Le bruit du monde me fatigue. Alors les cris d’admiration, d’approbation ou au contraire de désaccord, vous imaginez bien tout l’effet que cela peut me faire. Dès lors, il faut savoir faire le vide, prendre le temps d’écouter le doux murmure de la Nature, d’un jour qui se lève, ou même de la nuit encore profonde. Cela explique sans doute pourquoi j’ai tendance à fuir les lieux « à la mode » et que j’ai choisi de m’intéresser aux boulangeries, pour leur caractère authentique et inscrit dans le quotidien, bien loin des tendances. Quoique, ces derniers mois m’ont bien montré que toute forteresse n’était jamais imprenable… mais passons.
Vous n’êtes sans doute pas passés à côté de l’information : le très médiatique Christophe Michalak a récemment ouvert sa propre école de pâtisserie-boutique dans le 10è arrondissement. Le chef pâtissier souhaitait créer un lieu où il pourrait exposer sa vision du métier, plus libre, fraiche et décomplexée… pourquoi pas. J’attendrai que les groupies aient fini de s’exclamer pour aller me faire ma propre idée. De mon côté, c’est à La Celle-Saint-Cloud que je suis parti découvrir l’univers d’un artisan talentueux, lui aussi.
Le rapport entre les deux hommes ? Ils ont travaillé ensemble au sein du laboratoire de production du Plaza Athénée, au sein duquel Vincent Lefèvre a prouvé ses compétences et développé son goût pour une pâtisserie fine et aboutie. Regretté par l’équipe et le chef télévisuel, il a pris son envol à l’été 2011, pour s’installer avec son épouse Lydie au coeur du Centre Commercial du Domaine Saint-François d’Assise.
Pains et Gourmandises, c’est le nom de sa boutique, laquelle offre un écrin simple et sobre à ses créations. Nous sommes bien loin des paillettes et dorures de la capitale, mais je dois dire que je préfère de loin cet environnement verdoyant et authentique, car il correspond pleinement à l’engagement développé ici.
En effet, à tous les rayons, Vincent Lefèvre applique un précepte fondamental : on ne fait du bon… qu’avec du bon. En boulangerie, la farine est livrée par les Moulins Bourgeois, et la Tradition réalisée sur une base de blés Label Rouge. La Reine des Blés trône ainsi dans son présentoir, avec sa silhouette élancée et des croûtons en pointe. Façonnages soignés, cuissons abouties, rien à redire sur l’aspect extérieur, tout comme à la dégustation où la croûte fine craque pour laisser place à la mie fondante et crémeuse. La conservation est également de bon niveau, le produit garde une certaine consistance sans trop sécher jusqu’au lendemain. Un parfum de froment soutenu se dégage, le tout constituant le tableau d’un beau produit, proposé à 1,10€ les 250g. Sa déclinaison biologique, 20 centimes plus chère, ne manque pas de valeur elle non plus, de même que les tourtes de Meule au levain doux. En pains spéciaux, la maison décline mélanges du moulin (Baltik, pain des Labours, …) ainsi que quelques produits plus spécifiques tels que le Tigré, entre le pain de mie et la viennoise, des pains aux fruits secs variés ou de Tradition proposés à la coupe. Attention toutefois sur ces derniers, car les prix ont tendance à grimper rapidement.
S’il y a bien un secteur sur lequel on attend Vincent Lefèvre, c’est celui des gourmandises, et nous sommes bien loin d’être déçus. En quittant le prestigieux palace de l’avenue Montaigne, le pâtissier n’a pas perdu son savoir-faire et nous propose des douceurs de haute volée… pour des prix bien moins élevés, quant à eux. Commençons donc par les viennoiseries, très feuilletées et généreuses, où le croissant surprend par son façonnage plutôt « ramassé » mais non moins enroulé. En parlant de roulés, les pains aux raisins sont d’excellente tenue, à l’image des palmiers. Le pain perdu – à base de brioche -, façonné dans des moules à cake est un modèle du genre, tout comme les cakes, pour rester dans la même forme, à la vanille – astucieusement saupoudré d’une croûte de cassonade, laquelle apporte des notes caramélisées et du craquant -, au citron ou au chocolat. Financiers et brownies au chocolat terminent le tableau moelleux avec tout autant de panache.
Les créations les plus pâtissières ne sont pas en reste : entre tartes feuilletées aux fruits de saison, pâtes à choux créatives (avec notamment le « Paris-La Celle Saint-Cloud » décliné selon les mois et les humeurs), tropézienne, baba au rhum sophistiqué avec pipette et petit pot de crème… on retrouve bien le soucis du détail développé au Plaza Athénée, ainsi que l’équilibre des goûts. Pour des pâtisseries allant de 2,50€ à 3,90€ la pièce, on aimerait juste… que cette charmante cité arborée soit plus proche de Paris.
Avant de partir, petit arrêt du côté des bonbons de chocolat, de bonne facture eux aussi, mais pas vraiment sur l’offre salée, minimaliste et sans intérêt. Compte tenu des horaires en coupure, c’est un choix plutôt compréhensible et cohérent avec le savoir-faire de base de l’artisan. Pour ne rien gâcher, les produits sont servis avec professionnalisme, sourire et maîtrise parfaite des compositions, ce qui achève de faire de Pains et Gourmandises une superbe adresse.
Infos pratiques
53 avenue de la Jonchère – 78170 La Celle-Saint-Cloud (Transilien ligne L, gare de Bougival) / tél : 01 39 69 11 93
ouvert du mardi au samedi de 7h à 13h et de 16h à 20h, et le dimanche matin.
Avis résumé
Pain ? Même si Vincent Lefèvre est avant tout pâtissier, il s’est entouré d’une équipe compétente afin de réaliser des pains de qualité. Cuissons abouties, croûtes fines et craquantes, façonnages soignés, autant de caractéristiques qui font honneur aux farines des Moulins Bourgeois. La baguette de Tradition – réalisée sur base de farine Label Rouge Reine des Blés – exprime pleinement ses parfums de froment et de céréales grillées, en plus de nous séduire avec ses croûtons en pointe. Sa déclinaison en pain à la coupe ne démérite pas, même si le tarif a tendance à s’envoler rapidement (6€/kg). La gamme Bio n’est pas en reste, avec une tourte de Meule d’excellente facture ou une baguette qui n’a rien à envier à sa soeur traditionnelle. Le Tigré satisfera les amateurs de moelleux, tandis que les variations aux fruits secs s’adresseront aux plus gourmands.
Accueil ? Professionnel, souriant et chaleureux, il offre à la clientèle une excellente maîtrise des produits proposés et assure le service avec efficacité. Un élément bien nécessaire car les habitants des alentours ne s’y sont pas trompés : le couple Lefèvre et leur équipe offrent ici des prestations de grande valeur… sans céder à la tentation des manières surfaites.
Le reste ? Impossible de s’arrêter ici sans repartir avec l’une des nombreuses douceurs élaborées par notre artisan : que ce soit en viennoiserie, avec des propositions généreuses et très feuilletées, en gâteaux de voyage – mention spéciale pour le cake à la vanille et sa croûte de cassonade – ou en pâtisserie pure, il serait difficile de mettre en défaut les produits présentés dans les vitrines de cette boutique. Ajoutez à cela des prix démocratiques, voire philanthropiques d’un point de vue parisien et compte tenu de la qualité, vous obtenez des gammes que l’on aimerait vraiment retrouver au sein de notre capitale. Les pâtes à choux, entre religieuses caramel beurre salé, chou façon Paris-Brest, Paris-La Celle-Saint-Cloud aux fruits de saison… sont particulièrement remarquables, entre fondant et craquant.
Seul le salé est en retrait, par l’étendue réduite de l’offre et son absence quasi-complète de mise en valeur.
Faut-il y aller ? Trois fois oui : oui, pour la qualité, oui, pour les prix, oui, pour l’accueil. Voilà une adresse qu’il faut retenir, et qui deviendrait vite indispensable si seulement elle n’était pas aussi éloignée de Paris… La banlieue a du bon, et heureusement que certains artisans ont à coeur de nous le rappeler.