J’aime observer le fonctionnement et les évolutions de la boulangerie artisanale en banlieue et ailleurs. Encore plus qu’à Paris, les artisans sont confrontés à la concurrence des points chauds et autres offres industrielles. Certains apportent des réponses originales à cette situation, avec des concepts tels que la « boulangerie drive », d’autres se contentent de se positionner sur des créneaux similaires en pratiquant du « 3+1 » à leur tour, tandis que les plus passionnés choisissent de se différencier par la qualité de l’offre.

Boulangerie de la Mairie, Issy-les-Moulineaux (92)

Ce qui est amusant, c’est quand des artisans parisiens ou déjà « structurés » choisissent de prendre part à la mêlée en positionnant leurs pions en dehors des frontières de la capitale… avec plus ou moins de succès.
Aujourd’hui, c’est ici, pardon, à Issy que je vous emmène pour découvrir la Boulangerie de la Mairie… revue et corrigée par Narcisse Pasquier (et sa famille, dont Josiane et Christelle), David Pasquereau et son épouse Christelle. Ces noms ne nous sont pas inconnus, car on les retrouve dans le 16è arrondissement, à la tête de la Petite Marquise de l’avenue Victor Hugo. Les Pasquier sont ainsi des habitués des « grosses maisons », ayant longtemps tenu les rennes de l’enseigne Midoré avant de la céder à Eric Kayser.

Pains, Boulangerie de la Mairie, Issy-les-Moulineaux (92)

Je ne parle pas de grosse maison par hasard, car la boulangerie du 36 avenue de la République réalise un chiffre d’affaire annuel supérieur à 2 millions d’euros : il faut dire que l’emplacement est très passant. Pour le valoriser, nos artisans ne se sont pas contentés de reprendre les lieux, ils les ont transformés afin de développer une ambiance similaire à celle de leur autre boutique. Ainsi la boulangerie de la Mairie est devenue une vraie Petite Marquise, depuis quelques mois. En effet, des travaux de rénovation ont été entrepris en début d’année, après le départ des gérants précédemment placés par les Pasquier à la tête de l’établissement.

Viennoiseries, Boulangerie de la Mairie, Issy-les-Moulineaux (92)

Comment la caractériser, d’ailleurs ? Peut-être par ses teintes, associant le noir et les dorures, ou bien par son offre de produits. Au rayon pains, la tourte de Meule côtoie celle de seigle, ainsi que la ciabatta, le pain au Sarrasin, le « Mont Céréales » et sa déclinaison aux fruits secs, entre autres complets, pains aux noix, aux olives ou encore aux noisettes et raisins. La Tradition ne démérite pas, avec un façonnage soigné pour un tarif -fort heureusement- moins élevé que dans le 16è arrondissement. Elle se négocie en effet à 1,20€ les 250g, pour un produit de bonne facture, au façonnage élégant et à la saveur de froment bien présente. Les cuissons sont globalement bien menées, et même si les prix demeurent assez élevés pour une boutique de banlieue, nous n’oublions pas que nous sommes ici à quelques centaines de mètres des portes de Paris.

Pâtisseries & sandwiches, Boulangerie de la Mairie, Issy-les-Moulineaux (92)

Du reste, la maison n’oublie pas ses bonnes habitudes… comme ses mauvaises. A côté des viennoiseries – honnêtes et variées -, des pâtisseries à la tendance toujours aussi bariolée trouvent leur place, même si l’on appréciera le soin porté à la réalisation de ces dernières.
Le traiteur possède son point de caisse dédié ainsi que sa file, et pour cause : les produits sont nombreux. Difficile de lister les nombreuses déclinaisons de sandwiches, sur base de baguette, de viennois… Quiches, pizzas et salades ne sont pas en reste, et les clients peuvent composer des formules incluant dessert et boisson parmi un choix plus restreint.

Le comptoir dédié au traiteur, avec un personnel nombreux et efficace.

Le comptoir dédié au traiteur, avec un personnel nombreux et efficace.

L’organisation est, comme je viens de le souligner, particulièrement bien vue et différencie clairement les ventes de repas et d’autres produits, tels que le pain, les viennoiseries et diverses gourmandises. On ne vient sans doute pas à la Boulangerie de la Mairie pour trouver un fort déploiement de chaleur humaine, mais plutôt pour être servi de façon efficace et professionnelle, le tout dans un cadre bien fini et élégant.

Infos pratiques

36 avenue de la République – 92130 Issy-les-Moulineaux (métro Mairie d’Issy, ligne 12) / tél : 01 46 42 20 74
ouvert du lundi au vendredi – sauf jeudi – de 7h à 20h, le samedi et dimanche de 7h à 19h30.

Avis résumé

Pain ? Une gamme similaire à celle proposée au sein de la boulangerie la Petite Marquise, dans le 16è arrondissement, a été développée ici : pain au Sarrasin, aux fruits secs (noix, noisettes-raisins), au fromage, aux olives, Ciabatta ou encore tourte de Meule ou de Seigle, le choix ne manque pas en plus de la baguette Tradition ou des habituelles propositions aux céréales. Façonnages appliqués, cuissons bien menées, les produits offrent une bonne conservation et des saveurs agréables, même si les prix sont plutôt élevés.
Accueil ? Efficace et professionnel, le service tend cependant à manquer de chaleur et la rapidité tend souvent à prendre le cas sur le côté humain. Pour autant, difficile de ne pas apprécier l’organisation bien rodée en place dans cette boutique, avec deux comptoirs bien distincts pour le traiteur et le reste des produits, ce qui permet d’assurer une belle fluidité même en heure de pointe.
Le reste ? Viennoiseries, brioches et gourmandises (cakes, financiers…) sont honnêtes, sans plus. Les pâtisseries ont toujours cette fâcheuse tendance tapageuse, même si elles demeurent soignées et correctes. L’accent est mis sur l’offre traiteur, avec une impressionnante variété de sandwiches, de salades, pizzas et autres quiches. Difficile d’en vouloir à l’artisan de valoriser son emplacement passant et de profiter de la nombreuse clientèle d’affaires environnante : en effet, ici à Issy, les sièges sociaux et autres entreprises ne manquent pas.

Faut-il y aller ? A l’image de la Petite Marquise, la Boulangerie de la Mairie est une affaire fort bien tenue, dont le succès n’est sans doute pas volé. On regrettera cependant des tarifs assez élevés, même si plus modérés que ceux pratiqués dans le 16è arrondissement. Malgré une offre traiteur prédominante, le pain n’est pas oublié et profite lui aussi d’une belle variété et d’une qualité de réalisation plus qu’honorable.

Parfois je me dis que je devrais être plus sérieux, que je ne suis en définitive qu’un petit plaisantin en balade dans les boulangeries parisiennes et plus largement franciliennes. Il n’y a qu’à voir les titres de mes billets ou même leur contenu, où les jeux de mots et autres plaisanteries sont assez présents. Que voulez-vous, j’ai choisi de parler du pain, un sujet sérieux, sans me prendre au sérieux… Après tout, il s’agit avant tout d’écrire sur du vivant, du quotidien, et je pense que la vie serait bien triste si l’on devait toujours s’inscrire dans une démarche stricte. C’est aussi ça mon travail de painrisien : mettre un peu de couleur dans la vie des gens !

Sur la rue de l'Echelle, Eric Kayser étend sa terrasse...

Sur la rue de l’Echelle, Eric Kayser étend sa terrasse…

Ainsi donc j’aurais pu titrer « Eric Kayser installe son empire dans un Palais Royal », mais j’ai préféré évoquer directement la rue où sa toute dernière boutique a ouvert ses portes.
En effet, c’est au 4 rue de l’Echelle que la maison Kayser a ré-ouvert ce matin ses portes au public. Ré-ouvert, car les lieux étaient déjà en possession de l’entreprise depuis plusieurs mois, sans pour autant réaliser de production sur place. Les locaux ont été repris à une enseigne de restauration rapide mourante – « Aux Pains Perdus » – suite à son acquisition par la chaine de salad-bars Jour en fin d’année dernière.

A l'étage, les briques ont retrouvé leur éclat d'antan.

A l’étage, les briques ont retrouvé leur éclat d’antan.

Il aura fallu un peu plus d’un mois de travaux pour aboutir à ce résultat, mais la métamorphose est totale : les deux salles ont retrouvé la lumière, après avoir passé plusieurs années dans une obscurité pesante.
Nous sommes bien loin des boutiques aux « standards CMC » que pouvait développer Eric Kayser il y a quelques années – le boulanger a d’ailleurs fait appel à Mosaïc Agencement ici et à Bercy Village. Un véritable savoir-faire en terme d’agencement a été développé par son entreprise, et la clientèle ne peut que s’en réjouir. La part belle est faite aux matériaux nobles comme le bois, tout en respectant la configuration et l’histoire des lieux : ainsi, les briques qui constituent l’ossature du bâtiment ont retrouvé de la visibilité à l’étage, pour une atmosphère à la fois chic mais authentique.

Sur la droite, le bar propose le service de restauration et assure le service dans cette salle moderne, où le bois reste néanmoins dominant.

Sur la droite, le bar propose le service de restauration et assure le service dans cette salle moderne, où le bois reste néanmoins dominant.

Ces mêmes briques auraient inspiré les équipes de la maison pour le développement du concept « loft new-yorkais » déployé ici. Il prend forme au travers du bar, mais aussi de la carte de restauration : reuben sandwich, hot-dog, … l’accent est mis sur le caractère contemporain et cosmopolite de l’offre. A consommer sur place ou à emporter.
Si l’on peut reprocher beaucoup de choses à Eric Kayser, il serait bien difficile de mettre en défaut sa capacité – et celle de ses collaborateurs-collaboratrices – à capter l’air du temps pour adapter la boulangerie aux attentes des consommateurs. Cela a notamment porté sur le sourcing des produits et matières premières : ainsi, le pastrami vient tout droit de chez Michel Kalifa et sa fameuse « maison David » dans le Marais, comme le knack pur veau bien croquant et réalisé de façon traditionnelle. La démarche se poursuit du côté des produits laitiers – yaourts et desserts Beillevaire – et de la petite section épicerie fine/tartinables. Huile d’olive de chez Cédric Casanova, Miel Béton bien francilien, pâtés Dupérier, kits à cuisiner de l’Epicerie Lion… Comme me l’a indiqué Elodie de Montbron – responsable marketing et présente pour cette ouverture -, la maison a été bien conseillée pour cette thématique et cela constitue une belle vitrine du savoir-faire français dans ce quartier très touristique. Petit détail amusant, les caisses disposent d’afficheurs mettant en avant les différents produits et leurs producteurs.

De l'épicerie fine et des macarons, un secteur visant tout particulièrement les touristes. Même si nous sommes dans une boulangerie - avec une forte vocation de restauration tout de même ! -, l'idée est plutôt bien vue car elle met en avant notre savoir-faire français.

De l’épicerie fine et des macarons, un secteur visant tout particulièrement les touristes. Même si nous sommes dans une boulangerie – avec une forte vocation de restauration tout de même ! -, l’idée est plutôt bien vue car elle met en avant notre savoir-faire français.

Pour autant, le pain n’est pas oublié et cela demeure notre point d’entrée dans cette boulangerie – puisqu’à présent c’en est bien une. Situé de matière visible au fond et mis en valeur par les éclairages, il nous est proposé dans les standards Kayser : pain au sarrasin, au fromage, aux noix, aux figues, aux céréales, curcuma-noix-noisettes, ciabatta, boule de Meule… Sans oublier les « signatures » développées pour cette boutique. Les clins d’oeil aux lieux culturels environnants sont nombreux, et je vois que je ne suis pas le seul à avoir de l’humour : on trouve ainsi le Scapain – un grand pain réalisé à partir de farine de froment et vendu à la coupe -, le pain Mona Lisa – farines de Tradition et de maïs, avec inclusion de semoule de maïs, pour un résultat aux notes chaudes et légèrement craquantes, ainsi que la baguette « Honoré(e) ». Pas de Monge ici, le ticket d’entrée se situe donc à 1,15€ la baguette de 250g, ce qui demeure tout à fait honnête : les tarifs pratiqués ici sont semblables à ceux des autres boutiques Kayser, et même si certains spéciaux sont particulièrement onéreux, cela demeure appréciable.

A noter également que cette unité fera office de « pilote » dans le développement d’une offre sans gluten, notamment sur la partie restauration. Pour cela, l’entreprise a fait appel à Nadia Sammut, fondatrice du mouvement With love allergen free.

Des pains variés, entre les classiques et les signatures. La Baguette Honoré(e) est en réalité une Malesherbes habilement renommée.

Des pains variés, entre les classiques et les signatures. La Baguette Honoré(e) est en réalité une Malesherbes habilement renommée.

Côté qualité, c’est honorable, même si des ajustements restent à réaliser, notamment sur le fameux Scapain qui semblait décidé à faire quelques fourberies. Pour les viennoiseries, pâtisseries, salades et autres gourmandises, le résultat est similaire aux autres succursales, du fait de la réalisation centralisée de ces produits au sein du laboratoire d’Ivry-sur-Seine.

La gamme de pâtisseries est semblable à celle proposée dans les autres boutiques... avec un petit nouveau, le Cheesecake Passion.

La gamme de pâtisseries est semblable à celle proposée dans les autres boutiques… avec un petit nouveau, le Cheesecake Passion.

Pour ce premier jour, l’ensemble des troupes étaient au garde-à-vous, avec notamment des dégustations proposées aux passants. Même si tous les produits ne sont parfaitement maîtrisés, le service est d’ores et déjà efficace et loin d’être dépassé. Sourire, entrain et plaisir à partager cette nouvelle boutique sont au rendez-vous… autant d’éléments qui devraient en faire un succès rapide, au vu de son emplacement très passant. En bref, la routine pour Eric Kayser, qui semble aussi bien pouvoir étendre son empire au sein de régions communistes comme la Chine… qu’à deux pas de lieux forts de la feu-royauté, comme ici, au Palais Royal.

Hors de question de perdre un seul mètre : l'escalier est l'occasion de marteler encore et toujours les "fondements" de l'enseigne.

Hors de question de perdre un seul mètre : l’escalier est l’occasion de marteler encore et toujours les « fondements » de l’enseigne.

Infos pratiques

4 rue de l’Echelle – 75001 Paris (métro Palais Royal – Musée du Louvre, ligne 1 ou Pyramides, lignes 7 & 14) / tél : 01 40 15 01 31
ouvert tous les jours (!) de 7h à 20h30.

Parmi les « grands noms » de la boulangerie, il y en a certains qui parviennent à se faire assez discrets sur le plan médiatique, mais moins au sein de la profession : tout se sait rapidement, et les artisans boulangers se privent rarement pour émettre un jugement sur leurs confrères ou voisins. Pour un observateur extérieur comme moi, le plus difficile est alors de rester le plus neutre possible, d’écouter en saisissant le vrai du faux, et en essayant d’éviter les parti-pris en faveur de l’un ou de l’autre.

Franck Debieu est de ces artisans qui ont tracé un parcours passant difficilement inaperçu, aussi bien par son apport au métier que par les entreprises où il a évolué. On l’a ainsi connu aux côtés d’Eric Kayser… avant de battre de ses propres ailes, de suivre son étoile… du Berger. J’avais déjà eu l’occasion de vous parler de sa boutique historique de Sceaux, laquelle a baptisé l’enseigne puisqu’elle se situe rue du Docteur Berger. Il ne faudrait pas pour autant oublier l’autre implantation du boulanger, à Meudon-Bellevue.

L'Etoile du Berger, Meudon (92)

Avant de m’y rendre, je n’avais pas bien saisi le sens du mot Bellevue… Je l’ai mieux intégré en découvrant le dénivelé des lieux. Forcément, la vue est belle, de là-haut. Pour ne rien gâcher, le pain est bon. Que demander de plus ?
Justement, la question est posée. En réalité, si j’avais tant entendu parler de cette boutique, c’était pour le concept qui devait y être déployé. En effet, l’artisan souhaitait visiblement en faire la vitrine de son concept de « haute pâtisserie »… Une idée qui semble aujourd’hui en suspend, car le pain reste aujourd’hui l’élément essentiel du 21 rue Maurice Allégot.

Les pâtisseries présentées dans leurs... tiroirs. Surprenant.

Les pâtisseries présentées dans leurs… tiroirs. Surprenant.

Essentiel, oui, mais néanmoins entouré par quelques points surprenants. A l’entrée de la boutique, le visiteur est frappé par les pâtisseries présentées dans des… tiroirs. Derrière sont disposées les quelques tables de l’espace salon de thé, mais difficile d’oublier cette curieuse entrée en matière.
L’espace de vente est plus clair que celui de la boutique de Sceaux, assez basse de plafond. Dans cet emplacement d’angle, la lumière pénètre bien pour mettre en valeur les produits… et le pain. On pourra bien sûr reprocher à Franck Debieu le prix élevé de ses spéciaux, mais difficile d’être tout aussi critique vis à vis du goût : entre la tourte de Kamut et ses chaudes notes de noisette, le Saint-Père et sa fermentation réalisée sur base de miel, le Germain et sa mie dense, riche en graines ou encore le Bolivien, associant graines de courge et quinoa… Voilà autant de produits aboutis et pour lesquels les tarifs finissent par passer en second plan. Néanmoins, l’artisan et ses équipes n’en ont pas oublié la nécessité d’accessibilité du pain, avec une flûte du Berger proposée à 1€. Cette baguette de Tradition séduit par ses notes lactiques, son alvéolage sauvage et sa croûte bien fine.

Pains, sandwiches et viennoiseries, L'Etoile du Berger, Meudon (92)

Ne laissons pas de côté les brioches aux formes variées, accompagnées le week-end par la création du mois, ni les viennoiseries de bonne facture. On passera par contre sur les pâtisseries, l’occasion de les laisser au placard, non, au tiroir, en raison de leur qualité de réalisation peu en adéquation avec les niveaux de prix pratiqués.
La proposition salée s’articule autour de sandwiches, tartines gratinées, panini et autres pizzas ou salades. Des produits simples et de qualité, à des tarifs cependant très parisiens.

Ici comme à Sceaux, difficile de ne pas apprécier l’accueil dynamique et impliqué. L’ensemble du personnel a à coeur de satisfaire la clientèle, et cette qualité de service s’inscrit bien dans le positionnement « haut de gamme » des boulangeries l’Etoile du Berger. Le cadre prolonge cette expérience agréable, avec une large place faite à des matériaux nobles comme le bois.

Infos pratiques

21, rue Marcel Allégot – 92190 Meudon Bellevue (transilien ligne N, gare de Bellevue) / tél : 01 46 26 80 36
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Franck Debieu est avant tout un excellent boulanger, et il continue à nous le montrer au quotidien. Après avoir développé la méthode PanovA en partenariat avec BCR et Foricher, l’artisan nous démontre dans ses deux boutiques que cet outil permet de réaliser du très bon pain en déchargeant les boulangers du façonnage. Le choix est difficile entre la flûte du Berger, proposée à 1€, la tourte de Kamut, le Saint-Père, le Bolivien… Le travail sur levain liquide permet d’offrir une bonne conservation sans développer de caractère acétique.
Accueil ? Dynamique et impliqué, le service est fluide et avenant, très professionnel. Il assure également la gestion de l’espace salon de thé, situé derrière ces bien curieux tiroirs . Le cadre demeure néanmoins agréable, avec une belle luminosité offerte grâce à l’emplacement d’angle, et le bois très présent dans l’aménagement.
Le reste ? Les produits les plus gourmands et réussis restent sans doute les brioches variées ainsi que les viennoiseries, complétées par quelques propositions boulangères comme les tartes fines aux pommes. Les pâtisseries, même si elles sont loin d’être indignes, sont proposées à des tarifs élevés pour des produits « dans la moyenne ». Belle gamme de sandwiches, tartines, pizzas et quiches, cependant, avec une belle mise en valeur des pains développés par l’artisan.

Faut-il y aller ? L’Etoile du Berger brille ici autant qu’à Sceaux, et ce pour le plus grand plaisir des meudonnais. Ils profitent ainsi de la flûte du Berger, de la sublime tourte de Kamut et des différentes créations de Franck Debieu. Le positionnement prix est très haut de gamme, parfois trop, mais la qualité est là et nous sommes là en présence d’une des grandes « signatures » de la boulangerie.

Il faut parfois creuser profond pour trouver du bon pain. Descendre dans les bas fonds, prendre des risques. La quête en deviendrait presque aventureuse, et plus particulièrement en banlieue, ou même en province. N’ayons donc pas peur de faire un peu descendre notre ligne de flottaison, de voir un peu en dessous du niveau du sol…

La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

… pour aller voir à la cave, par exemple. La situation est assez amusante puisque cette cave n’a rien de souterraine, en réalité. A Asnières-sur-Seine, la boulangerie Loupy porte le nom surprenant de « Cave à Pains »… C’est d’autant plus curieux quand on tient compte de l’aspect des lieux, plutôt soigné et présentant une devanture ornée de carreaux peints, où l’on retrouve les fameux coquelicots, si chers à nos boulangers.

Les pains, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

A l’intérieur, même tableau : la boutique est sobre et élégante, avec un beau plafond ancien sous verre. Si toutes les caves étaient de cet ordre, je crois que l’on y passerait plus de temps. Néanmoins, accordons lui ce mot pour les pains : en effet, ces derniers sont affinés… pardon, fermentés longuement, avant d’être cuits et mis en vente. La maison met en avant le fait que l’ensemble de ses produits soient travaillés sur levain naturel, à commencer par la baguette de Tradition. Elle ne manque pas d’allure, avec son façonnage soigné et sa grigne verticale bien ouverte. Impossible de ne pas la trouver un peu courte, et pour cause : son poids a été fixé à 200g, ce qui permet à l’artisan de la proposer au prix « psychologique » de 1,10€… or, son prix au kilogramme s’envole à 5,5€. Ne gâchons pas notre plaisir pour autant et apprécions sa mie crème, bien alvéolée, laquelle développe une légère acidité qui relève des notes de noisette et une saveur de froment prononcée. La croûte fine craque sous la dent, pour une mâche fraiche et une bonne conservation. Son homologue dite « de campagne » et sa touche de seigle ne sont pas en reste.

Pains & traiteur, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

Un petit tour dans le reste de la gamme boulangère nous ferait presque croire qu’il s’agit de la cave…rne d’Ali Baba : entre un pain Noisettes-Miel très moelleux, croquant et parfumé, le pain au Cacao, la ciabatta aux olives, les pains de campagne ronds, longs ou à la coupe… Le choix ne manque pas, ni la qualité : l’emploi d’une bonne matière première, en l’occurrence les farines des moulins Foricher, ne trompe pas chez cet artisan.

Pâtisseries, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

Les viennoiseries ont un peu plus de peine à convaincre, et on leur préfèrera la surprenante baguette feuilletée, avec son façonnage en torsade et sa caramélisation aboutie. Laissons les pâtisseries à la cave, mis à part peut-être les tartes à partager sur lesquelles la maison Loupy semble parvenir à briller un peu plus. Le traiteur nous offre ses sandwiches, tartes « boulangères » et fougasses garnies à des tarifs honnêtes pour des produits simples.

Pains & traiteur, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

L’accueil n’a rien de caverneux, bien au contraire, et malgré l’efficacité nécessaire en heure de pointe, le client est respecté et servi avec beaucoup de gentillesse et d’attention. L’organisation mise en place derrière le comptoir semble avoir fait ses preuves : une personne à l’encaissement, une autre au service, cela permet de régler ses achats rapidement et de laisser la file d’attente se dépiler de façon fluide. Il faut dire qu’au vu de l’espace relativement restreint dans la boutique, il était nécessaire de trouver une façon de faire.

Infos pratiques

12 avenue d’Argenteuil – 92600 Asnières-sur-Seine (Transilien ligne L & J, gare d’Asnières-sur-Seine) / tél : 01 47 33 83 04
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h, le samedi de 7h30 à 13h.

Avis résumé

Pain ? Lionel Loupy a fait deux choix lui permettant de nous offrir des pains savoureux, à la conservation de bon niveau : tout d’abord un meunier de qualité – les moulins Foricher -, puis un travail sur levain naturel pour l’ensemble de sa gamme. Une pratique d’ailleurs encouragée par ce fournisseur, à juste titre, puisque le résultat d’avère tout à fait probant : entre la baguette de Tradition et sa légère acidité, soutenant des notes de noisette et une saveur de froment prononcée, les pains de Campagne en divers formats, ou des déclinaisons plus gourmandes (noisettes-miel, cacao, fromage, ciabatta aux olives…), nous sommes servis. Petit bémol sur le prix de la baguette de Tradition, 1,10€ pour 200g – soit 5,5€ le kilogramme -, c’est un tarif assez élevé… d’autant que nous sommes en banlieue !
Accueil ? Efficace, bien organisé mais néanmoins charmant, il sait nous mettre à l’aise dans cette cave… pardon, boutique, à l’espace restreint mais au décor agréable : entre une façade recouverte de carreaux peints et un plafond sous verre, le lieu ne manque pas de cachet.
Le reste ? Nous sommes définitivement dans une boulangerie, et les pâtisseries manquent d’affinage… surprenant car nous sommes à la cave, mais à Pains ! Bref, peu importe les jeux de mots, mieux vaut se tourner vers les viennoises ou la surprenante baguette feuilletée, même si les tartes à partager sont plutôt honnêtes. Les travailleurs du secteur ont fait de l’endroit une halte de ravitaillement de choix, avec des sandwiches classiques et quelques tartes « boulangères » ou fougasses garnies de bonne facture.

Faut-il y aller ? Pour le pain, sans aucun doute, car la maison Loupy et sa « cave à pains » nous propose là une bien belle adresse en banlieue. On y retrouve autant diversité, cuissons que saveurs, un exemple à suivre pour bon nombre d’artisans en dehors de notre capitale. La qualité passable des pâtisseries et d’une bonne partie des viennoiseries demeure cependant regrettable, et cette boulangerie compte sans doute plus sur les ventes d’en-cas et sandwiches au déjeuner, à plus forte raison quand on connaît ses horaires et jours de fermeture.

Il est curieux d’observer comme certaines allées commerçantes concentrent les boulangeries et… les déceptions. Ces regroupements ont rarement un caractère heureux, et on peut reprocher aux affaires qui s’y développent de profiter du passage, sans forcément se soucier de la qualité du produit. Forcément, leur chiffre est quasiment assuré sans nécessiter d’effort particulier. A Paris, ce type d’emplacement ne manque pas, et des noms viennent rapidement à l’esprit : rue Montorgueil, rue Cler…

… ou encore rue de Lévis. Dans le 17è arrondissement, cette voie aux allures de marché permanent accueille 6 boulangeries dont bien peu m’ont vanté les éloges. J’avais moi-même pris la plume il fût un temps pour parler de Nature de Pain, l’entreprise de Loic Bret. A l’autre extrémité de la rue, L’Ecureuil tenu par Ralf et Laurence Edeler est parti courir d’autres noisettes pour laisser sa place à… Léonie et ses douceurs.

Boulangerie Léonie, Paris 17è

De l’extérieur, on pourrait penser que peu de choses ont changé. En effet, la devanture affiche toujours le nom de l’ancienne boutique. Pour autant, à l’intérieur, cela n’a plus grand chose à voir. Les lieux ont été entièrement remaniés afin d’optimiser l’espace et installer quelques tables de dégustation « sur le pouce ». Le résultat est plutôt chaleureux, dans un style sobre et moderne. Trois pôles se distinguent : la boulangerie et quelques viennoiseries sur la gauche, les gourmandises, pâtisseries et plats traiteur au fond à droite, tandis que les salades, desserts en verrines et boissons nous accueillent. En heure de pointe, le service est fluide grâce à deux postes de caisse, dont l’un est dédié au pain.

Les pains, Boulangerie Léonie, Paris 17è

Parlons-en, justement, du pain. Les grands classiques sont représentés, avec boules de campagne, complets et autres pains aux céréales. Le travail sur levain s’exprime dans les différents produits de la maison au travers d’une certaine acidité… y compris pour la baguette de Tradition, que l’on préfère généralement plus lactique. Cette dernière est d’ailleurs la seule – avec sa déclinaison aux céréales – proposée par Léonie : pas de baguette de pain courant ici. Elaborée à l’aide d’une diviseuse, la Tradition nous offre une croûte fine et une mie très hydratée, sans doute un peu trop, d’ailleurs. La mâche tend à manquer de fraicheur et le produit perd rapidement de sa consistance.
On lui préférera les créations de la maison, à commencer par un sympathique pain aux graines de courge, ou une ficelle fruits secs-fêve de Tonka. Cette dernière joue sur les registres acidulés des cranberries et celui assez « chaud » et corsé de l’épice, pour un résultat surprenant et atypique. Les déclinaisons salées ne sont pas en reste, avec des accords toujours réussis, comme l’agréable tomates-olives. Les cuissons sont abouties, surtout sur les grosses pièces, à l’image du pain de campagne proposé à la coupe (6,50€/kg).

Viennoiseries & gourmandises, Boulangerie Léonie, Paris 17è

Les viennoiseries et pâtisseries sont un peu à la traine, et l’on peinerait bien à s’y attarder. La gamme traiteur contraste nettement avec ce tableau, puisqu’elle offre diversité, fraicheur et créativité. Salades, quiches, parmentiers multicolores « de Léonie » et bien sûr sandwiches, difficile de ne pas trouver chaussure à son pied. On comprend bien l’intérêt des tables installées à l’entrée, idéales pour profiter des formules proposées à partir de 7 euros.

Salades, Boulangerie Léonie, Paris 17è

Pour ne rien gâcher, Léonie nous offre un accueil des plus charmants, en bonne cohérence avec l’esprit sympathique et chaleureux que développe cette jeune entreprise. Nous avons donc perdu un écureuil, mais avons gagné une sympathique demoiselle faite boulangerie… difficile de se plaindre.

Infos pratiques

96 rue de Lévis – 75017 Paris (métro Malesherbes, ligne 3 ou Translien ligne L, gare de Pont Cardinet) / tél : 01 42 27 28 27
Site internet : http://leonie-paris.fr

Avis résumé

Pain ? Le travail sur levain est une des « signatures » de la gamme de pains proposée ici. L’acidité se fait assez présente, y compris sur la baguette de Tradition que l’on préfèrerait volontiers plus lactique et moins collante. Sa croûte très fine ne lui permet pas de conserver beaucoup de consistance au fil des heures, ce qui est un peu dommage. Néanmoins, le reste des produits s’avère de bonne facture, avec un pain aux graines de courges très craquant, quelques créations bien vues (ficelle fève de Tonka-fruits secs, tomates-olives, chocolat-cacao, …) et un Campagne à la coupe bien rustique.
A noter le fait que le ticket d’entrée est ici la baguette de Tradition, puisque la baguette dite de pain courant n’est pas proposée dans cette boulangerie. Je serais bien en peine de m’en plaindre.
Accueil ? Attentif, charmant et néanmoins efficace, le service contribue à donner à la boulangerie Léonie un caractère sympathique et chaleureux, en cohérence avec l’aménagement sobre et accueillant développé ici, malgré un espace plutôt restreint. Ainsi, on prendra plaisir à s’attabler à l’entrée, pour déguster un repas rapide ou une gourmandise.
Le reste ? Passons sur le sucré, sans grand intérêt, que ce soit en terme de produits feuilletés ou plus pâtissiers. Les becs salés seront, quant à eux, beaucoup moins en peine car Léonie leur a réservé des propositions plutôt bien vues : salades créatives, parmentiers multicolores, soupes, quiches variées, sandwiches… Bref, vous l’aurez compris, ici on préfère le salé pour une note pas si salée, avec des formules allant de 7 à 11€.

Faut-il y aller ? La boulangerie Léonie a remplacé l’Ecureuil, dans un esprit tout à fait différent. Tandis que le second était plutôt axé sur une offre sucrée, la nouvelle arrivante articule ses propositions autour de produits snacking bien vus, pouvant être consommés sur place ou à emporter. Les fondamentaux n’en sont pas moins respectés, avec des pains honnêtes, parmi lesquels on préfèrera les déclinaisons gourmandes – mention spéciale au fruits secs-fève de Tonka très réussi. Notons enfin l’aménagement soigné, même si la devanture affiche toujours les couleurs des anciens occupants, et l’accueil charmant. De quoi faire de cette petite boutique une halte agréable sur une rue de Lévis pas toujours très généreuse en adresses de qualité.

Avoir un plan de marche, c’est bien. S’y tenir, c’est mieux. Bien sûr, ce n’est pas toujours possible, d’autant plus quand on tient compte des aléas de notre système économique, où les banques sont frileuses, le recours aux investisseurs parfois risqué, et la clientèle très volatile. Dans cet univers brumeux, certains parviennent à tirer leur épingle du jeu et à continuer leur développement. Pas toujours aussi rapidement qu’ils le souhaiteraient, mais la performance reste à saluer.

Arnaud Delmontel fait partie de ceux-ci. Ce projet de quatrième boutique, il le portait depuis 2010, et souhaitait le concrétiser dès l’année suivante. Cela aura pris bien plus de temps que prévu, mais c’est aujourd’hui chose faite. En effet, l’artisan a ouvert un nouveau point de vente au 45 rue de Douai, il y a plus d’une semaine.
La petite boutique n’avait rien d’une boulangerie auparavant, et il aura fallu – et faudra encore – de nombreux travaux pour achever la « conversion ».

Une devanture sobre, affichant tout simplement "Delmontel". Les codes couleurs de la maison sont repris, mais attention, vous noterez bien qu'il n'est nullement fait mention de "boulangerie" : cela n'en est pas une, le pain n'étant pas fait sur place.

Une devanture sobre, affichant tout simplement « Delmontel ». Les codes couleurs de la maison sont repris, mais attention, vous noterez bien qu’il n’est nullement fait mention de « boulangerie » : cela n’en est pas une, le pain n’étant pas fait sur place.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas en présence d’une boulangerie à proprement parler, mais plutôt d’un dépot de pain : en effet, l’ensemble des produits sont acheminés depuis la boutique historique de la rue des Martyrs, située non loin de là. A terme, la production sera réalisée dans un laboratoire attenant. L’idée d’ouvrir la boutique sans plus attendre demeure assez bien vue, car cela permet dès à présent d’engranger du chiffre et d’attirer la clientèle dans les lieux. Ainsi, la « perte » liée au temps des travaux est moins importante.

L'espace contraint a parfois des conséquences intéressantes : les pâtisseries sont visibles de la rue et attirent toujours la gourmandise.

L’espace contraint a parfois des conséquences intéressantes : les pâtisseries sont visibles de la rue et attirent toujours la gourmandise.

Il s’agit sans nul doute de la plus petite boutique de l’artisan, avec un espace assez contraint. Les pâtisseries sont regroupées dans une vitrine donnant sur la rue, tandis que les produits traiteurs occupent une armoire réfrigérée qui ne correspond pas aux « standards » développés par la maison dans ses autres implantations, où les produits sont présentés de façon plus « plate » et non sur plusieurs étages comme c’est le cas ici. Côté pains et viennoiseries, la présentation est plutôt aléatoire, l’ensemble manque d’ordre et ne semble pas bien achevé.

Ici, pas de salades au poids comme dans la boulangerie de la rue des Martyrs, l'ensemble est déjà pré-conditionné. Il faut faire efficace et dans un espace contraint.

Ici, pas de salades au poids comme dans la boulangerie de la rue des Martyrs, l’ensemble est déjà pré-conditionné. Il faut faire efficace et dans un espace contraint.

Les produits sont forcément les mêmes qu’ailleurs, avec tout le caractère approximatif que l’on peut parfois leur trouver. Notons tout de même une certaine amélioration en terme de finition sur les pâtisseries au cours de ces derniers mois. Pas de mieux par contre du côté des prix, toujours très élevés.
Malgré tout, on ne manquera pas d’apprécier la qualité de l’accueil dans cette petite boutique, et c’est un élément remarquable dans une maison où le service n’est bien souvent pas dénué de reproches.

Viennoiseries et cakes, Arnaud Delmontel, rue de Douai, Paris 9è

Reste à voir comment cette nouvelle implantation évoluera – avec notamment la mise en service de son propre laboratoire -, et si elle trouvera son public, du fait de la présence proche de plusieurs autres boulangeries.

Infos pratiques

45 rue de Douai – 75009 Paris (métro Blanche, ligne 2)

Je n’en parle sûrement pas assez, mais je suis admiratif des progrès réalisés ces dernières années en terme de technologie boulangère. Entre chambres de pousse, diviseuses-formeuses, … les outils qui améliorent le quotidien du boulanger se sont multipliés. Même si certains ne souhaitent pas les utiliser, pour des raisons plus ou moins pertinentes (et parfois très dogmatiques, en définitive), j’y vois une piste de réflexion pour aller à l’encontre de la crise de vocations que le secteur a pu connaître par le passé (même si cela semble aller dans le bon sens de ce côté).

La Boulange du 12è, Paris 12è

Seulement, il reste toujours des hommes et de la techniques pour manoeuvrer ces machines. Le savoir-faire du boulanger s’exprime ici – fort heureusement ! – et il demeure nécessaire pour aboutir à un résultat de qualité.
Donnant sur la large place Felix Eboué, la Boulange du 12è nous donne malheureusement une démonstration de ce la technologie peut produire si elle n’est pas maîtrisée.
Cette petite boulangerie jouit d’un emplacement idéal, avec un fort passage. Sa petite terrasse extérieure permet de consommer sandwiches et en-cas rapidement, et est particulièrement appréciée par les étudiants des collèges et autres établissements scolaires alentour. Une caractéristique bien comprise par le propriétaire de cet établissement. Pour cet entrepreneur de la boulangerie – pas franchement issu du milieu -, l’enjeu était de parvenir à transformer l’affaire d’une échoppe de quartier tenue « à l’ancienne » en boulangerie bien en phase avec son temps.

La Tradition semble d'être complètement avachie sur elle même, et offre une croûte étrange, à la mâche plutôt désagréable.

La Tradition semble d’être complètement avachie sur elle même, et offre une croûte étrange, à la mâche plutôt désagréable.

Le pari semble être gagné au vu de la fréquentation des lieux : on se presse nombreux pour déguster les produits de la maison. Seulement voilà, malgré une farine de bonne qualité (avec notamment de la farine Label Rouge Reine des Blés livrée par les Moulins Bourgeois), les pains mériteraient plus d’attention… A l’image de la baguette de Tradition. De prime abord, on pourrait se dire que son façonnage est bien étrange. En réalité, il s’agit là d’un des risques lorsque l’on utilise une diviseuse-formeuse comme c’est le cas ici : un produit très carré… et mal poussé, car il s’est littéralement avachi sur lui-même. La pâte manquait sans doute de force, et au final, pour le consommateur, elle manque cruellement d’arôme. On ne s’attardera donc pas sur ce produit.

Excusez moi de vous montrer les dessous d'une baguette, mais celle-ci vaut le détour : on voit très nettement la "marque" laissée par la diviseuse, ce qui est loin d'être du meilleur effet.

Excusez moi de vous montrer les dessous d’une baguette, mais celle-ci vaut le détour : on voit très nettement la « marque » laissée par la diviseuse, ce qui est loin d’être du meilleur effet.

Pour le reste, la gamme est particulièrement étendue et gourmande : pain « Italien », boules variés, pains à la coupe, pain figue-raisin, aux noix, aux céréales, un plus surprenant « Goyave-Ananas-Raisins et flocons d’avoine » ainsi que des déclinaisons en viennoises (chocolat-orange, cranberries-chocolat blanc…).

La large gamme de pains

La large gamme de pains

Le constat est assez similaire côté viennoiseries, tout comme pour les pâtisseries. Les produits sont d’une étonnante régularité, chacun étant le jumeau de son voisin… ce qui est loin d’être gage d’un produit de qualité.

Des pâtisseries étrangement régulières

Des pâtisseries étrangement régulières

Terminons par un détour du côté de l’offre traiteur, où les références de sandwiches se succèdent, ainsi que celles de salades et paninis. Bref, vous l’aurez compris, les repas sur le pouce sont clairement visés par cette boulangerie et l’offre a été orientée en conséquence. Ce n’est pas pour autant que l’on y accordera plus d’importance.

Viennoiseries, La Boulange du 12è, Paris 12è

Heureusement, l’accueil sait se montrer chaleureux et souriant, l’humain relève un peu sur ce problème de machines, même si cela peine à nous faire oublier le caractère plutôt passable des gammes de cet établissement.

Infos pratiques

127 Rue de Reuilly – 75012 Paris (métro Daumesnil, lignes 6 et 8) / tél : 01 43 07 61 21
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Notre amie la diviseuse est ici bien mal utilisée, pour un résultat peu attirant. La baguette de Tradition est ainsi fort étrange, en plus de ne développer aucun arôme particulier. On appréciera tout de même la large gamme de pains : pain « Italien », boules variés, pains à la coupe, pain figue-raisin, aux noix, aux céréales, un plus surprenant « Goyave-Ananas-Raisins et flocons d’avoine » ainsi que des déclinaisons en viennoises (chocolat-orange, cranberries-chocolat blanc…)… Les plus gourmands apprécieront.
Accueil ? Dans cette boutique aux tons rouges et vifs, héritage d’un passé au sein du groupement Banette, le service est efficace mais néanmoins souriant et attentif. La file d’attente, qui se forme rapidement en heure de pointe, grâce à un emplacement très passant, avance ainsi de façon fluide.
Le reste ? Rien de bien intéressant, que ce soit en viennoiserie, pâtisserie ou même traiteur. Une uniformité des produits et des gammes qui laisse bien peu de place aux saveurs…

Faut-il y aller ? Pour découvrir la large gamme de pains, pourquoi pas, mais sans doute pas pour le reste. La qualité des produits se révèle plus que passable, et mieux vaut faire un peu de chemin pour découvrir les spécialités de Stéphane Vandermeersch ou d’Antonio Dias Gil, tous deux situés non loin de là.

Dans chaque profession, l’évocation de certains noms ou entreprises fait inévitablement frissonner vos interlocuteurs, d’autant plus quand ils sont en situation de concurrence avec ces dernières… sans disposer forcément de toutes les armes pour mener un combat équitable. Même s’il n’est jamais désagréable de se rafraichir un peu quand les températures sont élevées, il ne faut pas abuser du phénomène mais plutôt chercher à le comprendre : pourquoi une telle peur, pourquoi des entreprises très différentes par leurs formes et leurs objectifs se retrouvent sur le même terrain, à la conquête de la même clientèle …?

A Brie-Comte-Robert (77), la boulangerie Marie Blachère est intégrée au magasin Grand Frais. Un concept "tout sous le même toit" (primeurs, boucherie, crémerie...) assez redoutable, car on y retrouve un état d'esprit "marché" plus attirant que celui des grandes surfaces, tout en étant pratique pour le consommateur. Cela explique sans doute le succès rencontré par l'enseigne, qui a multiplié ses implantations au cours des dernières années (132 magasins en France !)

A Brie-Comte-Robert (77), la boulangerie Marie Blachère est intégrée au magasin Grand Frais. Un concept « tout sous le même toit » (primeurs, boucherie, crémerie…) assez redoutable, car on y retrouve un état d’esprit « marché » plus attirant que celui des grandes surfaces, tout en étant pratique pour le consommateur. Cela explique sans doute le succès rencontré par l’enseigne, qui a multiplié ses implantations au cours des dernières années (132 magasins en France !)

Marie, en voilà un joli prénom. Seulement voilà, si je l’accompagne du patronyme de Blachère, j’en connais beaucoup qui le trouveront nettement moins charmant. En effet, les boulangeries Marie Blachère poussent… comme des petits pains dans les zones commerciales. Indépendantes ou adossées au concept Grand Frais, elles développent une politique commerciale agressive, avec des prix bas et de nombreuses offres incitant le consommateur à multiplier ses achats. 3 baguettes achetées, 1 offerte, même pratique pour les pizzas ou viennoiseries, la mécanique est bien huilée et fonctionne d’autant plus avec la forte tendance à recourir à la surgélation du pain au sein des ménages. Dès lors, inutile de se soucier d’une éventuelle perte liée à l’achat d’un tel volume de pain.

Peu de doutes sur l'origine des viennoiseries, mais un laboratoire tout à fait transparent, où les opérations sont réalisées à la vue du client.

Peu de doutes sur l’origine des viennoiseries, mais un laboratoire tout à fait transparent, où les opérations sont réalisées à la vue du client.

Plutôt que d’aborder l’affaire sous l’angle d’une attaque directe à l’artisanat, essayons de s’y intéresser de façon objective. Avant tout, on peut reconnaître que Bernard Blachère, développeur du concept, a bien intégré les éléments menant au succès d’une affaire de boulangerie : du pain frais, fabriqué sous les yeux des clients, avec des tarifs attractifs, le tout implanté au coeur des zones d’achat.
En effet, lorsque l’on pénètre dans la boutique, c’est un peu comme si l’on entrait dans un grand laboratoire : le fournil et la cuisson des viennoiseries sont entièrement ouverts sur l’espace de vente, ce qui attire et rassure le consommateur. Cette dimension de « spectacle » est renforcée par un service quasi-survolté, pris entre la vente et la mise en rayon des produits tout juste cuits. Une nouvelle fournée de viennoiseries ? L’occasion de relancer les ventes en vantant leur caractère chaud et – forcément – délicieux.

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Bien sûr, pour le délicieux, on repassera : il ne fait aucun doute que la plupart des produits, en dehors du pain, sont d’origine industrielle. Je ne suis pas certain de trouver cela choquant pour autant : la pratique n’est pas franchement cachée, et la clientèle vient avant tout pour le prix… pas pour le goût. Pour 0,80€ la pièce, bien peu d’artisans peuvent s’aligner, mais le pire est sans doute de se dire que la plupart de ces derniers proposent les mêmes produits à des tarifs supérieurs. Pâtisseries, tartelettes, brownies (pour ces derniers, les fervents défenseurs de l’enseigne nous soutiennent qu’ils sont fabriqués sur place. Accordons-leur les brownies, alors.)… le constat est similaire.

Dans le fournil, les boulangers s'activent pour enfourner et défourner quasiment en continu. A la vente, les baguettes sont proposées en 3 cuissons différentes. Un objectif : être consensuel au maximum.

Dans le fournil, les boulangers s’activent pour enfourner et défourner quasiment en continu. A la vente, les baguettes sont proposées en 3 cuissons différentes. Un objectif : être consensuel au maximum.

S’il y a bien une chose à laquelle nous devons nous intéresser, c’est le pain. Nous ne sommes pas dans un point chaud, et des boulangers oeuvrent dans le fournil tout au long de la journée pour répondre à la demande. La star, c’est la fameuse Baguette de Marie, vendue 0,95€ la pièce de 250g, soit à peine plus cher que la baguette de pain courant chez nombre d’artisans boulangers. Si l’on en achète 3, avec une 4ième gratuite, l’unité passe alors à moins de 70 centimes. C’est dans ce cas que l’opération peut devenir intéressante, même si le produit parvient à se défendre, contre toute attente.

Ne demandons pas des miracles de façonnage, même si le résultat est loin d'être hideux. En choisissant une baguette bien cuite, cela n'a rien de catastrophique, d'autant que le produit se conserve assez bien, sans trop sécher ni perdre de sa consistance.

Ne demandons pas des miracles de façonnage, même si le résultat est loin d’être hideux. En choisissant une baguette bien cuite, cela n’a rien de catastrophique, d’autant que le produit se conserve assez bien, sans trop sécher ni perdre de sa consistance.

Certes, cette baguette ne manque pas de défauts : sa sole est bien loin d’être propre et laisse apparaître quelques déchets issus des fournées précédentes, elle se révèle assez salée (excellent exhausteur de goût, forcément) et sa mie manque relativement d’alvéolage pour un résultat assez cotonneux. Pour autant, si on la demande bien cuite, elle se laisse manger, même si sa présence en bouche est limitée. La croûte est très croustillante et sa caramélisation apporte du parfum. Là encore, le concept est bien pensé : le client choisit sa cuisson. Blanche, intermédiaire ou bien cuite, tout est fait pour correspondre aux goûts des consommateurs.

Non, la photo n'est pas la seule raison de cette teinte : la mie est bien blanche. Farine de qualité moyenne, pétrissage intensif, il faut bien produire tout en limitant les coûts.

Non, la photo n’est pas la seule raison de cette teinte : la mie est bien blanche. Farine de qualité moyenne ou pétrissage intensif, il faut bien produire tout en limitant les coûts.

Même chose pour les pains spéciaux, avec des céréales, des fruits secs variés, du complet ou des pains dits « orientaux ». Pour 1,95€ la pièce de 300g, l’argument prix prend du plomb dans l’aile, et au vu de la qualité plus qu’aléatoire des produits, mieux vaut passer son tour. Ce n’est pas beaucoup mieux du côté des pizzas, très approximatives.

Les pains spéciaux ne sont pas des chefs d'oeuvre de boulangerie...

Les pains spéciaux ne sont pas des chefs d’oeuvre de boulangerie…

Pourtant, les lieux ne désemplissent pas, et chaque nouvelle ouverture s’accompagne d’un succès, mettant parfois en difficulté les artisans aux alentours. Cela illustre bien la force de la gratuité et de l’emplacement. De plus, au vu des volumes induits par cette pratique, les visites potentielles du consommateur dans une boulangerie sont réduites de façon intrinsèque : qui irait acheter du pain alors que le congélateur en est rempli, du fait de l’achat simultané de 4 baguettes… voire plus.

Vous l’aurez compris, je ne ferais sans doute pas d’une succursale de chez Marie Blachère ma boulangerie de quartier. Néanmoins, je m’incline devant la performance entrepreneuriale et en appelle à la réflexion des boulangers en situation de concurrence frontale avec ce type d’enseigne : pour subsister, il est nécessaire d’être « malin » et de développer une gamme qui offre une véritable différence et une valeur ajoutée : entièrement réalisée maison, bien sûr, elle peut tout à fait se battre sur le terrain des prix au travers de produits simples (tartes, en-cas variés…) qui sont de véritables vecteurs de marge. Il faut également porter une attention particulière à la qualité du service et à la régularité, pour fidéliser la clientèle. Sinon, ne nous étonnons pas de voir les clients aller plus près de Marie…

Ici, le concept Marie Blachère est bien résumé : des prix bas avec des "offerts" et un pain fabriqué sur place, ce qui différencie l'enseigne des terminaux de cuisson et rassure le consommateur.

Ici, le concept Marie Blachère est bien résumé : des prix bas avec des « offerts » et un pain fabriqué sur place, ce qui différencie l’enseigne des terminaux de cuisson et rassure le consommateur.

Il me semble que l’on a beaucoup parlé de mariage, ces derniers temps. En effet, il était question de l’autoriser pour tous, quelque soit ses aspirations. Le sujet a déchainé les foules, avec de nombreuses manifestations, prises de parole, attaques et contre-attaques… L’affrontement en aura même fini par être violent, renforçant encore un peu plus les clivages existant dans notre pays. Côté boulangerie, les querelles de clocher existent tout autant et la profession sait très bien se diviser, avec une base encore très traditionaliste et rétrograde. Je n’aurais même pas été surpris de les retrouver dans les fameux cortèges se voulant « pour tous », mais passons…

Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Dans le 14è arrondissement, c’est un boulanger-pâtissier qui propose de nous remettre tous d’accord, de créer une union universelle… L’Alliance, puisque c’est le nom de cette entreprise, est tenue par Antoine Pabois et son épouse. Cela explique peut-être le nom choisi, auquel cas on peut dire que l’attention est charmante. Installés ici depuis début 2012, ils succèdent à Rudy Regnery, lequel semble avoir choisi de se concentrer sur son affaire dédiée au pain biologique située non loin de là, rue d’Alésia.

Pâtisseries, Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Le voisinage est d’ailleurs riche en boulangeries, et notamment celle de Dominique Saibron… c’est sans doute ce qui m’a tenu éloigné de la rue Alphonse Daudet jusqu’à présent. A tort, puisque j’y ai découvert une affaire fort bien tenue, tout particulièrement du côté des gourmandises. En effet, cet ancien compagnon semble prendre un grand plaisir à travailler le sucré, au travers d’une belle offre déclinée aussi bien en frais qu’en sec : pâtisseries soignées, classiques (religieuses, millefeuilles, tartes aux fruits…) ou plus créatives avec des entremets aux associations de saveurs réussies, verrines, mais aussi sablés, cakes, chocolats, … La viennoiserie est à l’avenant, avec des croissants, pains au chocolat mais aussi oranais ou kugelhopfs et brioches vendéennes de bonne facture.

Viennoiseries, Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Le pain est un peu moins brillant, fait regrettable pour une boulangerie. La baguette de Tradition, même si son parfum de froment est bien présent, se révèle trop crémeuse et, de fait, pâteuse. Malgré un façonnage appliqué, sa croûte manque de consistance et la mâche manque de fraicheur. Des cuissons plus poussées contribueraient à rendre le produit plus agréable à la dégustation. Le reste de la gamme reste dans le secteur classique, avec une tourte de Seigle Biologique sans grand intérêt, tout comme le pain de campagne à la mie très dense. Bref, on passera volontiers notre tour sur ces produits pour se concentrer sur le reste, visiblement mieux maîtrisé par l’artisan. A noter au passage la gamme de quiches, pizzas et autres fougasses tout à fait honnêtes.

Pains, Boulangerie L'Alliance, Paris 14è

Le charme simple de cette boutique « de quartier » est accompagné à merveille par un service chaleureux et sans prétention, attaché à échanger avec une clientèle de quartier habituée des lieux. Le contraste avec la boulangerie de Dominique Saibron à quelques pas est frappant : deux ambiances, deux façons de voir le métier, mais il en faut pour tout le monde et ces univers peuvent très bien cohabiter… preuve en est du cas présent.

Infos pratiques

17 rue Alphonse Daudet – 75014 Paris (métro Alésia, ligne 4) / tél : 01 53 90 42 19
ouvert du mercredi au dimanche de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Je n’avais pas titré ce billet par hasard, car malheureusement, on ne nous passera pas la baguette (de Tradition) de cet artisan au doigt. Cette dernière (1,15€ les 250g), même si relativement savoureuse avec des notes de froment bien présentes, manque cruellement de « fraicheur » à la dégustation, avec un caractère pâteux plutôt rédhibitoire. Sa croûte ne parvient pas à rattraper le tout, cette dernière ne présentant pas de consistance particulière, un fait lié en partie à des cuissons trop peu marquées. Seules les grosses pièces se révèlent d’ailleurs plus cuites, à l’image du pain de campagne proposé à la coupe, dont la mie demeure trop dense cependant. Malgré des façonnages appliqués, le pain ne semble donc pas être un des points forts de cet artisan.
Accueil ? Parfaitement en phase avec le décor, à la fois simple et sympathique, ouvert à une clientèle de quartier attachée à son commerce de proximité. Ici, on reconnaît les habitués, une ambiance bien différente de celle que l’on peut trouver à deux pas d’ici, sur la place d’Alésia. Un peu de douceur et d’attentions sont parfois bienvenus, surtout dans une ville telle que Paris.
Le reste ? Antoine Pabois semble développer le plus de compétences dans le milieu du sucré, avec des gammes variées et soignées : pâtisseries (4,20€ en moyenne la pièce individuelle) classiques ou créatives, sablés, chocolats, viennoiseries, financiers, cakes… Les gourmands seront séduits par ce choix large autant qu’accessible. La gamme traiteur s’inscrit dans une ligne similaire, avec des quiches, pizzas et fougasses tout à fait honnêtes.

Faut-il y aller ? Un peu en retrait de la place d’Alésia et de son activité bourdonnante, le couple Pabois nous propose ici une boutique simple et sympathique, comme on aime en trouver en bas de chez soi. On regrettera toutefois que le pain soit un peu en retrait, les farines des Moulins de Chars n’étant pas particulièrement mises en valeur ici. Des cuissons mieux menées et une meilleure maîtrise des hydratations contribueraient sans doute à rendre le résultat plus convaincant, car malgré tout les saveurs ne sont pas si absentes. Cela ne doit pas pour autant nous empêcher d’apprécier les douceurs sucrées élaborées par cet artisan, tout à fait soignées et justement savoureuses.

Le langage est une chose bien étrange. Il nous unit autant qu’il nous sépare, de par les multiples possibilités d’incompréhension qu’il créé. Cela s’explique non seulement par son caractère non-universel, acquis au prix de nombreux efforts, rempli de doubles sens… Bref, si l’on s’y penche un peu, on s’arrêterait presque de parler. Peut-être que ce ne serait pas un mal, d’ailleurs. Peut-être que cela laisserait plus de place à ce qui sait exprimer sans détour ni faux semblant… En la matière, les exemples ne manquent pas.

Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Prenez le pain, par exemple. Sa force d’évocation est impressionnante : souvenirs, sentiments, lieux, terroir, aspirations d’un artisan… il peut exprimer tant de choses. En définitive, le pain nous parle, tout simplement. Certains boulangers l’ont bien compris… au point de nommer leur boutique ainsi. A Saint-Maur-des-Fossés, Pierre-Xavier Barranger a ouvert début 2012 sa boulangerie « Des Pains qui Parlent », juste en face du marché. L’itinéraire de cet artisan explique sans doute sa capacité à écouter parler le pain : il y est en effet venu par passion. Ancien cadre d’une multinationale agro-alimentaire, l’homme a passé son CAP en reconversion professionnelle au sein de l’EBP. Plusieurs stages à travers la France lui auront permis d’asseoir ses connaissances et sa conviction que le pain est un produit empreint de valeurs fortes, mais nécessite également un véritable savoir-faire pour aboutir à un produit de qualité. Son savoir-faire a été reconnu, puisqu’il est parvenu à se classer 3è l’an passé au concours de la Meilleure Baguette de Tradition du Val de Marne.

Les pains, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

A présent installé dans son propre fournil, il nous propose une gamme de pains qui parlent… et qui ne peuvent que nous parler. Leur discours est plein de douceur, à commencer par la baguette de Tradition, peu façonnée et grignée naturellement, où le mot de crème s’avère dominant : la couleur de sa mie se qualifie ainsi, tout comme son parfum et sa texture. Sa croûte fine s’accompagne d’un alvéolage honorable, avec cependant une conservation un petit peu en retrait.
La spécialité des lieux se nomme « Pavé du Marché », et associe farines de Meule et de Seigle sur une base de levain naturel. Ce pain généreux, vendu à la coupe – 5,90€ le kilogramme -, se caractérise par sa quasi absence d’acidité, ainsi que par sa forte hydratation, ce qui a pour effet d’offrir une mie dense, souple et moelleuse. L’idéal pour trancher de belles tartines, qui accompagneront tous les repas.
Sur cette base, de nombreuses déclinaisons nommées « Délices d’Initiés » ont été développées et elles s’enchainent au fil de la semaine, jusqu’à atteindre le samedi où elles sont toutes réunies. Entre le plutôt classique Abricotier (noisettes & abricots), le gourmand Titre du Bengale (chocolat noir & oranges confites) ou le surprenant Lavandou (à la lavande), tous les goûts seront satisfaits… d’autant plus que le nombre de variétés s’étend à 14, tous proposés à la coupe, ce qui permet de goûter sans prendre le risque de trop en acheter. A côté de cela, ficelles, petits pains de campagne et autres complets ou pavés de Tradition complètent la gamme en toute tranquillité. A noter également la présence de mini-pavés gourmands, garnis au fromages et aux ingrédients variés (tomates, lardons, olives, emmental ou chèvre…), bienvenus pour une pause gourmande et peu coûteuse (1,20€ la pièce).

Viennoiseries, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Les viennoiseries, dans la moyenne, s’accompagnent de nombreuses douceurs sucrées : entre les florentins, les tuiles, financiers, cookies et autres cakes, le choix ne manque pas. Les pâtisseries ne sont pas en reste, avec des classiques bien exécutés, entre tartes et pâtes à choux. Deux éclairs « du moment » alternent selon les envies et humeurs de la maison. Pas d’excès de zèle côté salé, où l’on reste sur une gamme courte et traditionnelle : 5 variétés de sandwiches, dont les incontournables jambon-beurre ou gruyère, quelques quiches et pizzas… C’est bien vu, car l’on reste dans une boulangerie et non pas chez un traiteur, comme on pourrait bien souvent le croire.

Pâtisseries, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Impossible de terminer sans saluer l’accueil rayonnant, assuré par une jeune femme au contact d’une simplicité désarmante et particulièrement agréable. Elle sait nous parler de ces fameux pains qui parlent avec beaucoup d’entrain et d’envie, chose bien trop rare chez nos artisans boulangers. Cela nous en ferait presque oublier la beaucoup moins charmante caisse automatique.

Traiteur, confitures & gourmandises, Des Pains qui Parlent, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Infos pratiques

14 Rue Baratte Cholet – 94100 Saint Maur des Fossés (RER A gare Le Parc de Saint-Maur) / tél : 01 48 83 62 98
ouvert les mardis, jeudis et vendredis de 7h à 14h et de 15h à 19h45, de 6h30 à 19h45 le mercredi et le samedi, de 8h à 13h30 et de 16h à 19h le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Ici, les pains ont décidé de nous parler tout en douceur, rien d’agressif, et c’est tant mieux. Que ce soit avec une baguette de Tradition toute en crème ou avec un Pain du Marché aux notes rustiques sans tomber dans les travers de l’acidité, Pierre-Xavier Barranger nous propose une gamme bien maîtrisée, à la fois classique et plus créative. En effet, les « Délices d’initiés » se succèdent au fil de la semaine et régalent nos envies de découvertes, avec des associations gourmandes : le classique Abricotier (noisettes & abricots), le gourmand Titre du Bengale (chocolat noir & oranges confites), le surprenant Lavandou (à la lavande) et bien d’autres… Notre artisan ne manque pas d’idées.
Accueil ? Particulièrement charmant et impliqué, le service nous donne envie ici de… parler, à l’image des pains ! En plus du dynamisme et de l’envie, les produits sont très bien maîtrisés et défendus avec beaucoup de conviction. Cela contribue à donner à cette boulangerie simple et honnête un véritable caractère chaleureux.
Le reste ? Les viennoiseries se révèlent tout aussi classiques qu’honnêtes, à l’image des pâtisseries. Croissants, pains au chocolat, briochettes, éclairs, tartes… Peu de fantaisie, mais des produits maîtrisés et accessibles. Les plus curieux et gourmands apprécieront les « éclairs du moment », plutôt créatifs. En ce moment, on trouve ainsi un charmant « passion meringué » ainsi qu’un « mascarpone fruits rouges ». Même rigueur traditionnelle pour le salé, où les sandwiches se limitent au nombre de 5 variétés, accompagnés de quelques quiches et pizzas. On appréciera les gourmandises maison, comme les financiers, sablés, cakes, florentins et autres tuiles ou brownies, autant d’occasions pour des pauses gourmandes sans prétention.

Faut-il y aller ? Surtout pour ces fameux pains qui parlent, bien sûr ! Le Pain du Marché, la « spécialité » des lieux, est un excellent produit, à la fois doux et parfumé, très hydraté et gourmand. Sa conservation est de très bon niveau, et on prend plaisir à en couper des tranches bien généreuses, pour accompagner tous les repas. Ses nombreuses déclinaisons créatives ne déméritent pas, tout comme la baguette de Tradition, récompensée en 2012 du 3è prix au Concours de la Meilleure Baguette du Val de Marne. Pierre-Xavier Barranger semble donc avoir trouvé sa voie : offrir des plaisirs simples et quotidiens. Une bien belle activité.