La régularité est un enjeu central en boulangerie artisanale : si les industriels proposent généralement des produits moyens voire médiocres, ils ont le mérite d’être toujours les mêmes, peu importe la force du vent, l’humeur du capitaine, que sais-je encore… Dans les milliers de fournils que compte notre territoire, les variables influant sur la qualité du résultat sont nombreuses et peuvent aboutir à une déception chez le client. Certains ont trouvé de merveilleuses solutions pour limiter le risque : simplifier les recettes, mettre moins d’eau dans les pétrissages, utiliser des préparations, n’employer que du personnel discipliné et contraint dans une organisation du travail complètement éclatée donc aliéante… Ces raccourcis, souvent choisis par des entrepreneurs aux grandes ambitions, aboutissent à des produits sans âme, sans vie. Doit-on considérer l’humain comme un problème ? Doit-on oublier qui l’on est, d’où l’on vient, quelle est notre ADN, pour grandir ? Non, nos racines ne sont pas des contraintes, elles nous aident à tracer des routes vers demain.

A proximité du centre Commercial Leclerc, la Boulangerie l’Amour est dans le blé et sa façade en bardage d’acier pourrait facilement être apparentée aux chaines que l’on trouve habituellement sur ces emplacements. Pourtant, il s’agit bien d’un artisan indépendant, chez qui tous les produits sont faits maison.
Actuellement, la boutique est ouverte 7j/7, la pratique étant autorisée dans le département pendant la période estivale.

Heureusement, certains l’ont compris. A Orvault (44), en proche banlieue nantaise, Etienne Drouet a fait le choix de se différencier par la qualité de ses produits, tout en se positionnant sur un emplacement où l’on retrouve habituellement de grandes enseignes. Le consommateur est forcément plus méfiant, mais cela pousse l’artisan à développer sa communication et à faire preuve de toujours plus de transparence. Ainsi, ce 23 juin 2017, il invitait la clientèle à visiter ses laboratoires à l’occasion de la labellisation Bagatelle obtenue pour sa baguette de Tradition française. Orienté par son associé Mathieu Lemaître -lequel a travaillé pour le compte de la société Foricher par le passé-, il a fait le choix de s’inscrire dans cette démarche pour transmettre auprès de son personnel des valeurs d’exigence et de remise en question permanente, tout en bénéficiant d’audits réguliers et objectifs. Cet outil de management, au delà de la marque, est précieux pour maintenir son niveau de qualité. Je rêve qu’un jour, un ou plusieurs meuniers, parviennent à développer une telle démarche pour leurs clients en l’étendant à bien plus de points de la vie d’une entreprise, sans l’associer à de quelconques outils marketing. C’est beau de rêver, parfois.

La boutique associe avec élégance et sobriété des éléments modernes et l’authenticité du bois. Les vitrines sur un seul niveau offrent beaucoup de lisibilité au client dans les univers produits.

Bien sûr, ici, pas question de rêver : il faut une belle quantité de travail pour garnir les larges vitrines de produits, ces derniers étant tous faits maison. Etienne Drouet a pu développer ses compétences à travers la France et à la Réunion, avant de revenir dans sa région d’origine. Pour lui, pas de concession sur la qualité des matières premières : fruits et légumes locaux (fraises de chez Burban à la Baule, pommes de la Pommeraie nantaise…), beurre AOP d’Isigny, chocolat Weiss, … l’engagement de l’Amour est dans le blé est resté le même, malgré le développement de la marque.

Le mur à pains est bien visible et propose la gamme développée par la maison, travaillée sur levain naturel pour l’essentiel. Si la baguette de Tradition française (1€) est de très bonne facture, relevée d’une pointe de levain et offrant un excellent rapport mie/croûte, il ne faudrait pas négliger le reste de l’offre, avec de grosses pièces offrant une excellente conservation. Au fond, sur le mur, l’engagement local est rappelé : beurre de Montaigu, farines de Nozay et Saint-Omer… Une partie des pains sont réalisés à partir de farines issues de l’Agriculture Biologique.

Cette dernière veut continuer à grandir en maintenant une croissance vertueuse : permettre à des ouvriers de s’installer en leur offrant la notoriété du nom et des bases solides, tout en les respectant (le nom d’Etienne Drouet est clairement indiqué en façade, ainsi il ne disparaît pas derrière l’enseigne) et en conservant les valeurs de l’artisanat. La Minoterie Bourseau, partenaire de Mathieu Lemaître depuis son installation à Blain (44), les accompagne dans cette logique en leur apportant les soutiens techniques (démonstrateurs) et administratifs nécessaires. La proximité se traduit aussi par des événements organisés en partenariat avec le meunier, comme des animations ou des soirées destinées à fédérer l’environnement proche de la boulangerie.

Les pains vendus au poids sont présentés à la verticale, au plus près des clients. L’étal est ainsi particulièrement gourmand et suscite l’envie chez le consommateur. Les tarifs sont très accessibles et les produits variés : du froment « classique » aux saveurs plus typées et acidulées, rien ne manque.

Vous connaissez ma préférence naturelle pour de petites affaires, souvent installées en centre-ville, et le modèle est ici tout à fait différent : une superficie de près de 300m2 et les investissements qui s’en suivent imposent souvent de disperser. L’amour est dans le blé a choisi de soigner ses fondamentaux en choisissant un agencement moderne mais centré sur les éléments clés de sa gamme : un beau mur à pains, accompagné d’une sélection de produits vendus à la coupe et disposés au plus près du client, ainsi qu’une belle mise en avant des viennoiseries et de la brioche à partager (pour laquelle Etienne Drouet a été primé en 2016 à la foire du Loroux-Bottereau). Bien sûr, l’espace dédié à la consommation sur place était inévitable, tout en restant mesuré.

Une viennoiserie maison maitrisée et croustillante.

L’artisan cherche à respecter un équilibre entre ses activités et a restreint son offre traiteur autour d’une déclinaison de sandwiches, tandis que l’offre sucrée s’inscrit dans une ligne très boulangère, avec des tartes, flans et pâtes à choux.

Ouverte depuis avril 2017, les débuts de cette affaire semblent prometteurs et les bases posées par ses créateurs orientent son développement dans le sens d’une production artisanale et qualitative. Souhaitons à sa clientèle et à ses salariés que l’Amour est dans le blé continuera à prouver que l’on peut associer ambition et qualité.

L’identité visuelle a été soignée et séduit par son caractère chaleureux et souriant.

Infos pratiques

2 rue de la Rigotière – 44700 Orvault / tél : 09 53 93 20 57
ouvert tous les jours de 6h à 20h en période estivale.

Une réflexion au sujet de « L’amour est dans le blé, Orvault (44), du pain et des couleurs »

  1. L’equipement boulangerie doit être considérable et de qualité pour produire autant de pain et viennoiseries! Merci pour votre article.

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