Du pain et des fleurs, c’est rare, à mon sens bien trop ! Je n’en trouve que chez Véronique Mauclerc, sur les hauts plateaux parisiens, là où s’épanouissent librement des pains surprenants, parfois un peu trop… mais c’est toujours une expérience, une découverte. En entrant dans sa boutique, on ne sait jamais trop bien ce que l’on va y trouver. Certains jours, il n’y a pas grand chose, d’autres c’est au contraire une profusion de créations et d’incitations à la gourmandise.

Aujourd’hui, parmi les propositions du jour, du pain aux fleurs de Mauve. Visuellement, c’est très curieux de voir ces notes violettes dans la mie, mais je trouve cela tellement joli. Le pain est façonné en de grosses miches, découpées et vendues selon l’envie du client, au poids. C’est d’ailleurs une excellente chose, car cela permet de ne pas prendre trop de « risque », tout en multipliant les saveurs.

Comme d’habitude, la croûte affiche une belle cuisson, bien dorée et épaisse. Cependant, elle reste assez peu présente à la dégustation du fait de la taille de la miche. Il ne faut pas chercher ici autre chose que de la mie – et justement, c’est là que tout se passe. Légèrement acide, de bonne tenue, elle s’associe bien avec la douceur des fleurs de Mauve. Leur parfum n’est pas particulièrement soutenu, quelques notes poivrées tout au plus. On est bien loin des arômes qu’offrent les pétales de rose ou la lavande dans certains pains, cependant c’est assez agréable et on prendra plaisir à le déguster seul ou bien avec un poisson blanc (les fleurs et le poisson, voilà un bel accord !), par exemple.

Avec toutes ces fleurs, on pourra finir par dire que manger du pain, c’est un peu comme se balader dans les champs, une matinée de printemps…

Pain aux fleurs de Mauve, Véronique Mauclerc – Paris 18è, 10 euros le kg – vendu au poids.

Parfois ma logique m’échappe, mais j’avais envie de partager avec vous, un mardi, la belle fleur que l’on peut cueillir le vendredi chez Jean-Paul Mathon, dans le 20è arrondissement. On retrouve dans sa boutiques d’autres spécialités ce jour-là, donc cela me laissera l’occasion d’y revenir un peu plus tard… le jour dit.

La difficulté quand on se retrouve face à ceci, c’est de se décider à rompre la croûte, à casser cette si belle harmonie. Nous tenons là une pièce d’art boulanger, l’expression d’un amour de ce travail artisanal, beaucoup de patience et d’application pour façonner cette fleur.

La première chose à faire quand on rencontre cette jeune fille, c’est de la sentir, dès la sortie de la boulangerie. Un peu comme avec une « vraie » fleur, on profite de son parfum. Elle est généreuse, simple et authentique : pas de mensonge, pas de tromperie, ses arômes sont soutenus, et il est difficile de tous les appréhender immédiatement.
En réalité, il faut adopter une démarche délicate, prendre le temps de la découvrir pas à pas. Partir des pointes des pétales, de leur cuisson presque « biscotée » pour rejoindre progressivement le coeur de la fleur et découvrir beaucoup plus de douceur.
Une fois que l’on a décidé de passer le pas, de saisir un pétale, la perte de cette pureté est compensée par le plaisir éprouvé à la dégustation. Là encore, il faut « disséquer », apprécier séparément les différentes parties du pain. Des notes persistantes de céréales sur l’extérieur, la douceur et la saveur du miel vers le centre, l’expérience est saisissante. Ce que j’aime ici, c’est le fait que la croûte soit on ne peut plus présente, et qu’elle soit un concentré d’arômes comme on aimerait en connaître plus souvent.

Cette marguerite nous fait voyager, elle nous transporte dans un champ de blé, un après-midi d’été. Dans les deux cas, on profite d’un plaisir simple, d’un moment un peu à part. Fermer les yeux, apprécier. Non, non, je n’en fais pas trop. C’est là que l’on comprend la différence entre des techniciens et des magiciens du pain. Les premiers savent appliquer des process, suivre des recettes pour au final parvenir à un résultat très correct, sans pour autant qu’il parvienne à nous toucher. Quant à ces rares artisans doués et passionnés, ils arrivent à nous faire rêver, ils nous incitent à chercher à nouveau ces saveurs un peu oubliées, passées dans la broyeuse d’une industrialisation excessive de notre alimentation. Merci monsieur Mathon !

Au final, j’ai compris pourquoi j’écrivais ce billet aujourd’hui : pour vous donner envie de courir à la Gambette à Pain vendredi, d’autant qu’elle sera fermée du 5 août au soir au 5 septembre… Dernière occasion avant un mois !

Marguerite du Vendredi, 1,60€ les 230gr, La Gambette à Pain, 86 avenue Gambetta – 75020 Paris (métro Pelleport, ligne 3bis).

Depuis le temps que je vous en parle, il fallait bien que je vous le présente, ce fameux pain Irlandais. J’aurais pu parler du pain qui me saoule, mais non, l’alcool s’évacue lors de la cuisson… Seule demeure la saveur, très particulière. Nous y reviendrons plus tard.

Le premier contact que l’on peut avoir avec un pain est avant tout visuel, il faut qu’il suscite notre gourmandise dans les présentoirs de la boutique. Comment être attiré par une miche tout pâle, par un pain à la forme mal définie ? Là, c’est vraiment tout le contraire. Le « tigrage » lui donne un aspect très attirant, en plus de sa belle forme en triangle. On oserait à peine le couper.

Franchissons le pas, et découvrons cette mie sombre et parfumée. Les farines complètes et de seigle utilisées dans la recette ne sont pas étrangères à cette couleur assez grise. Au parfum, c’est assez peu commun : la bière est bien présente, au travers de notes maltées et brutes. En effet, c’est de la Guinness noire qui est utilisée pour fabriquer ce pain, ce qui explique sa forte présence aromatique. Cela se confirme à la dégustation, où l’on peut apprécier la mie soyeuse, d’excellente tenue. La croûte est assez fine, assez peu présente en bouche, mais le beurre utilisé pour réaliser le tigrage apporte un peu de douceur en contraste avec le caractère presque « sauvage » des arômes que développe ce pain. D’ailleurs, il est très agréable de le manger avec une noix de beurre au petit déjeuner, même s’il accompagne bien l’ensemble des repas, apportant une touche originale et relevant les mets sans les écraser. On notera par ailleurs sa très faible acidité. Ce pain peut se conserver sans trop de problème sur plusieurs jours.

Cela peut paraître très surprenant, mais cette création est particulièrement appréciée au Japon ! C’est un ouvrier japonais qui l’a présentée à Rodolphe Landemaine. On la retrouve à présent tous les jours au sein de sa boutique de la rue de Clichy, où la clientèle l’a adoptée, malgré une certaine réticence au départ, notamment liée à l’utilisation de la bière. Une fois cette barrière franchie, il devient un pain du quotidien, à tel point que des restaurateurs l’utilisent à leurs tables !

Pain Irlandais à la Guinness, 2,5 euros les 300gr, Boulangerie Landemaine Clichy, 56 rue de Clichy – 75009 Paris (métro Place de Clichy, lignes 2 et 13).

 

10 farines dans le même pain ! Idée surprenante qu’ont eu les boulangers de chez Bread & Roses. Le résultat ? Ce très joli pain façonné en boule et vendu dans sa barquette de bois.

Une fois ouvert, on remarque immédiatement sa mie bien bise et ses différents arômes. L’épeautre s’exprime assez bien sur l’ensemble, mais on retrouve également des céréales telles que des graines de tournesol. Un petit goût de maïs vient également chatouiller notre palais.
Bien que réalisé sur levain (et à base de farines biologiques), ce pain se caractérise par son absence d’acidité, il reste très doux comme l’ensemble des produits de chez Bread & Roses. Leur levain est donc très doux.

La mie de ce pain est assez particulière, très humide et peu aérée, elle se déguste un peu comme un gâteau. Cela est lié au fait que dans le « lot » des 10 farines utilisées, plusieurs ne doivent pas contenir de gluten, ce qui a également pour effet de rendre cette même mie assez peu consistante et friable. Il est donc difficile de couper de belles tranches, pour autant, c’est extrêmement gourmand et moelleux, agréable avec une noix de beurre au petit déjeuner.

L’ensemble est donc assez ludique, on se prend au jeu de deviner quelles sont les farines mises en oeuvre et les différents goûts que l’on découvre au fil de la dégustation. De plus, la boule se conserve plutôt bien et reste très moelleuse le lendemain et même au delà, en l’emballant avec soin dans un linge.
C’est presque un pain du quotidien, à préférer au petit déjeuner cependant, mais en plus « élaboré » et original. J’aime beaucoup le fait que les céréales soient présentes sans être intrusives, ce qui permet au pain de garder sa douceur et de ne pas être agressif sur le plan des arômes.

Pain Puissance 10, 4,40 euros les 500gr, Bread & Roses, 7 rue de Fleurus – 75006 Paris (métro Saint Placide, ligne 4 ou Rennes/Notre-Dame-des-Champs, ligne 12) ou 25 rue Boissy d’Anglas – 75008 Paris (métro Madeleine, lignes 8/12/14 ou Concorde, lignes 1/8/12).

 

« Maman il est tout jaune le pain !? »… Oui, car il contient de la farine de pois chiche ! C’est assez surprenant et inhabituel de prime abord, je ne crois pas avoir pu goûter de pain mettant en oeuvre cette farine ailleurs que chez Gontran Cherrier.

Premier contact, visuel : façonné en pain bâtard, il ne manque pas d’allure et son incision unique nous laisse entrevoir sa mie d’une belle couleur jaune poussin. Vient ensuite l’odeur : le citron est bien présent, sans pour autant exprimer d’acidité. La farine de pois chiche joue ici bien son rôle, en adoucissant l’ensemble.

Quand on tient la miche en mains, on ressent immédiatement son côté moelleux. Cela se poursuit à la dégustation, avec une texture proche de celle d’un « cake », sans pour autant avoir le caractère gras et roboratif de ceux-ci. Au contraire, c’est assez léger et cela se mange comme une douce gourmandise d’été.
Le citron est incorporé en jus et zestes, on retrouve ainsi quelques morceaux à l’intérieur du pain, apportant quelques notes acides et du « peps ». A l’inverse d’un pain aux raisins ou autres fruits secs, la sensation est peu sucrée, c’est agréable.

Au final, on prendrait presque plaisir à le manger seul, un peu comme un gâteau – beaucoup plus sain cependant. Toutefois, il accompagnera et sublimera les plats de poisson voire même des salades d’été, apportant relief et fraicheur.

Pain à la farine de pois chiche et au citron, 3,10 euros pour environ 300gr (poids assez variable), Boulangerie Gontran Cherrier, Paris 18è.

Difficile de se tromper sur sa provenance dès lors qu’on connaît son nom ! La baguette Pichard porte le nom de son « créateur », Frédéric Pichard. Dans sa boulangerie du XVè arrondissement, il propose fièrement ce pain sur lequel il ne tarit pas de descriptions mystérieuses, mettant en avant des additifs naturels ainsi qu’une « manière » bien particulière.

Ce qui surprend de prime abord avec cette baguette, c’est son façonnage : elle est très longue et fine, on dirait presque une ficelle grand format. Les amateurs de croûte – j’en suis – seront comblés. Quelle croûte, d’ailleurs. Bien croustillante, et elle le reste plutôt longtemps, sa conservation est très bonne pour une baguette de tradition (environ 8h avec l’ensemble de ses qualités organoleptiques).

Côté odeur et saveurs, elle ne déçoit pas. Un bon parfum de froment sans acidité se dégage dès l’achat et se prolonge à la dégustation. On retrouve des notes de noisette et de céréales.
La mie est bien alvéolée, sa couleur crème est particulièrement bien marquée.

Rien à redire, elle est à la hauteur des promesses faites par l’artisan. Je regrette cependant le fait que les cuissons soient assez approximatives : la plupart des baguettes présentes en boutique étaient très peu cuites, il aura fallu chercher assez longtemps pour en trouver une bien dorée. C’est dommage, car c’est ainsi qu’elle peut exprimer toutes ses qualités. Cependant, le personnel n’a pas rechigné à chercher un peu et c’est bien agréable.

Pour terminer, le prix de la « Pichard » est particulièrement attractif : seulement 1 euro. Cela en fait un beau produit très accessible. Bien vu !

Baguette Pichard / Boulangerie Pichard, 88 rue Cambronne – 75015 Paris (métro Vaugirard ou Volontaires, ligne 12) / 1€ les 250gr.

Mes lecteurs sont des gens formidables. Merci Marco ! Cela m’aide à faire grandir l’aventure painrisien, et je prends toujours du plaisir à découvrir de nouvelles adresses. D’autant plus quand elles se situent dans de si charmants quartiers !
La ballade fut agréable cet après-midi, le 19è arrondissement est parsemé de petites ruelles pleines de charme, avec ce doux soleil et le calme d’un jour férié… Une journée comme j’aimerais en vivre plus souvent.

Revenons-en à notre pain du jour, l’ami Léon. Bien bâti le gaillard ! Réalisé à partir de farines biologiques de froment et de seigle ainsi que de levain naturel (méthode Lemaire), il présente une belle croûte dorée et craquante. Son parfum est agréable, on note immédiatement l’acidité caractéristique du travail sur levain.
La mie est « humide » et assez aérée, sa tenue est excellente, on peut ainsi réaliser de belles tranches qui accompagneront avec bonheur matinées et déjeuners. Le côté acide est bien dosé, pas trop présent, avec une noix de beurre demi-sel c’est excellent.

Voici donc du bon pain biologique. Sa conservation est excellente, il reste bien craquant au fil des heures et peut sans difficulté être consommé le lendemain ou le surlendemain, quitte à le toaster légèrement selon les goûts.
A la dégustation, on retrouve des touches de noisette, de fumé, c’est un pain qui a du caractère, assez rustique mais raffiné.

Pain Léon / La Gambette à Pain, 86 avenue Gambetta – 75020 Paris (métro Pelleport, ligne 3bis) / 2€ les 250gr.

Il y a des pains qui vous marquent profondément… Celui-ci en fait partie. Découvert il y a presque un an et demi, il partage nombre de mes repas. Oh, il n’est pas inconnu du grand public, ce Pain des Amis ! On pourrait même le qualifier de star : passé à la télévision à plusieurs reprises, proposé à la table d’Alain Ducasse au Plaza Athénée…

C’est vrai qu’il est particulier, qu’il interpelle. Tout d’abord par sa cuisson : une belle croûte dorée, des teintes brun foncé, c’est ce qui va former une partie de ses arômes. Pour Christophe Vasseur, le pain doit être « bien cuit » ou ne doit pas être. Il refuse tout bonnement de faire autrement, et porte presque une mission d’éducation auprès du public. Cela peut paraître courageux et osé, mais pas tant que ça : il est certainement l’un des seuls boulangers pouvant se le permettre : ses clients viennent pour des produits particuliers, souvent par recommandation. Une clientèle bien plus réceptive que la normale.

Le Pain des Amis, c’est surtout de la croûte, très présente et craquante, elle est riche en parfums et saveurs. Il faut l’analyser en deux parties : le dessus du pain, et sa sole. Pour la première, on sent souvent des notes de caramel, de noisette, de châtaigne, de fumé… En dessous, on trouve des touches plus boisées, assez « brutes ».
Entre les deux, la mie. Très alvéolée, une couleur crème fort prononcée et exceptionnelle pour un pain réalisé uniquement à partir de farine de tradition et de levure. Légèrement « grasse » et d’une excellente tenue, ses arômes sont assez floraux, j’y retrouve parfois des allusions à la fleur de sureau, entre autres.
Il y a donc trois couches, que l’on pourrait presque déguster indépendamment pour bien profiter de la richesse de ce pain.

Côté conservation, elle est excellente, grâce à sa longue fermentation et à sa cuisson puissante. Il peut tout à fait être conservé trois jours, et c’est par ailleurs l’un des arguments de M. Vasseur pour sa fermeture le week-end : il suffit d’acheter des « réserves » le vendredi !

Ce pain se déguste, personnellement je le préfère presque seul, sans accompagnement. Coupé en tranches ou simplement rompu à la main, c’est toujours un vrai plaisir… et un voyage des sens. Un exercice de mémoire, aussi. Mémoire des saveurs, des émotions. J’aime cette expérience.

Pain des Amis / Du Pain et des Idées, 34 rue Yves Toudic – 75010 Paris (métro Jacques Bonsergent, ligne 5 ou République) / 2,10€ les 250gr.

Ah, la voici, la fameuse. Elle a même le plaisir d’inaugurer la série des « pains du jour », mais quoi de plus normal pour une baguette primée ?

Voici donc la baguette tradition (enfin, demi) de Pascal Barillon. Première au Grand Prix de la Baguette de Paris en 2011, réalisée à base de farine des Grands Moulins de Paris (Campaillette Grand Siècle).

Le grignage n’est pas franchement sublime, les « oreilles » ne sont pas très marquées, la baguette n’a pas vraiment été surprise lors de l’enfournage. Elle est assez dorée, brillante. Pas assez cuite à mon goût mais c’est un avis strictement personnel sur ce point.

Déjà un peu molle à la sortie de la boutique, elle n’est plus vraiment craquante au bout de deux heures. Sa conservation est donc plus que moyenne, malgré sa « longue fermentation »…
A l’odorat, le froment est bien présent, pas de notes d’acidité, c’est assez plat.
Lorsqu’on passe à la dégustation, la première impression se confirme : cette baguette n’a strictement rien d’exceptionnel, au contraire. Assez salée, sa mie est peu alvéolée et se révèle assez pâteuse. Côté arômes, c’est calme, pas d’acidité, on ressent tout de même un bon goût de blé, mais rien d’autre.

Pour tout vous dire, des artisans de banlieue installés à proximité de chez moi font mieux, aussi bien en terme de texture, de goût que de conservation. Juste une chose à dire : Don’t believe the hype.