J’ai longtemps écouté le dicton selon lequel les voyages forment la jeunesse, sans y attacher une quelconque importance. Non seulement je m’en moquais mais l’effort de sortir de mon quotidien pour aller chercher un ailleurs très incertain représentait pour moi une chose tellement conséquente que j’y ai longtemps renoncé. La vie prend parfois des détours bien étranges : à la fois on peut être assoiffé de liberté et s’enfermer soi-même, en pleine conscience. Les barrières sont faites pour tomber un jour ou l’autre, balayées par le vent ou par d’autres forces.
J’avais donc décidé de partir voir ailleurs, dans le Nord, à Lille. C’était un peu facile, rapide, mais il faut bien commencer quelque part. J’irai plus loin, voir comment la vie s’écrit dans des secteurs plus reculés, moins balisés, mais ce sera l’objet d’autres aventures… et donc d’écrits.
La capitale des Flandres, puisque c’est l’un de ses surnoms, est une ville agréable, avec son vieux centre, son fort Vauban, ses vives couleurs par beau temps… à la fois forte d’un passé mais riche d’un avenir, on y sent une belle jeunesse et un certain dynamisme.
Elle n’échappe pas aux maux de notre époque : ses rues commerçantes sont peuplées par des enseignes très uniformes, aux allures bobo-chic. En définitive, le coût des loyers a fini par supprimer une bonne partie des perspectives de différenciation profonde de l’offre, car il faut disposer de moyens importants avant de pouvoir « s’offrir » de tels emplacements.
Bon, on repassera pour le dépaysement, mais il ne fallait tout de même pas se priver d’essayer de goûter un peu de la couleur locale. Nous sommes ici sur les terres historiques de la famille Holder, et les boutiques Paul que l’on découvre au fil des rues ont conservé leur cachet. Bien sûr, en terme de produits, pas de miracles – heureusement, dans un sens, il y aurait de quoi être frustré sinon ! La force des emplacements et l’ancrage dans la cité assurent encore aujourd’hui le succès de l’enseigne. Il faut dire que les artisans boulangers ne sont pas légion dans l’hyper-centre.
Je vous avais parlé d’Alex Croquet précédemment, mais on pourrait aussi citer le couple Brier à quelques pas. Peut-être qu’ils brillèrent avec les pains de Briard (ils sont affiliés à la marque Banette), mais aujourd’hui, rien de bien détonnant.
Il y a bien sûr l’institution locale, la pâtisserie-salon de Thé Meert et ses fameuses gaufres. En vitrine, les pâtisseries appellent le passant avec un visuel particulièrement léché. A quelques pas, Patrick Hermand (4 boutiques dans la région Nord, tout de même) déploie lui aussi ses douceurs dans un style tout aussi soigné, le décor « à l’ancienne » en moins. N’oublions pas non plus de citer les fameux Merveilleux de Fred, qui ont tellement colonisé les grandes villes françaises qu’on en oublierait presque qu’elles sont nées ici.
En réalité, c’est en s’éloignant un peu de ce secteur que l’on trouve sans doute les adresses les plus authentiques. Dans le quartier de Wazemmes, Patrick Doucet et son équipe proposent une très belle gamme de pains, allant des classiques aux céréales anciennes (Kamut, petit épeautre) en passant par des déclinaisons gourmandes (noix, foccacia aux multiples saveurs, …). Les viennoiseries sont également de très bonne facture, et même si la pâtisserie n’est pas le domaine de prédilection de l’artisan, il a su rester dans le domaine boulanger.
D’autres artisans régalent également leur clientèle, à l’image de Christophe Pitman à Lambesart, de Vianney Degruson un peu plus loin dans le Vieux Lille, …
Parmi les derniers arrivants, on compte également Eric Kayser, qui est entré en Gare de Lille Flandres au travers d’un partenariat conclu avec Relay. La nouvelle pourrait paraître anecdotique, mais le boulanger globe-trotter n’a pas trahi ses fondamentaux en installant un vrai fournil sur place. Bon, on repassera pour l’aménagement décidément très… orange, ce qui ne correspond plus aux standards développés par la maison aujourd’hui.
Bref, Lille c’était joli et gourmand, bien qu’un peu uniforme. On repassera pour le dépaysement, mais on reviendra pour découvrir un peu plus les adresses locales, et notamment côté restaurants où des jeunes chefs comme le très tendance Florent Ladeyn agitent le secteur.