'alors, ce professionnel réalisait son propre mélange de trois farines. Il a ainsi apporté son savoir-faire et son réseau. Ainsi, ses recettes seront proposées aux clients des Moulins de Chars : "Teglias" à la part ou au mètre, Classica ou encore Piadines... à chaque fois, ce sont des pâtes légères et moelleuses qui sont recherchées. Un nouveau segment s'ouvre pour l'entreprise, avec à terme la vente de ces solutions aux artisans pizzaolos.

Les Moulins de Chars viennent de mettre au point des produits spécifiques pour la réalisation de pâtes à pizza en toute simplicité. Ce travail a été réalisé en partenariat avec Thierry Graffagnino, champion du monde de Pizza en 2011 et 2012. Jusqu’alors, ce professionnel réalisait son propre mélange de trois farines. Il a ainsi apporté son savoir-faire et son réseau. Ainsi, ses recettes seront proposées aux clients des Moulins de Chars : « Teglias » à la part ou au mètre, Classica ou encore Piadines… à chaque fois, ce sont des pâtes légères et moelleuses qui sont recherchées. Un nouveau segment s’ouvre pour l’entreprise, avec à terme la vente de ces solutions aux artisans pizzaolos.

Au delà de cette dimension de vitrine produit, plusieurs partenaires de la famille Maurey ont été conviés pour apporter leurs connaissances et proposer des solutions concrètes aux artisans : café, équipement, aménagement, désinsectisation, snacking, chocolat, pâtisserie… Des démonstrations sont réalisées pour parfaire le tableau. En parallèle, l’outil de production est mis à l’honneur avec des visites menées par le Chef Meunier, ce qui permet à chacun de comprendre comment la farine est fabriquée, un processus encore mal maîtrisé par bon nombre d’artisans.

Ce qui est un peu moins charmant avec la Charmante, c'est sans doute sa composition et son "mix". Certes, on m'a assuré que les enzymes étaient ajoutés à des doses très faibles (sinon cela affecterait fortement la conservation du produit), mais nous sommes bien loin d'une baguette de Tradition.

Ce qui est un peu moins charmant avec la Charmante, c’est sans doute sa composition et son « mix ». Certes, on m’a assuré que les enzymes étaient ajoutés à des doses très faibles (sinon cela affecterait fortement la conservation du produit), mais nous sommes bien loin d’une baguette de Tradition.

Je ne doute pas que l’initiative sera renouvelée, ici comme ailleurs. Les meuniers restent aujourd’hui le premier interlocuteur de nos boulangers, et ils doivent prendre à coeur leur rôle d’accompagnement de la filière vers plus de qualité : en améliorant la satisfaction et la fidélité des consommateurs, c’est la survie de la boulangerie artisanale qui pourra être assurée.

Le langage est une chose bien étrange. Il nous unit autant qu’il nous sépare, de par les multiples possibilités d’incompréhension qu’il créé. Cela s’explique non seulement par son caractère non-universel, acquis au prix de nombreux efforts, rempli de doubles sens… Bref, si l’on s’y penche un peu, on s’arrêterait presque de parler. Peut-être que ce ne serait pas un mal, d’ailleurs. Peut-être que cela laisserait plus de place à ce qui sait exprimer sans détour ni faux semblant… En la matière, les exemples ne manquent pas.

Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Prenez le pain, par exemple. Sa force d’évocation est impressionnante : souvenirs, sentiments, lieux, terroir, aspirations d’un artisan… il peut exprimer tant de choses. En définitive, le pain nous parle, tout simplement. Certains boulangers l’ont bien compris… au point de nommer leur boutique ainsi. A Saint-Maur-des-Fossés, Pierre-Xavier Barranger a ouvert début 2012 sa boulangerie « Des Pains qui Parlent », juste en face du marché. L’itinéraire de cet artisan explique sans doute sa capacité à écouter parler le pain : il y est en effet venu par passion. Ancien cadre d’une multinationale agro-alimentaire, l’homme a passé son CAP en reconversion professionnelle au sein de l’EBP. Plusieurs stages à travers la France lui auront permis d’asseoir ses connaissances et sa conviction que le pain est un produit empreint de valeurs fortes, mais nécessite également un véritable savoir-faire pour aboutir à un produit de qualité. Son savoir-faire a été reconnu, puisqu’il est parvenu à se classer 3è l’an passé au concours de la Meilleure Baguette de Tradition du Val de Marne.

Les pains, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

A présent installé dans son propre fournil, il nous propose une gamme de pains qui parlent… et qui ne peuvent que nous parler. Leur discours est plein de douceur, à commencer par la baguette de Tradition, peu façonnée et grignée naturellement, où le mot de crème s’avère dominant : la couleur de sa mie se qualifie ainsi, tout comme son parfum et sa texture. Sa croûte fine s’accompagne d’un alvéolage honorable, avec cependant une conservation un petit peu en retrait.
La spécialité des lieux se nomme « Pavé du Marché », et associe farines de Meule et de Seigle sur une base de levain naturel. Ce pain généreux, vendu à la coupe – 5,90€ le kilogramme -, se caractérise par sa quasi absence d’acidité, ainsi que par sa forte hydratation, ce qui a pour effet d’offrir une mie dense, souple et moelleuse. L’idéal pour trancher de belles tartines, qui accompagneront tous les repas.
Sur cette base, de nombreuses déclinaisons nommées « Délices d’Initiés » ont été développées et elles s’enchainent au fil de la semaine, jusqu’à atteindre le samedi où elles sont toutes réunies. Entre le plutôt classique Abricotier (noisettes & abricots), le gourmand Titre du Bengale (chocolat noir & oranges confites) ou le surprenant Lavandou (à la lavande), tous les goûts seront satisfaits… d’autant plus que le nombre de variétés s’étend à 14, tous proposés à la coupe, ce qui permet de goûter sans prendre le risque de trop en acheter. A côté de cela, ficelles, petits pains de campagne et autres complets ou pavés de Tradition complètent la gamme en toute tranquillité. A noter également la présence de mini-pavés gourmands, garnis au fromages et aux ingrédients variés (tomates, lardons, olives, emmental ou chèvre…), bienvenus pour une pause gourmande et peu coûteuse (1,20€ la pièce).

Viennoiseries, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Les viennoiseries, dans la moyenne, s’accompagnent de nombreuses douceurs sucrées : entre les florentins, les tuiles, financiers, cookies et autres cakes, le choix ne manque pas. Les pâtisseries ne sont pas en reste, avec des classiques bien exécutés, entre tartes et pâtes à choux. Deux éclairs « du moment » alternent selon les envies et humeurs de la maison. Pas d’excès de zèle côté salé, où l’on reste sur une gamme courte et traditionnelle : 5 variétés de sandwiches, dont les incontournables jambon-beurre ou gruyère, quelques quiches et pizzas… C’est bien vu, car l’on reste dans une boulangerie et non pas chez un traiteur, comme on pourrait bien souvent le croire.

Pâtisseries, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Impossible de terminer sans saluer l’accueil rayonnant, assuré par une jeune femme au contact d’une simplicité désarmante et particulièrement agréable. Elle sait nous parler de ces fameux pains qui parlent avec beaucoup d’entrain et d’envie, chose bien trop rare chez nos artisans boulangers. Cela nous en ferait presque oublier la beaucoup moins charmante caisse automatique.

Traiteur, confitures & gourmandises, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Infos pratiques

14 Rue Baratte Cholet – 94100 Saint Maur des Fossés (RER A gare Le Parc de Saint-Maur) / tél : 01 48 83 62 98
ouvert les mardis, jeudis et vendredis de 7h à 14h et de 15h à 19h45, de 6h30 à 19h45 le mercredi et le samedi, de 8h à 13h30 et de 16h à 19h le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Ici, les pains ont décidé de nous parler tout en douceur, rien d’agressif, et c’est tant mieux. Que ce soit avec une baguette de Tradition toute en crème ou avec un Pain du Marché aux notes rustiques sans tomber dans les travers de l’acidité, Pierre-Xavier Barranger nous propose une gamme bien maîtrisée, à la fois classique et plus créative. En effet, les « Délices d’initiés » se succèdent au fil de la semaine et régalent nos envies de découvertes, avec des associations gourmandes : le classique Abricotier (noisettes & abricots), le gourmand Titre du Bengale (chocolat noir & oranges confites), le surprenant Lavandou (à la lavande) et bien d’autres… Notre artisan ne manque pas d’idées.
Accueil ? Particulièrement charmant et impliqué, le service nous donne envie ici de… parler, à l’image des pains ! En plus du dynamisme et de l’envie, les produits sont très bien maîtrisés et défendus avec beaucoup de conviction. Cela contribue à donner à cette boulangerie simple et honnête un véritable caractère chaleureux.
Le reste ? Les viennoiseries se révèlent tout aussi classiques qu’honnêtes, à l’image des pâtisseries. Croissants, pains au chocolat, briochettes, éclairs, tartes… Peu de fantaisie, mais des produits maîtrisés et accessibles. Les plus curieux et gourmands apprécieront les « éclairs du moment », plutôt créatifs. En ce moment, on trouve ainsi un charmant « passion meringué » ainsi qu’un « mascarpone fruits rouges ». Même rigueur traditionnelle pour le salé, où les sandwiches se limitent au nombre de 5 variétés, accompagnés de quelques quiches et pizzas. On appréciera les gourmandises maison, comme les financiers, sablés, cakes, florentins et autres tuiles ou brownies, autant d’occasions pour des pauses gourmandes sans prétention.

Faut-il y aller ? Surtout pour ces fameux pains qui parlent, bien sûr ! Le Pain du Marché, la « spécialité » des lieux, est un excellent produit, à la fois doux et parfumé, très hydraté et gourmand. Sa conservation est de très bon niveau, et on prend plaisir à en couper des tranches bien généreuses, pour accompagner tous les repas. Ses nombreuses déclinaisons créatives ne déméritent pas, tout comme la baguette de Tradition, récompensée en 2012 du 3è prix au Concours de la Meilleure Baguette du Val de Marne. Pierre-Xavier Barranger semble donc avoir trouvé sa voie : offrir des plaisirs simples et quotidiens. Une bien belle activité.

Les baguettes développées par les meuniers ont pris une place importante dans les gammes de nos boulangers. Pour certaines, elles sont devenues de véritables références auprès des consommateurs, à l’image de la Rétrodor chez Viron, de la Bagatelle pour le Club le Boulanger, de la Festive, … A tort ou à raison, même si au final, c’est le savoir-faire de l’artisan qui prime. On peut tout de même reconnaître à cela l’avantage de pouvoir effectuer une comparaison entre boulangeries, puisque les produits suivent en théorie les mêmes recettes. Bien sûr, le nombre de facteurs entrant en ligne de compte avant d’aboutir au résultat étant ce qu’il est, difficile de prétendre à obtenir des clones, mais plutôt des points communs.

La Reine des Blés, Clichy (92)

Certains boulangers aiment tellement cette baguette qu’ils ont décidé de baptiser leur boutique du nom de cette dernière… Ainsi, la boulangerie d’Abdennaceur Khorchani, située au 62 boulevard Jean Jaurès à Clichy, porte le doux nom de « La Reine des Blés », fameuse baguette développée par les Moulins Bourgeois et réalisée à partir de farine Label Rouge.
Ce boulanger tunisien, originaire de Tataouine, a immigré en France dans les années 80 et a, depuis lors, travaillé dur dans le secteur de la boulangerie pour arriver ici, en toute proche périphérie parisienne. Près de 15h par jour passées pendant deux ans au sein du fournil d’une boutique reprise avec son cousin en 1999, et surtout la conviction que son implication paierait dans un secteur où la pénibilité freine de nombreuses vocations.

Viennoiseries et gourmandises, La Reine des Blés, Clichy (92)

Aujourd’hui, sa réussite n’est plus à prouver, et sa boulangerie ne désemplit pas. On pourrait y faire un bien curieux parallèle, d’ailleurs, entre son propriétaire et l’affiliation à deux meuniers qui y est pratiquée. En effet, l’artisan a fait le choix d’être livré par Axiane Meunerie et les Moulins Bourgeois. Le résultat est assez surprenant, avec une gamme de pains particulièrement large. En baguette de Tradition, la Croquise – de chez Axiane – côtoie donc la Reine des Blés. A titre personnel, je préfèrerai cette dernière, avec son parfum agréable de crème, sa croûte craquante et sa mie bien alvéolée. Rien à redire donc sur sa qualité de réalisation, ni même sur sa cuisson très correcte. Les façonnages ne sont pas toujours très élégants, mais le rapport mie/croûte reste équilibré.
Pour le reste, une bonne partie de la gamme développée par le groupement Banette est représentée, avec Banette Moisson et autres boules variées. D’autres produits plus surprenants sont représentés, avec notamment des pains garnis aux Bleu, mais aussi des Naans au fromage entre autres propositions gourmandes… Un mélange des cultures et des styles qui traduit sans doute une volonté de répondre à un maximum de demandes et d’attentes.

Traiteur, pains et viennoiseries, La Reine des Blés, Clichy (92)

Côté viennoiseries et gourmandises, rien de bien attirant, les produits manquent globalement de cuisson, en plus de présenter un intérêt plutôt limité. Là encore, les gammes sont étendues, étalées, étirées… Beignets, nids d’abeilles, brioches, palmiers, donuts, sablés, « brasilles aux pommes », financiers, cannelés, et j’en oublie. A trop vouloir en faire, on en oublie l’essentiel. Cela se retrouve du côté des pâtisseries et du traiteur, avec un large choix de fougasses, sandwiches, salades entre autres pizzas.

Pâtisseries, La Reine des Blés, Clichy (92)

Difficile de ne pas apprécier le service honnête, souriant et profondément inscrit dans la vie du quartier : les habitués sont reconnus, les discussions vont bon train, même si cela n’entache pas l’efficacité des opérations. Dans cette boutique simple, sans prétentions et portant l’héritage d’un aménagement Banette, l’humain est un élément clé.

Infos pratiques

62 boulevard Jean Jaurès – 92110 Clichy (métro Mairie de Clichy, ligne 13) / tél : 01 71 12 82 96
ouvert tous les jours de 7h à 20h30, sauf le mercredi.

Avis résumé

Pain ? On reproche souvent aux boulangers tunisiens de négliger nos basiques du pain français. Abdennaceur Khorchani donne tort à ces critiques, en produisant au sein de sa boulangerie une très bonne baguette de Tradition, sur base de farine Reine des Blés des Moulins Bourgeois. Craquante, alvéolée, et offrant de doux parfums de crème ainsi qu’une excellente conservation, il serait bien difficile de la mettre en défaut. Côté Axiane Meunerie, on peut aussi choisir la Croquise, plus axée sur le croustillant. Le reste de la gamme se divise entre spécialités gourmandes ou ethniques, produits développés par les meuniers (Banette Moisson, baguette Eclats de Lin des Moulins Bourgeois, …) et autres boules ou pavés de Tradition. Les façonnages ne sont pas toujours très élégants, mais les produits sont honnêtes tout comme leurs tarifs. L’idée de pousser aussi loin le mélange de deux meuniers reste singulière et surprenante.
Accueil ? Souriant, sincère et efficace. On apprécie la chaleur humaine qui se dégage des lieux, la simplicité de l’ensemble et la proximité développée avec les habitués. Pour autant, la clientèle reste servie rapidement.
Le reste ? Les gammes ont tendance à s’étendre en longueur, et je pense qu’il serait préférable de se concentrer sur des fondamentaux mieux maîtrisés. Certes, on dispose ainsi d’un large choix de viennoiseries, gourmandises, tartes et autres entremets… mais leur qualité de réalisation demeure juste médiocre. Même constat côté salé, où l’on aurait préféré une gamme plus resserrée.

Faut-il y aller ? Pour le pain, oui, sans doute, les fondamentaux de Tradition sont bien maîtrisés par cet artisan tunisien et son équipe, ce qui est à noter et à apprécier. Pour le reste, la volonté de répondre à un maximum de demandes et d’attentes finit par nuire au produit, ce qui est bien dommage compte tenu du caractère profondément sympathique des lieux, avec un service chaleureux et efficace.

La tendance actuelle est d’accumuler les diplômes, de multiplier les écoles et années d’études. Cela répondrait à une demande des entreprises, même si la difficulté de nombreuses « têtes bien faites » à trouver du travail met sérieusement à mal cette affirmation. Surdiplômés, trop coûteux, avec des formations peu en adéquation avec les besoins opérationnels… les raisons sont nombreuses et les résultats désastreux. Alors qu’on leur avait promis une carrière dorée, ils finissent par être contraints de chercher des métiers « de base ». J’aurais bien du mal à voir quoi que ce soit de dégradant là dedans, mais tout le monde ne partage pas le même avis. A plus forte raison quand on a sacrifié plusieurs années de sa vie pour… rien ?

Il aurait été difficile de prendre ce cliché ailleurs qu'ici : Dominique Saibron est pleinement dans son élément, au coeur des pains de sa boulangerie. La baguette Alésiane et sa farine de Tradition CRC bien sûr, mais aussi la boule Bio réalisée à partir du fameux levain de miel et d'épices qui a voyagé à travers le monde...

Il aurait été difficile de prendre ce cliché ailleurs qu’ici : Dominique Saibron est pleinement dans son élément, au coeur des pains de sa boulangerie. La baguette Alésiane et sa farine de Tradition CRC bien sûr, mais aussi la boule Bio réalisée à partir du fameux levain de miel et d’épices qui a voyagé à travers le monde…

A l’autre extrémité, d’autres ont fait le choix d’apprendre entièrement par eux-mêmes. Le choix, ou l’obligation : la vie et la société ne sont pas toujours tendres avec les individus, et l’égalité des chances reste encore aujourd’hui un beau concept.
Dominique Saibron est de ceux-ci : le fameux boulanger est parvenu à acquérir les techniques du métier par la force de sa volonté et son travail acharné. Ces deux traits de caractère qui lui avaient d’ailleurs permis de tracer sa route dans la pâtisserie : c’est en effet dans le sucre que l’artisan a réalisé ses premières armes. Aide de cuisine dans une clinique privée, le chef – passionné de pâtisserie – l’a encouragé dans cette voie et a ainsi développé le goût de ce jeune de 17 ans pour un univers en pleine mutation à l’époque. Fortement inspiré par les méthodes de Gaston Lenôtre, dont les techniques faisaient référence, il s’exerce autant dans la cuisine familiale qu’au sein des cuisines de restaurant où il évolue rapidement. Etablissements gastronomiques, parfois étoilés, à Paris comme en région… Le jeune Saibron a soif d’expériences et d’apprentissage.

Pain aux raisins, aux figues, à l'épeautre... Ici, nous avons un aperçu anarchique de la gamme de pains Biologiques de Dominique Saibron.

Pain aux raisins, aux figues, à l’épeautre… Ici, nous avons un aperçu anarchique de la gamme de pains Biologiques de Dominique Saibron.

Puis vient une rencontre, le pain. En 1985, le patron de La Safranée, pour qui il travaillait alors, souhaitait réaliser le sien du fait de la difficulté à s’approvisionner en produits de qualité à cette époque. Grâce à la rigueur acquise de par sa formation de pâtissier, l’artisan intègre rapidement les éléments qui lui permettent de faire du « bon pain ». Un stage de perfectionnement chez Lenôtre et beaucoup d’essais… la machine est lancée. Deux ans plus tard, 1987, on retrouve Dominique Saibron dans sa propre boutique, place Constantin Brancusi, dans le 14è arrondissement.
Faire le tour du monde, s’installer au Japon, pour finalement revenir dans la même localité… La vie d’un artisan est un éternel recommencement, à l’image des gestes qu’il reproduit chaque jour.

Ici, tout est cuit au four à sole, y compris les macarons : Dominique Saibron a fait ce choix dès son installation. Ainsi, on obtient des croissants et viennoiseries bien "charpentés", à la sole marquée.

Ici, tout est cuit au four à sole, y compris les macarons : Dominique Saibron a fait ce choix dès son installation. Ainsi, on obtient des croissants et viennoiseries bien « charpentés », à la sole marquée.

« Chaque jour remettre en question ce que l’on a fait la veille »

Certes, les gestes sont les mêmes, mais le résultat pourra différer si l’on ne prend pas garde à la façon on les réalise, et ce caractère répétitif pourra engendrer une lassitude aboutissant quasi-inévitablement à une baisse de qualité. Au 77 avenue du Général Leclerc, la routine n’a pas vraiment de place, et l’artisan tient à ce que l’on remette en question chaque jour sa façon de travailler pour continuer à évoluer et à innover.
C’est sans doute ce qui explique sa longévité dans la profession, et le fait qu’il reste aujourd’hui une référence. Plusieurs autres acteurs se sont lancés à la même époque, mais le manque de renouvellement de leurs gammes et procédés les ont condamnés à une lente perte de vitesse.

Le grand comptoir donne une certaine force au lieu, qui acquiert ainsi un caractère "de vie" plus que "de passage".

Le grand comptoir donne une certaine force au lieu, qui acquiert ainsi un caractère « de vie » plus que « de passage ».

Même si la boulangerie est un métier très ancien, il reste aujourd’hui de nombreuses pistes de changement qu’il faut explorer : avec le développement croissant de la restauration hors-foyer, le pain n’a plus la même place dans les entreprises de boulangerie artisanale, et leur survie tient aussi à leur capacité d’adaptation, en terme d’offre et de moyens de production. Dominique Saibron l’a bien compris, et sa boutique d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celle ouverte en 1987. Le plus frappant est sans doute l’espace dévolu à la restauration, avec un grand comptoir et une large terrasse.

La boulangerie de Dominique Saibron et sa terrasse trônent majestueusement sur la rugissante place d'Alésia.

La boulangerie de Dominique Saibron et sa terrasse trônent majestueusement sur la rugissante place d’Alésia.

En effet, à l’étranger, on ne conçoit pas une boulangerie sans places assises, permettant de consommer viennoiseries et autres gourmandises de façon commode et conviviale. Bien sûr, l’emplacement a contribué à cet aménagement, de par son caractère large et spacieux. Rien à voir avec les boutiques du Boulanger de Monge, fondées par notre artisan voyageur : le 123 rue Monge ne manque pas de charme, mais sa surface est plus que limitée.

La restauration et les hôtels constitue aussi une part importante de l'activité du fournil. Ainsi, à gauche, on découvre un produit développé pour l'hôtel Lancaster. Cette fougasse au citron confit n'est pas proposée en boutique... tout comme les buns, utilisés pour confectionner les burgers proposés en restauration sur place dans la boulangerie.

La restauration et les hôtels constitue aussi une part importante de l’activité du fournil. Ainsi, à gauche, on découvre un produit développé pour l’hôtel Lancaster. Cette fougasse au citron confit n’est pas proposée en boutique… tout comme les buns, utilisés pour confectionner les burgers proposés en restauration sur place dans la boulangerie.

« Parvenir à faire plaisir tous les jours, avec un produit de qualité égale »

Qui dit espace dit aussi personnel et activité frémissante… voire rugissante. On pourrait presque entendre parler cette boulangerie, sur la place d’Alésia. Le combat ne s’est pas tout à fait arrêté avec Vercingétorix : non, au sein du laboratoire, il est quotidien afin de proposer aux très nombreux clients (plus de 2200 par jour le week-end !) des produits de qualité égale chaque jour. Pour cela, 47 personnes s’y emploient et se relaient 7j/7 de minuit à 21h (même si la boutique est fermée le lundi, la production continue quant à elle afin de fournir hôtels et restaurants) aussi bien à la vue du client – dans le fournil – qu’en pâtisserie, cuisine et viennoiserie au sous-sol.

Les macarons représentent 30% de l'activité pâtisserie de la maison. Un chiffre important, qui justifie une production quotidienne et intensive.

Les macarons représentent 30% de l’activité pâtisserie de la maison. Un chiffre important, qui justifie une production quotidienne et intensive.

Créer du plaisir, voilà la vocation qui anime Dominique Saibron depuis toutes ces années. A la dégustation de ses produits, il souhaite offrir à ses clients une expérience qui s’inscrira dans leur mémoire gustative… et pour cela, une totale maîtrise de la chaine aboutissant au résultat final est nécessaire. Ainsi, nappages, compotes, mayonnaises pour les salades, fonds de tarte, viennoiseries, macarons, choux… sont issus du savoir-faire porté par le personnel de la maison. En cherchant bien, on pourrait toujours trouver les copeaux de chocolat, achetés déjà débités, ou même les boissons provenant forcément de fournisseurs tiers. La différence avec nombre de boulangeries-pâtisseries parisiennes ou plus largement françaises est grande.

Au laboratoire, les crêpes au sucre glace sont à peine achevées et vont rejoindre les présentoirs de la boutique.

Au laboratoire, les crêpes au sucre glace sont à peine achevées et vont rejoindre les présentoirs de la boutique.

« L’exigence fait partie de mes valeurs fondamentales »

Pour parvenir à tenir ses engagements de plaisir, l’artisan porte également une véritable exigence, et une culture du détail très poussée : des pains manquant de cuisson pour la préparation des sandwiches, des baguettes au développement trop faible, autant d’éléments qui n’échappent pas à ce passionné. Son rôle est ainsi de contrôler, goûter, accompagner la production pour maintenir ses standards de qualité. Pour cela, il est bien entendu aidé par des éléments de valeur : que ce soit Nicolas, son responsable de production boulangerie, Franck, son responsable de boutique, ou Emmanuel Martin, son associé, l’exigence reste toujours le maître mot.

L'expression pure du "style Saibron" : des produits nombreux et empilés, pour susciter la gourmandise. Macarons, cakes, sandwiches, salades, ... Rien ne manque.

L’expression pure du « style Saibron » : des produits nombreux et empilés, pour susciter la gourmandise. Macarons, cakes, sandwiches, salades, … Rien ne manque.

On la retrouve bien du côté des matières premières, où aucun compromis n’est fait malgré un positionnement prix très accessible : farine de Tradition sans additif ni correction meunière, commandée sur mesure auprès des Moulins Foricher, farine Biologique moulue sur meule de pierre par les Moulins Decollogne, beurre AOP de chez Lescure… Dominique Saibron est fidèle à ses fournisseurs et ne manque pas de les mettre en avant : ainsi, au Japon, ces éléments deviennent de véritables arguments de vente, avec notamment un affichage de sacs de farine en boutique. A Paris, à partir du 17 juin, ces valeurs d’artisanat et de respect du consommateur seront mises en valeur sur les vitrines de la boutique.

Dans les chambres froides du 77 avenue du Général Leclerc, des produits bruts prêts à être travaillés : crème Elle & Vire, beurre Lescure, viandes, légumes... Des produits frais pour plus de goût.

Dans les chambres froides du 77 avenue du Général Leclerc, des produits bruts prêts à être travaillés : crème Elle & Vire, beurre Lescure, viandes, légumes… Des produits frais pour plus de goût.

« Je n’ai pas besoin d’être présent au Japon pour contrôler la qualité de mes produits »

Justement, parlons du Japon, un pays cher à ce boulanger qui affiche fièrement sa présence sur deux continents : Paris-Tokyo, cela fait partie de sa signature. Parti explorer le territoire après la vente du Boulanger de Monge, il s’y installe en 2008 en partenariat avec Maxim’s de Paris et le propriétaire local de la marque, une filiale du groupe… Sony. L’aller-retour se concrétise un an plus tard avec l’ouverture de la boutique d’Alésia. Depuis, le développement en Asie a pris un bel essor, allant jusqu’à 13 boutiques nippones à une époque, même si nous sommes revenus à 8 aujourd’hui – les unités non rentables ayant été fermées. L’entrepreneur-artisan ne s’attendait pas à un tel succès, et la question d’un développement réalisé uniquement sur le sol japonais aurait pu se poser si l’adresse parisienne n’avait pas été ouverte « si tôt ».

Lorsque l'on passe derrière le comptoir viennoiserie, on se rend bien compte de l'étendue du choix et des possibilités gourmandes qui s'offrent à nous : parmi les incontournables, les déclinaisons de tournicotis (chocolat, pistache, pralines...) nous donnent... le tournis.

Lorsque l’on passe derrière le comptoir viennoiserie, on se rend bien compte de l’étendue du choix et des possibilités gourmandes qui s’offrent à nous : parmi les incontournables, les déclinaisons de tournicotis (chocolat, pistache, pralines…) nous donnent… le tournis.

C’est bien là que l’on peut apprécier la différence entre la France et le Japon : Dominique Saibron ne ressent pas le besoin d’être présent dans chacune de ses boutiques exportées, car le personnel local veille au respect rigoureux des recettes de l’artisan. A Paris, les variations dans l’application sont fréquentes, pour des résultats parfois discutables. Cela explique l’absence d’autres boulangeries Saibron dans notre capitale. Toutefois, cette affirmation pourrait bien être mise à mal dans les mois à venir : en effet, l’artisan recherche activement un nouveau local pour y implanter un laboratoire dédié aux productions destinées aux hôtels et restaurants. Le trafic de la boutique du 55 avenue du Général Leclerc ayant beaucoup augmenté ces derniers mois, il devient aujourd’hui difficile de réaliser sereinement ces deux activités. Même si la vocation première de ce nouveau lieu resterait la production, il n’est pas impossible qu’un espace boutique – même restreint – y soit adjoint… Affaire à suivre.

Depuis l'extérieur, impossible de manquer les pâtisseries, avec notamment les déclinaisons de millefeuilles, de tartes et autres gourmandises... Ainsi commence notre relation avec cette boulangerie, ainsi a commencé la carrière de Dominique Saibron. Un parallèle saisissant.

Depuis l’extérieur, impossible de manquer les pâtisseries, avec notamment les déclinaisons de millefeuilles, de tartes et autres gourmandises… Ainsi commence notre relation avec cette boulangerie, ainsi a commencé la carrière de Dominique Saibron. Un parallèle saisissant.

« Recruter du personnel fiable et stable est une tâche difficile »

La question du personnel est centrale en boulangerie artisanale, à plus forte raison lorsque l’on a un tel vaisseau à faire naviguer. Côté production, les ouvriers compétents manquent sur le marché et se monnayent à des tarifs élevés. Dominique Saibron est parvenu à fidéliser son équipe en leur proposant des salaires adaptés, mais aussi en donnant à chacun des perspectives d’évolution : il me présentait ainsi l’un de ses touriers, initialement embauché au poste de… plongeur ! La maison a assuré sa formation, et a ainsi réalisé une véritable mission de transmission du savoir-faire autant que d’insertion professionnelle. Cet exemple n’est pas isolé, et il reprend un peu l’histoire de l’artisan, ayant évolué par la force de sa volonté, sans diplôme ni formation.

L'histoire de cet ouvrier tourier est singulière : ayant rejoint la boulangerie de Dominique Saibron en tant que plongeur, il occupe à présent le poste du tour sans difficulté, grâce à la formation interne... tout cela malgré un français restreint. Un effort gagnant-gagnant, puisque cela fidélise l'ouvrier dans l'entreprise tout en lui apportant un vrai savoir-faire.

L’histoire de cet ouvrier tourier est singulière : ayant rejoint la boulangerie de Dominique Saibron en tant que plongeur, il occupe à présent le poste du tour sans difficulté, grâce à la formation interne… tout cela malgré un français restreint. Un effort gagnant-gagnant, puisque cela fidélise l’ouvrier dans l’entreprise tout en lui apportant un vrai savoir-faire.

Bien sûr, le fournil et le laboratoire accueillent aussi des apprentis, au nombre de 7 actuellement. Ces derniers bénéficient ainsi de l’exigence de l’entreprise et ont l’assurance d’en repartir avec des bases solides, ainsi qu’une vision large du métier : cuissons exclusivement réalisées sur four à sole, travail au levain ou avec une poolish pour la baguette Alésiane, gammes variées…

Des petits pains en devenir.

Des petits pains en devenir.

En vente, la qualité du service a longtemps été reprochée à cette boulangerie : personnel froid, pas toujours compétent, … la difficulté du travail n’y est pas étrangère, d’autant que les vendeurs ou vendeuses ont tendance à être assez volatiles. La situation s’est améliorée ces derniers mois, avec une meilleure formation des équipes, un système de primes tenant compte de la fréquentation de la boutique, ainsi que le recrutement d’un responsable de boutique expérimenté.

La farine est stockée au fond du fournil, aux yeux des clients. Ce principe est cher à Dominique Saibron, qui veut ainsi montrer à chacun que le pain est entièrement produit sur place.

La farine est stockée au fond du fournil, aux yeux des clients. Ce principe est cher à Dominique Saibron, qui veut ainsi montrer à chacun que le pain est entièrement produit sur place.

« Un véritable style Saibron »

Justement, l’espace de vente correspond à la volonté de Dominique Saibron d’offrir un visuel généreux : pas d’alignements géométriques de produits, mais des empilages qui donnent une certaine sensation d’abondance. Susciter l’envie, c’est le style Saibron. Au delà du plaisir des yeux, il se retrouve par le goût : son fameux levain de miel et d’épices fait merveille dans sa boule Bio, tout comme son Alésiane séduit par ses arômes bien marqués. Viennent ainsi pains au Maïs, brioches aux pralines, sans oublier les nombreux Tournicotis, pâtisseries, macarons (30% des ventes en pâtisserie !), sandwiches, carrés feuilletés et autres bouchées à la Reine…

Les brioches aux pralines sont divisées et pesées manuellement avant d'être façonnées et cuites.

Les brioches aux pralines sont divisées et pesées manuellement avant d’être façonnées et cuites.

« Le pain n’est pas vendu assez cher »

Ces produits ne sont pas là par hasard : ils contribuent à générer de la marge et ainsi à assurer le fonctionnement de l’entreprise. En effet, l’artisan est confronté à de nombreuses charges, et ne peut pas pratiquer des prix élevés sur le pain, produit de base par excellence. Cela a entrainé une situation difficile la première année, avec près de 65% de charges par rapport au Chiffre d’Affaires. Les rumeurs ont été bon train : affaire en redressement, déjà vendue… toujours est-il que Dominique Saibron est encore là, plus que jamais pourrait-on dire, avec une boulangerie à présent rentable, une ferme volonté de continuer à satisfaire les gourmands, et de nombreuses perspectives d’évolution.

Infos pratiques

77 avenue du Général Leclerc – 75014 Paris (métro Alésia, ligne 4) / tél : 01 43 35 01 07
ouvert du mardi au dimanche de 7h à 20h30

Certaines devantures nous racontent des histoires, pas seulement par leurs couleurs ou leurs dessins, mais bien par les mots que les artisans y ont apposé. Bien sûr, l’objectif premier demeure d’annoncer clairement la nature du commerce, mais cet aspect utilitaire peut tout à fait s’agrémenter de quelques notes, parfois souriantes, nous laissant paraître un peu de l’univers des lieux avant même d’avoir passé la porte. Il ne faut tout de même pas trop en faire, je pourrais bien vous citer à ce propos l’exemple d’Odette, une pâtisserie-salon de thé du 5è arrondissement qui annonce prétentieusement fabriquer « les meilleurs choux de Paris »… Oui, mais pour qui ?

P'tit père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Rien d’aussi déplacé chez Jérôme Duchamp, propriétaire de la boulangerie P’tit Père, située au 1 rue Danton, sur la commune du Pré Saint-Gervais. Cet « artisan des petits plaisirs » met en avant la passion qu’il porte pour son métier, et il a bien raison de le faire. En effet, son parcours n’est pas celui d’un boulanger classique. Pâtissier de formation, c’est vers le pain qu’il a toujours voulu se tourner. Formé avec l’aide d’un meunier, il porte un grand attachement aux odeurs et à l’ambiance qui règnent dans les boulangeries. Cela semble lui avoir réussi, puisque sa baguette de Tradition a été couronnée du prix de la Meilleure Baguette de Seine-Saint-Denis en 2009.

Les pains, P'tit père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Quatre ans ont passé, mais la demoiselle n’a pas pris une ride. Dotée d’une croûte fine et bien craquante, d’une mie à l’alvéolage sauvage et de parfums légèrement boisés, elle se révèle particulièrement réussie et savoureuse, en plus d’offrir une excellente conservation. Cependant, bon nombre de Gervaisiens lui préfèrent la « tournée », une baguette au façonnage torsadé, entrainant la formation d’une mie un peu plus dense. Cela demeure une affaire de goût, même si le reste des pains parviendra sans doute à mettre tout le monde d’accord.
Ici, le travail sur levain fait partie de la signature, et on le retrouve dans la plupart des pains. Qui dit levain ne dit pas nécessaire forte acidité, puisque ce « p’tit père » assurant la pousse du pain est bien maîtrisé par Jérôme Duchamp et son équipe. Ainsi, difficile de ne pas hésiter entre l’Epeautre aux céréales et Graines de Courge, le pain Canadien et ses canneberges, le Rustique, Nordlander, la tourte Auvergnate ou de Meule, les pavés garnis de fruits secs (figues, noix…) ou encore le pavé Fermier, travaillé quant à lui sur levure et associant farines de Tradition, de Seigle et complète… et j’en oublie. L’ensemble de ces produits bénéficie d’une excellente conservation, de façonnages soignés et de cuissons bien abouties.

La disposition des pâtisseries est pour le moins originale : elles sont en effet disposées dans un petit meuble à côté de la caisse !

La disposition des pâtisseries est pour le moins originale : elles sont en effet disposées dans un petit meuble à côté de la caisse !

Les gourmands ne sont pas oubliés, avec là encore de nombreuses déclinaisons aussi bien sucrées que salées. En viennoiserie, les spécialités briochées sont à l’honneur : viennoises chocolat blanc – cranberries, au praliné noisette, cramiques du nord, brioches feuilletées… La maîtrise du feuilletage n’est pas en reste, avec des croissants et pains au chocolat de caractère. L’artisan affiche dans sa boutique la signalétique développée par le site boulangerie.net « je suis artisan, je fais mes croissants ».

De belles brioches, P'tit père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Malgré son passé de pâtissier, l’artisan a eu le bon goût de la simplicité pour ses douceurs, avec une charmante déclinaison de tartes aux fruits, clafoutis et autres moelleux au chocolat. Quelques macarons, éclairs, babas au rhum ou fraisiers les accompagnent.
Le salé évite lui aussi l’écueil des produits trop standardisés avec de sympathiques tourtes feuilletées, « toasts fermiers » ou encore des pains briochés garnis.

Les parts de tourtes sont gourmandes et généreuses.

Les parts de tourtes sont gourmandes et généreuses.

Saluons enfin le service aussi bien formé et amoureux de ses produits qu’efficace, et il faut l’être : nombreux sont les Gervaisiens habitués au petits plaisirs des lieux, avec une file d’attente qui en témoigne tout particulièrement le week-end. Cela n’empêche pas petits et grands de repartir avec le sourire, après avoir passé un peu de temps dans cette boulangerie singulière, petite mais chaleureuse et empreinte d’un caractère bien particulière.

Le fournil, visible depuis la boutique.

Le fournil, visible depuis la boutique.

Infos pratiques

1 rue Danton – 93100 Le Pré Saint-Gervais (métro Pré-Saint-Gervais, ligne 7bis ou Tramway T3b arrêt Butte du Chapeau Rouge) / tél : 01 48 45 40 25
ouvert du mardi au vendredi de 7h à 13h et de 16h à 20h, le samedi de 7h30 à 19h30, le dimanche de 7h à 13h.

Avis résumé

Pain ? Jérôme Duchamp a brillé en 2009 en raflant le titre de Meilleure Baguette Tradition de Seine-Saint-Denis, et même si la distinction a désormais quatre ans, elle reste d’actualité : sa baguette est en effet de haut niveau, craquante, sauvage, aux notes boisées et vives… une belle fraicheur en bouche, d’autant que celle-ci perdure avec une excellente conservation. Une caractéristique que l’on retrouve pour les autres pains de la gamme, et ils sont nombreux : Epeautre aux céréales et Graines de Courge, pain Canadien et ses canneberges, Rustique, Nordlander, tourte Auvergnate ou de Meule… Cuissons et façonnages sont au rendez-vous, c’est un sans faute, même si les prix sont en conséquence.
Accueil ? Le service ne se laisse pas déborder par le succès rencontré par la boulangerie P’tit père et accueille la clientèle avec le sourire, tout en maîtrisant parfaitement ses produits. Même si la circulation n’est pas aisée dans un si petit espace, on patiente en observant les ouvriers oeuvrer au sein du fournil visible depuis la boutique. Grâce à l’humain et au caractère singulier de l’endroit, il y a peu de risques de ne pas ressortir enchanté de cette boulangerie.
Le reste ? Les viennoiseries occupent une place importante ici, et à juste titre : les brioches et viennoises (chocolat, chocolat blanc-cranberries, praliné…) se déclinent en couronnes, cramiques et autres brioches feuilletées. On appréciera également les croissants et pains au chocolat de bonne facture, avec un caractère bien à eux. Malgré les « origines pâtissières » de l’artisan, la gamme sucrée sait rester simple : tartes aux fruits, au citron et à la verveine, quelques entremets simples (fraisier, roussillon aux abricots…) ou éclairs et clafoutis, le tout à des tarifs abordables (entre 2,40€ et 3€ la pièce).
Le salé n’est pas en reste, avec toujours cette identité forte : une part de tourte feuilletée, un toast fermier… de quoi satisfaire des envies gourmandes avec des produits de qualité.

Faut-il y aller ? Voilà une excellente adresse, discrète et bien tenue. Les Gervaisiens ne sont s’y pas trompés et s’y pressent nombreux, autant le week-end que la semaine. Notre « artisan des petits plaisirs » a tout compris : en permettant à chacun de s’en offrir jour après jour, il donne toutes ses lettres de noblesse à son métier de boulanger. Comme l’amour et le bonheur, le bon pain est lui aussi… dans le pré !

Difficile d’attirer des artisans vers mon projet de portraits. Timidité, manque de temps ou d’envie, … plusieurs raisons sont possibles à cette absence d’engouement. Ma démarche est pourtant positive et sincère, car elle vise bien à mettre en valeur les talents et singularités de chacun. Je ne me décourage pas pour autant et je prends donc mon petit bâton de pèlerin pour aller chercher les boulangers.

Rodolphe Landemaine dans sa boutique du 56 rue de Clichy, Paris 9è

Rodolphe Landemaine dans sa boutique du 56 rue de Clichy, Paris 9è

Qui dit portraits dit… figures. Les deux mots peuvent être vus comme des synonymes, mais tout dépend du sens que l’on y attache : ici, il s’agit d’aller à la rencontre de quelques têtes connues du secteur pour mieux comprendre comment fonctionnent leurs entreprises. S’il y en a bien une qui monte, c’est celle de Rodolphe Landemaine. En moins de six ans, le jeune – à peine 36 ans – boulanger et entrepreneur est parvenu à imprimer sa marque au sein de la boulangerie parisienne… et ce n’est sans doute pas près de s’arrêter, autant dire qu’il ne s’agit pas d’une histoire sans… Landemaine.

« J’ai reçu une éducation dure »

Dure, sans doute, mais fondée sur le respect des autres et de son environnement. Originaire de Mayenne, c’est à Paris que Rodolphe Landemaine acquiert les bases du métier de boulanger-pâtissier, avant de s’engager au sein des Compagnons du Devoir. A travers la France et l’Europe, le jeune ouvrier développe son savoir, avant de le mettre en pratique au travers d’un parcours prestigieux, chez Ladurée, Lucas Carton, Paul Bocuse ou encore Raynier-Marchetti.
C’est par la suite qu’il effectue ce « retour aux sources », en se spécialisant dans la boulangerie. En effet, pour l’artisan qu’il est devenu alors, impossible de concevoir une pâtisserie pure, qui ne répondrait pas à un besoin simple et primaire comme peut le faire le pain. Les deux disciplines sont ainsi liées… pour le meilleur comme pour le pire.

Le fournil est visible de plein pied au 56 rue de Clichy.

Le fournil est visible de plein pied au 56 rue de Clichy.

Ce parcours atypique et diversifié s’est fondé sur l’importance du travail et de la discrétion. En reprenant sa première affaire – « Douceurs et Gourmandises » – rue de Tolbiac en 2004, il n’a pas cherché particulièrement à faire parler de lui ni à écraser qui que ce soit. Au contraire, il a beaucoup construit, à commencer une vie de famille puisqu’il y rencontrera Yoshimi Ishikawa – boulangère elle aussi, et exportatrice de notre savoir-faire au travers de deux écoles de boulangerie au Japon. La Maison Landemaine s’est bâtie sur cette double culture, tout en sachant prendre le meilleur des deux mondes.

« Tout n’est pas parfait au Japon »

Souvent idéalisé de par sa capacité à produire des résultats exceptionnels, le Japon n’est pas pour autant exempt de travers, et la rigidité excessive qui y règne ne pourrait pas avoir cours au sein de notre population latine. Rodolphe Landemaine l’a bien compris et a préféré dès le début développer un mode de management « de proximité », où l’exigence s’accompagne aussi d’une part de valorisation individuelle et de reconnaissance des talents. On lui reproche souvent la qualité variable de son service, mais ce n’est pas pour autant que le chef d’entreprise a développé une quelconque aversion pour les vendeurs ou vendeuses : au contraire, il cherche des solutions durables pour fédérer et impliquer l’ensemble de l’entreprise autour d’une éthique et de valeurs communes.

Dans ce pétrin se succèdent les nombreux pains spéciaux développés par Rodolphe Landemaine et son équipe : aux ingrédients et aux farines variées...

Dans ce pétrin se succèdent les nombreux pains spéciaux développés par Rodolphe Landemaine et son équipe : aux ingrédients et aux farines variées…

Ces principes se vivent au quotidien, mais aussi dans des réunions régulières avec ses « cadres » ou au cours de voyages organisés par l’entreprise. Chaque année, les équipes se retrouvent dans le Cantal pour se découvrir autrement et mieux se comprendre. Bien sûr, la tâche est plus aisée auprès du personnel de production, chez qui le fait de créer et d’avoir une « matière » entre les mains rend le métier beaucoup plus concret et prenant.
Prenant, certes, mais point trop n’en faut : la Maison Landemaine respecte ainsi des journées de 8 heures de travail, avec 2 jours de repos par semaine, y compris pour les boulangers, pâtissiers et touriers.
La qualité de vie de chacun a un impact direct sur la régularité de la production, l’implication et la fidélité des ressources : Rodolphe Landemaine me confiait ainsi perdre très peu d’éléments de son équipe.

« Je fais l’hélicoptère au sein de l’entreprise »

La petite boulangerie de quartier du 56 rue de Clichy est rapidement devenue une PME florissante, et ce n’est pas le fruit du hasard. L’artisan a vite compris que sa place n’était plus seulement au fournil, mais aussi auprès d’avocats, de juristes, de banquiers… et de toutes ces personnes qui contribuent plus indirectement au développement d’une entreprise. Pour grandir, il fallait prendre du recul, de la hauteur, sans pour autant perdre le contact avec la réalité du terrain. Ainsi, notre entrepreneur dynamique se qualifie lui-même d’hélicoptère, sachant aussi bien voler « à basse altitude » – on le retrouve ainsi dans les laboratoires (souvent souterrains, d’où la faible hauteur !) pour goûter, choisir ou mettre au point des produits avec ses équipes, mais aussi à l’autre bout du monde, dans son école « Levain d’Antan » ou en Amérique du Nord. De ces voyages, il rapporte un regard vif et pertinent sur le monde dans lequel son entreprise se développe.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important... puis réduit considérablement.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important… puis réduit considérablement.

En parlant de développement, l’hélicoptère a tout de même l’allure d’un supersonique par certains côtés : acquisition d’une seconde boutique rue des Martyrs en 2008, seulement un an après son installation dans le 9è arrondissement, Voltaire en 2009, Roquette en 2011, Jules Joffrin en 2012, sans compter l’association réalisée avec son ami David Devant rue de Charonne… A chaque fois, l’artisan rencontre une clientèle nombreuse et séduite par une gamme large autant que qualitative. Cette réussite n’est donc pas le fruit du hasard, et elle récompense le savoir-faire porté par Mickaël, le chef boulanger, Samuel, le chef pâtissier, … et l’ensemble des personnels de la maison.

« L’artisan insuffle l’esprit de son entreprise »

Déléguer, oui, mais savoir garder le contrôle sur les décisions prises au sein de l’entreprise. Rodolphe Landemaine a ainsi choisi l’ensemble des produits présents dans ses boutiques. C’est son goût et son esprit que l’on retrouve au quotidien dans chacun des points de vente. Il souhaite aujourd’hui capitaliser autour de cette « griffe » et marquer son image : cela passe notamment par la rénovation des points de vente, entamée avec la boulangerie Voltaire tout récemment. On pourra sans doute à l’avenir associer des mots à la « marque » Landemaine, comme on le fait pour d’autres entreprises du secteur. Pour autant, hors de question de perdre l’esprit de proximité développé jusqu’alors : chaque boutique reste indépendante, avec cuisson et finition des produits sur place (les viennoiseries sont fabriquées rue de Clichy puis cuites dans chacun des points de vente, les pâtisseries sont finies au sein de chaque laboratoire, tout comme les sandwiches sont assemblés…).

Au sous-sol, on s'active pour préparer les sandwiches du service de midi.

Au sous-sol, on s’active pour préparer les sandwiches du service de midi.

« Je cultive des plants sur mon balcon, avec ma fille »

Puisque l’on vient à en parler d’indépendance, Rodolphe Landemaine a toujours tenu a conserver la sienne. Les propositions n’ont pourtant pas manqué, qu’elles émanent d’investisseurs potentiels ou des instances de la boulangerie, intéressée par le fait de compter un artisan à succès dans ses rangs. Cela n’a pas fait tourner la tête de cet homme d’un naturel plutôt solitaire, préférant rester auprès des siens que de se répandre inutilement. L’essentiel est pour lui de garder du plaisir à faire ce qu’il fait, à développer son entreprise… autant qu’à cultiver des légumes avec sa fille, ou qu’aller à la pêche. Si demain il fallait revenir à une affaire plus humble, ce ne serait pas avec frustration : au contraire, elle serait présente s’il n’avait pas seulement essayé, fait ce qu’il jugeait bon de faire.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important... puis réduit considérablement.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important… puis réduit considérablement.

« Chaque génération apporte sa pierre »

L’avenir est bien sûr une préoccupation majeure, autant ici qu’ailleurs. Les défis à relever sont de taille : concurrence plus rude, concentration – y compris en boulangerie – des entreprises (rachats, cessations d’activité…). Face à une mer agitée, l’essentiel est de savoir tenir la barre, en tenant compte des tendances. On n’acquiert une vision pertinente du métier qu’avec le temps, et celle-ci permet de savoir où l’on va.
La Maison Landemaine perpétue la Tradition mais apporte aussi à la profession, comme chaque génération de boulangers. Ainsi, elle intègre dans ses rangs autant des stagiaires venus de loin (au travers de leur école japonaise, notamment), que des adultes en reconversion professionnelle. Ces derniers se font de plus en plus nombreux, ce qui fait écho à un certain mal-être au sein de notre société moderne, et à un besoin de retrouver plus de concret, de vérité… et de simplicité.

La maison propose une large gamme de quiches gourmandes.

La maison propose une large gamme de quiches gourmandes.

Parmi tous ces éléments, quelques uns se détacheront du lot. Rodolphe Landemaine et ses cadres ont à coeur de les repérer pour les entourer et leur offrir un environnement propice à leur épanouissement, autant personnel que professionnel. Chacun dispose ainsi de perspectives, et pourquoi pas celle de disposer un jour de sa propre boutique : l’avenir de l’artisanat pourrait aussi bien passer par l’accompagnement des ouvriers par leurs patrons dans le cadre de leur « prise d’envol ». Bénéficiant de la notoriété de la « marque » développée par l’entreprise, ainsi que de la logistique et d’un soutien matériel, ils auront ainsi beaucoup plus de chances de voir leur projet grandir et évoluer.

L’exemple de David Devant, ami de Rodolphe Landemaine et pâtissier de formation, caractérise bien cette pratique. Alors que l’artisan était lassé par les conditions de travail harassantes proposées par ses employeurs, il a eu la possibilité de s’installer à son compte. Le succès est aujourd’hui au rendez-vous : la boutique reçoit aujourd’hui 300 clients quotidiens supplémentaires, un an après sa reprise. Ce n’est qu’un début, même si ce dernier est plus que prometteur.

Les tartes fines aux pommes rencontrent un fort succès dans les différentes maisons Landemaine, à juste titre : bien caramélisées, ce sont des gourmandises redoutables et accessibles.

Les tartes fines aux pommes rencontrent un fort succès dans les différentes maisons Landemaine, à juste titre : bien caramélisées, ce sont des gourmandises redoutables et accessibles.

Bien sûr, face à cela, la tentation des appels au monde de la finance est grande : cela permet un développement plus rapide, mais réduit d’autant la liberté à la tête de sa boutique. Un choix qui n’a pas été fait ici, et qui ne semble pas regretté.

« Il faut mener un profond changement dans nos entreprises et notre société »

Concluons ce portrait par ce qui caractérise le mieux Rodolphe Landemaine : l’amour de son métier, mais aussi une formidable capacité à s’en détacher et à porter une vision plus globale sur notre société. Au delà de son travail au sein de ses boulangeries, il pense en effet que l’on ne pourra parvenir à assurer un fonctionnement durable et cohérent de notre société que si nous passons par un profond changement de nos pratiques, en entreprise comme dans la vie courante. L’humain doit retrouver sa place dans cette machine à broyer qu’est devenue le capitalisme. Sans le renverser, il nous appartient aujourd’hui de le transformer. La vision peut surprendre de la part d’un patron, mais c’est sans doute car ce dernier a compris l’essence même de la boulangerie… le plaisir, le partage et l’humain.

Un premier essai de vidéo pour finir …!

Infos pratiques

Plusieurs boutiques dans Paris – toutes les informations sur http://www.maisonlandemaine.com

Changer de vie, prendre des risques, se dire tout simplement que l’on ne peut pas passer son existence à compter ses RTT, et à regretter de ne pas avoir choisi une autre voie. Malheureusement, beaucoup d’entre nous vivent encore la vie de quelqu’un d’autre, sans avoir le courage de sortir du carcan parfois confortable de la routine. Ce n’est pas une fatalité pour autant, il est toujours possible de reprendre son destin en mains et redonner du sens à ses journées.

Au programme des prochains investissements, une plus grande personnalisation de la boutique et de la façade... afin que la clientèle sache toujours mieux qu'elle se rend à la boulangerie Basso !

Au programme des prochains investissements, une plus grande personnalisation de la boutique et de la façade… afin que la clientèle sache toujours mieux qu’elle se rend à la boulangerie Basso !

Camille Rosso et Florentine Bachelet ont en tout cas cru fermement en ce changement, assez pour faire le pari un peu fou de se lancer dans la boulangerie passé 25 ans, en étant des femmes qui plus est. Amies d’enfance et toutes deux diplômées de l’ENSIA, leur bagage d’ingénieurs en agroalimentaire ne les destinait pas vraiment à épouser pelles, fours et pétrins. Pourtant, cela fait presque deux ans que l’aventure s’est concrétisée ici, au 49 rue de la Jonquière, dans le 17è arrondissement.

Dans ce bac, des baguettes en devenir... Qui l'eût cru ?!

Dans ce bac, des baguettes en devenir… Qui l’eût cru ?!

« Pourquoi est-ce que vous n’ouvririez pas un Sephora ? »

Les deux jeunes boulangères portent des profils différents mais complémentaires : tandis que Florentine aspirait depuis son adolescence à diriger une entreprise, Camille a développé une grande passion pour le pain. Si leur projet commun a pris cette forme, c’est aussi grâce à des rencontres, et notamment celles de leurs conjoints, tout deux impliqués dans la filière de la boulangerie. Avec 40000 euros en poche, il a fallu convaincre les plus réticents, à commencer par les banquiers… dont certains en sont arrivés à leur proposer d’ouvrir une parfumerie. Un tel discours ne les a pas découragées, bien au contraire : elles en sont ressorties avec encore plus d’entrain et d’envie.

La Baguette de Tradition ne manque pas d'allure, même si les amateurs apprécieront la tourte de Seigle ou le pain au Sarrasin. A noter aussi la "Brioche Maison" et son sac de conservation, un produit gourmand et de grande qualité développé par les Moulins Foricher.

La Baguette de Tradition ne manque pas d’allure, même si les amateurs apprécieront la tourte de Seigle ou le pain au Sarrasin. A noter aussi la « Brioche Maison » et son sac de conservation, un produit gourmand et de grande qualité développé par les Moulins Foricher.

Il faut dire que les aventures au féminin demeurent encore rares dès lors qu’il s’agit de boulangerie artisanale. Bien peu auraient misé sur elles lors de leur formation intensive en reconversion professionnelle à l’EBP. Pourtant, de leur promotion de 12 personnes, elles sont les seules à s’être installées à leur compte : la plupart de l’effectif est retourné à son emploi précédent, ou oeuvre aujourd’hui en tant que salarié au sein de différents fournils.

« Un partage équitable des tâches »

Si leur entreprise fonctionne comme c’est le cas aujourd’hui, ce n’est pas le fruit du hasard. Camille Rosso et Florentine Bachelet sont parvenues à appliquer des méthodes issues de leurs parcours professionnels, notamment en terme de gestion du personnel : chaque boulanger ou pâtissier passe régulièrement un entretien individuel, au cours duquel sa performance dans l’entreprise est évaluée. Au quotidien, c’est aussi une véritable exigence en terme de qualité et d’application qui est développée par les deux chefs d’entreprise. Cette valeur s’accompagne néanmoins d’une véritable volonté de partager avec leur personnel les tâches, en les encadrant au fil de la journée dans la réalisation du pain ou des douceurs, avant leur mise en vente.
Ainsi, à tour de rôle, elles ouvrent ou ferment la boutique. La première arrive à 6h du matin pour organiser la production et préparer la boulangerie, tandis que la seconde la rejoint en fin de matinée pour quitter les locaux vers 21h, après la fermeture et les tâches de nettoyage.

Sur l'échelle, les viennoiseries maison ont fière allure.

Sur l’échelle, les viennoiseries maison ont fière allure.

Au cours de la journée, il s’agit de gérer les « crises » : pallier à l’absence d’un tourier, d’un pâtissier, … ou répondre à l’urgence d’une erreur dans la réalisation d’une recette, tout en parvenant à être présentes en boutique. En effet, les associées mettent un point d’honneur à conserver une forte proximité avec leur clientèle, en particulier à l’heure du déjeuner où l’affluence est importante. Non contentes d’épauler leur personnel de vente, elles développent ainsi une relation forte avec des habitués : le quartier n’étant pas touristique, la plupart des têtes finissent par être connues dans la boulangerie Basso.

Pain, Boulangerie Basso, Paris 17è

« Reprendre l’affaire en capitalisant sur ses atouts tout en imprimant notre marque »

Le choix du 49 rue de la Jonquière n’est pas le fruit du hasard : il s’agit tout d’abord d’un véritable coup de foudre pour la boutique, en plus de la volonté de s’inscrire dans un quartier vivant, entre logements et bureaux. Même si son acquisition semblait difficile de prime abord, la quantité de travaux à réaliser au sein du laboratoire a permis de l’obtenir à un prix moins élevé. La rupture profonde entre les deux anciennes ingénieures et leurs prédécesseurs s’est justement opérée ici : tandis que ces derniers misaient beaucoup sur leur capacité à vendre et l’attrait de leur boutique, elles ont apporté un vent de vérité… mais aussi de qualité.

Un élément central de la boutique : la "roue à pains", où sont mis en valeur les produits : pain des Gaults (mélange de froment et de seigle sur levain), ciabatta, pains aux fruits secs, pavés de Tradition...

Un élément central de la boutique : la « roue à pains », où sont mis en valeur les produits : pain des Gaults (mélange de froment et de seigle sur levain), ciabatta, pains aux fruits secs, pavés de Tradition…

En effet, plus de viennoiseries surgelées ou de faux Pain Bio comme cela pouvait être le cas précédemment. L’accent a été mis sur la qualité des matières premières, avec notamment la farine Label Rouge et CRC livrée par les Moulins Foricher (pas de Bio, qu’elles ne concevraient pas réaliser « à moitié », avec seulement une partie de leur gamme certifiée). Certes, le choix de ce meunier ne s’est pas fait par hasard (le compagnon de Florentine Bachelet est directeur commercial au sein de l’entreprise), mais il correspond bien à l’éthique portée par la boulangerie Basso. La bataille aura été rude, mais elle porte aujourd’hui ses fruits : de 50 baguettes Tradition vendues à la reprise, 300 sortent à présent de la boutique quotidiennement. Même constat du côté des pains spéciaux, où la tourte de Seigle, le pain au Cacao ou le pain des Gaults rencontrent un vif succès. Pour « éduquer » la clientèle, le meilleur moyen reste toujours la dégustation, bien plus frappante qu’un long discours.

Tarte fine aux pommes, flan, millefeuilles, éclairs, fraisiers... rien ne manque dans la gamme, avec à présent une qualité de réalisation tout à fait convaincante pour des prix modérés.

Tarte fine aux pommes, flan, millefeuilles, éclairs, fraisiers… rien ne manque dans la gamme, avec à présent une qualité de réalisation tout à fait convaincante pour des prix modérés.

La précédente gérante était devenue amie avec beaucoup d’habitués. Il aura donc fallu convaincre ces derniers du bien fondé du changement, même si cela n’a pas eu d’effet dans certains cas. Camille Rosso et Florentine Bachelet ont donc assuré l’ensemble du service pendant les premiers mois, affirmant ainsi leur présence.

Les croissants et pains au chocolat attendent bien sagement dans leur chambre de pousse.

Les croissants et pains au chocolat attendent bien sagement dans leur chambre de pousse.

« Nous pensions reprendre rapidement une seconde affaire »

Cette présence dans leur affaire se perpétue aujourd’hui, et peut-être à plus forte raison qu’initialement. Fraichement sorties de leur apprentissage et de leurs stages, elles portaient une vision encore partielle de la profession, ce qui les avait amenées à envisager la reprise d’une seconde boulangerie rapidement. C’était sans compter sur les difficultés à gérer au quotidien au sein de leur affaire, en plus des perspectives d’évolution qui s’offrent encore à elles dans le 17è arrondissement.

Au sous-sol, le four fonctionne toute la journée pour assurer la cuisson des baguettes. En effet, une partie de la clientèle exige du pain chaud à toute heure , au point de repartir sans rien si la chaleur n'est pas au rendez-vous.

Au sous-sol, le four fonctionne toute la journée pour assurer la cuisson des baguettes. En effet, une partie de la clientèle exige du pain chaud à toute heure , au point de repartir sans rien si la chaleur n’est pas au rendez-vous.

En effet, la certification Label Rouge pour leur baguette de Tradition fait partie des ambitions de la boulangerie Basso, et il faudra passer pour cela par d’importants travaux au sein du laboratoire – en plus de ceux déjà réalisés. L’objectif serait donc d’y parvenir à la rentrée, après la fermeture estivale.

Dans le laboratoire de pâtisserie, une grande partie des équipements ont été renouvelés. Ainsi, le batteur est neuf.

Dans le laboratoire de pâtisserie, une grande partie des équipements ont été renouvelés. Ainsi, le batteur est neuf.

La pâtisserie était également un de leurs points faibles : ni l’une ni l’autre n’a suivi de cursus du côté des arts sucrés. Si cela était à refaire, les deux boulangères en feraient autrement : leur souhait d’égalité au travers d’une formation commune les a amenées à être « menées en bateau » par de nombreux « professionnels ». Leur équipe s’est aujourd’hui enrichie d’ouvriers plus talentueux, ce que ne manque pas de porter ses fruits : les ventes ont dores et déjà augmenté.

Un indispensable pour le tourier, le fameux laminoir.

Un indispensable pour le tourier, le fameux laminoir.

« Les clients nous demandent souvent si l’on est une école »

L’équipe a toute son importance dans le bon fonctionnement d’une boulangerie. Au delà du personnel diplômé, le fournil du 49 rue de la Jonquière a accueilli dès sa reprise des apprentis (2 en pâtisserie, 1 en boulangerie actuellement), une belle façon de transmettre le savoir qu’elles ont reçu à l’EBP ou en entreprise. Cette idée de transmission se prolonge par des interventions auprès des personnes souhaitant développer un parcours en reconversion. Le plus inquiétant est sans doute de constater que leurs questions tournent souvent autour des aspects financiers de l’affaire, symptomatique de motivations… douteuses. Néanmoins, c’est avec grand plaisir qu’elles accueillent stagiaires plus ou moins âgés, et ce pratiquement chaque semaine : la clientèle s’en étonne même, au point de demander si la boulangerie Basso ne serait pas… une école !

La tourte de Seigle reste pour moi un pain toujours impressionnant... On notera le bel effort de la maison, qui rédige des étiquettes détaillées sur ses produits, avec des conseils de dégustation.

La tourte de Seigle reste pour moi un pain toujours impressionnant… On notera le bel effort de la maison, qui rédige des étiquettes détaillées sur ses produits, avec des conseils de dégustation.

« On ne s’ennuie jamais »

Une école d’une certaine façon, oui, sans doute. Pour Camille Rosso et Florentine Bachelet, c’est ici qu’elles apprennent jour après jour à vivre une vie bien différente, où l’ennui ne fait pas partie de l’équipage. 6 jours sur 7, elles s’activent pour faire tourner l’affaire, sans pour autant développer le moindre regret. La reconversion en boulangerie serait donc la voie du bonheur ? Certainement pas toujours, mais cela semble bien être le cas pour nos deux amies, dont les sourires radieux illuminent leur boutique.

Peut-être vous en souvenez vous : Camille Rosso et Florentine Bachelet avaient été présentées dans le reportage "En quête du Bon Pain", diffusé sur France 5 en 2011. Un passage qui n'avait pas manqué de susciter la curiosité des téléspectateurs, qui avaient été demander les jeunes boulangères dans les établissements où elles travaillaient alors.

Peut-être vous en souvenez vous : Camille Rosso et Florentine Bachelet avaient été présentées dans le reportage « En quête du Bon Pain », diffusé sur France 5 en 2011. Un passage qui n’avait pas manqué de susciter la curiosité des téléspectateurs, qui avaient été demander les jeunes boulangères dans les établissements où elles travaillaient alors.