J’ai appris au fil du temps que pour exister, il fallait être remarquable, offrir un vrai caractère différenciant avec le reste des acteurs présents sur notre secteur. En matière de boulangerie, on peut penser de prime abord que c’est assez difficile, mais en réalité plusieurs moyens existent. On peut en effet proposer une gamme de produits originale, des pains spéciaux sortant de l’ordinaire, ou bien des propositions salées et sucrées inventives. La qualité peut aussi faire toute la différence, si celle-ci est particulièrement intéressante, cela attirera les amateurs de bon pain – et ils sont loin d’être marginaux.
Enfin, il est également possible de donner à sa boutique un caractère particulier, une ambiance, un « détail » qui fera que le Choc se produise. Le choix s’est porté sur la dernière option, comme en atteste le nom de cette boulangerie située en plein coeur du Marais. L’emplacement n’est certainement pas le fruit du hasard, du fait de la réputation « gay-friendly » du quartier. Certains décrivent l’affaire comme « la boulangerie gay de Paris ». Qu’est-ce que c’est, une boulangerie gay ? Excellente question. En réalité, le nom de l’entreprise est lié à celui de son créateur, Richard Legay, qui a élu domicile dans le 4è arrondissement depuis 2001. Il a décidé de capitaliser sur cette « originalité » en développant quelques produits plutôt tendancieux, qui auront pour intérêt de capter l’attention de la clientèle et rendront l’endroit assez insolite, donc plus souvent marqué dans la mémoire des passants.

Baguettes, chocolats, meringues, brioches ou sablés… autant de créations qui prennent des formes plutôt inattendues. Toutefois, cela reste assez marginal dans l’ensemble de la gamme proposée par cet artisan, qui reste avant tout un boulanger traditionnel.

Dans une boulangerie, on vient avant tout chercher du pain, plus que de la fantaisie. Qu’en est-il ici ? Les pains de tradition – réalisés à partir d’une farine fournie par les moulins Axiane – expriment d’agréables arômes de froment, présentent des mies bien alvéolées et se conservent relativement bien. La baguette Victoria et son façonnage torsadé offre une mie très moelleuse, presque cotonneuse, qui satisfera plus les amateurs de mie que de croûte. Elle est en effet très fine et peu présente à la dégustation, tout en restant légèrement craquante. Le reste de la gamme demeure assez traditionnel, avec un « pain d’Armor » aux céréales, un pain de seigle ou encore un autre aux noix. Quelques spécialités à noter, comme une création au miel et aux amandes, aux notes sucrées agréables. On notera également la présence d’un pain réalisé sur Poolish. L’ensemble est réalisé avec un certain sérieux, même si les cuissons mériteraient parfois d’être plus abouties, tout comme les façonnages qui ne sont pas toujours à la pointe de l’élégance. Pour autant, les tarifs demeurent assez raisonnables, y compris sur les pains spéciaux, ce qui est appréciable – à plus forte raison dans ce secteur de la capitale, où les prix ont tendance à être élevés.

Les propositions sucrées restent simples, on y retrouve principalement des tartes et divers sablés, ce qui est une bonne chose car il est inutile de se disperser dans des créations non maîtrisées. Rien d’exceptionnel de ce côté, mais des produits honnêtes, qui accompagneront agréablement un repas pris sur le pouce.
C’est justement pour cela qu’une boutique dédiée à la sandwicherie a été ouverte au 17 rue des Archives, avec un espace de consommation sur place. Divers en-cas, quiches et autres tartes, sont également proposés et sont d’un niveau plutôt honnête. Sur l’ensemble de ces gammes, les prix sont là encore accessibles, ce qui est à mettre au crédit de Richard Legay.

Il ne faudrait pas oublier que le nom de cette boulangerie est en deux parties, et que le « Choc » annoncé ne vient pas seulement de la surprise provoquée par quelques produits, mais aussi du travail réalisé sur le chocolat. Diverses créations sont proposées, dont certaines reprennent la « signature » de la maison, même si son bon goût reste à prouver.

L’accueil n’est pas toujours très professionnel, mais est généralement de bonne volonté et assez dynamique. Dans l’ensemble, la prestation est correcte, même si elle serait meilleure si le sourire était plus régulier. La formation autour des produits est bonne, les questions à leur sujet ne restent pas sans réponse.

Infos pratiques

45 rue Ste Croix de la Bretonnerie – 75004 PARIS (métro Hotel de Ville, lignes 1 et 11)
ouvert tous les jours sauf le mardi de 8h à 20h.

Victor 1920 : 33 rue Rambuteau – 75004 PARIS (métro Rambuteau, ligne 11)
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Plus que correct. Les pains de tradition sont assez savoureux, beau et doux parfum de froment sans acidité. La baguette Victoria – 1,30 euros les 250g – est certainement la plus intéressante d’entre eux, avec son façonnage torsadé et sa mie moelleuse. Les pains spéciaux ne sortent pas des sentiers battus mais sont honnêtes, tout comme leur prix.
Accueil ? Pas toujours extrêmement professionnel, mais plutôt jeune et efficace. On apprécierait un sourire plus régulier, ce qui rendrait l’expérience client plus agréable. Cependant, il n’y a pas de faute majeure à déplorer, et la clientèle est servie rapidement, sans accroc.
Le reste ? Les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt particulier, les pâtisseries sont simples et complètent agréablement les formules destinées à constituer le repas des travailleurs du quartier. Une adresse leur a par ailleurs été dédiée. Ils y dégustent notamment des sandwiches. A leur sujet, il est bien dommage que des baguettes « blanches » soient utilisées pour beaucoup de baguettes blanches, qui ne relèvent pas particulièrement le sandwich et ne mettent pas en valeur le travail du boulanger.

Faut-il y aller ? C’est loin d’être un incontournable, mais les produits et tarifs sont plutôt honnêtes, ce qui en fait de bonnes adresses du Marais. On ne peut pas vraiment citer de produit caractéristique du savoir-faire de Richard Legay, mis à part peut-être les fameuses « baguettes magiques » et autres créations aux formes originales. Cela casse un peu les codes de la boulangerie et de la pâtisserie, ce qui est une initiative plutôt louable. Ces curiosités valent tout de même le détour, rien que pour être amusé.

Une réflexion au sujet de « Legay Choc & Victor 1920, les gaies boulangeries »

  1. Oui, pas sûr qu’il faille faire des centaines de kilomètres pour tester la chose… C’est une boulangerie, quoi, toute simple… Quant au concept « gay » que l’on met à toutes les sauces parce que tendance, j’espère qu’on en verra bientôt la fin…

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