Billets d'humeur

01
Mar

2012

Mon pain. Ma mie. Ma muse.

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1 mars 2012. Temps brumeux. Le jour s’est levé lentement, j’ai vaincu la nuit dans une course effrénée, autant contre elle que contre moi-même. Profondes turpitudes de l’âme au réveil.
Cette journée sera sans doute comme beaucoup d’autres. Une course. Une course après le pain. Je suis painrisien, après tout. Je cherche la mie, l’ami. Le pain ne serait-il pas qu’une excuse, après tout, la forme concrète d’un besoin beaucoup plus profond et sensible. Ne recherche-t-on pas dans la douceur chaude de la mie le réconfort apporté par la mère à son enfant, ce confort et cette simplicité que l’on aimerait ne jamais quitter ? L’amour, comme celui qu’a versé l’artisan dans sa pâte, cette fameuse matière tiède, dans laquelle on ne saurait retrouver seulement de l’eau, du sel, de la farine, du levain et/ou de la levure… Non, il y a aussi de la vie. La vie qui nous rapproche ou nous éloigne de toutes ces choses simples qui devraient éclairer notre quotidien.

Je regarde ces pains, ces artisans oeuvrer, cela m’inspire, et dans un sens me rend meilleur : j’ai moi aussi envie de partager, de créer, de me dépasser pour faire en sorte que tout ce savoir-faire soit valorisé, reconnu. Le bon pain est encore meilleur si on le partage.
Alors je reprends ma course. Je marche, je marche, je ne m’arrête pas. Je romps les croûtes, caresse les mies, j’écris, je réécris, je goûte, je regoûte. C’est autant un éternel recommencement qu’un nouveau départ, autant une tâche répétitive qu’un émerveillement quotidien. Parfois c’est agréable, le pain est bon, l’esprit est là. Parfois ça l’est beaucoup moins, rien ne se passe, quelque chose s’est perdu. La vie, peut-être, l’envie, au moins.

Je cours toujours. Après cette muse. Elle m’amuse, m’abuse. J’aimerais pouvoir l’atteindre autant qu’elle me touche, la décrire, en cerner les contours. Peut-être est-ce cette miche de pain que j’aperçois dans cette vitrine, peut-être est-ce cette baguette au fond d’une panière… Comment savoir. Je m’y perds et m’y retrouve, puisque c’est cette question, cette quête, qui doit parvenir à m’accomplir. Sans questionnement, pas d’avenir, pas de vie.
Le problème est récurrent et central : pour quoi sommes-nous faits, à quoi sommes-nous destinés ? Nous passons notre existence à y répondre, plus ou moins bien. Après tout, nous sommes humains, parfaitement imparfaits. Tout comme le pain : chaque jour qui passe le fait différent, plus ou moins hydraté, plus ou moins réussi. Il vit autant qu’il fait vivre.

Cela pourrait être simple, naturel, comme un parcours fluvial sur un canal, mais non, sur ce chemin tout est assez compliqué, torturé. Peut-être est-ce ainsi que cela doit être, mais le risque est de finir par être lassé, de perdre l’envie, de ne plus être attiré par cette fameuse muse. Il faut trouver des moyens de renouveler ses plaisirs, rencontrer de nouvelles mies, de nouveaux amis. Repartir chaque matin avec un oeil vif, juste vivant. Courir, toujours courir, en fait. Toujours sans savoir après quoi, peut-être après les autres, peut-être après soi-même. C’est aussi pour cela que j’aime le pain : il possède une force d’évocation quasi-universelle. Pourquoi n’offrirait-on pas une miche pour fêter un anniversaire ? Pour remercier ses hôtes à un diner ? Trop simple, trop commun, trop quotidien. Pourtant, c’est là que tout se joue. Dans la vie.

Au final, je finis par cerner les contours de cet idéal, de cette envie. Je ne me cherche pas tant que ça, je ne cherche pas le meilleur des pains, je ne cherche pas les goûts les plus marqués… Non. Ce qui importe, c’est l’humain, l’autre, la muse, l’envie… La vie, en bref. Peut-être y perdrai-je, peut-être m’y perdrai-je… mais j’aurais essayé, au moins. C’est le moins que je puisse faire.

Cela va faire 10 mois. 10 mois que j’ai pris cet engagement un peu fou d’écrire au quotidien sur cet espace. Je dis un peu fou, car cela représentait pour moi un véritable défi : comment m’astreindre à rédiger au moins un billet par jour, ce qui veut dire trouver un sujet, prendre le temps de le développer, souvent de l’illustrer… ? Pas facile, d’autant que la motivation n’est pas toujours là. Pourtant, j’y suis parvenu jusque là.
Je suis devenu, quelque part malgré moi, un « blogueur », c’est du moins ainsi que l’on me reconnaît.

Malgré moi parce que je ne souhaiterais pas céder aux tendances que je lis bien souvent et qui me déplaisent. A commencer par une fâcheuse tendance à l’égocentrisme, à la recherche d’un intérêt personnel et d’une mise en avant de sa propre personne. Contrairement à ce que certains peuvent, ont pu, ou pourront même penser, ce n’est pas le but du painrisien… qui doit devenir plus une « marque » que l’incarnation d’une personne.
Il y a aussi cette course à l’actualité, au sensationnel, à ce qui fait le buzz. J’ai un peu versé de ce côté là et j’en suis revenu. Ce n’est certainement pas là où il y a le plus de bruit que l’on entend les choses les plus sensibles et les plus intéressantes, bien au contraire. On perd l’authenticité qui est particulièrement nécessaire dans des métiers artisanaux tels que ceux dont je traite ici. Il suffit de voir les dérives que peuvent entrainer les coups de projecteur médiatiques : cela n’est certainement pas profitable à la clientèle au quotidien.

Parlons-en, du quotidien, justement. Est-ce vraiment ce qui est le plus abordé dans la blogosphère culinaire ? N’est-il pas préférable de parler de restaurants gastronomiques, de produits inaccessibles, pour faire rêver les gens et ainsi générer du trafic ? Peut-être. Du moins, c’est l’impression que j’ai, au fil de mes lectures. Je vois tellement souvent des billets au sujet de lieux dont les tickets d’entrée me semblent assez ahurissants, à croire que mes camarades blogueurs disposent de moyens conséquents, et qu’ils les emploient entièrement au bénéfice de leur passion. Leur vie doit être brillante, sans doute, mais je doute que leur lectorat puisse partager ce train de vie… et quand bien même, cela serait-il souhaitable ?
Non pas que je veuille tirer sur l’ambulance, mais quand je vois toute la misère et la galère qui existent en ce moment, je me dis qu’il y a certainement mieux à faire que d’aller passer du temps dans des palaces ou des restaurants haut de gamme. Certes, tout cela est bien confortable, mais la réalité, aussi dure soit-elle, est bien plus intéressante… et présente autant d’occasions d’essayer de partager du plaisir avec les autres. Certes, le plaisir est certainement beaucoup moins immédiat, mais il est potentiellement beaucoup plus durable et utile. C’est pour cela que j’ai choisi de m’intéresser au pain, à des produits accessibles au quotidien. Tout simplement pour créer des sourires et du plaisir chez un maximum de personnes, en dehors de toute distinction sociale, financière ou professionnelle.

Tout cela peut paraître idiot et prétentieux. Tant pis, après tout, dès lors que c’est fait avec conviction et honnêteté, cela vaut certainement mieux que toutes ces démarches un peu obscures et discutables… Non, non, je ne suis pas de mauvais esprit. Peut-être un peu, après tout, mais qu’importe ?

Billets d'humeur

06
Fév

2012

Toucher le coeur des gens

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Il paraît que la vie est une affaire de vocations, de rêves, d’aspirations. Pourtant, certains semblent très bien s’en passer et avancent ainsi, sans vraiment s’en préoccuper. Pour ma part, cela a toujours été quelque chose d’important, peut-être un peu trop, d’ailleurs. Quand vous en manquez, c’est un facteur de gêne dans l’action et ça n’est pas toujours facile ni agréable.

Malgré tout, une ligne de conduite subsiste pour moi, une envie, un objectif. Je ne souhaite pas que me contenter d’écrire quelques mots chaque jour, réaliser un travail froid et méthodique, non, l’objectif est de faire bien plus, d’atteindre le domaine du sensible. Toucher le coeur des gens, dans ce que cela peut avoir de beau et de simple. Simple, pas tant que ça, en réalité. Quand on adopte cette démarche, il est impossible de ne pas se tromper, parfois, de faire des erreurs ou alors de toucher… mais certainement pas comme on le souhaiterait. Cela m’est arrivé, et même si j’ai appris, tiré des leçons, cela se reproduira sans doute. Dans un sens, seul celui qui n’agit pas ne commet pas d’erreur… bien que l’erreur soit déjà dans le fait même de l’inaction.

Ce n’est pas anodin, c’est beau et y parvenir au quotidien n’est pas chose aisée. Pourtant, nombre de nos artisans boulangers et pâtissiers s’y attellent et réussissent souvent, en créant du plaisir au sein de leur clientèle. Quoi de plus merveilleux que de voir le sourire d’un enfant ayant dégusté un produit créé de ses mains, ou même d’une personne plus âgée (le combat est d’autant plus rude qu’avec l’âge nous avons tendance à devenir difficiles !) ?
Des scènes ordinaires, pas de cérémonie. On devrait vivre les choses ainsi, dans la simplicité, l’honnêteté et la sincérité. Je dois être un peu idéaliste, candide, mais je préfère voir la vie de cette façon, garder un peu d’espoir que ce soit possible.
Possible, oui, ça l’est. Du moins, c’est ce que je crois entrevoir quand je lis ou rencontre des personnes qui me remercient pour un article, pour avoir partagé quelques impressions et leur avoir permis, à leur tour, de prendre du plaisir. Ma seule réponse pourrait être qu’il est inutile de me remercier, car ce n’est pas de moi qu’il est question, mais bien des autres, de toute cette activité dont on parle trop peu, de ces orfèvres presque cachés dans leur fournil. C’est mon engagement quotidien depuis plus de neuf mois, et la seule raison qui me pousse à continuer les jours où le découragement me gagne…

Toucher et inspirer. Tout le monde a besoin d’inspiration pour avancer, pour créer à son tour. Comment inspirer avec… du pain ? C’est pourtant évident. Ce produit simple, quotidien, peut nous raconter de superbes histoires, nous faire voyager, découvrir d’autres horizons, autant de perspectives qui représentent des invitations à la création.

J’aimerais bien être touché, inspiré, à mon tour. J’avoue ne pas toujours l’être. Peu importe, après tout. L’abnégation m’accompagne jour après jour.
Je n’écris pas tout cela pour me justifier de quelque façon que ce soit. Non, je voudrais juste vous inviter au partage , à vous aussi tenter de « rejoindre le mouvement » et d’une certaine façon à changer bêtement le monde. Allons nous promener ensemble sur ces chemins où les mots respect et amitié ont du sens, laissons nos sensibilités s’exprimer sans se heurter… Tout cela encore et toujours autour du pain, cet aliment qui nous anime.

Dès lors que l’on acquiert une réputation, un nom, je pense que l’on a pour devoir d’essayer de s’y tenir et de maintenir un niveau de qualité en phase avec les attentes de la clientèle. Bien sûr, il peut toujours y avoir des « jours sans », mais cela ne doit pas pour autant se répéter au point de faire des déceptions une habitude.

Pourtant, c’est un peu ce que j’ai vécu chez Du Pain et des Idées ces derniers temps. En effet, j’ai pu observer sur les produits que j’ai acheté des tendances plutôt désagréables. Je vous avais parlé du Pain Brûlé, du pain de Campagne – Miel-Noix-Moutarde, du pain Sirop d’érable-Noix-Gingembre confit… J’avais apprécié ces créations de Kenji Kobayashi, ainsi que leur qualité de réalisation irréprochable.
Irréprochable lors du premier achat, beaucoup moins lors des suivants. Alors que la mie était certes assez dense, elle demeurait bien hydratée et moelleuse, agréable à la dégustation. Ces derniers temps, la densité s’est accrue, les pains sont peu levés et beaucoup plus secs. Les cuissons sont toujours aussi belles, les croûtes marquées mais elles deviennent trop présentes dès lors que la mie ne compense pas cette « force ». L’amertume finit par envahir le palais, ce qui est loin d’être agréable.

Si ce n’était que ça, on pourrait penser qu’il y a simplement quelques ajustements à faire sur la régularité de production de ces produits. Non, cela a été complété par une surprise plutôt désagréable ce samedi : Le pain Sirop d’érable-Noix-Gingembre confit que je vous décrivais ici a vu sa recette modifiée. En effet, le sirop d’érable a disparu… ce qui a pour conséquence inévitable une perte en saveurs, puisque l’on ne retrouve plus ce petit goût ambré, ces notes sucrées qui caractérisaient ce pain et contrebalançaient la puissance du Gingembre confit. A présent, il s’exprime beaucoup plus, l’impression générale est nettement moins agréable et beaucoup plus agressive en bouche. J’ai du mal à comprendre ce choix, car la version précédente était juste parfaite.

Tout cela m’amène à me demander ce qui peut bien se passer chez Christophe Vasseur, pourtant si prompt à mettre en avant les efforts qu’il réalise au quotidien pour proposer des produits exceptionnels à sa clientèle. Je veux bien croire que cet engagement soit réel et s’exprime dans les faits, mais il y a là – à mon sens – matière à s’interroger. D’autant que ce problème de pain sec et dense m’apparaît comme plutôt récurrent chez Du Pain et des Idées, où j’ai pu le retrouver (et je ne suis pas le seul) également sur le Pain des Amis, le fer de lance de la maison.
En écrivant tout ceci, je n’attends pas d’explications, je veux seulement mettre en avant le fait que l’on ne peut pas compter uniquement sur une image et une clientèle fidèle pour assurer la réussite de son entreprise. Ne serait-ce que par honnêteté et rigueur, le produit doit rester au centre des préoccupations. Pas seulement le plus rentable – en ce moment ce sont les galettes, à Noël c’était très certainement les brioches à la châtaigne qui envahissaient littéralement la boutique. Au 34 rue Yves Toudic, il y a sans conteste beaucoup d’idées… on voudrait juste qu’il y ait toujours du pain. Du bon pain, tout simplement.

Vous ouvrez cette porte avec la clé de l’imagination, au-delà, c’est une autre dimension. Une dimension sonore. Une dimension visuelle. Une dimension de l’esprit. Vous pénétrez dans le domaine de l’ombre et de la matière. Des objets et des idées. Vous venez d’entrer dans… la Quatrième Dimension.
Peut-être avez-vous déjà entendu ces paroles, que ce soit dans le film Twilight Zone, ou dans l’attraction « La Tour de la Terreur » du Parc Walt Disney Studios. Vous savez, cet ascenseur délicieusement infernal qui transporte ses passagers de bas en haut…

Hier, pas d’ascenseur, pas d’introduction, pas d’histoire. Non, juste une boulangerie, celle du 123 rue Monge, dans le 5è arrondissement. Pourtant, la même impression d’avoir pénétré dans une autre dimension. Dimension de l’esprit ? Je n’en suis pas persuadé, du moins, il y avait dans tout cela quelque chose de presque irréaliste. Cela m’a suffi pour avoir l’impression d’être tombé dans la quatrième dimension. Bienvenue au Boulanger de Monge.

Revenons en arrière, tout d’abord. Cette boulangerie a une histoire. Fondée en 1999 et reconnue comme l’une des meilleures boulangeries Biologiques de la capitale à l’époque, elle attire une clientèle aussi nombreuse que fidèle. Elle sera revendue par Dominique Saibron en 2006 à un certain Chihab Kacemi, qui en assure depuis lors la gestion. Je dois dire que j’étais un client relativement fidèle à une époque, j’appréciais beaucoup la tourne de Monge au Blé Noir, ainsi que bien entendu la fameuse Boule Bio ou encore le pain aux Noisettes. J’ai vu la qualité chuter progressivement, ce qui m’a incité à aller voir ailleurs. En parallèle, Dominique Saibron a ouvert sa boulangerie, où il reprenait une partie de la gamme proposée jusqu’alors dans la boutique du 123 rue Monge. J’ai été goûter les produits, comme l’aurait fait n’importe quel client, et j’y ai retrouvé la qualité que j’avais perdu dans le 5è arrondissement.

C’est sur ce point là que M. Kacemi a commencé à attaquer ma démarche et le billet que j’avais rédigé au sujet de ses boulangeries. En effet, ce charmant homme refuse que l’on puisse comparer les produits proposés par ses boutiques et celle de Dominique Saibron. Or, c’est à peu près ce que ferait tout client confronté à deux offres similaires en terme de recettes. Disposant visiblement d’une vision très parcellaire de mon travail et des visites que j’effectue quotidiennement dans les boulangeries parisiennes, cet homme a pu affirmer que j’étais financé par M. Saibron, qu’il m’aurait invité dans des restaurants luxueux… et que cela ne fonctionnait pas de cette façon chez lui.

Un conflit profond semble exister entre les deux hommes et leurs entreprises respectives. Un procès s’est tenu, un second aura lieu dans les prochains mois, et ce sera aux juges de trancher entre les deux parties. Je ne vois pas vraiment en quoi le painrisien s’inscrit dans cette affaire, mis à part au travers de mes critiques distinctes de ces deux boulangeries. Non content de m’avoir déclamé cet argumentaire de façon téléphonique, j’ai donc eu l’occasion de l’entendre à nouveau de vive voix, au cours d’un entretien à l’intérêt limité.
J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre un tel acharnement, alors qu’il y aurait beaucoup mieux à faire. En effet, même si les produits proposés ont été tous certifiés Biologique, la qualité ne s’est pas améliorée. M. Kacemi l’a reconnu lui-même : il est difficile de contrôler la production dès lors que l’on se développe et qu’au lieu de gérer une boutique on en gère 3, comme c’est le cas du Boulanger de Monge aujourd’hui. Cela est loin pour autant d’expliquer et de justifier les baisses de qualité observées, que ce soit en terme de saveurs, de façonnage ou de cuisson. L’entrepreneur met en avant le « débauchage » d’une partie du personnel de son entreprise par Dominique Saibron pour tenter d’expliquer cet état de fait. Pour autant, même si les hommes sont partis, les recettes demeuraient et je suis assez perplexe quant à la difficulté de trouver un personnel apte à maintenir un certain niveau de qualité sur la gamme de produits. Peut-être y’a-t-il également une question de volonté.

Je suis donc prévenu : j’aurai des nouvelles du Boulanger de Monge et de M. Kacemi dans les mois à venir. Je ne vous cache pas que cela me ravit, car j’aime entretenir des relations avec de si charmantes personnes. D’ailleurs, à présent, si je souhaite me procurer du pain au 123 rue Monge, il faudra que je passe par la direction… et oui, je suis interdit d’achat dans cette boulangerie. Une bien curieuse – et illégale – pratique. Rien d’étonnant toutefois, car nous sommes bien dans… la Quatrième Dimension.

Contrairement à ce que certains pourraient penser, je ne suis pas un méchant garçon. Bien sûr, ça n’est pas très crédible puisque c’est moi même qui le dit, mais j’ose espérer que les personnes qui me côtoient ou me rencontrent peuvent confirmer ceci… Pour autant, je dois avouer qu’il y a parfois des choses qui finissent par m’agacer, et cela m’amène à avoir envie de donner quelques coups de pied (ou de pelle à enfourner, au choix) dans la fourmilière. Ces derniers jours, il y avait de quoi être servi… et c’est pour cela que je finis par rédiger ce billet d’humeur.

Bien entendu, le sujet gourmand et tendance du moment, ce sont les galettes des rois. Il faut bien que les grands journaux en parlent, et notamment Challenges, qui a voulu lancer un pavé dans la mare en enfonçant quelques portes laissées ouvertes, au travers de cet article. M. Poujauran y est placé en défenseur du bon goût et de la bonne façon, alors qu’il est difficile de le considérer lui-même comme un artisan boulanger, au vu des volumes qu’il doit fournir pour la restauration et ses divers clients disséminés dans la capitale, voire ailleurs. Je doute un peu que l’ensemble de son processus de production soit encore proche de celui mis en place au sein d’une boulangerie, mais soit.
Il est anormal que des produits issus de l’industrie soient proposés chez les boulangers et pâtissiers « artisanaux », je ne pourrai pas dire le contraire, pour autant, il serait difficile de les blâmer, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’économie. Pour survivre, il est nécessaire de faire du chiffre, donc de proposer des produits sur lesquelles la marge est plus importante que celle réalisée sur le pain. Les pâtisseries… et les galettes en font inévitablement partie. Difficile d’employer un ouvrier maitrisant le tour, car ils sont rares et donc « chers ». Forcément, la solution paraît dès lors presque évidente. Les consommateurs sont abusés, mais il n’existe pas de réglementation imposant un quelconque affichage ou une obligation de réaliser l’ensemble des produits sur place dès lors que l’on affiche sur sa devanture « artisan boulanger ». Tant que nos pouvoirs publics ne prendront pas le sujet en mains, nous pourrons continuer à nous indigner de façon régulière, sans que cela change quoi que ce soit.

Ce qui a tendance à m’agacer également, ce sont les prétendus experts qui vont être capables de vous dire où trouver les meilleurs produits, en se basant simplement sur… des tendances. C’est de cette façon que l’on aboutit à uniformiser les goûts et les habitudes de consommation. Cela m’a interpelé en lisant cet « article », ou pire encore, celui-ci. En réalité, je dois vous avouer que le dernier m’a fait tomber de ma chaise. Comment se prétendre expert et déclarer que les baguettes vendues par Eric Kayser sont les « meilleures de Paris » ? Il faut prendre en compte énormément de facteurs, et d’autant plus dans le cas d’une chaîne comme cette entreprise. Les baguettes Monge vendues au 8 rue Monge sont effectivement de très bonne facture, mais que dire de celles proposées dans la boutique de l’Odéon, ou encore de l’avenue des Ternes ? La musique n’y est plus aussi douce. On continue la descente vers les abysses en lisant que Paul avait été cité. Nous sommes tous experts en quelque chose, mais visiblement, les personnes consultées ne le sont pas en gastronomie…

Au final, tout cela résume un peu l’état de notre blogosphère et du journalisme culinaire aujourd’hui. Beaucoup de tendances, de superficiel, peu d’analyse et de recherche « terrain ». Les têtes tournent rapidement dès lors qu’un semblant de succès se manifeste, et c’est bien dommage pour les lecteurs qui ne bénéficient pas d’une information pertinente et objective. Que penser des blogueurs dont les « découvertes » sont orientées par les agences de Relations Publiques, mis à part qu’ils contribuent à rendre le paysage gastronomique toujours plus plat, uniforme et ennuyeux ?

Tout cela pour dire qu’il m’est difficile de me prétendre blogueur ou équivalent, tant mes valeurs sont éloignées de celles-ci. L’objectif, quand on s’inscrit dans la démarche d’écrire et de partager du ressenti, des idées, des découvertes, doit être de servir un intérêt commun… et non particulier. J’ai l’impression de servir un ensemble d’évidences, et pourtant. Allez, continuons à mettre des coups de pied dans la fourmilière. C’est ça aussi, être painrisien. Un peu iconoclaste et décalé.

J’ai beaucoup de respect pour le travail que peuvent faire les pâtissiers en cette période de fêtes, car ils sont sans cesse sous pression et doivent parfois travailler sans relâche pour parvenir à répondre à la demande de la clientèle. Cependant, ce n’est pas pour autant qu’il faut accepter des problèmes de qualité tout à fait anormaux et en complète contradiction avec les standards vantés par l’entreprise.

Un repas de fête devrait se terminer de la meilleure façon qui soit, par une note heureuse et laissant chacun des convives satisfait de ce moment. On voudrait, on aimerait. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Chez Philippe Conticini, la brochure nous promettait un Noël de rêve. Il en faut pourtant si peu pour que le rêve vire au cauchemar.
Pour clore mon repas avec fraicheur, j’avais en effet commandé une buche Sensation et Emotion auprès de la Pâtisserie des Rêves, rue de Longchamp. Un biscuit pain de gênes aux agrumes, un croustillant amande et fleur de sel, un confit de pamplemousse, une compote de pamplemousse en gelée ainsi qu’une mousse légèrement parfumée au pamplemousse et au thé jasmin devaient régaler mes papilles et celles de mes convives.

Le problème, c’est qu’au vivre de ressentir des sensations et des émotions, ce fut plutôt… une vive déception. A commencer tout d’abord par le retrait du produit. Une fois mon nom indiqué, la charmante vendeuse est partie… sur la terrasse du salon de thé, où semblaient être stockés les produits commandés. J’espère simplement qu’un dispositif réfrigérant avait été installé pour les conserver, même si je commence à avoir quelques doutes. Passons.
Le plus surprenant ? Certainement toute cette eau dans la boite. En effet, la charmante demoiselle avait rendu du liquide. Contactée par téléphone, la Pâtisserie des Rêves m’indiquait que tout cela était presque normal, que le pamplemousse rendait de l’eau, et qu’il suffisait… d’éponger. Effectivement, il y a des moments où je me dis que je rêve. Tout cela est, à mon sens, certainement du à un processus de congélation-décongélation mal maîtrisé, entraînant ce fâcheux phénomène.

Seulement, cette eau n’a pas pour seul effet d’imbiber la boîte, elle humidifie les couches de biscuit, détruit tout espoir de croustillant et emporte avec elle une bonne partie des parfums de la mousse. Le résultat ? Une bûche insipide et molle, sans contraste de textures. Tout cela pour 56 euros, il y a de quoi susciter… l’émotion, en effet. Pas pour les bonnes raisons. Cela fait partie des pâtisseries que l’on préfère oublier, et des montants dépensés pour un résultat plus que décevant. Décevant d’autant plus au vu des personnes en charge de la création et des opérations, Philippe Conticini et Angelo Musa.
Là encore, cela met en lumière l’importance de garder le contrôle sur sa production et ne pas chercher à faire des volumes inconsidérés, qui ont pour conséquence directe de remettre en cause la qualité des produits livrés aux clients. Bien entendu, ce problème m’est arrivé à moi, mais je ne suis visiblement pas un cas isolé, au vu de la réponse qui m’a été donnée.

La conclusion ? Noël n’est définitivement pas une bonne période pour les « grandes maisons », même si la Pâtisserie des Rêves est encore un peu jeune pour être considérée comme telle. Mieux vaut sans doute s’adresser à de petits artisans, qui parviendront à exprimer tout l’amour de leur métier au travers des créations qu’ils proposent pour garnir les tables de fête de leurs clients. Quant à moi… on ne m’y reprendra plus avec une bûche.

Ca y est, nous y sommes. Soir de réveillon, l’heure de déballer les cadeaux, de partager un moment agréable autour d’une table. Je n’ai jamais vraiment été un grand adepte de ce genre de rendez-vous, où la joie arrive sur commande. Après tout, pourquoi pas.

La journée aura certainement été parsemée d’em…bûches pour nombre d’entre vous, entre cadeaux de dernière minute, pain, gourmandises et autres pâtisseries à acheter… Beaucoup d’attentes, des étals parfois clairsemés, il n’y aura pas eu que des moments heureux. Bref, qu’à cela ne tienne, la fête aura tout de même lieu, sans doute.
C’est donc à mon tour de céder à la tradition et de vous souhaiter un joyeux Noël, qu’il puisse être à la hauteur de vos espérances et qu’il représente vraiment un moment de partage comme nous en manquons cruellement.

Pour ma part, voici l’occasion de faire un petit point d’étape painrisien, puisque cela fait à peu près 8 mois que j’écris quotidiennement sur cet espace, pour un total de près de 265 billets. Presque de quoi en faire un livre. Certes, tout n’aura pas été parfait, difficile de faire autrement d’ailleurs. Je n’accepte pas mes erreurs mais je tente de les comprendre, de les analyser, pour faire avancer le projet et le « produit ». Etre painrisien, c’est un peu comme peindre un tableau jour après jour, par petites touches. Je pose mon chevalet dans un endroit et je peins, quelques minutes, quelques instants. Cela conduit à former un ensemble, certes, imparfait, mais empreint de sincérité et de simplicité. Tout cela ne serait pas possible sans vous, lecteurs, d’ailleurs. Par vos commentaires, vos contributions, vous me faites avancer et faites avancer la « démarche painrisienne », axée autour du pain mais pas seulement. Il y a une vraie vision plus globale, l’idée que l’on peut partager une certaine idée de la gourmandise, de l’alimentation et même de la vie en général. L’objectif ? Mettre en avant le beau, le simple, ce qui peut créer du plaisir sans pour autant impliquer des efforts ou des réflexions excessives.

Le painrisien, c’est aussi pour moi des histoires de rencontres, une vraie aventure humaine, ainsi qu’un challenge : écrire et encore écrire, partager sans cesse et sans relâche. Certes, ce n’est pas toujours facile, et je dois dire que quelques situations ont ébréché mon enthousiasme. Pas facile d’avoir envie de donner quand on reçoit des menaces, mais ce n’est que peu de choses, en définitive.

La question qui se pose encore et toujours c’est, et ce sera : oui, mais demain ?
Demain. Pour l’heure, ce sera un jour férié. Pour les autres, il faudra continuer à peindre, à se poser des questions – et autant que possible les bonnes. L’image du painrisien doit changer, le blog doit muer en un outil plus complet pour vous permettre de trouver le bon pain et les centres d’intérêt à Paris mais pas seulement. Il doit également mettre en valeur le savoir faire des artisans, en leur proposant un espace assez unique, où l’on parle d’eux comme on le fait si rarement. J’espère que je parviendrai à mettre tout cela en place rapidement. En attendant, continuons notre quête du bon pain ensemble. Si vous avez des adresses à me recommander, n’hésitez pas. Je suis toujours à la recherche de nouvelles découvertes. 1300 boulangeries à Paris, ce n’est pas rien !

Merci à tous… et à demain !

Billets d'humeur

11
Nov

2011

Couleurs d’automne

Il y a des saisons qui nous parlent plus que d’autres… Pour ma part, l’automne m’inspire, et plus particulièrement ses couleurs. Rouge, orange, jaune, … les arbres se parent de nouvelles teintes, puis les trottoirs, par la force du vent. J’aimerais être peintre pour saisir ces couleurs dans leur profondeur et leur fragilité. Combien de temps cela durera-t-il ? Quelques jours, tout au plus, puis tout d’effacera pour laisser place à l’hiver, aux faits d’hiver, juste du divers, rien d’exceptionnel. Alors il faut profiter, sortir et observer les paysages. Cela ne se produit qu’une seule fois dans l’année, et le spectacle en vaut la peine.

L’automne, c’est la saison des jours qui deviennent toujours plus courts, et de la nuit tombante. Les températures ne sont pas encore trop basses et il est toujours agréable de se promener entre 16 et 17 heures, pour voir peu à peu le jour s’éteindre, les lumières s’éclairer. Le soleil de feu qui s’offre à nous les beaux jours nous fait un peu plisser les yeux, mais qu’importe. L’important est de parvenir à saisir ces instants fugaces, à ne pas laisser filer ce temps qui passe.

Dans Paris, on pourrait vite se laisser distraire par le gris des murs, par toute cette circulation automobile et ce bruit perpétuel. Pourtant, il faut persister, se concentrer sur ces reflets, sur ce fleuve qui nous accompagne au fil de nos périples.
Nous partageons tous ces scènes ordinaires, sans y accorder la moindre importance, généralement. Pourtant, ce sont dans ces scènes quotidiennes que nous devrions trouver de quoi nourrir notre imaginaire, laisser notre esprit s’évader quelques instants. Pour moi, c’est ça l’automne. La période où, comme les feuilles, je suis saisi par le vent pour un long, long voyage, parfois tourmenté, parfois calme et apaisé.

Les couleurs changent également dans les vitrines. Les produits de fêtes arrivent et apportent leurs notes festives, nous laissant imaginer nos repas futurs, non sans envie. Peu à peu, les fruits se font plus rares, et il faut se contenter de pommes, poires et autres agrumes. Cela complète bien ce tableau, parfois un peu déprimant, mais il faut aimer le changement et l’accueillir avec curiosité…

Je ne vous cache pas que certains sujets me touchent et me choquent plus que d’autres. C’est notamment le cas des différents régimes alimentaires en vogue, dont fait partie celui porté par le désormais célèbre Pierre Dukan. Cela illustre bien une des dérives de notre société : on cherche à perdre du poids sans effort, simplement en appliquant une « recette » basée sur un profond déséquilibre alimentaire, sans vraiment se soucier des conséquences.
Ce qui me choque, c’est que l’on puisse presque « revendiquer » le fait de suivre ce régime, comme l’a fait le pâtissier Christophe Michalak ce week-end sur France Inter. Voici donc le secret de sa ligne et de son apparence qui séduit tant les femmes. Forcément, manger les pâtisseries d’un homme séduisant, cela serait presque moins complexant que de déguster des produits pensés et réalisés par l’un de ces pâtissiers au physique peu attirant, au surpoids manifeste.

Ainsi, M. Michalak préfère ingurgiter des quantités anormales de sucreries et de gourmandises puis faire subir à son organisme un régime dangereux que de rester dans la modération et éviter de tels extrêmes. Pourtant, gourmandise et forme ne sont pas incompatibles. L’essentiel, comme pour à peu près toutes les choses de la vie, est de trouver un équilibre qui puisse être épanouissant et vertueux. Cela passe notamment par un bon équilibre alimentaire (il n’y a pas à s’interdire le sucre, ni le pain, d’ailleurs) et une activité physique régulière.

Visiblement, la « starisation » pâtissière fait quelque peu tourner les têtes de certains. Il ne faudrait pas oublier que ce sont avant tous les produits qui importent, et pas vraiment les hommes qui sont derrière. De toute façon, ce sont deux choses qui finissent par se rejoindre : dans ces métiers d’artisanat, le résultat est généralement à l’image de celui qui a pensé et réalisé le produit. Chez Christophe Michalak, on retrouve bien cette obsession du visuel, de l’apparence, sans forcément que les saveurs soient toujours au rendez-vous, comme j’ai pu le remarquer sur certaines de ses créations. Gardons la tête froide et tâchons de remettre les valeurs là où elles doivent être… et je ne pense pas qu’elles soient présentes dans ces régimes.