04
Avr
2015
L’Académie du Pain – Christian Vabret, Paris 14è, ça ne mérite pas une palme
30 commentairesSavoir rester à sa place, ne pas chercher à en faire toujours plus, toujours trop, ce n’est pas donné à tout le monde… et en définitive, c’est devenu de plus en plus rare, tant nous sommes habités par une soif de conquête et d’expansion. En boulangerie, difficile de se multiplier sans prendre le risque de se disperser, de perdre en qualité. Parfois, c’est encore pire : il semblerait que les artisans ne soient même pas inscrits dans cette démarche « vertueuse » et se contentent de privilégier leurs seuls intérêts économiques.
Avec ses affaires parisiennes, Christian Vabret semblerait bien faire partie de ceux-ci. Je vous avais parlé du Petit Versailles du Marais, lors de sa reprise en 2011. Depuis, la qualité des produits n’a pas franchement évolué, malgré les prix obtenus aux concours professionnels. On pourrait bien sûr se contenter du charmant décor… mais je ne suis pas persuadé que ce soit l’essentiel dans une boulangerie.
Seconde adresse, même combat ? Là encore, le MOF a mis le paquet pour éblouir la clientèle. Difficile de croire qu’il y a encore quelques semaines se trouvait ici la boulangerie « Le Pain d’Auguste », dont la fin avait été plutôt mouvementée. Exit les teintes violacées qui ornaient précédemment ces murs, bienvenue à… Disneyland. J’exagère à peine : le décor chargé, la lumière tamisée, les costumes du personnel de vente, tout a été fait pour nous raconter une histoire… oui, mais laquelle ? Celle d’une boulangerie traditionnelle, de qualité ?
Vous savez combien j’aime raconter des histoires, et combien j’aime que l’on m’en raconte. Seulement, j’attends toujours un fond de vérité et, en l’espèce, de goût. Dans le cas présent, nous n’y sommes pas.
A commencer par le pain, un comble pour un boulanger aussi couronné que Christian Vabret. La baguette de Tradition, qui devrait être exceptionnelle, se révèle sur-pétrie, insipide et sèche. Ajoutez à cela une conservation plus que moyenne, et vous obtenez un produit qui n’a pas grand chose à voir avec ce que l’on attend de la 4è meilleure baguette de Paris 2015.
Le reste de la gamme n’est pas beaucoup plus reluisant. La « Miche Vabret » fait grise mine, tout comme les pains « spéciaux » que représentent les variations aux raisins, céréales… L’hydratation est insuffisante, pour des pains secs et ternes. Voilà qui ne fait pas honneur aux farines de la Minoterie Trottin, qui livre le fournil.
Viennoiseries et pâtisseries sont étonnamment régulières, et leurs tarifs sont copieusement augmentés si l’idée nous vient de les consommer sur place. En parlant de l’espace Salon de Thé, il est « introduit » de façon bien étonnante, avec un buffet type petit-déjeuner d’hôtel. J’hésite entre mauvais goût et hors-sujet pour décrire cet aménagement.
Comme il faut faire du chiffre au déjeuner, une offre salée est bien entendu proposée, avec sandwiches, paninis, hot-dog, quiches, salades…
Le service est à l’image du lieu : sans réelle âme, il fait un peu pièce rapportée dans le décor et on ressort de cette Académie avec la nette impression de n’avoir rien appris, et pire, que l’artisan nouvellement installé ici s’est attribué des palmes (académiques) bien usurpées…
Infos pratiques
30 rue d’Alésia – 75014 Paris (métro Alésia, ligne 4)
ouvert tous les jours sauf le dimanche.
Avis résumé
Pain ? Sec, terne, sans intérêt, les adjectifs ne manquent pas pour décrire la piètre qualité du pain proposé ici. L’exemple le plus frappant reste sans doute la Baguette de Tradition, récemment primée. Celle-ci est étonnamment insipide, la faute à un pétrissage trop intensif. Sa légèreté et sa perte rapide d’hydratation incite même à se demander s’il n’y aurait pas un peu de vitamine C pour donner un coup de pouce au développement… Les pains au levain (miche Vabret, notamment) ne font pas beaucoup mieux.
Accueil ? Relativement professionnel et efficace, mais sans âme, comme noyé dans ce lieu complètement artificiel.
Le reste ? Viennoiseries et pâtisseries « maison » étonnamment régulières, chèrement tarifées. Le plus amusant est sans doute le salon de Thé et son buffet, qui prêteraient à sourire si ce n’était pas aussi ridicule.
Faut-il y aller ? Vabret nous fait encore vibrer avec sa nouvelle adresse. Entre un décor en carton pâte, des produits plus que médiocres et une volonté délibérée de nous raconter des histoires qui ne présentent aucun fond de réalité, rarement un artisan parisien se sera évertué à avoir aussi faux sur toute la ligne. A croire que les cols bleu-blanc-rouge finissent parfois par empêcher l’oxygène d’atteindre le cerveau.