Les codes du luxe que l’on veut de plus en plus attribuer au secteur alimentaire finissent souvent par être ennuyeux. On oublierait presque qu’il ne s’agit que de nourriture, pour s’intéresser à des considérations quasi-métaphysiques d’apparence, de message, d’emballage, … ajoutez à cela des vendeurs endimanchés, qui nous souhaitent sans sourciller une « excellente dégustation » et le tableau achève d’être complètement triste.

Laurent Favre-Mot a ouvert ce matin sa première boutique parisienne, à contre-courant de cette tendance. Ce pâtissier iconoclaste a quitté la cité phocéenne pour rejoindre la capitale, suite à de nombreux déboires liés à la culture locale. A présent, c’est dans le dynamique quartier de Pigalle, à proximité de la rue des Martyrs, que l’on pourra découvrir son univers.

La devanture, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

Le devanture n’est pas encore très expressive, peut-être n’est-elle pas terminée. Dans tous les cas, l’essentiel est à l’intérieur. Pas de poudre aux yeux, un décor sobre, des poutres apparentes, une grande table au fond de la boutique, pour un lieu sympathique malgré l’espace relativement contraint. L’essentiel de notre attention se concentre à l’entrée, avec la vitrine des pâtisseries.

La vitrine, Laurent Favre-Mot, Paris 9èOn y trouve des créations gourmandes et généreuses, au visuel sobre mais néanmoins bien fini. Têtes de mort et autres détails s’invitent dans le décor et marquent l’univers « rock n’roll » du chef. Tarte vanille en deux textures et noix de pécan, cheesecake sans cuisson dans sa boite en bois, verrine chocolat-choux-mikado, tarte yuzu, club sandwich, … il y en a pour tous les goûts.

Décor, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

Au delà de la créativité, Laurent Favre-Mot a bien compris l’essentiel pour réaliser une pâtisserie savoureuse : la fraicheur et la qualité des matières premières. Chocolat pure origine Chuao, pistache de Bronte, fraises des bois françaises, … autant d’ingrédients qui justifient sans doute les tarifs très parisiens pratiqués ici, avec des pâtisseries individuelles proposées entre 5 et 7 euros. Quelques propositions gourmandes et régressives s’invitent aussi dans l’offre : madeleines enrobées de chocolat, sablés garnis de ganache, cakes, …

Boite de transport, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

J’ai donné de ma personne (si si, je vous assure, c’est difficile) et j’ai ainsi goûté le Club sandwich (biscuit financier vanille, crème vanille, crème noix de pécan) et le « fucking dark chocolate » (biscuit cookie aux noix et chocolat, ganache chocolat noir, quenelle de chantilly chocolat au lait). On y retrouve des saveurs franches, un bon dosage du sucre, ce qui en fait des créations très recommandables.

L'addition, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

Terminons par un petit mot au sujet du charmant accueil, avec une équipe de vente au moins aussi tatouée que le chef lui-même. Souhaitons donc à cette nouvelle aventure beaucoup de réussite, d’autant plus qu’elle amène un souffle de fraicheur sur le domaine sucré, dans un quartier beaucoup d’acteurs ont tendance à vivre de leur réputation.

Infos pratiques

12 rue Manuel – 75009 Paris (métro Notre-Dame-de-Lorette, ligne 12)
Page Facebook

Parfois, certaines personnes, par leurs pratiques, prennent tellement d’avance sur le reste de la communauté que l’on peine à les rattraper. Il ne leur est même pas vraiment nécessaire de continuer à courir, les autres s’en chargent pour eux, à l’arrière. Bien sûr, il ne faut tout de même pas trop s’endormir et s’asseoir sur sa position, mais elle demeure assez confortable malgré tout.

Le Pain de Pierre, Lardy

A Lardy, Pierre Delton faisait partie des pionniers du pain biologique et biodynamique. En s’engageant auprès d’agriculteurs certifiés Demeter, il avait mis en place une véritable filière où le pain produit s’inscrivait pleinement dans la continuité des efforts réalisés aux champs : farine moulue à la pierre selon le procédé Astrié, levain naturel, four à bois à cuisson directe, façonnage manuel, eau purifiée… Une démarche entamée en 1982 mais qui reste encore aujourd’hui bien plus engagée que celle développée par la plupart des acteurs du marché. Le plus amusant est sans doute que ce n’est qu’un retour aux sources… et donc que, parfois, pour être en avance, il faut savoir revenir aux fondamentaux.

Ici, le Pain de Pierre est une institution, au point d'avoir son propre panneau indicateur !

Ici, le Pain de Pierre est une institution, au point d’avoir son propre panneau indicateur !

Dans ce petit village de l’Essonne, c’est d’abord la tranquillité et la verdure qui frappent, d’autant plus quand on est habitué à la grisaille urbaine. Il fallait du courage et de la conviction pour s’installer ici, mais les projets les plus ambitieux murissent sans doute mieux à l’abri du bruit et de l’agitation.
Après avoir été primé à de nombreuses reprises, porté aux nues par sa clientèle, le couple Delton s’en est allé au 1er janvier 2012. Ceux qui ont pris le relais ne sont pas des inconnus, puisqu’ils fournissaient déjà la matière première depuis plusieurs années : en détenant la chaine du grain au pain, ils assurent ainsi leurs propres débouchés et la pérennité du système.
La transition a été assurée sur plusieurs années, et le responsable de la production s’est ainsi vu confier les « clés » du procédé qui doit aboutir à un pain d’exception.

La façade, le Pain de Pierre, Lardy

En boutique, l’offre est concentrée sur le pain. Quelques grosses pièces « de campagne », des variations aux céréales et fruits secs, un méteil (mi-blé, mi-seigle), des farines dites « spéciales » (pur Seigle, pur Kamut ou pur petit Epeautre, châtaigne & blé) ainsi qu’une baguette sur farine T80, la Pierrette : la gamme est assez étendue et met le levain à l’honneur, puisque c’est lui qui assure la pousse des pains. Il se révèle parfois trop présent, notamment sur la baguette où ses notes acidulées finissent par devenir agressives. L’hydratation est également sensiblement insuffisante, avec des mies cotonneuses et sèches.

La Pierrette, une baguette réalisée sur farine T80. 1,50€ les 250g. La mie est cotonneuse et très acide.

La Pierrette, une baguette réalisée sur farine T80. 1,50€ les 250g. La mie est cotonneuse et très acide.

On trouve également quelques gourmandises feuilletées, briochées ou sablées, ainsi qu’une proposition salée anecdotique avec quelques parts de pizza. Ce qui occupe sans doute le plus d’espace est le coin « épicerie bio », avec des produits frais et secs. Cette activité paraît un peu anecdotique pour le quasi-parisien que je suis, mais elle doit trouver du sens dans une zone peu dense comme c’est le cas à Lardy. Les commerces ne sont pas légion, ce qui les incite sans doute à étendre leur champ d’action…

L'espace épicerie

L’espace épicerie

Le service est aussi impliqué et compétent qu’on pourrait l’attendre et il contribue à partager cet univers bien particulier, qui se ressent dès l’entrée dans la boutique.

Infos pratiques

Place de l’Eglise – 91510 Lardy-Bourg (gare de Lardy, RER ligne C) / tél : 01 60 82 77 22
ouvert du vendredi au mardi de 8h à 13h30 et de 15h30 à 19h30, 18h30 le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Ici, on ne plaisante pas avec l’engagement : réalisé sur levain naturel, à partir de farines moulues à la meule de pierre et de céréales cultivées en biodynamie, puis cuit dans un four à bois à chauffe directe, le pain proposé ici est le fruit d’une véritable démarche du champ au fournil. Seulement, cela ne suffit pas toujours. Souvent trop acide et manquant d’hydratation, il ne met pas bien en valeur ce cheminement, comme si la dernière étape – la panification – n’était pas la plus importante… alors que c’est justement le cas, puisqu’elle aboutit à la réalisation du produit destiné au consommateur. Cela laisse un goût d’inachevé, en plus de l’acidité marquée du levain. Dommage, d’autant que les tarifs demeurent assez élevés.
Accueil ? Sympathique et engagé, le service a à coeur de partager avec la clientèle les produits atypiques proposés ici et contribue à entretenir l’univers particulier du Pain de Pierre.
Le reste ? En dehors du pain, les gammes sont courtes. Quelques viennoiseries, des sablés, un peu de salé, rien qui ne justifie le déplacement. C’est la gamme d’épicerie qui retient plus le regard, même si les références sont assez classiques, en dehors des farines utilisées pour la production que l’on retrouve également en vente en sachet.

Faut-il y aller ? Pour découvrir une démarche engagée et en profiter pour s’éloigner un peu de l’agitation parisienne, oui, pourquoi pas. Lardy est une ville sympathique et verdoyante, où il fait bon se promener aux beaux jours. On ne pourra que regretter que le produit soit un peu en retrait… peut-être était-ce mieux du temps de M. Delton. Les transmissions ne sont pas toujours évidentes, et la trace du fondateur demeure souvent indélébile.

Quand on commence à jouer à un jeu, on en apprend les règles. Cela a toujours été ainsi, et j’espère que ça ne changera pas. Dans la vie, c’est la même chose : notre société est régie par un certain nombre de codes, qui nous permettent de vivre en communauté.
En boulangerie, on compte parmi ces fameux règlements l’observation d’un jour de fermeture hebdomadaire. Dans ce métier physique, où les équipes sont soumises – aussi bien en production qu’en vente – à des rythmes de travail soutenus, le maintien d’une telle pratique me paraît indispensable. Elle l’est d’autant plus qu’elle protège les artisans indépendants : si demain l’on autorise une ouverture 7j/7, les plus fragiles d’entre eux ne pourront pas prendre le pas et seront happés par des grosses structures, dotées d’équipes en roulement.

Seulement, quelques petits malins semblent avoir décidé d’écrire l’histoire à leur façon, en mettant de côté leurs obligations et en faisant fi de toute considération envers leurs confrères. C’est ainsi que les boulangeries Feuillette se distinguent : la plupart sont en effet ouvertes tous les jours de la semaine. Une pratique à laquelle la chambre syndicale devrait, à mon sens, mettre fin. Pourtant, l’entreprise multiplie les points de vente sans être inquiétée. Que fait la police ?

La boulangerie Feuillette de La Chaussée Saint-Victor, aux portes de Blois. Non, nous ne sommes pas sur la côte comme la terrasse et son agencement pourraient le faire croire !

La boulangerie Feuillette de La Chaussée Saint-Victor, aux portes de Blois. Non, nous ne sommes pas sur la côte comme la terrasse et son agencement pourraient le faire croire !

Boulangeries, vous dites ? Rendez-vous à La-Chaussée-Saint-Victor, en proche périphérie de Blois, pour découvrir le concept développé par le couple Feuillette. Les deux époux sont issus d’un cursus de pâtisserie, et sont passés par de grandes maisons. Ladurée, Pierre Hermé, Georges V, Claude Bourguignon, … un parcours exemplaire avant de poser leurs bagages dans le Loir-et-Cher. Très vite, leur ambition dévorante les pousse à grandir et à quitter le centre-ville pour privilégier les emplacements d’entrée de ville, où ils déploient des espaces de vente particulièrement spacieux, avec un décor et une identité particuliers. Dès notre arrivée, on constate que l’enseigne veut montrer son ancrage dans la « tradition » en affichant les portraits d’illustres ancêtres, comme si cela représentait un quelconque gage de qualité.

Le parking, véritable nerf de la guerre pour l'enseigne.

Le parking, véritable nerf de la guerre pour l’enseigne.

Rien à redire sur le concept : c’est bien exécuté et on comprend rapidement que tout a été pensé pour le rendre particulièrement rentable. Une gamme de pains très courte, recentrée sur la baguette de Tradition tarifée à 0,95€ avec une gratuité pour 3 pièces achetées, beaucoup de snacking en semaine et des pâtisseries plus élaborées le week-end. Ajoutez à cela un parking, beaucoup de place pour consommer sur place, des éléments rassurant le consommateur (fournil visible depuis la boutique, des spécialités « maison » telles que la brioche feuilletée…) et un service plutôt dynamique, jeune et souriant. Cela fait illusion et satisfait sans doute de nombreux consommateurs, parfaitement solubles dans le discours marketé de la maison Feuillette.

La baguette de Tradition

La baguette de Tradition

Preuve en est que M6 y a amené ses caméras l’an passé. En effet, l’émission « La Meilleure Boulangerie de France » avait fait escale à La Chaussée Saint-Victor suite l’inscription de la boulangerie par les clients, et sa sélection par la production. Le discours passionné de Jean-François Feuillette aura sans doute fait illusion quelques temps, mais la réalité est bien différente. La vocation de l’entrepreneur en s’approchant du métier de boulanger (auquel il a été formé par le biais d’un cursus accéléré, rappelons-le) tient plus au caractère lucratif du métier qu’à un quelconque amour profond du pain.

Les Feuillette n'ont pas fait dans la demi-mesure pour l'aménagement de leur boutique de la Chaussée Saint-Victor... quitte à en tomber dans des travers douteux, à l'image de la cheminée artificielle.

Les Feuillette n’ont pas fait dans la demi-mesure pour l’aménagement de leur boutique de la Chaussée Saint-Victor… quitte à en tomber dans des travers douteux, à l’image de la cheminée artificielle.

Des preuves ? En faut-il vraiment ? Installons-nous au coin du feu – tout aussi artificiel que le reste – pour découvrir les produits Feuillette. En bref, feuilletons le catalogue Feuillette. Tout un programme.
Le produit d’appel que représente la baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine livrée par Axiane Meunerie, affiche un visuel aussi sobre qu’attirant. Façonnage mécanique, coup de lame unique, aucune prise de risque pour faire exécuter la recette à des boulangers souvent peu expérimentés. Techniquement, tout y est : croûte craquante, mie légèrement grasse et bien alvéolée… reste le goût, assez neutre. On peut tout de même reconnaître le fait qu’achetée en lot – 2,85€ les 4 pièces -, ce produit offre un rapport qualité/prix satisfaisant.

Le fournil est bien mis en avant pour rassurer le consommateur sur le caractère artisanal de la production.

Le fournil est bien mis en avant pour rassurer le consommateur sur le caractère artisanal de la production.

Le reste de la gamme boulangère fait de la figuration. Les variations autour des fruits secs (noix, noisettes) ne présentent pas beaucoup d’intérêt – et leurs tarifs s’envolent rapidement, atteignant les 8,20€ le kilogramme ! -, tout comme la ciabatta qui se résume à un pain moelleux à l’huile d’olive, loin du produit réalisé par certains artisans.

Les viennoiseries sont de qualité très médiocre. La brioche feuilletée, érigée en spécialité de la maison, ne fait pas beaucoup mieux tant elle est riche et mal équilibrée en saveurs.

Les viennoiseries sont de qualité très médiocre. La brioche feuilletée, érigée en spécialité de la maison, ne fait pas beaucoup mieux tant elle est riche et mal équilibrée en saveurs.

Pour le reste, il n’y a pas beaucoup de questions à se poser. Les produits sont attirants à l’oeil, que ce soit en pâtisserie ou qu’il s’agisse de la brioche feuilletée, vantée pour être la spécialité de la maison. En bouche, c’est une autre affaire. Les notes de gras et de sucre ont tendance à s’exprimer plus que les parfums que l’on serait en droit d’attendre… mais il ne s’agit en définitive que du goût « standard », auquel nous avons été habitués depuis bien des années. L’entreprise ne fait que reproduire des recettes qui fonctionnent, et le succès de leurs produits ne pourrait leur donner tort. C’est ainsi que l’on économise sur les matières premières, pour aboutir à des affaires sans doute plus florissantes. Est-ce ainsi que nos artisans doivent agir ?

Le week-end, la vitrine pâtisserie est bien garnie.

Le week-end, la vitrine pâtisserie est bien garnie.

Si de telles pratiques n’avaient pas d’impact sur le reste de la profession, on pourrait tout simplement faire le choix de les ignorer, et se contenter de laisser le consommateur seul juge pour son acte d’achat. Seulement, les choses ne sont pas aussi simples : un artisan confronté à une concurrence agressive n’a pas toujours les moyens d’y répondre de façon sereine. Dès lors, il est souvent tenté de se positionner en concurrence frontale, et donc de reprendre les mêmes codes.
Un bon exemple est celui de Christian Nardeux, lequel possède plusieurs affaires dans le secteur de Tours. Une boulangerie Feuillette s’est installée récemment à Saint-Cyr-sur-Loire, soit à proximité de l’une de ses boutiques. Sa réaction ? Faire du 3+1 à son tour. C’est ainsi toute la profession qui est tirée vers le bas. En se détournant des préoccupations fondamentales de qualité pour engager une guerre des prix et de compétitivité, elle ne pourra plus faire face à la concurrence industrielle sur le long terme.

Christian Nardeux est également livré en farine par Axiane Meunerie. Certains acteurs de la profession savent ouvrir le robinet à farine sans ménagement.

Christian Nardeux est également livré en farine par Axiane Meunerie. Certains acteurs de la profession savent ouvrir le robinet à farine sans ménagement.

Je ne doute pas cependant de la capacité du couple Feuillette à tirer son épingle du jeu. Bien plus que la passion du métier d’artisan, ils ont développé une véritable fibre entrepreneuriale qui parviendra sans doute à développer leur marque. Au point de convaincre de nouveaux partenaires de les rejoindre, au travers d’un système de franchise. Il faudrait donc parfois savoir oublier d’où l’on vient pour arriver où l’on veut. Le constat est aussi triste que réel.

Infos pratiques

Toutes les adresses et informations sur le site internet de l’enseigne : http://www.feuillette.fr

La capacité de certains artisans à fédérer une communauté d’adeptes autour d’eux mériterait sans doute d’être étudiée avec plus d’attention. Dans un monde où les relations ont tendance à être toujours plus éphémères et fragiles, tout ce qui peut aller à contre-courant devient remarquable. Il n’y a pas que la qualité des produits qui puisse justifier un tel phénomène. Une ambiance, un univers, … autant d’éléments qui représentent des pistes à développer pour ceux qui peinent à s’imposer auprès de leur clientèle.

Jean-Paul Charbonnier - Les Délices de Monceau

En la matière, les époux Charbonnier semblent avoir bien compris comment fidéliser les gourmands. Dans le 15è arrondissement, leur boulangerie jouissait d’une réputation particulièrement florissante, et leur départ aura fait plus d’un déçu.
Il n’aura fallu attendre que quelques mois pour les retrouver, puisqu’ils ont repris une affaire fin août 2014. C’est à présent en haut du boulevard Malesherbes qu’on les retrouve, au sein d’une boutique beaucoup plus spacieuse.

Vue sur la terrasse, Jean-Paul Charbonnier - Les Délices de Monceau

Dans cet emplacement d’angle, avec une terrasse et un espace salon de thé à l’intérieur, le couple dispose de bien plus d’espace pour dérouler son univers… nous sommes bien loin du boyau étroit du 123 rue de Vaugirard. On retrouve avec plaisir la générosité et l’inventivité de l’artisan, au travers d’une large gamme de gourmandises et de propositions salées. Les gâteaux de voyage (financiers, quatre-quart, cakes …) sont toujours bien représentés, en plus des tartes à la part, flans, fars, sablés et cheese-cakes. Les propositions plus pâtissières achèvent de garnir les vitrines.

Jean-Paul Charbonnier - Les Délices de Monceau

Jean-Paul Charbonnier – Les Délices de Monceau

En traiteur, sandwiches, plats chauds, quiches, pizzas et autres options variées assurent le déjeuner de nombreux travailleurs du secteur, tout particulièrement ciblés avec cet emplacement bien en vue.

Les pains, Jean-Paul Charbonnier - Les Délices de Monceau

Je l’avais déjà regretté en 2012, mais la situation n’a pas évolué malgré un changement de meunier (les Moulins Bourgeois livrent ici la farine) : le pain demeure toujours en retrait. La baguette de Tradition culmine à 1,25€ pour un produit juste médiocre, au façonnage peu élégant et à la mie sans consistance. Les grosses pièces ne font pas mieux, toujours trop denses et manquant d’hydratation. C’est tout à fait regrettable car le secteur n’est pas riche en artisans de qualité, alors qu’il y aurait une véritable carte à jouer sur le pain. La viennoiserie ne fait pas beaucoup mieux, avec des spécialités feuilletées sans volume ni intérêt et des idées discutables pour un artisan, comme un chausson au Nutella.

La relation de couple est toujours mise en scène, comme c'était le cas dans le 15è arrondissement.

La relation de couple est toujours mise en scène, comme c’était le cas dans le 15è arrondissement.

L’accueil, toujours mené par M. Charbonnier, est aussi chaleureux que dynamique et efficace. On se sent bien dans cette boulangerie et c’est avec plaisir que l’on s’y attable pour prendre une pause autour d’une boisson chaude ou pour un instant gourmand en toute simplicité.

Gâteaux de voyage, Jean-Paul Charbonnier - Les Délices de Monceau

Infos pratiques

153 Boulevard Malesherbes – 75017 Paris / tél : 01 42 27 86 02 (métro Wagram, ligne 3 ou Transilien lignes L & J gare de Pont-Cardinet)
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h, jusqu’à 18h le samedi.

Avis résumé

Pain ? C’est assurément le point faible de cette boulangerie… et c’est aussi regrettable qu’anormal pour un lieu dont la vocation devrait justement être de porter haut et fort les couleurs de ce savoir-faire artisanal. De plus, les tarifs sont élevés, avec notamment une baguette de Tradition proposée à 1,25€. Ajoutez à cela des façonnages approximatifs, des hydratations mal maîtrisées et des cuissons aléatoires, cela donne autant de bonnes raisons de passer son chemin sur cette offre.
Accueil ? Dynamique et efficace, il s’inscrit bien dans l’esprit que l’on connaît au couple Charbonnier. La boutique est accueillante, avec une terrasse et un espace salon de thé qui mettent bien en valeur cet emplacement d’angle.
Le reste ? Comme dans le 15è arrondissement, ce sont les propositions gourmandes qui séduisent le plus ici : entre les gâteaux de voyage et les pâtisseries, le choix est particulièrement large pour les becs sucrés, à des prix toujours très accessibles. Dommage qu’il n’en soit pas de même du côté de la viennoiserie, qui se révèle très décevante de par un feuilletage peu développé. On retrouve également de nombreuses options salées, entre sandwiches, tartes, quiches, plats chauds… ce qui nous oriente naturellement sur la nature de la clientèle des lieux.

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, pour une pause gourmande. Malheureusement, il reste encore du chemin à parcourir pour que l’ensemble des gammes soient cohérentes, en particulier sur le pain et les viennoiseries. C’est cependant avec plaisir que l’on retrouve ce couple à l’identité forte, qui sait fédérer autour de lui l’adhésion de sa clientèle.

Quand il s’agit de boulangerie, il y a des sujets plus croustillants que d’autres… j’en traiterai un très prochainement d’ailleurs. Parmi eux, la viennoiserie s’impose en bonne place. A cela plusieurs raisons : elle n’est plus suffisamment respectée par nos artisans, qui la délaissent complètement et font le lit des offres industrielles, mais aussi parce qu’à l’inverse les consommateurs sont toujours plus sensibles à un bon croissant, à un bon pain au chocolat. Ce plaisir simple et accessible, cette association subtile de croustillant, de fondant, … se résume souvent à un parcours du combattant tant il est devenu difficile de trouver de bonnes spécialités feuilletées.

Les concours professionnels valorisent les artisans qui mettent encore du coeur au tourage. La compétition pour le titre de Meilleur Croissant au beurre AOP Charentes Poitou d’Ile-de-France fait partie de ceux-ci. Comme toujours, certains participants sont plus appliqués ce jour-là que les autres, mais ne faisons pas (trop) de mauvais esprit.

Boulangerie 59 rue de Saintonge

Cette année, la remise des prix avait lieu ce vendredi 15 mai. On pourra regretter qu’elle ait eu lieu en soirée, en plein pont du mois de mai, ce qui ne lui donnera certainement pas la portée qu’elle aurait mérité… d’autant plus que les gagnants avaient été désignés depuis plusieurs semaines déjà.
Parmi les lauréats, on retrouve quelques habitués, à l’image du sympathique Guillaume Schou installé dans le 16è arrondissement (et plus récemment à Neuilly-sur-Seine), mais c’est Benjamin Turquier qui a raflé la mise.

Les coupes bien mises en avant près de la caisse

Les coupes bien mises en avant près de la caisse

L’an passé, c’était l’un de ses salariés que l’on retrouvait en tête de classement. Grâce à un véritable goût pour la compétition et à une application quotidienne, voilà l’entreprise toute entière primée. Ainsi, ce sont plusieurs milliers de croissants qui ont été vendus ce week-end au 59 rue de Saintonge, adresse de la seconde boulangerie de l’artisan. Un beau succès pour ce reconverti « sur le tard », lequel vient d’ailleurs de s’offrir une nouvelle devanture signée Lucien Helle. Sa première affaire, du 134 rue de Turenne, suivra dans le courant de l’été.

Voilà en tout cas un classement qui devrait faire du bruit… oui, connaissez-vous le cri du croissant ?!

Infos pratiques

134 rue de Turenne & 59 rue de Saintonge – 75003 Paris (métro République, lignes 3, 5, 8, 9 et 11 ou Filles du Calvaire, ligne 8)

Réflexions

16
Mai

2015

Les coquelicots

Une terre brulée. Voilà en substance ce qu’on laissera aux générations futures. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir averti, d’avoir pu constater les effets néfastes de nos pratiques. Il faut croire que rien n’arrête notre nature profonde, à la fois absolue et destructrice. Plus qu’un besoin matériel, c’est en réalité ce sentiment de maîtriser ce qui nous entoure que l’on recherche. Se placer « au dessus », toujours asseoir notre domination.

Coquelicots

Il fut un temps où les coquelicots s’épanouissaient librement dans les champs de blé. L’absence de traitement et les sols fertiles permettaient ces éclosions et rendaient le paysage plus gai, le teintant de quelques notes rougeâtres. La fleur avait fini par être associée à la boulangerie et c’est ainsi qu’on la retrouve dans certaines iconographies qui ornent les murs de quelques boutiques « à l’ancienne ».

Aujourd’hui, plus rien de tout ça. Nos champs sont devenus des usines à ciel ouvert, où l’on reproduit des plantes toujours plus productives, avec des caractéristiques dopées à la conception dans des laboratoires remplis de chercheurs dotés des meilleures intentions du monde.
J’y repense chaque année en voyant les coquelicots au bord des voies ferrées. A présent, ce sont les trains qui transportent les graines, et les bas-côtés accueillent les plantes. La poésie a quitté nos campagnes pour devenir un peu urbaine, un peu désillusionnée aussi.

A défaut d’en voir la couleur, on en a parfois l’odeur. Le coquelicot est parfois utilisé en pâtisserie, plus rarement en boulangerie, pour apporter un parfum bien spécifique aux créations. Il s’associe particulièrement bien avec les fruits rouges. Même s’il a été arrêté depuis, je me souviens encore du pain au Coquelicot, proposé par la boulangerie éponyme de la place des Abbesses. Une sorte de retour aux sources, une balade dans les champs… et dans le temps.

Malgré toutes les convictions que je peux avoir, je dois dire que je suis parfois pris par le découragement face à toutes ces personnes qui n’entendent aucun argument. Ils pensent ainsi qu’il ne sert à rien de faire de la boulangerie de qualité en dehors des « sentiers battus », que le combat face à l’industrie et les réseaux boulangers est perdu d’avance car il est impossible de se démarquer nettement… L’énergie nécessaire pour ébranler de telles pensées est souvent trop importante. Ainsi, la meilleure façon de leur répondre est sans doute de leur présenter… des faits, du concret.

La devanture ne sera bientôt plus assez grande pour notifier tous les prix !

La devanture ne sera bientôt plus assez grande pour notifier tous les prix !

A Romainville, l’Atelier des Artistes illustre parfaitement le fait qu’il est possible de réussir et développer son entreprise en se démarquant par la qualité. Souvenez-vous, je vous avais parlé de Stéphanie, Luzia et Jorge lors de leur installation en septembre 2013.
En moins de deux ans, le chemin parcouru est immense. Peu de gens croyaient au fort potentiel de cette affaire, du fait de possibilités de stationnement limitées et d’un emplacement « périphérique ». Jusqu’à leur arrivée, elle fonctionnait correctement, sans plus.

Des chouquettes garnies de crème pâtissière vanille. Un produit simple et très gourmand.

Des chouquettes garnies de crème pâtissière vanille. Un produit simple et très gourmand.

Dès le début, leur implication et leur talent a été reconnu par la population locale, et même au delà. Aujourd’hui, les gourmands se pressent d’un peu partout pour venir découvrir les créations du trio. Il faut dire que leur positionnement ne pouvait que séduire : proposer des produits de qualité à des tarifs accessibles, avec un service à l’avenant. Cela se vérifie au quotidien sur la boulangerie, avec une gamme maîtrisée (baguette de Tradition Bagatelle, pains biologiques au levain naturel, …), la viennoiserie (feuilletage généreux en beurre, très croustillant) et la pâtisserie où les classiques côtoient les créations.

Le laboratoire de pâtisserie, un investissement conséquent mais nécessaire.

Le laboratoire de pâtisserie, un investissement conséquent mais nécessaire.

Rapidement, le laboratoire est devenu trop étroit. Pas assez de capacité de cuisson, de place en froid, … il fallait trouver une solution pour continuer à grandir, à dessiner ce bel atelier. L’opportunité de reprendre un local attenant a permis de débloquer la situation : en investissant dans leur outil de production, ils ont pu maintenir leur qualité de production et entretenir des conditions de travail agréables pour leur personnel.

Des chouquettes garnies de crème pâtissière vanille. Un produit simple et très gourmand.

Des chouquettes garnies de crème pâtissière vanille. Un produit simple et très gourmand.

Nous sommes bien loin de la très petite entreprise que j’avais découvert en 2013. Aujourd’hui, ce sont près de 20 personnes qui se relaient ici pour le plaisir de la clientèle, avec une consommation de farine approchant des 120 quintaux mensuels.

Chaque week-end, la file d'attente se déroule sur la rue.

Chaque week-end, la file d’attente se déroule sur la rue.

Le plébiscite ne s’est pas arrêté aux consommateurs. Les concours professionnels ont participé à asseoir la réputation de l’Atelier des Artistes. Meilleure galette, meilleure baguette de Tradition du 93 l’an passé, … sans compter la participation à l’émission La Meilleure Boulangerie de France sur M6. Les récompenses se suivent mais nos trois associés gardent la tête froide, sans oublier leurs fondamentaux.

La farine de Maïs utilisée pour la réalisation du pain Broa. Sa couleur blanche et sa texture légèrement granuleuse en font un produit atypique.

La farine de Maïs utilisée pour la réalisation du pain Broa. Sa couleur blanche et sa texture légèrement granuleuse en font un produit atypique.

Ces fameux fondamentaux passent par une histoire à raconter au travers de leurs produits. C’est ainsi qu’on identifie un artisan, qu’une relation quasi-affective se créé. En la matière, les Artistes avaient beaucoup à dire : ils nous ont apporté un peu de soleil grâce à leurs origines portugaises. Bolo de arroz, pain Broa (réalisé avec une farine moulue à la meule et importée spécialement du Portugal, car beaucoup moins sucrée que celles proposées en France), Pao de lo (une génoise riche en oeufs), … et bien sûr les fameux Pasteis de Nata, la tradition est ici respectée et sublimée.

Les Pasteis de Nata tout juste sortis du four. Pour les emballer, une boite a été spécialement mise au point. Elle met bien en valeur le produit et ceux qui le fabriquent : idéal pour offrir !

Les Pasteis de Nata tout juste sortis du four. Pour les emballer, une boite a été spécialement mise au point. Elle met bien en valeur le produit et ceux qui le fabriquent : idéal pour offrir !

Les heureux événements s’enchainent et on aurait bien du mal à s’en plaindre tant ces jeunes entrepreneurs sont sympathiques. Tandis que Luzia a récemment accouché de son premier enfant, Jorge a brillé ces derniers jours sur le parvis de Notre-Dame en remportant les épreuves de sélection du Concours Régional puis National de la Meilleure Baguette de Tradition. Il fera ainsi partie des trois finalistes à concourir mercredi.

Les flans Grand-Mère avant cuisson : un produit simple et gourmand, avec une texture très crémeuse.

Les flans Grand-Mère avant cuisson : un produit simple et gourmand, avec une texture très crémeuse.

C’est un véritable plaisir de voir des gens habités d’une profonde envie de faire plaisir et de partager avec la clientèle un peu plus qu’un bout de pain. Stéphanie et son équipe le font très bien au quotidien… et on ressort de cet Atelier non seulement avec des gourmandises, mais aussi avec un sacré entrain.

Infos pratiques

73 boulevard Edouard Branly – 93230 Romainville (métro Mairie de Montreuil, ligne 9 – attention, c’est assez éloigné tout de même !) / tél : 01 48 57 07 01
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 20h – 19h30 le dimanche.

On se dit parfois qu’il faut avoir un sacré petit vélo dans la tête pour mener à bien certains projets. La folie et la conviction profonde d’avoir raison sont nécessaires pour entreprendre, et c’est ce qui nous fait avancer. Ainsi on peut considérer qu’il est tout à fait raisonnable d’être fou.

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En parlant de vélo, c’est dans une ancienne boutique de cycles que s’est installée Delphine Plisson. D’ici à dire qu’elle a fait sortir son petit vélo pour l’installer en ces murs, il n’y a qu’un pas.
L’idée de cette ancienne de la mode (Agnès B., Saint Laurent, Claudie Pierlot) était simple sur le papier : réunir en un même lieu la fine fleur de la gastronomie. Epicerie fine, boucherie, charcuterie, fromagerie, primeur, boulangerie… avec un espace de restauration sur place : un concept de food court inspiré de ses découvertes à l’international.

Une épicerie avec un manifeste aussi détaillé, ce n'est pas banal : on y retrouve les engagements et la démarche de l'établissement, détaillés de façon très ludique.

Une épicerie avec un manifeste aussi détaillé, ce n’est pas banal : on y retrouve les engagements et la démarche de l’établissement, détaillés de façon très ludique.

La tâche n’aura pas aisée pour passer du rêve à la réalité : trouver les fonds, les produits, mener à bien les travaux… ce sont ainsi plus de 3 années de marathon, menées de front avec son équipe dans les terroirs français, qui s’achèvent en ce 8 mai 2015. En effet, c’est aujourd’hui que le 93 boulevard Beaumarchais, Paris 11è, a ouvert ses portes.
Je pourrais céder à la facilité et dire que c’est un beau marchais, pardon, marché, mais ce serait un peu réducteur car il s’agit de bien plus que cela.

Charcuterie, Maison Plisson, Paris 11è

Le gourmand est invité à déambuler entre les différents pôles, à passer de la boucherie au primeur ou de la cave à l’épicerie salée et sucrée. Au total, ce sont 500m2 dédiés au bon, parfois au très bon. Cela paraît beaucoup, mais on se sentirait parfois presque à l’étroit parmi toutes ces propositions.
Les cautions ne manquent pas pour agrémenter l’ensemble : Bruno Doucet pour piloter la carte de l’espace restauration, Didier Massot à la boucherie, Ludovic Galfione au fromage… mais au final, seul compte le goût, et surtout le fait d’en avoir pour son argent.

Légumes, Maison Plisson, Paris 11è

En la matière, le pari est plutôt réussi : les références sélectionnées sont très qualitatives, avec des prix plutôt corrects. On est bien loin des dérives tarifaires de certaines épiceries fines parisiennes, avec des produits réellement artisanaux. Bien sûr, quelques lignes de la composition de certains produits font toujours tâche, mais c’est devenu le lieu commun de notre paysage culinaire.

L'épicerie salée

L’épicerie salée

La boulangerie mérite de porter son nom, puisque les pains sont entièrement réalisés sur place. Au sein d’un fournil flambant neuf, visible dans le fond de la boutique, les ouvriers se relaient pour proposer des gourmandises fraiches à tout moment de la journée. Il est sans doute un peu tôt pour se prononcer sur le produit, rodage oblige, mais quelques points me surprennent un peu… à commencer par le choix de l’artisan en charge de la supervision de cette gamme.

Madeleines, Maison Plisson, Paris 11è

En effet, c’est Liberté et son chef pâtissier Benoît Castel qui sont aux manettes, alignant ainsi leur troisième ouverture en moins d’un an (!). J’ai peine à croire qu’il soit possible de stabiliser les équipes et la qualité de production dans ces conditions, d’autant plus quand la boulangerie n’est pas son métier de base. Enfin, j’espère avoir tort.
Autre point noir : les prix. Si la baguette de Tradition s’affiche à 1,10€, les spéciaux s’envolent très rapidement.

Espace boulangerie, Maison Plisson, Paris 11è

Je ne doute pas du succès que devrait rencontrer la Maison Plisson, car on a ici un lieu cohérent, où le ramage se rapporte bien au plumage. Les horaires très larges – 8h30 à 21h du lundi au samedi, 9h-17h le dimanche – ajoutent au côté pratique et en font un point d’attache pour tous les moments de la journée.

La carte petit déjeuner, Maison Plisson, Paris 11è

Infos pratiques

93 boulevard Beaumarchais – 75011 Paris (métro Saint-Sébastien – Froissart, ligne 8)
ouvert du lundi au samedi de 8h30 à 21h et de 9h à 17h le dimanche.
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Certains voient la boulangerie comme un passeport pour une nouvelle vie, souvent à l’étranger. Seulement, pour arriver à concrétiser ce rêve, il faut posséder un véritable savoir-faire, une certaine approche du métier, et un projet qui puisse trouver du sens autant pour soi que pour les autres. En la matière, nous sommes bien souvent loin du compte, et c’est ce qui explique en partie les difficultés que peuvent rentrer ces entrepreneurs par la suite.

Fournil Ephémère, Montreuil (93)

A Montreuil, un fournil hors-normes propose depuis quelques mois ses produits plusieurs fois par semaine. Installé au sein d’une ancienne marbrerie, le Fournil Ephémère a pour vocation de redonner vie à des ateliers en sommeil, de concilier production artisanale et artistique… mais aussi et surtout de réaliser des pains sur base de levain naturel, réalisés exclusivement à partir de farines issues de l’Agriculture Biologique.

A l'extérieur, on indique encore la précédente destination du lieu.

A l’extérieur, on indique encore la précédente destination du lieu.

François Massonnet et Gaultier Vexlard ont construit ce projet de façon à concilier leur goût pour le voyage et pour le partage. Ils ont épousé le métier de boulanger sur le tard, en suivant une formation au sein de l’Ecole Internationale de Boulangerie fondée par Thomas Teffri-Chambelland. Cette structure étant spécialisée dans la panification au levain naturel, ils ont pu acquérir de solides bases pour ensuite mettre en place leur gamme.

Pains variés, Fournil Ephémère, Montreuil (93)

Aujourd’hui Montreuil, demain peut-être Lyon, après-demain dans le Montana ou à Tokyo… les deux compères – ou co-pains pourrait-on dire – ne manquent pas d’idées, avec toujours l’ambition d’apporter un peu plus qu’un bout de pain, de s’inscrire dans une dynamique plus globale : humanitaire, social ou artistique comme ici, la boulangerie est un formidable vecteur d’échanges et de cohésion.

Sablés et gourmandises, Fournil Ephémère, Montreuil (93)

Le succès rencontré par leurs ventes en atteste. Les lundis, mercredis et vendredis, les clients sont nombreux à se presser dans la petite cour aménagée en lieu de vente de fortune. Bien sûr, ils viennent chercher des produits de qualité mais cherchent aussi cet état d’esprit un peu particulier, différent. Montreuil est un terreau fertile pour ce genre d’initiative, sa population métissée y étant sensible.
Ceux qui pensent que vendre du pain de qualité devraient d’ailleurs revoir leurs idées : ici, le kilogramme de Campagne se négocie à 6€, et certaines références peuvent monter jusqu’à 12€. Chacun choisit selon ses besoins et envies : tout est proposé au poids, avec notamment des pains moulés (peut-être un peu trop, d’ailleurs ?) qui se prêtent bien à ce type de partage.

Au premier plan, l'étonnant Pain Sicilien. Réalisé à partir de farine de Blé dur, il exprime des notes sucrées et offre une texture très fondante. Les graines de sésame semées sur le dessus apportent du craquant et des parfums de grillé.

Au premier plan, l’étonnant Pain Sicilien. Nature ou au Curcuma, il est réalisé à partir de farine de Blé dur et exprime des notes sucrées et offre une texture très fondante. Les graines de sésame semées sur le dessus apportent du craquant et des parfums de grillé.

Khorasan, Seigle, Petit Epeautre, pain Allemand… les amateurs de céréales variées et anciennes seront comblés par les propositions faites ici, tandis que les gourmands se tourneront vers les déclinaisons aux olives, noix et raisins, ou encore les pains briochés nature ou aux fruits. Ces derniers expriment d’ailleurs un caractère assez rustique, étant peu chargés en matières grasses, sans pour autant perdre du moelleux et de la conservation – le travail sur Levain de lait aidant.
En parlant de levain, ce dernier se fait très discret dans l’ensemble des produits : le parfum des farines domine, et cela met bien en valeur le travail réalisé par le Moulin Pichard qui fournit la matière première.

Les pains briochés sont bien cuits, mais restent moelleux. Ils possèdent une identité bien particulière.

Les pains briochés sont bien cuits, mais restent moelleux. Ils possèdent une identité bien particulière.

Le rayon des gourmandises se garnit selon les saisons et l’inspiration : sablés variés (navettes, cookies, au citron, …), cakes, muffins, madeleine, à chaque fois on y retrouve des farines de haute qualité nutritive, ce qui contribue à se faire plaisir sur tous les plans.

Le tableau présente les produits du jour.

Le tableau présente les produits du jour.

Toute l’équipe accueille les curieux et habitués avec le sourire et une réelle volonté de partager l’univers singulier cultivé ici. Les voisins passent commande, les passants comme moi découvrent les dernières créations… un lien se créé, l’éphémère se rompt : c’est aussi ça, la boulangerie, un métier qui rapproche les hommes… d’autant plus quand il s’agit de projets qui sortent des sentiers battus.

La cour de la Marbrerie : un lieu tout aussi atypique que le projet

La cour de la Marbrerie : un lieu tout aussi atypique que le projet

Infos pratiques

21 rue Alexis Lepère – 93100 Montreuil (métro Mairie de Montreuil, ligne 9) / tél : 0782213017
ouvert les lundis, mercredis et vendredis de 17h à 20h. présence sur le marché Carnot à Montreuil le samedi matin.
Plus d’informations : http://fournil-ephemere.fr ou sur la Page Facebook

Les quartiers résidentiels sont sans doute les plus difficiles à appréhender à Paris. En effet, il n’est pas possible de se reposer sur la seule « manne » du snacking, ce qui nécessite d’être performant sur de nombreux tableaux pour exister et développer son affaire. Est-ce forcément un mal ? C’est une belle opportunité pour les artisans les plus valeureux d’exprimer leurs savoirs-faire et de continuer à les développer au contact de leur clientèle.

L'Artisan des Gourmands, Paris 15è

L’Artisan des Gourmands, Paris 15è

Paris 15è, l’arrondissement le plus peuplé de la capitale. Le week-end, la rue Saint-Charles et les voies adjacentes s’animent au rythme des familles qui préparent leurs repas et moments heureux passés ‘ensemble’. C’est ici que le couple Cocardon s’est installé en fin d’été 2013 pour dérouler son univers. Ainsi est né « L’Artisan des Gourmands », une dénomination qui en dit long sur la vocation de ces talentueux entrepreneurs.

Si l’on met souvent à l’honneur le savoir-faire du conjoint en production, il convient ici de rendre hommage au talent de chacun : si Benoît Cocardon régale nos papilles avec ses produits, son épouse Sophie, accompagnée d’une équipe de vente dynamique et impliquée, tient avec beaucoup d’élégance et de rigueur l’espace de vente qu’ils ont aménagé. Ces deux anciens de chez Carette en ont retiré le meilleur – l’exigence et le goût du produit – pour le rendre accessible au plus grand nombre.

Les tables à l'extérieur, L'Artisan des Gourmands, Paris 15è

Ici, la transformation a été totale : si l’on connaissait la boutique du 60 rue de la Convention avant leur arrivée, on a bien de la peine à croire qu’il s’agit du même endroit. La configuration en angle est bien mise en valeur et laisse entrer la lumière naturelle pour valoriser les nombreux produits mis en rayon… lesquels peuvent se déguster sur place, sur les tables attenantes déployées aux beaux jours.
Les vitrines mettent en valeur les nombreux prix reçus par l’artisan ces derniers mois : meilleure pâtisserie d’Ile-de-France, meilleure tarte aux pommes, parmi les meilleurs croissants… Si je suis souvent perplexe vis à vis de la cohérence entre ces classements et la production quotidienne, ce n’est pas le cas ici.

Vitrine pâtisserie, L'Artisan des Gourmands, Paris 15è

L’équation régularité-qualité-prix entretenue ici est exceptionnelle, et cela se vérifie sur l’ensemble des gammes. Ainsi, les gourmands peuvent déguster d’excellentes viennoiseries au beurre AOP Charente-Poitou en variant régulièrement les plaisirs : croissant, triangle choco-noisettes, bretzel aux raisins, carré gourmand aux fruits, palmier bien caramélisé… la gamme est aussi pléthorique que qualitative. Ce goût pour les douceurs du quotidien s’entretient également du côté des gâteaux de voyage, avec des cakes moelleux (chocolat, agrumes, fruits confits), un régressif « gâteau de mamie » ainsi que des madeleines miel-citron de haute volée.

Vitrine viennoiserie, L'Artisan des Gourmands, Paris 15è

La pâtisserie s’inscrit dans le même registre : entre tradition (tartes aux fruits variées, éclairs, millefeuilles…) et modernité (entremets élaborés et créatifs), difficile de choisir. Les propositions évoluent au fil des semaines et de l’inspiration, avec chaque dimanche une religieuse différente et souvent de belles découvertes (verveine, ananas-whisky-cranberries, chocolat-caramel-cacahuètes, …). La pâte à chou est en effet un des supports que Benoît Cocardon aime employer, preuve en est de ses « dimanche éclair » organisés de temps à autre : une belle façon d’animer la boutique en créant des rendez-vous avec la clientèle. Il faut saluer les tarifs particulièrement raisonnables, puisqu’une pâtisserie individuelle ne dépasse pas les 4,20€, avec des tartelettes à 3 euros, des parts à 2,50€…

La vitrine d'un "dimanche éclair"

La vitrine d’un « dimanche éclair »

La boulangerie est réalisée avec tout autant de sérieux, même si l’on sent bien que l’identité de l’artisan n’est pas ici. La baguette de Tradition -réalisée en non-façonné- se décline en plusieurs cuissons, de très blanche à bien cuite (la « Diablotine ») et exprime un parfum de froment agréable. Les pains spéciaux sont, pour beaucoup, des mixes sans plus d’intérêt. Le week-end, un pain créatif vient compléter la gamme avec parfois des idées intéressantes (noix de pécan-caramel, fraise-abricot, …).
Le salé ne dévie pas de la ligne boulangère qui correspond bien à ce type d’établissement, avec des sandwiches, quiches, burgers… soignés et gourmands. Pour les en-cas les plus pressés, quelques petits pains salés et ficelles font leur office.

Les pains, L'Artisan des Gourmands, Paris 15è

Infos pratiques

60 rue de la Convention – 75015 Paris (métro Boucicaut, ligne 8 ou Charles Michels, ligne 10) / tél : 0145781410
ouvert du vendredi au mardi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? C’est sans doute le domaine qui exprime le moins d’identité et, de fait, d’intérêt. Même si la baguette de Tradition est très correcte, le reste de la gamme est très classique, avec des produits peu demandeurs en savoir-faire. On retrouve la touche pâtissière avec un pain du week-end créatif et jouant sur les associations de saveurs.
Accueil ? Sophie Cocardon et son équipe ont à coeur de partager avec la clientèle les produits présentés en boutique, et on se sent particulièrement bien dans cette boutique aménagée avec goût, où chaque chose trouve sa place. Aux beaux jours, les quelques tables disposées à l’extérieur permettent de prolonger l’expérience de façon agréable.
Le reste ? La viennoiserie et la pâtisserie sont définitivement les terrains de jeu favoris de notre Artisan des Gourmands. Le feuilletage est particulièrement maîtrisé, et cela se retrouve aussi bien sur le croissant que les diverses créations (carré gourmand aux fruits, bretzels aux raisins, roulés variés, …). Le croustillant et le parfum de beurre bien équilibré font de ces produits un véritable plaisir.
Les éclairs, tartes et autres entremets créatifs de Benoît Cocardon ne sont pas en reste. Avec des finitions toujours très soignées, un dosage de sucre modéré et un beau travail sur les textures, les pâtisseries proposées ici sont de grande qualité, à des tarifs quasi philanthropiques : tartelettes à moins de 3 euros, éclairs dans les mêmes tarifs, entremets aux alentours de 4,10€…
Le traiteur est réalisé avec le même sérieux, avec des sandwiches, quiches, burgers et autres pains salés de bonne facture.

Faut-il y aller ? Assurément ! Ce sympathique couple nous propose d’excellents produits, des gammes cohérentes et des tarifs particulièrement attractifs dans un écrin sobre et élégant. Ils participent à renouveler l’offre boulangère et pâtissière dans un quartier où certains avaient fini par s’endormir complètement sur leurs acquis et leur emplacement. Voilà une adresse comme on aimerait en avoir plus souvent en bas de chez soi ! et pourtant, on peut dire que ce n’est pas si convention…nel, malgré que l’on soit rue de la Convention.