Les histoires de famille, on ne sait ni quand cela commence, ni quand cela finit, c’est un peu une ritournelle qui accompagne la vie des individus dès leur naissance. Souvent ce n’est rien d’important, juste quelques rancoeurs vis à vis d’un oncle ou d’une tante plus ou moins éloigné… mais quand la famille possède un certain patrimoine, cela peut prendre de toutes autres proportions.
Au sein de la famille Poilâne, c’est ce qui s’est malheureusement produit. Depuis plus de 30 ans, une guerre existe entre les deux fils, Max et Lionel. Ce dernier a disparu suite à un accident d’hélicoptère, et c’est sa fille qui a repris le flambeau autant que cette querelle. En question, le droit d’utiliser la « marque » Poilâne. En effet, Lionel – et maintenant sa fille Apollonia, considérait que son frère ne devait pas être en mesure de vendre son pain en mettant en avant son patronyme, ce qui l’a amené à porter l’affaire devant les tribunaux. Déboutée à plusieurs reprises, la société Poilâne doit aujourd’hui accepter qu’il existe un « homonyme », à cela près que le prénom Max doit toujours être apposé sur les produits et la communication de l’entreprise « adverse ».
Max Poilâne n’a pas seulement obtenu en héritage un nom, mais aussi une certaine tradition familiale, et cette fameuse miche. Elle est réalisée selon un processus similaire à celle fabriquée dans les boulangeries et la manufacture Poilâne, c’est à dire à partir de farine de meule, de levain naturel, de sel de l’Atlantique, l’ensemble étant cuit dans un four à bois. La tradition se perpétue ainsi au 87 rue de Brancion, dans le 15è arrondissement, ainsi qu’au sein de deux boutiques lyonnaises. On retrouve également le pain aux Noix, le pain de seigle aux Raisins, le pain de mie, le flan, les tartes aux pommes… La réalisation de l’ensemble est cependant moins léchée.
Là où l’on peut observer des différences notables, c’est sur les « compléments » qui viennent enrichir la gamme de Max Poilâne. En effet, tandis que son frère était farouchement opposé au développement d’une baguette dans ses boulangeries, on en retrouve ici. Exit donc la volonté de faire sortir la France du « baguettocentrisme » qui la caractérise, tout en permettant l’existence aujourd’hui encore de multiples boulangeries à travers le territoire. Cette dernière ne brille d’ailleurs pas par sa qualité de réalisation : entre cuisson et façonnage aléatoires, sa qualité est plus que moyenne. Il serait peut-être préférable de s’en passer, si c’est pour parvenir à ce résultat.
Une partie des pains sont proposés dans quelques Franprix et enseignes de proximités parisiennes, ce qui est plutôt amusant : elles ont choisi « leur camp » et chercheraient presque à affirmer leur identité vis à vis du géant Monoprix qui propose du pain Poilâne de façon historique. La guerre se joue aussi sur le plan commercial, même si Max Poilâne est loin de réaliser les mêmes volumes.
A côté des pains et des gourmandises, une offre salée est également proposée : on peut ainsi se restaurer avec des sandwiches. Certes, la gamme est très courte, mais cela surprend lorsque l’on est habitué à l’atmosphère uniquement sucrée des boutiques Poilâne. Ces éléments de différenciation sont sans doute volontaires, et l’idée semble avoir été d’étendre l’éventail des produits pour répondre à plus de demandes. Seulement, nous sommes bien loin d’obtenir au fil quelque chose d’aussi abouti. La miche est visuellement similaire, mais c’est au moment de la dégustation que cela se gâte : certes, le pain est moins acide, mais il est aussi… insipide. La croûte ne développe aucun arôme particulier, pas de notes boisées comme rue du Cherche-Midi ou rue de Grenelle. Très décevant. Même constat pour le reste de la gamme : nous sommes bien loin de retrouver le même niveau de qualité sur les croissants, pains au chocolat, flans ou encore tartes aux pommes – et c’est bien regrettable.
Côté service, là aussi, on ne peut qu’être amenés à chercher à faire un comparatif. Qui n’a pas en tête l’accueil parfois un peu « à l’ancienne », plutôt strict, de la maison Poilâne de la rue du Cherche-Midi, ainsi que ce fameux cahier où sont retranscrits l’ensemble des achats (pas de caisse enregistreuse, tout demeure manuel !) ? Rue de Brancion, l’ensemble est beaucoup plus décontracté, voire légèrement désinvolte, avec des plaisanteries entre collègues auxquelles la clientèle peut assister. Rien de bien important, le service est bien réalisé, de façon efficace et agréable, et néanmoins beaucoup plus « moderne ».
Infos pratiques
87 rue Brancion – 75015 Paris (métro Porte de Vanves, ligne 13 ou Convention, ligne 12 – Tram T3 arrêt Brancion) / tél : 01 48 28 45 90
ouvert du lundi au samedi de 7h30 à 20h, le dimanche de 8h à 19h.
Avis résumé
Pain ? De prime abord, on pourrait penser que la fameuse miche est similaire à celle proposée par Apollonia Poilâne et son équipe. En effet, le visuel est très ressemblant, cependant, c’est au goût que l’on est surpris : l’ensemble est certes moins acide, mais aussi insipide… Pas de parfum de bois, et la mie est très douce. La baguette « prélevain » ne présentent pas plus d’intérêt, en plus d’offrir un façonnage et une cuisson plutôt aléatoires.
Accueil ? Souriant et plutôt sympathique bien qu’un peu désinvolte. Le service est cependant réalisé avec une certaine efficacité et la clientèle est respectée. Le style est plus « moderne » ici que chez Poilâne, même si la boutique affiche elle aussi des couleurs et une allure bien rétro.
Le reste ? Malheureusement, les produits – similaires sur le papier à ceux de Poilâne – manquent à nous séduire : la réalisation est beaucoup plus aléatoire, que ce soit pour les croissants, flans, pains au chocolat ou encore tartes aux pommes. Une courte gamme de sandwiches est également, sans grand intérêt.
Faut-il y aller ? On retrouve le style Poilâne… mais pas l’esprit, comme le prouve la présence même de baguettes dans la boutique. Au final, cette différence est tout à fait cruciale et se retrouve dans la qualité et le goût des produits, qui ne parviennent pas à convaincre. Nous sommes assez loin du soin et de la constance de la maison tenue par Apollonia Poilâne, et même s’il y a un héritage commun, cela ne fait pas tout au quotidien. On préférera donc la rue du Cherche-Midi ou le boulevard de Grenelle pour ce type de produits.