8 juillet 2015, annonce des résultats du CAP Boulanger. Je suis admis, et, de fait, diplômé. Je devrais peut-être me réjouir, aller fêter ça, me dire que cela récompense des efforts fournis ces derniers mois. Rien de tout ça. Je suis là, à écrire un billet qui ne restera sans doute pas dans les annales des plus brillants de ce blog, mais qu’importe. Aujourd’hui, je n’avais pas envie de vous raconter d’histoires, mais de vous parler un peu de la mienne, de celle que j’ai écrit en commençant une formation accélérée en boulangerie au sein de l’Ecole de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris, le 9 février dernier.

J’en avais beaucoup entendu, je pensais être blindé. La vie sait faire tomber les certitudes. J’ai peut-être tort de considérer que l’enseignement devrait être un secteur protégé, où les aspects purement mercantiles savent rester en retrait derrière l’importance de la transmission à réaliser, des moyens à mettre en oeuvre pour donner à l’autre la capacité de se réaliser, de grandir et de s’épanouir.
On vit dans un monde formidable, où ces principes n’ont pas cours. Un monde où l’on propose des formations tarifées plusieurs milliers d’euros en faisant croire qu’elle représente la clé pour une nouvelle vie, un nouveau départ. De grands projets, j’en ai vu. Des envies d’ailleurs, d’ouvrir « sa » boulangerie à l’étranger, comme si ce métier représentait un eldorado, une opportunité de réussite facile à saisir.

Ceux qui réussissent ont du métier, des compétences, et une certaine humilité par rapport aux tâches qu’ils répètent chaque jour. Autant d’éléments que ces formations en quelques mois ne donnent pas. L’humilité est sans doute un élément déterminant, d’ailleurs. En arrivant, beaucoup imposent leurs certitudes et leur façon de penser. Bienvenue dans le royaume du « je », de l’affirmation du moi sur les autres. Avec le temps et la prise de conscience de la complexité du métier, certains en reviennent, se posent des questions et évoluent. J’ai eu plaisir à passer du temps avec eux. Sincèrement. J’ai failli abandonner au bout de la première semaine, plus que la contrainte physique, l’ambiance me pesait et l’incapacité chronique de certains de mes camarades à se plier à l’autorité, à recevoir un quelconque enseignement me pesait. Je n’ai pas la chance d’avoir les épaules très solides.

J’ai quand même continué à marcher, enfin, à tituber. Même si j’avais fini par tomber, cela n’aurait en définitive engagé que ma responsabilité : je n’ai jamais sollicité de financements ou d’aides. Les organismes de formation professionnelle, tels que le FONGECIF, participent aujourd’hui malgré eux à ce système. Une bonne partie des participants à ces mouvements de reconversion bénéficient en effet d’un accompagnement, et les écoles ne sont pas les dernières pour en profiter. Module optionnel coûteux et à l’intérêt discutable, sélection plutôt laxiste des candidats (véritable motivation ? conscience de la réalité du métier sur le terrain ?), à mon sens il y aurait fort à faire pour tendre vers de « bonnes pratiques » dans le secteur…

Si seulement cela présentait un quelconque intérêt. Ce n’est pas le cas : le système fonctionne, pire, il cartonne. Les sessions sont complètes, elles s’enchainent sans s’arrêter. A peine j’avais quitté l’école que d’autres me suivaient… pour passer le CAP en Septembre sur la session de rattrapage. Bien sûr, on peut voir cela sous un angle positif, en se disant que tout cet argent participe à la formation des jeunes en apprentissage. Ce n’est pas faux, mais est-ce tout à fait exact ? Les formateurs, malgré toute leur bonne volonté, disposent-ils vraiment des moyens (temps, matériel, énergie…) pour prodiguer un enseignement de qualité à ces futurs boulangers ? Personnellement, j’ai fini par en douter.

Pourtant, j’ai pu rencontrer des gens impliqués, de vrais passionnés, qui donnaient tout ce qu’ils pouvaient donner. J’ai un profond respect pour eux, et dans un sens, c’est grâce à eux que j’ai le faible espoir que l’on peut s’en sortir, que tout n’est pas perdu.
Pendant ces trois mois, j’ai eu l’impression qu’ils se débattaient dans un cadre usant. Entre des matières premières de qualité discutable (merci les GMP), une direction à l’inertie pesante, du matériel parfois rongé par le temps et une utilisation intensive, … les raisons ne manquent pas pour passer à côté de l’essentiel.

Dès lors, c’est la question de la qualité de la formation et ce qu’elle permet de faire ensuite qui se pose. Pour les adultes, le sort en est scellé par le format, la durée et le contenu des cours : l’essentiel du temps est concentré autour de 4 produits (baguette de Tradition, pain de campagne, pain au lait et croissant), car ces derniers sont repris dans le référentiel de l’examen. Certes, il changera légèrement l’an prochain, mais le fond reste le même : il ne s’agit pas de former des boulangers (parlez-nous de levain, de longues fermentations, de pétrissage lent ?), mais uniquement de faire en sorte que l’escroquerie soit moins visible lors de l’examen, que les candidats puissent sortir péniblement la production qu’on leur demande.
Cela aboutit à des statistiques bien peu avouables. L’EBP sait très bien communiquer sur un taux de réussite au CAP quasi-mirifique : cette année encore, on atteindra 100%. Pour moi, la seule donnée intéressante est le taux d’élèves qui restent dans la profession après 1, 2 ou 3 ans, et combien parmi eux se sont installés comme beaucoup le souhaitaient. Seulement ces chiffres font mal, très mal. Ils mettent le doigt sur le fait que la communauté finance des formations qui ne débouchent pas sur une reconversion durable, et que des individus en réelle difficulté ne profitent pas de l’accompagnement dont ils auraient, eux, vraiment besoin.

Vous l’aurez compris, j’ai le coeur lourd. J’ai participé à ce système, j’ai fait un chèque pour m’acheter un CAP. Je ne suis pas plus boulanger qu’hier. J’ai acquis quelques bases, mais elles sont nettement insuffisantes pour exercer ce métier correctement.
Je crois que par contre j’ai sérieusement besoin d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte, de tenter de ré-enchanter ce monde qui est devenu un peu plus noir encore. C’est la vie. Dans le désert.

Je regrette souvent le manque de discernement dont les artisans boulangers peuvent faire preuve quand il s’agit de sélectionner les matières premières destinées à la fabrication de leurs pâtisseries, sandwiches ou autres préparations faisant appel à d’autres ingrédients que de la farine ou du beurre. Entre chocolat bas de gamme, jambon premier prix, compote réalisée à partir de purée de pomme concentrée, … il n’y a pas beaucoup à chercher pour savoir pourquoi les produits que l’on consomme ont un goût bien étrange, désagréable voire proche de celui diffusé par l’industrie. Les fournisseurs très implantés dans le secteur (BackEurop, Transgourmet, Délice & Création…) ne font rien pour arranger les choses, et pour cause : ils s’assurent ainsi des marges confortables.

Les raisons à une telle situation sont multiples, mais cela tient surtout à un manque de culture et de volonté : plutôt que de chercher des producteurs, on va à la facilité.
Heureusement, quelques acteurs changent la donne et entreprennent un véritable travail de sourcing. C’est le cas des trois associés à l’origine du projet Dupain.
Si vous vous intéressez au paysage de la restauration parisienne, les noms de Julien Fouin et Ludovic Dardenay ne vous sont peut-être pas inconnus. En effet, ces deux entrepreneurs ont multiplié les ouvertures au cours de ces dernières années : Jaja, Glou, Beaucoup, ou plus récemment Grand Coeur et Bon Vivant… Leur réussite est aujourd’hui incontestable.

Boulangerie Dupain, boulevard des Filles du Calvaire, Paris 3è

Derrière la palissade les travaux vont bon train pour aménager la boutique au 20 boulevard des Filles du Calvaire.

Rien ne semble parti pour les arrêter, puisqu’on les retrouvera prochainement dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie. C’est avec Tanguy Lahaye qu’ils ouvriront à la fin du mois leur première boutique au 20 boulevard des Filles du Calvaire, dans le 3è arrondissement.
Le parcours de cet homme est aussi riche qu’atypique : parti d’une formation de restaurateur, il a évolué au sein de multiples entreprises reconnues dans la boulangerie-pâtisserie parisienne. Gérard Mulot, Midoré, … jusqu’à participer, avec ses deux futurs associés, à l’ouverture du concept de restauration rapide Aux 2 Vaches, boulevard Haussmann. L’idée d’en revenir au pain est venue très simplement, au cours d’un repas. Ce dernier représente un budget conséquent pour une entreprise de leur taille, dès lors la mise en place d’un outil de production dédié paraissait pertinente.

Pour parvenir à gérer efficacement ses équipes, Tanguy Lahaye aura donné de sa personne et pris le temps d’apprendre le métier : entre le CAP de Boulanger qu’il vient de passer et de nombreuses expériences dans des fournils d’artisans français passionnés, il a pu acquérir des compétences qui lui permettent d’être légitime et productif.
Si j’ai commencé en parlant de choix des matières premières, c’est qu’il a ici fait l’objet d’un processus particulièrement rigoureux. La farine, entièrement issue de l’Agriculture Biologique, est livrée par deux meuniers : Suire et Gilles Matignon. Ce dernier exploite un moulin artisanal en Seine-et-Marne, à Château-Landon. Travailler avec cette matière première représente une difficulté supplémentaire, car il faut s’adapter à chaque livraison, se poser des questions. Un choix qui dénote d’une véritable volonté de travailler avec des acteurs locaux et engagés.

Le pain au levain, future signature du lieu. Réalisé à partir de farine de Meule, d'une pointe de seigle et de levain naturel, il exprime une agréable note acidulée en fin de bouche.

Le pain au levain, future signature du lieu. Réalisé à partir de farine de Meule, d’une pointe de seigle et de levain naturel, il exprime une agréable note acidulée en fin de bouche.

Si la boutique verra le jour sur le boulevard, c’est en dessous que tout se passe. En effet, le fournil est visible au 111 rue Amelot. Dans les anciennes cuisines d’un restaurant asiatique, l’investissement réalisé est de grande ampleur : matériel neuf (four Bongard, façonneuse Merand, …), aménagement réalisé dans les règles de l’art, les créations de ce type ne sont pas légion.
Le personnel pourra ainsi réaliser les produits dans des conditions idéales. Bien sûr, les restaurants du « groupe » seront les premiers clients, et commencent déjà à être livrés (avec notamment près de 600 buns par jour pour Ground Control, bar éphémère installé dans le 18è arrondissement), mais les passants pourront profiter de la démarche au travers de gammes courtes et très soignées.

Les essais sont encore en cours sur la baguette, pour parvenir à un aspect et un alvéolage satisfaisants. Le parti-pris est de la proposer à un prix accessible - 1,10€ - pour montrer que l'on peut fabriquer une baguette biologique et de qualité abordable.

Les essais sont encore en cours sur la baguette, pour parvenir à un aspect et un alvéolage satisfaisants. Le parti-pris est de la proposer à un prix accessible – 1,10€ – pour montrer que l’on peut fabriquer une baguette biologique et de qualité abordable.

A l’ouverture, l’accent sera mis sur des pains de caractère, réalisés à base de levain naturel. Entre une généreuse miche sur base de farine de Meule et une baguette mélangeant astucieusement froment, seigle et petit épeautre, les amateurs seront satisfaits. Même choix en viennoiserie (sur base de beurre de Montaigu), où les croissants, pains au chocolat et chaussons aux pommes (fraiches et caramélisées) seront à l’honneur. La pâtisserie alignera moins de dix références (faisant la part belle aux fruits de saison), simples mais très travaillées en amont, tout comme l’offre traiteur. Tanguy Lahaye tient à ne proposer que des produits aboutis, goûtés, re-goûtés, et approuvés par ses associés.

Voilà donc un projet à suivre de près, car il apporte une vision intéressante de la boulangerie-pâtisserie tout en intégrant un engagement dans le savoir-faire métier. L’offre locale, aujourd’hui assez peu qualitative, devrait s’en trouver considérablement bousculée.

Infos pratiques

Boulangerie Dupain – 20 boulevard des Filles du Calvaire – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8)
ouverture prévue fin juillet 2015.

Fort heureusement, je ne fais pas que courir le pain, même si on pourrait parfois le penser. En dehors de ces plaisirs quotidiens que peuvent représenter le calme du jour qui se lève, le plaisir de construire et d’échanger autour de projets, d’histoires… je me promène souvent et je visite divers salons, professionnels ou grand public. J’y retrouve parfois des têtes biens connues, des marques très présentes sur le terrain ou dans l’espace médiatique. C’est tantôt un plaisir, tantôt une source de désagréments.

L'Artisan Bio, Moulins de Brasseuil (78)

Olivier Deseine est sans doute l’une des personnes que j’ai eu l’occasion de croiser le plus souvent dans les événements liés de près ou de loin au pain. SIRHA à Lyon, SIAL à Villepinte, JTIC à Reims, ou plus récemment au cours de la Fête du Pain sur le parvis de Notre-Dame ainsi que lors des Journées Professionnelles des Moulins de Chérisy, … il faut dire que l’homme compte parmi les acteurs impliqués dans l’évolution de la filière.
Non content de diriger les Moulins de Brasseuil, il exerce des responsabilités au sein de l’ANMF (présidence de la commission Bio & de la Région Ile-de-France) et de l’Observatoire du Pain. Il participe ainsi aux évolutions de la filière et tente d’apporter une vision ouverte et constructive dans un secteur souvent enclin à l’immobilisme et aux guerres de clan.

A gauche, le camion décharge le grain. La remorque à gauche stocke du son qui sera ensuite valorisé. Au milieu, derrière les fenêtres, les meules et cylindres s'activent.

A gauche, le camion décharge le grain. La remorque à gauche stocke du son qui sera ensuite valorisé. Au milieu, derrière les fenêtres, les meules et cylindres s’activent.

C’est dans la région de Mantes-la-Jolie que son histoire au sein de la meunerie commence. Fils de Meunier – son père et son grand-père exploitaient le Moulin de Mantes -, il a commencé très tôt, avant même l’âge de 16 ans, à creuser le sujet… en travaillant aux Moulins de Brasseuil, que sa famille achètera finalement en 1984.
Entre temps, Olivier Deseine sera passé par une école de commerce, aura suivi des cours particuliers en meunerie et mis en pratique les compétences ainsi acquises de façon régulière au sein de multiples moulins.
Cette double expertise lui permet aujourd’hui d’être pointu sur l’ensemble des sujets ayant trait à son activité, en pouvant ainsi passer des aspects commerciaux en clientèle au travail auprès des agriculteurs et coopératives.

Les Soder. Ces engins, dont la fabrication a été arrêtée, constituent en quelque sorte une solution intermédiaire entre les anciennes meules horizontales et les broyeurs à cylindres. Ils sont en effet composées d’un cylindre horizontal à base de pierre meulière broyée et liée par un ciment spécial, ce cylindre écrase le grain contre un sabot réglable de même composition et qui s’écarte automatiquement dès qu’un objet dur se présente.

Les Soder. Ces engins, dont la fabrication a été arrêtée, constituent en quelque sorte une solution intermédiaire entre les anciennes meules horizontales et les broyeurs à cylindres. Ils sont en effet composées d’un cylindre horizontal à base de pierre meulière broyée et liée par un ciment spécial, ce cylindre écrase le grain contre un sabot réglable de même composition et qui s’écarte automatiquement dès qu’un objet dur se présente.

La spécificité des Moulins de Brasseuil est en effet d’avoir fait partie des pionniers de l’Agriculture Biologique, en s’y engageant dès 1972. En s’y installant durablement en 1987, la famille Deseine aura à coeur de développer cette activité. L’outil a été adapté en conséquence : initialement, le circuit pneumatique destiné au transport du grain et des produits était mutualisé entre les meules et les cylindres, ce qui imposait des interruptions de production à chaque changement de processus, en plus d’engendrer des risques de contamination entre céréales conventionnelles et biologiques.
Progressivement l’outil a gagné en capacité, tandis que le Bio prenait de l’ampleur… pour atteindre près des 2/3 de l’activité aujourd’hui, une belle preuve de la pertinence de l’engagement.

La ligne d'ensachage, dont le fonctionnement est très moderne, avec palettisation automatique. En effet, les Moulins de Brasseuil ont été parmi les premiers à passer aux sacs de 25kg. De par son implication au sein de l'Association Nationale de la Meunerie Française, Olivier Deseine est parmi les premiers informés de l'évolution des "bonnes pratiques" du secteur. Il a ensuite à coeur de les mettre en oeuvre pour inciter les autres acteurs à suivre le mouvement. C'est notamment le cas avec un système de silos "souples" (assez semblables aux "big bag" où sont parfois entreposées certaines céréales) qu'il a déployé au sein du moulin, ce qui facilite le nettoyage et limite les risques de contamination.

La ligne d’ensachage, dont le fonctionnement est très moderne, avec palettisation automatique. En effet, les Moulins de Brasseuil ont été parmi les premiers à passer aux sacs de 25kg. De par son implication au sein de l’Association Nationale de la Meunerie Française, Olivier Deseine est parmi les premiers informés de l’évolution des « bonnes pratiques » du secteur. Il a ensuite à coeur de les mettre en oeuvre pour inciter les autres acteurs à suivre le mouvement. C’est notamment le cas avec un système de silos « souples » (assez semblables aux « big bag » où sont parfois entreposées certaines céréales) qu’il a déployé au sein du moulin, ce qui facilite le nettoyage et limite les risques de contamination.

Pertinence mais également pragmatisme et engagement. Voilà trois mots qui correspondent bien pour décrire Olivier Deseine. Dans un secteur où de nombreux acteurs sont malades de leur égocentrisme et de leur manque d’ouverture d’esprit, il a au contraire fait le choix de se rapprocher d’autres acteurs pour les engager dans sa démarche. Ainsi est née la marque l’Artisan Bio, qui est distribuée par plusieurs meuniers nationaux (Chars, Chérisy, Fouché, Ceard, …).
En parallèle, des synergies ont été créées avec les moulins de la famille Maurey, qui fournissent notamment leur assistance en terme de services (démonstrateurs, tests de panification), de contrôle qualité… Ces derniers ont d’ailleurs pris une part conséquente de l’actionnariat du moulin, dans une optique de transmission et de continuité.

Les Moulins de Brasseuil vendent de la farine aux particuliers les mercredis et vendredis après-midi.

Les Moulins de Brasseuil vendent de la farine aux particuliers les mercredis et vendredis après-midi.

L’engagement prend forme dans les champs, où les Moulins de Brasseuil sont particulièrement impliqués : si d’autres acteurs se déchargent de ce sujet et le confient à des coopératives ou des négociants, la volonté développée ici était de créer une véritable dynamique pour développer l’Agriculture Biologique à proximité, dans une logique de développement durable et de « manger local ». Il a fallu convaincre les coopératives et les agriculteurs de se lancer dans ce mode de culture, en leur assurant un débouché fiable. Un véritable travail de fourmi. Aujourd’hui, entre 50 et 70% de l’approvisionnement en blés Biologiques est issu de l’Ile-de-France. Ce chiffre est une belle réussite pour le « meunier nature », lequel a tissé des liens étroits avec le CERVIA, organisme en charge du label Saveurs & Talents Paris Ile-de-France.

Dans les bureaux, on retrouve des souvenirs des stands de certains salons : SIAL, SIRHA, ... Les Moulins de Brasseuil communiquent sur leur démarche Bio et locale.

Dans les bureaux, on retrouve des souvenirs des stands de certains salons : SIAL, SIRHA, … Les Moulins de Brasseuil communiquent sur leur démarche Bio et locale.

Si le sujet aurait pu paraître anecdotique il y a quelques années, il est devenu complètement dans l’air du temps aujourd’hui et fait l’objet d’une demande soutenue de la part d’artisans passionnés, qui souhaitent transformer des matières premières locales. C’est un axe de développement significatif pour le moulin, et une récompense pour la fidélité portée à ces valeurs. Des récompenses, on en retrouve d’ailleurs chez plusieurs des clients des Moulins de Brasseuil : Michel Fabre, Anthony Bosson et Frédéric Pichard se sont distingués à plusieurs reprises pour la qualité de leur pain biologique. Laura Petit, fondatrice de Scoop Me a Cookie, utilise également cette même farine… pour des biscuits savoureux et appréciés de nombreux gourmands.

Une meule, fabriquée dans l'Ain.

Une meule, fabriquée dans l’Ain.

Au bord de la Vaucouleurs, petit fleuve tranquille, le site semble donc couler des jours heureux. Les meules, véritable signature de l’entreprise, écrasent doucement le grain en dix passages… pour des pains riches en saveurs et en nutriments. De leur côté, les cylindres réalisent des farines plus conventionnelles, destinées à la réalisation de pains de Tradition, de viennoiseries ou de pâtisseries. Aujourd’hui, avec les Moulins de Versailles, c’est le dernier site meunier en activité dans les Yvelines.
Pour autant, il faut penser à l’avenir, et c’est sans doute l’une des préoccupations majeures entretenues par Olivier Deseine. Les vifs assauts de la grande distribution et des réseaux de boulangeries, la baisse de consommation de pain, la peur du gluten, … autant de sujets qui occupent une place importante dans son emploi du temps. Il multiplie les interventions dans le cadre de l’Observatoire du pain, tente de fédérer pour mettre en place des opérations de communication, … même si l’attentisme de ses confrères tend parfois à susciter un certain découragement.

Sacs de farine Biologique, Moulins de Brasseuil (78)

Les prochaines étapes ? Mettre en place le Label Rouge pour les farines de Meule, un processus engagé de longue date (porté initialement par les Moulins Bourgeois), et surtout continuer à apporter une gamme de produits variée et qualitative, où les céréales anciennes trouvent de plus en plus de place (avec notamment le Petit Epeautre).
L’Observatoire du pain compte également développer de la communication sur le pain au petit-déjeuner, ainsi que sur le sujet sensible du Gluten. Autant d’occasions d’entendre Olivier Deseine défendre ses convictions… et sans doute pour moi de le croiser au hasard de mes pérégrinations !

Plus d’informations

Moulins de Brasseuil : http://www.moulindebrasseuil.com
Observatoire du pain : http://www.observatoiredupain.fr

J’entends souvent des esprits chagrins qui me disent qu’il faut avant tout penser à la qualité de son emplacement, à optimiser son coefficient, à développer une offre la plus consensuelle possible et « adaptée » à notre époque, c’est à dire orientée avant tout sur le traiteur, en délaissant volontairement les fondamentaux que sont le pain ou la viennoiserie. Est-ce vraiment ça, la boulangerie artisanale, une simple histoire de chiffres ? Parfois, je me dis que pour juger notre façon d’agir, nous devrions demander à l’enfant que nous étions de parler de l’adulte que nous sommes devenu. Mettre le doigt sur notre renoncement, sur la grisaille qui a teinté nos idéaux, sur les poches sous nos yeux qui ne servent pas à grand chose sinon à prouver, à nous prouver, que nous sommes de grands travailleurs. De grands marathoniens à contre-sens, surtout.

Devanture, Citron Meringué, Issy-les-Moulineaux (92)

Heureusement je connais de véritables contre-exemples, qui ont justement écouté ces petits garçons et ces petites filles qu’ils avaient su rester au fond d’eux, en ayant à coeur de réaliser leurs rêves. Quelle plus belle façon d’être adulte ? En tout cas, c’est celle qui me plaît et me donne espoir.
C’est précisément le cas de Bruno Lepoix. Souvenez-vous, je vous avais parlé de ce reconverti à la boulangerie-pâtisserie et de sa boutique de Châtillon, astucieusement nommée Citron Meringué. Depuis, l’artisan n’a pas dévié de sa ligne directrice et est resté fidèle à ses valeurs : proposer des produits savoureux et accessibles, en restant sur des gammes courtes.

La sacherie rose vif ne passe pas inaperçu et participe à l'univers singulier de cet artisan.

La sacherie rose vif ne passe pas inaperçu et participe à l’univers singulier de cet artisan.

L’ouverture de sa première affaire avait été une aventure : prenez un emplacement loin d’être N°1, ajoutez-y les difficultés d’une création, vous devez alors vous constituer une clientèle en vous différenciant nettement du reste de l’offre… c’est précisément le parti-pris ici, et l’élément clé qui est parvenu à fidéliser et fédérer une véritable communauté autour de l' »esprit » Citron Meringué.
Au point d’arriver à une situation où le laboratoire pâtisserie était devenu trop petit, ne permettant pas de produire dans de bonnes conditions. Si l’idée d’un espace extérieur dédié à cette activité avait été envisagée, Bruno Lepoix a finalement opté pour un projet beaucoup plus ambitieux.

Le cadre est particulièrement sympathique devant la boutique.

Le cadre est particulièrement sympathique devant la boutique.

A Issy-les-Moulineaux, le quartier du Fort a été entièrement réaménagé pour y accueillir une zone résidentielle et des commerces. Au hasard d’une promenade, l’entrepreneur a découvert le projet et, séduit par le contexte, s’est rapproché de l’organisme en charge de l’opération.

Les cookies et le pain de Petit Epeautre, dernier né de la gamme.

Les cookies et le pain de Petit Epeautre, dernier né de la gamme.

C’est ainsi que Citron Meringué a pris le Fort il y a un peu moins d’un an, en ouvrant sa seconde boutique – une nouvelle création, avec l’investissement d’ampleur que cela entend. Le lieu est particulièrement sympathique : idéalement disposée face à une étendue d’eau artificielle, elle incite tout naturellement le client à prendre quelques minutes pour s’arrêter sur une des quelques tables disposées en terrasse (aux beaux jours !) ou à l’intérieur.

Le mur ne manque pas d'humour !

Le mur ne manque pas d’humour !

Les débuts n’ont pas été de tout repos : les choix marqués de l’artisan n’ont pas fait l’unanimité, et il a fallu de la pédagogie et du temps pour que ses qualités soient reconnues. Pas de baguette de pain courant, des pâtisseries plus chères que la moyenne locale (matières premières et main d’oeuvre qualifiée oblige), … autant de barrières potentielles, mais aussi de points d’affirmation de l’identité singulière de l’entreprise.

Pâtisseries, Citron Meringué, Issy-les-Moulineaux (92)

Avec une baguette de Tradition aux notes de crème, tarifée 1 euro seulement, des tourtes de Meule généreuses, des viennoiseries bien feuilletées et des créations pâtissières abouties, Bruno Lepoix a fini par séduire et, même s’il accuse un peu le coup de ces 5 années de labeur intenses, est aujourd’hui heureux du chemin parcouru.
Il s’agit en tout cas d’un bel exemple de reconversion réussie, cette dernière étant portée par une véritable passion du métier et l’acquisition d’un savoir-faire au travers d’une formation initiale, mais aussi de nombreux stages chez des professionnels aguerris.

Infos pratiques

71 esplanade du Belvédère – 92130 Issy les Moulineaux (métro Mairie d’Issy, ligne 12) / tél : 01 41 08 18 95
ouvert du mardi au samedi de 7h à 20h, jusqu’à 17h le dimanche.

J’ai parfois l’impression que nous sommes pris dans une vaste partie d’échecs, avec le simple statut de pion. A tout moment, un prédateur peut nous attaquer et nous extraire du plateau… Qui du fou, du cavalier, du roi ou de la reine, nous attaqueront ? Peu importe, car en définitive, on risque rien de terminer en échec, sans possibilité de se retourner. Rien de brillant, on pourrait même dire que c’est… mat.

Enseigne, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er

La boulangerie artisanale serait-elle prise dans une telle situation ? Entre les assauts répétés de l’industrie, des chaines aux offres commerciales agressives et la difficulté de plus en plus grande de s’installer, on pourrait bien le penser. Seulement, d’autres périls pourraient bien s’ajouter à la liste.
A commencer par l’arrivée d’acteurs étrangers de très grande taille, aux moyens financiers quasi-illimités. C’est précisément le cas du groupe coréen SPC-Paris Baguette. Avec plus de 3000 points de vente dans le monde (en Asie, mais aussi aux Etats-Unis), l’entreprise compte parmi les leaders mondiaux du secteur.

Paris Baguette, artisan boulanger, la signature aurait de quoi faire sourire quand on connaît l'identité du groupe !

Paris Baguette, artisan boulanger, la signature aurait de quoi faire sourire quand on connaît l’identité du groupe !

Malgré son nom faisant directement référence à notre capitale, cet empire ne s’était pas implanté sur nos terres. La donne a changé l’an passé, avec la reprise d’une boulangerie dans le centre de Paris, rue Jean-Lantier. La nouvelle n’était pas passée inaperçue, avec de nombreux articles dans la presse nationale. Je pense cependant que la question de fond n’avait pas été suffisamment traitée : quelles sont les ambitions de ce nouvel arrivant dans notre paysage boulanger ?

Devanture, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er

A l’image de la première acquisition, la reprise de l’affaire du 15 rue Gaillon, à proximité de l’Opéra Garnier, s’est faite sans bruit, dans le courant de l’automne 2014. Pendant plusieurs mois, la boutique a été exploitée sans grand changement visible… puis vint le temps des travaux, de la transformation. Le processus s’est achevé aujourd’hui, avec la réouverture de la boutique.

Pains, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er Le style est sobre et se fond bien dans le décor. Pas de faute de goût ni de volonté de se démarquer nettement de l’environnement concurrentiel. Cela avait même surpris : l’absence de spécialités asiatiques avait sans doute fait plus de bruit que le reste. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque l’on retrouve dans ce nouveau point de vente des produits très typés : entre le chiffon-cake à la vanille ou garni de chantilly, les brioches aux haricots rouges ou encore les petits pains moelleux recouverts de crumble façon « melon pan », les amateurs seront comblés. L’offre salée n’y échappe d’ailleurs pas, avec des sandwiches incorporant des ingrédients tels que le saté. C’est d’ailleurs plutôt cohérent : la rue Sainte-Anne et ses nombreux restaurants asiatiques ne sont pas loin… on peut donc y voir un certain prolongement.

L'intérieur, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er

Sauf qu’à mon sens, c’est tout autre chose. Que ce soit ici ou près des Halles, les emplacements semblent avoir été choisis volontairement « en retrait », comme pour installer des laboratoires permettant de prendre le pouls du marché avant de lancer une offensive de plus grande ampleur. Doucement mais sûrement, l’enseigne acquiert du savoir-faire et pourra à terme rivaliser avec les acteurs les plus en vue sur notre marché.

Brioche red bean, petit pain crumble façon melon pan... les spécialités asiatiques sont finalement arrivées chez Paris Baguette France.

Brioche red bean, petit pain crumble façon melon pan… les spécialités asiatiques sont finalement arrivées chez Paris Baguette France.

Cela passe notamment par les hommes, avec le recrutement d’hommes et de femmes de métier. En boulangerie, le Chef est notamment passé chez Eric Kayser et Mickaël Morieux, mais aussi dans la maison Paris Croissant à Séoul. Ce dernier a mis en place ces derniers mois une gamme complète et plutôt qualitative, avec une baguette de Tradition aux vives notes de froment et des pains au levain naturel, réalisés à partir de farines issues de l’Agriculture Biologique.
En parallèle, les recrutements ont continué, comme en témoigne une annonce publiée récemment sur le site internet de l’école Ferrandi. Le descriptif est clair : l’entreprise recherche des professionnels accomplis et ne rechigne pas à y mettre les moyens.

Des pâtisseries fines, bien finies.

Des pâtisseries fines, bien finies.

S’il y a bien sûr des marges d’amélioration, le résultat se révélait plutôt probant pour une journée d’ouverture. Du costume soigné porté par les vendeuses aux gammes produit déjà bien développées, le groupe prend vite de l’assurance. Doit-on s’en inquiéter ? Sans doute. Comme je l’évoquais précédemment, c’est avant tout la question du savoir-faire qu’ils parviennent à acquérir qui me semble centrale. Leur puissance de frappe incite naturellement les différentes entreprises de la filière à les suivre : meuniers, agenceurs, fournisseurs de matières premières… jusqu’au jour où ils auront atteint une certaine maturité, ce qui leur permettra d’imposer leurs conditions. Le rapport de force sera alors bien inégal, les structures financières étant fort différentes.

La caisse nous annonce la vocation du groupe Paris Baguette "We make people happy"... Cela laisse songeur !

La caisse nous annonce la vocation du groupe Paris Baguette « We make people happy »… Cela laisse songeur !

Voilà donc un sujet à suivre de près, et je ne doute pas que plusieurs acteurs de la profession ont déjà commencé à le faire avec intérêt… à commencer par leurs concurrents, à l’image du groupe Holder ou de la Maison Kayser. En attendant, découvrons ce nouvel Opéra, qui se joue en face de cette si charmante fontaine Gaillon.

Infos pratiques

15 rue Gaillon – 75001 Paris (métro Quatre-Septembre, ligne 3 ou Opéra, RER A & lignes 3, 7, 8 et 9) / tél :
ouvert du lundi au samedi.

J’avoue être sincèrement lassé de la concentration qui s’est opérée au sein de quelques quartiers ces dernières années : ainsi, pour proposer des produits gourmands et qualitatifs, il faudrait s’installer rue du Bac, à Saint-Germain-des-Prés, dans le Marais…? ou bien posséder un nom suffisamment reconnu pour inciter la clientèle à sortir de ces enclaves. Beaucoup de quartiers parisiens sont aujourd’hui en mouvement, avec un pouvoir d’achat plus élevé, ce qui devrait inciter des artisans talentueux à s’y installer pour partager leur savoir-faire en dehors des sentiers battus… sans compter sur les loyers beaucoup plus faibles qui y sont pratiqués.

Façade, Pâtisserie H&G, Paris 13è

Dans le 13è arrondissement, deux jeunes pâtissiers d’origine asiatique ont ouvert leur échoppe hier, à proximité immédiate de la place d’Italie. La Pâtisserie H&G – pour Henri & Giovanni – propose ses douceurs à l’abri de l’agitation, sur la discrète rue Véronèse.
Non contents d’exercer leur art du sucré, les deux associés ont aménagé un salon de thé dans un style plutôt moderne, avec quelques détails rappelant leurs origines. Le chat en figurine, disposé près de la caisse, est sans doute l’exemple le plus frappant.

Le chat, Pâtisserie H&G, Paris 13è

Les inspirations asiatiques se retrouvent aussi en vitrine. Le Durian, que l’on avait déjà rencontré chez Myu Myu un peu plus loin dans le même arrondissement, s’invite dans un entremets, ce qui ravira sans doute les amateurs de ce fruit au parfum détonnant.
Le reste de l’offre est plus traditionnel, avec notamment un Paris-Brest, un cheesecake aux fruits rouges, un millefeuille, une tarte au citron ou aux fruits rouges, quelques entremets… le dénominateur commun étant le soin porté à la finition du produit. Pour 3,8€ à 3,9€, on peut ainsi s’offrir une douceur de qualité… un prix qui semblerait impensable dans certains arrondissements.

Vitrine pâtisseries, Pâtisserie H&G, Paris 13è

Quelques propositions salées, constituées de salades et sandwiches, sont en place pour le déjeuner. Il serait bien difficile de s’en passer, car les pâtissiers « purs » peinent aujourd’hui à faire vivre leur commerce en semaine. On peut ainsi prendre une pause au calme, avec une boisson chaude.
En ouvrant à 9h, le salon de thé développe également la vocation de servir des petits-déjeuners, même s’il faudrait sans doute pour cela développer une réelle offre de viennoiserie, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Mange-debout, Pâtisserie H&G, Paris 13è

La pièce montée de macarons disposée en vitrine marque la volonté de l’entreprise de proposer des créations pour des événements festifs, à l’image des mariages, communions … où de tels produits sont habituellement servis.

Comptoir, Pâtisserie H&G, Paris 13è

Souhaitons donc beaucoup de réussite à cette jeune pâtisserie à l’accueil par ailleurs fort sympathique, qui renouvelle l’offre sucrée dans un quartier où celle-ci demeure encore embryonnaire.Le flyer, Pâtisserie H&G, Paris 13è

Infos pratiques

3 rue Véronèse – 75013 Paris (métro Place d’Italie, lignes 5, 6 et 7) / tél : 01 44 24 58 49
ouvert du mardi au dimanche de 9h à 20h.
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Retourner sur les terres où l’on a commencé, cela permet souvent de mesurer le chemin parcouru, l’expérience acquise… mais aussi d’effectuer des comparaisons plus pointues et pertinentes avec ce que l’on a vu depuis ou de comprendre la différence parfois abyssale entre le positionnement affiché et la réalité. C’est aussi l’occasion de se dire que le temps passe, sans doute trop vite, et que l’on est bien en peine d’avoir une quelconque prise sur ce mouvement perpétuel.

Le moulin

Le moulin

Je découvrais l’univers de la meunerie en janvier 2012 par la visite du Moulin des Gaults. Convié par Yvon Foricher, j’avais pu visiter cet outil de production, mais aussi et surtout toucher du doigt ce qui fait la force de cette maison : l’humain, au travers de professionnels engagés et passionnés, que ce soit dans la gestion du moulin ou au sein des équipes de démonstrateurs.
Depuis, j’ai passé du temps à me rouler dans la farine. Verdelot, Aiserey, Chars, Chérisy… sans compter sur les salons professionnels, qui permettent de mesurer la qualité et l’approche des différents acteurs.

Au bord de l'eau

Au bord de l’eau

Forcément, l’outil installé en bordure de la Notreure souffre un peu de la comparaison avec ses homologues. Que ce soit en terme de capacité de production, d’âge des machines ou de fonctionnement du moulin, on sent bien que les standards de la profession ont évolué. Cela n’empêche pas l’entreprise de réaliser un produit de grande qualité : les hommes et leurs choix importent parfois plus que les machines. Tout est lié. Il fallait une belle force de conviction et de la persévérance pour partir de rien comme l’a fait Yvon Foricher en s’installant ici, en reprenant un moulin à une époque particulièrement délétère pour le secteur de la meunerie artisanale. Forcément, l’assise financière n’est pas la même que celle détenue par de grandes familles, installées depuis plusieurs générations.

Les pains en dégustation permanente

Les pains en dégustation permanente

Il paraît que les bretons sont têtus. La famille Foricher pourrait difficilement renier ses origines, ni même donner tort à cette pensée commune, tant son opiniâtreté est indiscutable. Le développement de l’entreprise s’est fait grâce à une vision éclairée, laquelle demeure aujourd’hui : il ne suffit pas de livrer de la farine aux artisans boulangers, si qualitative soit-elle. Un meunier doit s’engager à leurs côtés et les pousser à faire toujours mieux. Yvon Foricher continue aujourd’hui à développer ce positionnement atypique, et ses 600 clients lui donnent raison au quotidien par leur fidélité et les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec leur meunier. Ses équipes commerciales et techniques sont très impliquées dans cet effort.

Le fournil de démonstration, très animé ces jours-ci.

Le fournil de démonstration, très animé ces jours-ci.

Pour y parvenir, l’entreprise a mis l’accent sur la formation, l’accompagnement… et a ainsi développé des « moments forts », où ses clients se retrouvent et peuvent échanger de façon conviviale. Les Portes Ouvertes du Moulin des Gaults, organisées tous les deux ans, associent une ambiance festive et le sérieux nécessaire pour construire un projet commun.

50 nuances... de pain : la présentation des caractéristiques nutritionnelles des produits de la gamme Foricher regroupée au sein d'un nuancier.

50 nuances… de pain : la présentation des caractéristiques nutritionnelles des produits de la gamme Foricher regroupée au sein d’un nuancier.

Cette année, l’accent a été mis sur la santé, avec une mise en avant des qualités nutritionnelles des différents produits de la gamme : de la baguette de Tradition au Complet en passant par la brioche ou la tourte de Meule, chacune des recettes a été étudiée pour associer gourmandise et bien être. Parmi les nouveautés, on compte un pain d’inspiration nordique, réalisé à partir de farine de Meule T80 CRC‬, d’Epeautre T110, de Seigle T170 et d’un mélange de graines. Il procure ainsi une énergie durable, des fibres et présente d’excellentes qualités de conservation.

L'espace Bagatelle et ses chiffres détaillés situation par situation.

L’espace Bagatelle et ses chiffres détaillés situation par situation.

Il y a également du neuf dans et sur le moulin : depuis quelques mois, l’ensemble des céréales qui y transitent sont issues de la démarche CRC. A l’extérieur, la peinture a été refaite pour rafraichir un peu l’aspect du bâtiment.
L’organisation des différents espaces destinés aux visiteurs a été revue, et une zone dédiée à la certification Bagatelle a été créée. Elle présente des chiffres et des arguments tangibles pour inciter les artisans à s’inscrire dans cette démarche qualité. En plus de la baguette, le croissant pourra bientôt être certifié : de cette façon, la différenciation avec l’offre industrielle sera toujours plus importante, et l’engagement du boulanger sera mieux valorisé.

Le stand Dinamo-Montaloups et ses superbes devantures peintes.

Le stand Dinamo-Montaloups et ses superbes devantures peintes.

Sous le chapiteau, les partenaires des Moulins Foricher proposent comme d’habitude leurs solutions : de la vannerie aux fèves en passant par les formations de pâtisserie, les marchands de matériel, les banques ou encore les systèmes de caisse, il y a toujours de bonnes idées à prendre et des contacts à nouer.

L'espace transactions

L’espace transactions

On notera également la présence d’un large espace dédié à l’installation et aux mutations de fonds. Le sujet est toujours plus sensible et central dans un contexte où les artisans indépendants peinent à trouver des affaires accessibles tout en présentant un certain potentiel.

Pain d'antan, tourte de Seigle ou de Meule... les grosses pièces ne manquent pas d'allure !

Pain d’antan, tourte de Seigle ou de Meule… les grosses pièces ne manquent pas d’allure !

Les nouveaux médias sont aussi à l’honneur, car le meunier entend pousser ses clients à « rester à la page » en étant présents sur les réseaux sociaux ou en créant leur propre site internet. Les artisans demeurent assez réfractaires à ce type de démarche, malgré une demande parfois soutenue au sein de leur clientèle. Un accompagnement pas à pas est alors nécessaire pour lever les éventuelles questions et doutes vis à vis de l’outil informatique.

On s'active au sein du fournil de démonstration. Ici, Thibaud prépare des pains "nouveau-né".

On s’active au sein du fournil de démonstration. Ici, Thibaud prépare des pains « nouveau-né ».

L’événement est devenu une véritable tradition et fédère toujours plus de visiteurs : 1400 personnes sont ainsi attendues sur 4 jours, jusqu’au mercredi 24 juin. Cela nécessite une organisation d’ampleur, et les équipes ont réalisé un travail remarquable pour accueillir chacun au mieux.
Impossible de terminer ce billet sans souligner la qualité exceptionnelle des produits présentés au sein de la boutique éphémère : spécialités feuilletées salées ou sucrées, gâteaux de voyage, pains de tous formats, … autant d’idées qui devraient inspirer nos artisans pour renouveler leur offre et proposer à leur clientèle des gammes innovantes. Bravo à Patrick Cognard et à toute son équipe !

Nous avons tous une fâcheuse à utiliser des acronymes, souvent pour aller plus vite, parfois pour cacher des messages, des idées… en bref, tous accros aux acronymes. Il fallait bien la faire. Heureusement, ils servent parfois à sceller des unions, à rapprocher des individus de façon efficace autour d’une même idée. Apprenons simplement à lire entre les lignes et à réduire ce qui doit l’être pour être pertinent.

Devanture, Boulangerie bo, Paris 12è

En arrivant devant le 85bis rue de Charenton, on peut légitimement se demander la signification de ce nom aussi court que mystérieux : bo. Boulangerie bo, est-ce un subtil jeu de mots pour former bo-ulangerie, serions-nous en présence d’un repaire de bo-bos…? Non, rien de tout ça.
Bo, c’est tout simplement l’association de Benoit Gindre et Olivier Haustraete. Les deux amis ont repris ensemble la boulangerie Bazin en février 2014, s’engageant ainsi dans une grande aventure.
Aventure, le mot n’est pas usurpé : il n’est jamais facile de passer après un couple aussi installé, d’autant plus quand on choisit une boutique classée. En effet, impossible de marquer le changement par des modifications de façade ou autres transformations plus profondes. Les réactions de certains habitués n’ont pas manqué d’être vives, parfois violentes. Pour autant, cela n’a pas entamé la détermination des deux compères pour faire souffler un air neuf en ces murs.

Une partie des pains sont réalisés à partir de farine Biologique, comme la tourte de Seigle, le pain de Kamut, l'intégral...

Une partie des pains sont réalisés à partir de farine Biologique, comme la tourte de Seigle, le pain de Kamut, l’intégral…

Puisque l’emballage ne pouvait pas être changé, ils se sont attelés à changer le contenu, et c’est sans doute l’exercice sur lequel chaque repreneur devrait se concentrer. Réduction des gammes, nouveau meunier, nouvelles recettes… si les vitrines ont bien changé d’allure, ce n’est pas le cas des équipes qui les garnissent. La plupart des pâtissiers et boulangers repris avec l’affaire sont toujours en place et ont accueilli avec beaucoup de réceptivité ces transformations, d’autant qu’elles s’accompagnaient d’une meilleure valorisation et responsabilisation de leur travail.

Des brioches façon Cramique Belge, aux raisins et sucre grain.

Des brioches façon Cramique Belge, aux raisins et sucre grain.

C’est bien là que s’exprime l’une des forces de ce couple d’entrepreneurs : grâce à un parcours professionnel riche et varié, ils apportent une vision plus moderne de la boulangerie artisanale.
Ainsi, Benoit Gindre met en pratique ses compétences en gestion, comptabilité et ressources humaines tout en assurant la supervision de la production boulangère au quotidien. De son côté, Olivier Haustraete déploie son savoir-faire pâtissier et sa créativité. Intéressons-nous au parcours de cet artisan atypique, porté par des inspirations d’ici et d’ailleurs.

Ici, les tartes salées se vendent à la part : chacun choisit selon son appétit et ses envies. La pissaladière accompagne très bien ce début d'été.

Ici, les tartes salées se vendent à la part : chacun choisit selon son appétit et ses envies. La pissaladière accompagne très bien ce début d’été.

« J’avais l’impression de ne plus évoluer, d’avoir atteint une limite. »

En ayant fait ses armes au sein de la Grande Epicerie de Paris, le pâtissier avait acquis des bases solides pour tracer sa route, son chemin. Les volumes et l’exigence ne lui faisaient pas peur, et c’est ainsi qu’il a participé à l’ouverture de Beige, le restaurant d’Alain Ducasse à Tokyo. Cette expérience a encore développé son goût pour des produits aboutis, réalisés avec des matières premières de grande qualité. Toujours en quête de nouveaux challenges, il s’envole pour l’Australie en 2006 et rejoint alors les rangs d’un club privé, suite à la sollicitation d’un de ses amis.
La liste de références aurait pu sans doute s’allonger beaucoup plus, portée par une volonté permanente de faire plus, de faire mieux. L’absence d’évolution et la routine ennuient profondément cet homme bouillonnant d’idées.

Les grues en origami décorent la vitrine... et nous rappellent les inspirations japonaises d'Olivier Haustraete.

Les grues en origami décorent la vitrine… et nous rappellent les inspirations japonaises d’Olivier Haustraete.

La sagesse et la stabilité viennent parfois de l’extérieur. Son épouse exprimant un besoin d’ancrages, ils regagnent la France en 2008, au coeur d’une période assombrie par la « crise ». De difficultés à obtenir des rendez-vous en occasions manquées, le réseau et les bons rapports entretenus avec son ancienne hiérarchie ne permettent pas à Olivier de trouver rapidement un poste correspondant à ses attentes.

Parmi ces tartes et gâteaux, le Mont-Azuki surprend par sa couleur rose. Inspiré du Mont-Blanc, il est composé de vermicelles de purée d'haricots rouges à la fleur de cerisier, d'une crème mousseuse à la vanille, de meringue, d'un coulis de fraise et de crème d'amandes, le tout reposant sur un fond de pâte sablée. Une création réfléchie, savoureuse et aboutie... pour seulement 4,2€.

Parmi ces tartes et gâteaux, le Mont-Azuki surprend par sa couleur rose. Inspiré du Mont-Blanc, il est composé de vermicelles de purée d’haricots rouges à la fleur de cerisier, d’une crème mousseuse à la vanille, de meringue, d’un coulis de fraise et de crème d’amandes, le tout reposant sur un fond de pâte sablée. Une création réfléchie, savoureuse et aboutie… pour seulement 4,2€.

Une opportunité se présente alors chez Coup de Pâtes, il la saisit. Sur le CV d’un artisan, cela pourrait faire tâche. Aurait-il cédé aux sirènes et pratiques de l’industrie ? Sur la forme, peut-être, mais certainement pas sur le fond. Cela lui a permis au contraire d’aller toujours plus loin dans la sélection des meilleurs processus, de mettre en place des produits aboutis et réfléchis. Cahiers des charges à rallonge, séances de dégustation répétées, … la tâche en aurait découragé plus d’un. Pas lui. Progressivement, il a gravi les échelons du département R&D de l’entreprise, avec la confiance de son management.

La tarte framboise est très travaillée.

La tarte framboise est très travaillée.

On ne se refait pas. Après plusieurs années, cette envie d’autre chose s’est réveillée. Un peu de conseil, puis la boulangerie. Le pâtissier rencontre le pain, et s’y engage avec force.

Le pain fermier était une des signatures de Jacques Bazin. Dès lors, difficile de le retirer de la boutique. Ce pain à base de farine de meule et de levain naturel ne manque pas de caractère. Il est décliné en de nombreuses variations gourmandes - ici aux noix - et est façonné en de grosses pièces vendues au poids.

Le pain fermier était une des signatures de Jacques Bazin. Dès lors, difficile de le retirer de la boutique. Ce pain à base de farine de meule et de levain naturel ne manque pas de caractère. Il est décliné en de nombreuses variations gourmandes – ici aux noix – et est façonné en de grosses pièces vendues au poids.

« Entre deux rabats, nous discutions de philosophie. »

Après avoir passé son CAP de Boulanger, Olivier Haustraete suit un cursus classique : ouvrier boulanger dans des entreprises « traditionnelles »… avant de partir à la rencontre de véritables aventuriers du pain, entre passionnés et paysans boulangers. Ici, au delà du savoir-faire acquis sur le métier en lui-même, il a pu développer une vision plus globale et inscrite dans le vivant de la boulangerie.

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Il ne s’agissait pas uniquement de produire du pain, mais de comprendre comment et pourquoi. Les journées mêlaient ainsi pétrissage, rabats, façonnages… et philosophie. Au point de le convaincre d’ouvrir son commerce dans une région reculée, pour faire du beau et bon pain, avec des valeurs d’authenticité et de partage. La vie a fait que ce rêve ne s’est pas réalisé, qu’il a bien fallu revenir au bruit parisien. Peut-être plus tard, qui sait ?

Le Pain des Voisins est une des créations d'Olivier Haustraete et Benoit Gindre. Il associe des farines de seigle, de sarrasin et de froment, sur base de levain naturel. Initialement très acide, ce dernier a été nettement adouci ces derniers mois, et on ressent mieux les parfums des céréales. Ainsi, on obtient un pain de caractère au notes rustiques et typées du blé noir. La déclinaison aux graines de sarrasin est également très intéressante.

Le Pain des Voisins est une des créations d’Olivier Haustraete et Benoit Gindre. Il associe des farines de seigle, de sarrasin et de froment, sur base de levain naturel. Initialement très acide, ce dernier a été nettement adouci ces derniers mois, et on ressent mieux les parfums des céréales. Ainsi, on obtient un pain de caractère au notes rustiques et typées du blé noir. La déclinaison aux graines de sarrasin est également très intéressante.

« Mon challenge quotidien est de proposer des produits de qualité et accessibles. »

Ces expériences n’ont pas été vaines et marquent profondément l’approche de l’artisan sur le métier et sa façon de le pratiquer. Au sein de la Boulangerie bo, il a à coeur de proposer des gammes savoureuses et accessibles à chacun. Conscient du caractère encore populaire du quartier -Aligre n’est pas loin !-, il prépare des douceurs pour toutes les bourses.

La tarte aux fraises est décorée d'une poudre issue de malt d'orge, qui apporte des notes très brutes et souligne le parfum du fruit.

La tarte aux fraises est décorée d’une poudre issue de malt d’orge, qui apporte des notes très brutes et souligne le parfum du fruit.

De la part de flan au dessert élaboré en passant par les brioches à la coupe, les propositions restent sagement tarifées, sans pour autant négliger le choix des matières premières. Farines Label Rouge et Biologique de chez Foricher, chocolat Weiss, beurre AOP, fruits frais de saison, … chaque choix est pesé, mesuré.

Les viennoiseries au beurre AOP

Les viennoiseries au beurre AOP

« J’aime surprendre et proposer des créations qui marquent notre identité. »

La mixité au sein de la clientèle se retrouverait presque dans les vitrines : les cultures se mélangent harmonieusement, et c’est ainsi que le chou au thé vert matcha côtoie la tarte coco-mûre ou le Fraisier, dessert traditionnel français s’il en est. Le plus remarquable pour moi est sans doute cette capacité de traiter des saveurs délicates comme d’autres beaucoup plus brutes : l’utilisation de la fleur de cerisier créé des desserts subtils, tandis que la poudre à base de malt d’orge qui recouvre certaines tartes nous entraine sur des terrains beaucoup plus escarpés, avec des notes profondes et marquées.

L'entremets au chocolat invite les notes épicées des baies de Sichuan.

L’entremets au chocolat invite les notes épicées des baies de Sichuan.

Si les « grands classiques » sont respectés, avec un Paris-Brest de qualité, des viennoiseries bien feuilletées ou des tartes aux fruits très gourmandes, la capacité de création d’Olivier Haustraete distingue nettement sa boulangerie de la concurrence. L’association d’une rigueur et d’inspirations japonaises avec un savoir-faire bien de chez nous… un mélange de grande valeur.

Les choux se déclinent selon l'envie et les saisons : l'indémodable vanille mais aussi le thé vert-framboise, le fraise-fleur de cerisier...

Les choux se déclinent selon l’envie et les saisons : l’indémodable vanille mais aussi le thé vert-framboise, le fraise-fleur de cerisier…

« Nous avons encore beaucoup de travail pour stabiliser nos acquis et continuer à nous développer. »

Hors de question de brûler les étapes. Si le chemin parcouru en 16 mois est considérable, notre boulanger-pâtissier sait que cela reste fragile et qu’il faut continuer à s’investir pour asseoir ces acquis. C’est d’autant plus compliqué que l’artisan doit aujourd’hui se placer sur tous les fronts : en production, mais aussi en communication, avec les réseaux sociaux, les différents magazines… ou auprès de restaurateurs. Connaître et faire connaître ses produits est un travail de longue haleine, mais je dois dire que je trouve cet homme parfaitement à sa place dans cette tâche : à la fois sensible aux détails et capable d’assumer des productions importantes, il mène son équipe et sa barque avec brio.

Olivier Haustraete, Boulangerie bo, Paris 12è

Je ne doute pas que Benoit Gindre et Olivier Haustraete feront partie des artisans « qui comptent » dans le paysage boulanger parisien au cours des années à venir. Ce n’est pas un hasard si L’Express, Télérama, Fou de Pâtisserie, … les ont déjà repérés. Affaire à suivre !

Infos pratiques

85bis rue de Charenton – 75012 Paris (métro Ledru-Rollin ligne 8 ou Gare de Lyon, RER A & D, métro 1 & 14) / tél : 0143077521
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h à 20h

Chacun sa façon de répondre à l’arrivée des beaux jours. Les vêtements raccourcissent, les couleurs se font plus gaies, on essaie de trouver un peu d’air frais quand les températures augmentent… et surtout, nos fenêtres ont tendance à rester ouvertes – même si la climatisation a fini par remplacer l’aération naturelle dans bien des demeures.

Les Journées Pro des Moulins de ChérisyPour certains, ce sont les portes qui restent ouvertes. Le résultat ? Des journées portes ouvertes. Amusant, n’est-ce pas ? Aux Moulins de Chérisy, près de Dreux, les équipes étaient sur le qui-vive depuis dimanche pour accueillir au mieux les nombreux visiteurs attendus pendant 4 jours. L’idée portée par Thomas Maurey et ses collaborateurs n’était pas seulement de faire découvrir le site à ses clients, prospects et partenaires, mais aussi de proposer de véritables solutions aux problématiques que rencontrent les artisans au quotidien… d’où l’intitulé choisi, « Les Journées Pro des Moulins de Chérisy ».

En arrivant sur le site, on ne peut qu’être séduit par son caractère quasi-idyllique : bercé par un bras de l’Eure, le moulin coule des jours tranquilles… en apparence, tout du moins.

Vue d'ensemble, Les Journées Pro des Moulins de Chérisy

Cette « Maison de Tradition depuis 1710 » a bien pris le chemin de la modernité, porté par la dynamique entretenue par la famille Maurey. Depuis son rachat à la famille Lethuillier en 1996, l’activité a beaucoup évolué, avec un doublement du portefeuille de clients. Ce sont aujourd’hui 450 artisans qui font confiance à l’entreprise pour l’approvisionnement de leur farine, sur plus de 20 départements (en Normandie, Ile-de-France et dans le Centre) et à l’export. 250000 quintaux de farine sont produits ici annuellement, ce qui représente un volume considérable… même si l’outil ne tourne pas à sa pleine capacité et dispose encore de belles perspectives d’évolution, puisque sa capacité d’écrasement est proche du double.

Une des dernières machines de mouture à cylindre installées à Chérisy.

Une des dernières machines de mouture à cylindre installées à Chérisy.

L’ambition affichée par la maison est de s’adresser à une clientèle haut de gamme, à des artisans boulangers talentueux et exigeants. Pour cela, une politique d’investissement continue est menée. Si les équipements de mouture sur cylindre datent pour la plupart de 1972, de nouvelles machines ont été acquises auprès du constructeur Bühler en 2010 et 2014, tandis que des travaux divers ont été accomplis en parallèle : automatisation du moulin, aménagement des bâtiments, augmentation de la capacité des silos… cette année, ce sont plus de 600000 euros qui seront investis : le secteur de nettoyage des blés va être modernisé, tout comme la ligne d’ensachage.

Cet été, le magasin de stockage et la zone d'emballage vont connaître d'importants travaux. La production va être interrompue, et les équipes se préparent dès à présent.

Cet été, le magasin de stockage et la zone d’emballage vont connaître d’importants travaux. La production va être interrompue, et les équipes se préparent dès à présent.

En effet, le passage aux sacs de 25kg voulu par la réglementation nécessite des équipements plus performants pour assurer la cadence… tout en améliorant les conditions de travail des magasiniers, puisque les sacs seront directement préparés sur palette, ce qui évitera de nombreux ports de charge.

La boutique de démonstration, réalisée par PEC Design.

La boutique de démonstration, réalisée par PEC Design.

Revenons à l’événement qui nous intéresse aujourd’hui. Sous le chapiteau dressé au bord de l’eau se concentraient plusieurs stands, dont les thématiques répondaient aux besoins de nos artisans boulangers « modernes ». Charcuterie et traiteur, matériel de fournil, agencement de boutique, logiciel de gestion, formations en pâtisserie, prestataires de service variés … rien ne manquait.

Les fameuses pizzas "teglia" très colorées de Thierry Graffagnino.

Les fameuses pizzas « teglia » très colorées de Thierry Graffagnino.

L’accent avait été mis sur le choix des exposants afin de proposer une offre claire et cohérente : en ayant la pleine maîtrise sur l’organisation de l’événement, le meunier peut ainsi s’assurer de la qualité de la prestation, ce qui n’est pas le cas sur de gros salons comme Europain. De plus, le format est bien plus convivial, presque familial, ce qui correspond tout à fait à la typologie de clientèle visée par les Moulins de Chérisy. Les coûts engendrés sont moins importants, pour des contacts plus qualifiés (mais néanmoins nombreux, avec plus de 650 personnes attendues sur 4 jours) : cela prouve la pertinence du modèle. Cela inspirera-t-il d’autres acteurs de la filière ?

Le fournil éphémère

Le fournil éphémère

Pendant 4 jours, les démonstrateurs de l’entreprise – accompagnés pour l’occasion par leurs collègues des Moulins de Chars – ont animé le fournil éphémère. Thierry Meunier, MOF Boulanger et partenaire du meunier, les a rejoint plusieurs jours. La pâtisserie était également à l’honneur avec la présence de Nicolas Richard pour l’école Stéphane Glacier formation, tout comme la pizza et ses déclinaisons grâce au savoir-faire de Thierry Graffagnino, triple champion du monde de pizza.

Les seuls produits Banette visibles lors de ces journées... cela fait peu !

Les seuls produits Banette visibles lors de ces journées… cela fait peu !

La marque Banette, qui représente encore aujourd’hui 20% de la clientèle du moulin, comptait parmi les absents de la fête, puisqu’elle n’était pas représentée dans l’espace principal, mais uniquement dans une zone annexe dédiée à l’optimisation du merchandising en boutique. C’est un véritable indicateur du mouvement engagé par Thomas Maurey ces dernières années : il fallait tracer sa route et exister en marge d’un groupement passé aux mains de quelques gros faiseurs, dont les méthodes et propositions correspondent assez peu à celles d’acteurs tels que les Moulins de Chérisy.

Pour autant, l’héritage de cette époque demeure. La forte présence des pré-mixes en témoigne, et je le regrette sincèrement. Pain des Canuts, « Bien-Aimée », Pavé Noir, Impatiente, Equilibre, … autant de noms qui ne me font pas rêver, même si l’on me soutient qu’ils répondent à une véritable demande de la part des artisans. A mon sens, ces produits pauvres en savoir-faire boulanger (mais riches en technologie meunière et en travail de laboratoire !) ne parviennent pas à marquer la différence nette, franche et nécessaire avec l’industrie et les réseaux de boulangerie. Dès lors, ils doivent disparaître pour valoriser l’identité du boulanger et ses spécificités.

"Farine de Grande Qualité", d'accord, si ce n'est qu'il s'agit d'un pré-mixe tout de même.

« Farine de Grande Qualité », d’accord, si ce n’est qu’il s’agit d’un pré-mixe tout de même.

Bien sûr, les produits « Artisan Bio » (développés en partenariat avec les Moulins de Brasseuil) étaient représentés et apportaient une offre plus qualitative. Je pense simplement qu’il faudrait encore plus mettre l’accent sur ces démarches.

La Bien Aimée présente une mie très jaune.

La Bien Aimée présente une mie très jaune.

Un programme de Conférences avait été mis au point afin de traiter des nouveaux enjeux auxquels les artisans doivent faire face : installation, concurrence des chaines de boulangerie, rentabilité, étude de marché… autant de sujets que les commerciaux connaissent bien, y étant confrontés au quotidien sur le terrain.

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Dans tous les cas, l’avenir s’annonce plutôt radieux pour l’entreprise : avec plus de 50 transactions de fonds réalisées en 2014, les Moulins de Chérisy comptent parmi les acteurs les plus dynamiques sur notre secteur géographique. Gageons que ce développement continue à se faire avec la même logique de proximité et de qualité auprès des artisans boulangers.

Les meilleurs boulangers, ceux qui arrivent à faire vivre et grandir leur affaire, sont avant tout… d’excellents mathématiciens. Ils ont compris que tout tenait à la réalisation d’une équation entre un emplacement, une clientèle, des prix et des produits. En intégrant ces différents paramètres, leur offre s’adapte parfaitement à l’environnement dans lequel ils évoluent et leur affaire ne peut qu’être florissante. Trop peu d’artisans possèdent aujourd’hui cette culture – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Au lieu d’en prendre conscience, de faire amende honorable et de s’entourer habilement, ils préfèrent souvent persister dans l’erreur… au prix de conséquences regrettables. Ainsi va la vie.

Devanture, Boulangerie Méline, Compiègne (60)

Carlos de Oliveira a peut-être raté sa vocation dans les chiffres et les calculs, si l’on s’intéresse au fonctionnement de sa boulangerie. Peut-être – et sûrement – pas si l’on regarde ses produits. Installé depuis l’automne 2014 à Compiègne, ce Meilleur Ouvrier de France applique avec beaucoup de talent les conseils qu’il a longtemps prodigué auprès d’artisans, dans le cadre de missions de conseil.
En posant ses valises au bord de l’Oise, il a offert à cette ville un profond renouveau de son offre boulangère… et je pense que les Compiégnois auraient bien du mal à s’en plaindre.

Sur le pont qui relie la gare à Compiègne. La boulangerie Méline est juste un peu plus loin.

Sur le pont qui relie la gare à Compiègne. La boulangerie Méline est juste un peu plus loin.

Difficile de passer à côté de la boulangerie Méline, tant son emplacement est judicieux : à l’entrée du centre ville, sur le chemin de la gare, elle s’inscrit dans une perspective idéale et jouit pleinement de la belle ouverture qui mène au pont. Voilà donc pour l’emplacement.
Même si nous ne sommes pas à Paris (plutôt loin, d’ailleurs !), la population locale possède un fort pouvoir d’achat, et la ville accueille le week-end de nombreux promeneurs. Dès lors, il est plus aisé de mettre en place une offre qualitative, car la clientèle sera plus réceptive. Pour autant, l’artisan a fait le choix de pratiquer des tarifs accessibles : 1 euro pour la baguette de Tradition, 0,90 centimes pour le croissant, sans compter des spéciaux tout aussi accessibles et des gourmandises à la portée de tous.

Meringues & traiteur, Boulangerie Méline, Compiègne (60)

Lorsque l’on passe la porte de l’établissement, on comprend quasi-immédiatement que l’on n’est pas venu pour rien. Le linéaire pâtisserie et traiteur nous accueille avec des produits bien finis et variés, ce qui nous prouve que Carlos de Oliveira et son équipe sont des artisans appliqués… et « complets ». De la tarte boulangère à l’entremets en passant par les pâtes à choux, la tradition est respectée avec une pointe de fraicheur et de fantaisie. Un Saint-Honoré, oui, mais à la mangue… une tarte à l’abricot avec un peu de spéculoos, un éclair marron-poire… sans oublier le fameux flan à l’ancienne.

Les pâtisseries, Boulangerie Méline, Compiègne (60)Peut-être l’avez vous déjà goûté sans le savoir, car la recette mise au point par le Meilleur Ouvrier de France a essaimé au fil du temps. Grâce à sa cuisson au four à sole (ce qui permet de le saisir vivement) et l’incorporation de crème fraiche dans l’appareil, on obtient une texture particulièrement crémeuse… et addictive !
Le salé sait rester à sa place, avec une offre boulangère : sandwiches, quiches, pizzas, tartines… Même rigueur, même résultat : des produits gourmands et bien finis.

La Tourte Auvergnate

La Tourte Auvergnate

J’aurais peut-être dû commencer par vous parler du pain, puisque c’est bien le sujet essentiel au sein d’une boulangerie. Là encore, l’artisan a bien compris ce fait puisqu’il propose une gamme d’exception. De la tourte de Meule au pain d’Autrefois en passant par l’Auvergnate, le Complet, le Céréales et bien sûr la baguette de Tradition, les façonnages sont appliqués, les croûtes craquantes et les cuissons superbes. Le goût est à l’avenant, avec un parfum de froment et de céréales très soutenu pour la Tradition, tandis que le levain s’exprime sur les pièces rustiques avec une belle subtilité, distillant ses notes acidulées au fil de la dégustation. Les qualités de conservation sont à l’avenant, tout comme les tarifs très abordables (1 euro la Tradition, 6,50 euros/kg pour la tourte de Meule…). Sans en faire de publicité particulière, l’artisan sélectionne des matières premières de qualité, avec une partie de la production réalisée à base de farine Biologique.

Les viennoiseries

Les viennoiseries

L’intérêt et la fidélité de la clientèle passent aussi et surtout par une remise en question permanente, par l’apport de nouveautés, ce qui aboutit à une véritable dynamique positive. Régulièrement, la gamme de viennoiseries accueille chez Méline des créations aussi savoureuses qu’originales : du croissant au coeur de praliné, de framboise, … au roulé pomme verte ou spéculoos chocolat blanc, les gourmands peuvent ainsi varier les plaisirs au quotidien. La créativité s’accompagne de bases solides : un feuilletage croustillant et léger, au bon goût de beurre… pour des feuillets aussi visibles que nombreux. La brioche feuilletée rencontre un vif succès, grâce à son jeu de textures détonnant.

Le "Carambar", comme un pain au chocolat, avec des éclats de nougatine... et une superbe scarification.

Le « Carambar », comme un pain au chocolat, avec des éclats de nougatine… et une superbe scarification.

Plusieurs produits sont proposés en dégustation permanente

Plusieurs produits sont proposés en dégustation permanente.

Cette fameuse dynamique se prolonge naturellement par l’accueil, agréable et efficace. La notion de partage n’est pas galvaudée, avec une dégustation permanente de plusieurs produits. Dans cette boutique, tout est transparent : du laboratoire visible au fond de l’espace de vente à l’information sur les produits, difficile de mettre en défaut la prestation fournie. Il faut dire que Carlos de Oliveira veille au grain, si l’on peut dire : on le retrouve au fournil mais aussi en boutique. Peut-être est-ce là le secret de sa boulangerie : un artisan exigeant, proche de sa clientèle et des réalités qui font le métier aujourd’hui… avec une belle ouverture sur le monde.

Infos pratiques

10 rue Solférino – 60200 Compiègne (gare de Compiègne, TER Picardie & Intercités) / tél : 0344865730
ouvert du mardi au samedi de 7h à 19h30, le dimanche jusqu’à 19h.

Avis résumé

Pain ? On sent une véritable rigueur au fournil, ce qui aboutit à des produits de haute volée. De la baguette de Tradition – craquante, moelleuse et au vif parfum de froment – aux tourtes Auvergnates ou de Meule, subtilement relevées par un levain très maîtrisé, difficile de mettre en défaut les pains proposés ici. Cela se retrouve dans les façonnages et les cuissons… car on achète avant tout avec les yeux. Grâce à ces efforts et à une sélection rigoureuse des matières premières, on aboutit à des produits savoureux et offrant une excellente conservation.
Accueil ? Sympathique et dynamique, il a à coeur de faire partager les produits mis au point dans le fournil ouvert sur la boutique, par ailleurs très sobre. L’entreprise est ainsi très cohérente et l’ensemble du personnel est impliqué dans une dynamique de satisfaction pour le consommateur.
Le reste ? Les viennoiseries croustillent et mélangent harmonieusement les saveurs. Si le croissant (0,90 centimes seulement !) séduit par son parfum de beurre, les plus curieux se tourneront vers les créations : roulé pomme verte ou spéculoos chocolat blanc, pain au chocolat-nougatine, … Le reste de l’offre sucrée est à l’avenant avec des pâtisseries associant tradition et créativité avec élégance. Ne pas rater le fameux flan à l’ancienne et sa texture très crémeuse.

Faut-il y aller ? Bien sûr. Avec sa boulangerie Méline, Carlos de Oliveira est complètement… dans la course, sur le chemin de l’hippodrome. L’artisan réalise ici une équation idéale entre un emplacement central, des produits de haute qualité et des tarifs accessibles. Si les boulangers perdent un excellent formateur et consultant, les compiégnois ont gagné une excellente adresse !