Souvenirs de vacances. Souvenirs de douceurs, de moments passés au bord de la plage pour certains, dans des plaines isolées ou bien perché dans des sommets pour d’autres. Les possibilités sont nombreuses, mais elles se rapportent souvent à l’enfance et à l’éveil de nos sens.
A La Baule, cela sent un peu les vacances toute l’année. La station balnéaire, située sur la Presqu’Île de Guérande, doit en effet l’essentiel de son activité économique au tourisme. Qui dit tourisme dit besoin en restauration, en gastronomie… et en pâtisserie.

Christophe Roussel aime sa région et sa ville – enfin, ses, puisqu’il est présent historiquement sur La Baule et Guérande, situées côte-à-côte -. Au point qu’il vient d’y inaugurer une nouvelle boutique, près de la mer. Depuis quelques années, c’est un peu les pieds dans l’eau que l’artisan tisse sa toile et accumule les récompenses : régulièrement distingué par le Club des Croqueurs de Chocolat, il a obtenu en 2012 un Award au Salon du Chocolat, ainsi que la fameuse « cinquième tablette » dans le guide édité par l’organisation citée plus haut.

Christophe Roussel, Paris 18è

Ce qui est remarquable dans cette aventure, c’est sans doute qu’elle s’écrit en famille : son épouse Julie l’a rejoint pour ouvrir leur boutique montmartroise, et ils travaillent ensemble sur les équilibres et accord. Cette dernière est en effet ingénieur en agroalimentaire, spécialisée dans le goût et les arômes alimentaires. Une expertise qui fait sens en pâtisserie, et qui l’a notamment amenée à oeuvrer chez Valrhona.
Le goût du sucré s’est ainsi transmis chez le jeune Enzo Roussel, déjà Meilleur apprenti pâtissier des Pays de la Loire. Passionné par le métier, il accompagne déjà son père au laboratoire de l’entreprise, tout en préparant la compétition menant au titre de Meilleur Apprenti de France. Nul doute que l’on entendra parler de cette jeune pousse de la pâtisserie dans les années à venir.

Christophe Roussel assurant le service dans sa boutique de Montmartre à l'occasion de la première édition de cette semaine de pâtisseries

Christophe Roussel assurant le service dans sa boutique de Montmartre à l’occasion de la première édition de cette semaine de pâtisseries

Il y a l’Ouest… mais aussi Paris. Avec le point de vente « historique » implanté au sein de l’hôtel du Cadran, dans le 7è arrondissement, bien sûr, mais aussi la boutique montmartroise. Une formidable vitrine de par le caractère cosmopolite du quartier. L’artisan a pris l’habitude depuis quelques mois d’y organiser des rendez-vous gourmands, où il partage avec la clientèle un peu plus de son univers sucré que d’habitude.

Deux des créations proposées l'an passé. Qui sait ce que l'artisan nous réserve en cette fin mai ? Réponse demain !

Deux des créations proposées l’an passé. Qui sait ce que l’artisan nous réserve en cette fin mai ? Réponse demain !

En effet, si les macarons et chocolats aux parfums parfois surprenants sont représentés toute l’année dans le 18è arrondissement, c’est uniquement au cours de ces périodes que l’on retrouve les pâtisseries de la maison. Après les galettes des Rois en début d’année puis la Saint-Valentin, ce sera donc cette semaine – du 27 mai au 2 juin – que les curieux de tous horizons pourront déguster les douceurs bauloises : tartes, choux, éclairs de saison… Rien n’y échappe, avec le soucis permanent de la fraicheur, puisque les pâtisseries seront réalisées tout au long de la journée, les clients étant invités à assister à leur confection, tout en échangeant directement avec Christophe Roussel. Je garde un excellent souvenir de l’événement l’an passé, et je ne doute pas qu’il en sera de même en 2013.

Une semaine de pâtisseries à Montmartre – Christophe Roussel, 5 rue Tardieu, 75018 Paris (métro Anvers, ligne 2 ou Abbesses, ligne 12) – du 27 mai au 2 juin, de 10h à 19h sans interruption.

Rien de plus simple et banal qu’une idée. Nous en avons tous des dizaines, voire des centaines, chaque jour. Pour que cette petite graine puisse éclore et s’épanouir, il faut la soigner, la nourrir, lui offrir un environnement propice. Il paraît que les plus simples sont les meilleures, et je ne serais pas loin de penser que c’est effectivement le cas, car trop de complexité aboutit souvent à une dispersion et à un résultat décevant.

L’idée à l’origine du painrisien était plutôt basique, d’ailleurs. Visiter et décrire les « meilleures boulangeries de Paris ». Depuis, j’ai abandonné la quête de l’élite pour simplement chercher à dépeindre le travail des artisans qui nous accompagnent chaque jour avec leurs produits gourmands, que ce soit dans la capitale ou ailleurs, puisqu’il ne faudrait pas considérer que nous détenons ici le monopole du bon, voire du très bon, pain.Le fournil, Boulangerie Rouget, Beaumont-sur-Oise

Seulement, on ne peut comprendre et faire comprendre ces univers singuliers si l’on se limite à une appréciation froide, dénuée de sensibilité. Dans chacune des baguettes, des croissants, des pâtisseries… que vous trouverez dans leurs boutiques, les artisans et leur personnel ont mis un peu d’eux-mêmes. L’humain est au centre de ce métier, et il compte sans doute plus que n’importe quel autre ingrédient. Sans lui, sans le respect de chacun des maillons de la chaine, la recette n’est pas complète et finit toujours par aboutir à un résultat décevant, à plus ou moins long terme. J’ai peine à penser que certains ne l’ont pas encore tout à fait compris, et qu’ils ne partagent pas avec leur personnel l’état d’esprit qui leur permettrait de faire évoluer leurs entreprises dans le bon sens.

Le boulanger enfourne, Boulangerie Pichard, Paris 15è

Mettre en valeur ces hommes et ces femmes, c’est aujourd’hui la démarche dans laquelle je veux inscrire pleinement le painrisien. Pour cela, il me fallait aller plus loin, et cela passe par ce nouveau projet que je vous présente aujourd’hui : les Portraits d’Artisan. Le principe est simple : passer du temps avec nos boulangers-pâtissiers pour peindre leur histoire, leurs aspirations, leur quotidien… et le partager avec vous. De cette façon, un véritable lien entre clients et artisans se créé, puisque ceux qui consomment leurs produits chaque jour comprennent mieux les contraintes et la complexité du métier. J’avais déjà commencé à réaliser quelques uns de ces portraits, mais l’humain n’y était pas mis en valeur : beaucoup de machines, de produits, mais pas de visages, de mains, … Autant d’éléments qui doivent aujourd’hui rejoindre le painrisien.

Ainsi, c’est un véritable appel que je lance ici à nos artisans et à ceux qui les aiment : partagez et faites partager ce projet, que ce soit au travers du document le présentant brièvement ou en prenant contact avec moi par le biais du formulaire prévu à cet effet sur le site. A très vite !

Il est souvent question d’éclairage pour nous guider, avancer et mieux comprendre les choses qui nous entourent… Parfois, on a l’impression de marcher dans la nuit. Une nuit profonde. Heureusement, qui dit nuit dit aussi étoiles… et lune. Pleine lune ? Pourquoi pas, mais je crois que les gourmands préfèrent seulement une demie-lune, enfin, un croissant.

Des croissants de compétition chez Gontran Cherrier

Bon, d’accord, ces derniers n’ont plus vraiment la forme que peut prendre l’astre selon ses phases – mis à part pour ceux réalisés à partir de margarine -, mais le rapport entre la nuit et le croissant est particulièrement approprié ici : en effet, au travers de son concours du Meilleur Croissant au beurre AOP Charentes-Poitou, le Syndicat de la Boulangerie-Pâtisserie d’Ile-de-France nous « guide » dans l’univers de plus en plus obscur de la viennoiserie, en nous indiquant des adresses recommandables parmi toutes celles qui proposent malheureusement des produits industriels ou de bien piètre facture.
A ce sujet, Jacques Mabille indique dans son édito du mois de Mai qu’une affiche « Viennoiserie Maison » sera adressée aux artisans prochainement. Cela semble donc bouger de ce côté à la Confédération…

Pas plus de suspense, voici donc le palmarès du 13è concours du croissant francilien au beurre AOP Charentes-Poitou :

Catégorie Chefs d’Entreprise

  1. Romain THOMANN – 8 boulevard de la Liberté, 93260 Les Lilas
  2. Benjamin TURQUIER – 134 RdT – 134 rue de Turenne, 75003 Paris
  3. Djibril BODIAN – Le Grenier à Pain des Abbesses – 38 rue des Abbesses, 75018 Paris
  4. Anthony BOSSON – Boulangerie L’Essentiel Mouffetard – 2 rue Mouffetard, 75005 Paris
  5. Frédéric LALOS – Boulangerie des Belles Feuilles – 22 rue des Belles Feuilles, 75016 Paris
  6. Christophe MARIE – La Fournée Normande – 16 avenue Consul Général Nording, 93190 Livry-Gargan
  7. Yohann GRESSENT – Boulangerie-Pâtisserie Colbert – 49 rue de Houdan, 92330 Sceaux
  8. Stéphane GUERARD – 78 avenue de la République, 92120 Montrouge
  9. Frédéric PICHARD – 88 rue de Cambronne, 75015 Paris
  10. Philippe MARACHE – 92 avenue de la République, 75011 Paris

Croissants tout juste sortis du four chez Eric Marché à Nantes

Catégorie Salariés

  1. Albert CHATENET – Boulangerie Joubert – 2 avenue de Verdun, 95150 Taverny
  2. Lionel FAURE – 134 RdT – 134 rue de Turenne, 75003 Paris
  3. Hassan BOUNAMAR – Les Délices de Saint-Martin – 24 rue Saint-Martin, 75004 Paris
  4. Izumi YMAUCHI – Stéphane GUERARD – 78 avenue de la République, 92120 Montrouge
  5. Romain BAUERLE – Maison Pichard – 88 rue de Cambronne, 75015 Paris
  6. Brice LEPENANT – Laurent DUCHÊNE – 2 rue Wurtz, 75013 Paris
  7. Gallardo MARTINEZ – Romain THOMANN – 8 boulevard de la Liberté, 93260 Les Lilas
  8. Sébastien CONFAIX – Boulangerie Joubert – 2 avenue de Verdun, 95150 Taverny
  9. Guillaume MARIE – Aux Trois Petits Mitrons – 2 boulevard Louis Boon, 94370 Sucy-en-Brie
  10. Sandra LALOS – Frédéric LALOS – 104 rue du Point du Jour, 92100 Boulogne-Billancourt

Bien entendu, on retrouve comme toujours des noms connus : la famille Thomann s’était déjà distinguée il y a deux ans, les salariés de la maison Joubert sont des habitués du classement, tout comme peuvent l’être Frédéric Pichard ou Guillaume Marie.
On notera la certaine cohérence qui existe entre le classement chefs d’entreprise et salariés : en effet, les croissants sont généralement les mêmes, et il est presque « rassurant » de voir les différentes maisons primées dans les deux catégories.

Dans tous les cas, la belle performance de la boulangerie 134 RdT est à noter, avec un classement identique sur les deux fronts. Pour rester dans le centre de Paris, c’est la maison Julien qui doit se frotter les mains, citée aussi bien pour la meilleure baguette que pour le croissant avec sa boulangerie de la rue Saint-Martin.
Il y a également quelques surprises, comme la présence de Frédéric Lalos, certainement assez virtuelle du fait de la multiplication de l’artisan… mais également de sa femme. En effet, cette dernière a exercé en tant que tourière chez Pierre Hermé, avant de rejoindre son époux. Son engagement est aujourd’hui récompensé, et il est agréable de voir une femme dans une liste quasiment entièrement masculine, exception faite de Izumi Ymauchi.

J’espère que nous verrons plus de nouvelles têtes l’an prochain, car l’exercice semble un peu tourner en rond, comme si les titres se passaient au sein d’un cercle restreint. Il y a pourtant tellement d’artisans talentueux, ignorés des classement – volontairement pour certains, à tort pour d’autres.

S’il y a bien une chose que je n’ai pas connue, la « faute » à mon origine francilienne, c’est la petite fête annuelle du village, celle où tout le monde se retrouve pour passer un peu de temps ensemble, où la ville revêt vraiment un aspect de communauté. Cela doit être de plus en plus rare, notamment en raison de l’urbanisation. Tout prend vite des proportions importantes, et nous nous enfermons dans notre individualisme… Seuls parmi les autres.
Pour autant, certaines communautés continuent à organiser leurs événements, à se retrouver de façon ponctuelle.

Notre-Dame de Paris et ses chapiteaux ! Le temps n'était pas très clément pour la première journée de cette charmante fête, un peu plus aujourd'hui tout de même.

Notre-Dame de Paris et ses chapiteaux ! Le temps n’était pas très clément pour la première journée de cette charmante fête, un peu plus aujourd’hui tout de même.

On peut dire que les boulangers le font, ou tout du moins une petite partie d’entre eux, avec leurs concours… et la Fête du Pain, organisée chaque année début mai sur le Parvis de Notre-Dame. Cette dernière a débuté hier, et elle met à l’honneur en 2013 les jeunes en Boulangerie. Peut-on dire « enfin » ? Il faut en effet bien intégrer le fait que sans apprentis ni sang neuf dans la profession, elle finira par se perdre et ne plus attirer personne. Pour éviter cet écueil, il est ainsi nécessaire de mettre en avant les progrès faits ces dernières années en terme de conditions de travail (mécanisation, horaires plus « souples », …) et aussi le fait qu’exercer ce métier n’a rien de dévalorisant, bien au contraire : source de débouchés aussi bien en France qu’à l’international, il nécessite une grande sensibilité et une rigueur que trop peu peuvent se vanter d’avoir.

Les fours, Fête du Pain 2013

Ainsi, afin d’éveiller les vocations, petits et grands peuvent s’initier au façonnage dans ce fournil géant de 720m2, ouvert jusqu’au 16 mai de 9h à 18h. Le toucher de la pâte a toujours quelque chose de magique, et je ne doute pas que cette matière vivante saura intéresser nombre d’individus. Les enfants des écoles seront accueillis du 13 au 16 mai, ils façonneront et repartiront avec leur petit pain cuit.

Une petite toque, un peu de pâte, allez les enfants, aujourd'hui c'est vous les boulangers !

Une petite toque, un peu de pâte, allez les enfants, aujourd’hui c’est vous les boulangers !

L'atelier façonnage attire aussi des personnes plus âgées... même si c'est parfois un peu hésitant, à première vue. Oh les jolies... ficelles ?

L’atelier façonnage attire aussi des personnes plus âgées… même si c’est parfois un peu hésitant, à première vue. Oh les jolies… ficelles ?

Cravates et costumes se faisaient nombreux hier pour la remise des prix du Concours de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris... avec notamment Jean-Pierre Crouzet au premier plan, toujours bien entouré !

Cravates et costumes se faisaient nombreux hier pour la remise des prix du Concours de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris… avec notamment Jean-Pierre Crouzet au premier plan, toujours bien entouré !

En marge de ces activités en continu, quelques événements ponctuent cette fête, à commencer par la remise des prix du Concours de la Meilleure Baguette de Tradition de la Ville de Paris 2013, qui a eu lieu hier en présence de quelques personnalités : Jacques Mabille – président du Syndicat Professionnel de la Boulangerie-Pâtisserie d’Ile-de-France, Lyne Cohen-Solal, adjointe au maire de Paris chargée du commerce, de l’artisanat, des professions indépendantes et des métiers d’art, mais aussi le magique Jean-Pierre Crouzet, dont les responsabilités diverses achèveraient de remplir ce billet. Tout ce beau monde a donc récompensé les boulangers, entre serrages de mains de rigueur et jolis sourires.

Regardez comme c'est mignon, ces petites corbeilles de pain.

Regardez comme c’est mignon, ces petites corbeilles de pain.

Demain, ce sera au tour des maîtres du feuilletage d’être mis à l’honneur, avec la même cérémonie mais pour le prix du Meilleur Croissant francilien au beurre AOP Charentes Poitou. Enfin, samedi se tiendra le Master de la baguette de tradition française : les 2 premiers boulangers classés des prix départementaux (75, 92, 93 et 94) fabriqueront devant le public 40 baguettes, appelées à être jugées dans l’après-midi avant proclamation des résultats sur les coups de 16h.

Même si c'est la jeunesse qui est à l'honneur cette année, ce sont toujours des têtes bien grisonnantes qui préparent pains et viennoiseries... et on doit malgré tout reconnaître leur persévérance !

Même si c’est la jeunesse qui est à l’honneur cette année, ce sont toujours des têtes bien grisonnantes qui préparent pains et viennoiseries… et on doit malgré tout reconnaître leur persévérance !

Bref, tout le monde est beau et gentil dans l’univers de la boulangerie. Pas exactement, en réalité. Comme je l’avais déjà indiqué l’an passé, je trouve que tout cela ressemble plus à une foire qu’à une fête, d’autant plus par la localisation de l’événement. L’activité de vente de pain, de sandwiches et gourmandises participe à cet effet, les touristes en quête d’un repas simple et rapide étant nombreux aux environs de Notre-Dame. Les organisateurs l’ont bien compris et jouent le jeu à fond, avec des tarifs toujours aussi sympathiques (1,50€ la baguette de Tradition, 2,50€ le morceau de pain de campagne de 250g, 4 euros le sandwich jambon-beurre…). Ce n’est pas pour ce que leur coûte la main d’oeuvre : une armée de têtes grisonnantes oeuvre pour préparer et vendre les produits, et je ne suis pas persuadé que la matière première présente un coût élevé… si cette dernière n’est pas offerte, d’ailleurs.

Côté vente, cela ne traine pas : un sandwich, une viennoiserie, une brioche ? Faites votre choix !

Côté vente, cela ne traine pas : un sandwich, une viennoiserie, une brioche ? Faites votre choix !

Après un bon repas, on pourra aller se renseigner sur les céréales, avec un chapiteau dédié à ces dernières (« les céréaliers sèment la vie », quand on sait la façon dont les sols sont surexploités, il y a de quoi se poser des questions…), ou bien découvrir quelques entreprises exerçant leur activité autour de la boulangerie-pâtisserie (levure, technologie…).

"Les céréaliers sèment la vie", pas tous, malheureusement...

« Les céréaliers sèment la vie », pas tous, malheureusement…

Vous l’aurez compris, mon avis sur la manifestation n’est pas vraiment plus positif que l’an passé, il n’y a même plus l’attrait des spécialités venues d’ailleurs qu’il pouvait y avoir avec les boulangers réunionnais… Bref, à croire pour faire la fête, il suffit d’en écrire le nom.

« On ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». Voici un des nombreux messages que l’on retrouve dans le Petit Prince, le fameux ouvrage d’Antoine de Saint-Exupery. Saviez-vous que cette tête blonde fêtait cette année ses 70 ans ? Pourtant, sa parole ne pourrait sembler plus actuelle, tant notre monde aurait besoin de cette sensibilité, de cette ouverture.
Avec le coeur, disait-il. Peut-être est-ce avec celui proposé par les compagnons-boulangers de la maison Poilâne en ce premier mai. Réalisé à partir d’une base assez ferme, moelleuse et beurrée, ce petit coeur offre toute la douceur qu’on pourrait en attendre… avec bien sûr un décor de muguet, réalisé à la main.

Le Pain Muguet, pour le 1er mai !

Le Pain Muguet, pour le 1er mai !

Le Muguet, signe de renouveau. Un renouveau que l’on aimerait voir venir dans la boulangerie-pâtisserie, tant les pratiques et manoeuvres semblent parfois moyennageuses, preuve en est encore une fois de ce concours de la Meilleure Baguette de Paris, dont les résultats et la méthodologie paraissent bien… énigmatiques. Justement, je parlais de sensibilité, mais je crois que c’est bien ce qui manque dans ce genre de dégustation « à la chaine », et plus globalement dans la profession.
Le pain ne se limite pas à un aspect purement froid et technique. S’il fallait uniquement de l’eau, de la farine, du sel et de la levure, tout le monde serait alors capable d’en faire de l’excellent. Seulement, dans chacun des produits de nos artisans s’exprime un savoir-faire et une façon de voir son métier.

A force de goûter des pains, j’ai fini par saisir le sens de tout cela. Beaucoup d’entre eux se révèlent très bien réalisés techniquement, mais n’ont aucune âme, et ne parviennent à véhiculer aucune émotion. Recettes standardisées, diagrammes millimétrés, amis artisans, où êtes-vous dans ces pains ? Vous y reconnaissez vous ? Pas sûr.
A mon tour, en écrivant, en décrivant tout cela, j’essaie d’y mettre de la sensibilité… de voir avec le coeur, et pas seulement avec les yeux. Suivre les artisans et comprendre leur démarche, au delà du goût.

Rien à voir avec le pain, mais ce sont les astucieux glaciers de chez Grom qui m’ont fait penser à tout cela. En effet, leur « parfum du mois » est dédié au Petit Prince… et aux petites et bonnes choses de la vie. Sur cette page, ils expliquent le pourquoi du comment : associer la ricotta de Brebis (en référence au mouton), aux amandes caramélisées (pour symboliser les étoiles) et aux graines de sésame (vous savez, ces fameuses graines qui attendent un jour de se réveiller…). Au final, lorsqu’on déguste cette glace, que l’on apprécie la douceur de la base lactée réveillée par les éclats de fruit sec et la vivacité du sésame, on comprend le sens de l’histoire que l’on voulait nous raconter – aussi étrange puisse-t-il paraître de prime abord.

Autre douceur pour ce mois de mai, la fougasse à la fleur d'oranger proposée dans les boulangeries Kayser... Une note provençale qui, espérons-le, parviendra à nous ramener un peu de soleil.

Autre douceur pour ce mois de mai, la fougasse à la fleur d’oranger proposée dans les boulangeries Kayser… Une note provençale qui, espérons-le, parviendra à nous ramener un peu de soleil.

Plaçons donc le mois de mai sous le signe de la douceur et de la compréhension, comme le temps devrait nous inciter naturellement à le faire. Ce n’est pas encore gagné de ce côté là, mais qui sait. Même si cette tradition du Muguet est un peu « cloche » ou même clochette (!), elle nous rappelle que la vie est faite de choses simples, d’attentions quotidiennes envers ceux et ce que nous aimons. Sans tout cela, la vie n’aurait pas tout à fait le même goût. Apprécions donc ces petites choses, ce bon pain… sans compétition, pour voir l’essentiel et aboutir, je l’espère, à un vrai changement. Un Petit Prince dans la boulangerie…

Les années se suivent et se ressemblent. Les rituels sont bien inscrits et se répètent de façon immuable, comme s’il devait toujours en être ainsi. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, car cela nous donne certains repères, même si l’on finit par ne plus trop savoir pourquoi ils se sont mis en place.

Ainsi, chaque année, à la fin du mois d’avril, la tradition veut que se tienne le concours de la Meilleure Baguette de Tradition de la Ville de Paris. Vous savez bien ce que je pense de tous ces classements et de leur validité sur le terrain, mais après tout, il en faut bien pour tout le monde, et ces compétitions ont pour effet – je l’espère – de créer une certaine « émulation positive » au sein des fournils.

Plusieurs baguettes bien alvéolées !, Fournil du Moulin des Gaults, Poilly-lez-Gien

Depuis quelques années, le 18è arrondissement était mis à l’honneur, avec plusieurs vainqueurs successifs : Djibril Bodian en 2010, Pascal Barillon en 2011, Sébastien Mauvieux en 2012… La « qualité de l’eau » avait même été envisagée par quelques grands esprits pour expliquer ces succès répétés. Cette année, la chaine est rompue, puisque le vainqueur se situe dans le 14è arrondissement. En effet, Ridha Khadher et sa boulangerie « Au Paradis du Gourmand » (156 Rue Raymond Losserand, 75014 Paris) a remporté le fameux prix, les 4000 euros associés, ainsi que l’honneur de livrer l’Elysée pendant un an. Cela me ferait presque sourire quand on sait toutes les « difficultés » éprouvées par la profession vis à vis de la part croissante d’artisans maghrébins présents dans ses rangs…

Voici le classement complet, parmi les 152 baguettes ayant été goûtées par le jury (204 avaient été présentées, mais une partie d’entre elles ne répondaient pas aux critères pour participer : longueur, poids, …) :

  1. Au Paradis du Gourmand, 156 Rue Raymond Losserand, 75014
  2. Boulangerie Raphaëlle, 1 rue Feutrier, 75018
  3. Boulangerie Damiani, 125 avenue du Clichy, 75017
  4. Christian Vabret, 27 rue Francois Miron, 75004
  5. Maison Cailleaud, 104 Cours de Vincennes, 75012
  6. Yosuké Fijié – Maison Landemaine, 56 rue du Clichy, 75009
  7. Dominique Saibron, 77 avenue du Géneral Leclerc, 75014
  8. Le Grenier à Pain Lafayette, 91 rue Faubourg Poissonière, 75009
  9. La Parisienne, 12 rue Coustou, 75018
  10. Ex-aequo – Claude Besnier, 40 rue du Bourgogne, 75007
    Ex-aequo – Jasmine MOUSSOUNI, 38 rue Rodier, 75009
    Ex-aequo – Samir BEN HABHAB, 5 bld Gouvion St Cyr, 75017
    Ex-aequo – Nicolas MARNAY, 24 rue Saint Martin, 75004

On appréciera le fait qu’en définitive peu « d’habitués » des classements se retrouvent nommés cette année, ce qui redonnerait presque au concours une certaine crédibilité. Je tiens bien sûr à saluer le travail réalisé par la Maison Cailleaud, laquelle a changé de meunier dans le courant de l’année 2012, pour un résultat visiblement probant.

Boulangerie Cailleaud, Paris 12è

L’honnêteté de la Maison Landemaine est à souligner, puisque ce n’est pas le chef d’entreprise qui est mis à l’honneur mais bien l’ouvrier ayant réalisé le produit présenté.
Je ne serais pas loin de penser que ce n’est pas tout à fait la même chose du côté de chez Christian Vabret, qui ne brille pas particulièrement par sa présence dans les murs de sa boulangerie du Marais… Une vitrine pour un homme bien occupé, plus entrepreneur qu’artisan.

La Parisienne, Paris 18è

La Parisienne, Paris 18è

La Parisienne du 18è arrondissement, tenue par Clément Saint-Georges en association avec Mickaël Reydellet se distingue également et cela récompense bien le travail réalisé au quotidien par ces boulangeries dynamiques (n’oublions pas de parler des produits de qualités proposés rue d’Odessa, dans le 14è arrondissement !).
Dominique Saibron renoue avec le top 10, même si j’imagine qu’il aurait souhaité un classement plus prestigieux.

Bien sûr, quelques noms me laissent un peu perplexes et prouvent que la production présentée à un tel concours n’est bien souvent pas la même qu’en boutique. Néanmoins, je ne manquerai pas d’aller rendre visite aux artisans que je n’avais pas eu l’occasion de découvrir… dont le vainqueur, même s’il sera sans doute plus prudent d’attendre quelques semaines dans son cas, puisque la visibilité soudaine procurée par ce concours est souvent source d’une certaine désorganisation au sein du fournil de la boulangerie lauréate.

Les boulangers ont de nombreuses raisons de se plaindre du manque d’attention qu’on leur porte, de leur faible médiatisation, surtout lorsque l’on regarde ce qui se fait du côté de la restauration ou plus récemment de la pâtisserie. Certains sont devenus de véritables stars, oubliant parfois leur métier de base. A côté de cela, acheter une baguette de pain, cela fait partie de notre quotidien et on aurait bien du mal à y trouver quelque chose d’exceptionnel, même si le talent de nos artisans les plus talentueux ne manque pas d’être reconnu par leur clientèle. Une petite partie sort son épingle du jeu, que ce soit par leur savoir-faire ou leur capacité à développer leur entreprise en dehors de ses murs initiaux.

Tout cela pourrait bien devenir de l’histoire ancienne dans quelques mois. En effet, la chaine de télévision M6 a récemment annoncé sa volonté d’adapter en France un concept venu du Royaume-Uni. Le principe de l’émission ? Partir à la recherche de la meilleure boulangerie. Un programme sans animateur qui devrait remplacer en quotidienne, sur la tranche de « l’access prime-time », c’est à dire avant la série ou l’émission de la soirée. Ce créneau est jusqu’à présent occupé par Un Diner presque Parfait, dont l’audience est récemment passée sous la barre des 10%… Une perte de vitesse bien compréhensible au vu du temps depuis lequel cette émission est à l’antenne, avec de grandes difficultés à se renouveler.

Real Bread Campaign

Real Bread Campaign

« Britain’s Best Bakery » a rencontré un grand succès dans son pays d’origine, et c’est sans doute pour cette raison que M6 souhaite miser sur le concept. A la différence près que la France ne présente pas le même paysage boulanger : nous avons la chance de compter bien plus d’artisans sur notre territoire (au delà de notre culture de pain, cela s’explique aussi mathématiquement… par son étendue !), et sans doute plus à même de fournir du bon pain, les anglais n’étant pas particulièrement réputés pour la qualité du leur. D’ailleurs, c’est d’autant plus amusant quand on lit un site tel que celui de la « Real Bread Campaign », visant à promouvoir le « vrai pain » au Royaume-Uni. Il me paraît bien difficile de trouver « la » meilleure boulangerie de France, car un grand nombre sera forcément ignoré.

Le formulaire sur M6.fr

Pour autant, les téléspectateurs et gourmands peuvent dès à présent proposer leurs adresses préférées grâce à un formulaire mis en ligne sur le site m6.fr, et accessible ici : http://www.m6.fr/m6-et-vous/participer-emissions/boulangerie.html
Certaines, dont la popularité est importante, ont déjà été contactées par M6.

Reste une inconnue de taille : même s’il n’y a pas de présentateur, il faudra bien une équipe de choc pour juger les boulangeries. En la matière, plusieurs choix sont possibles : des « amateurs éclairés » de pain, à l’image de Steven Kaplan, des boulangers à la réputation déjà bien installée, des journalistes, … J’avoue que je suis bien curieux de connaître le parti pris par la production. Réponse en septembre, ou un peu avant si des informations filtrent.

Dans tous les cas, l’initiative demeure intéressante en soi même si titanesque, avec une approche un peu discutable : cela aura pour mérite de faire parler de la profession, ce qui n’est pas un mal. Espérons seulement que le tout ne tombera pas dans les biais et les travers habituels, privilégiant certains communicants au détriment des autres.

Le painrisien fêtera ces jours-ci ses deux ans d’activité régulière. (il avait été créé en février 2011, mais n’est devenu actif qu’à partir d’avril)
Pendant cette période, plus de 200 boulangeries auront été visitées et référencées sur la fameuse carte, tandis que près de 600 billets étaient rédigés autour de ces lieux, de leur actualité, de leurs produits… mais aussi de tout ce qui fait la « vie painrisienne ».

Le chemin parcouru est gigantesque, aussi bien en nombre de kilomètres, de mots, que par l’esprit et la réflexion. Jamais je n’aurais pensé atteindre une telle longévité, et surtout cette ouverture et cette compréhension du monde de la boulangerie-pâtisserie. En effet, le temps où j’exigeais la « perfection quotidienne » est bien loin, et c’est avant tout la profession dans sa vie et son mouvement perpétuel que je tente de dépeindre aujourd’hui, en y incluant humain et sensibilité.

On m’a parfois menacé, plus souvent critiqué, mais si je continue à écrire c’est parce que je pense qu’il y a encore beaucoup à défendre et à mettre en valeur : chaque jour, nos artisans perpétuent une culture et un savoir-faire exceptionnels, qui ont bien peu d’équivalents s’ils sont réalisés dans les règles de l’art. Ces fameuses règles, cette tradition du pain, nous nous devons de la préserver et de la magnifier. Cela se traduit par des engagements marqués tout au long de la filière : des champs au fournil, matières premières et méthodes de fabrication doivent être au diapason… Tout cela pour aboutir à un produit respectueux du consommateur, mais aussi de ceux qui le font : hors de question de sous-considérer les agriculteurs, les ouvriers boulangers, les acteurs de la meunerie artisanale… Le pain doit être bon pour tout le monde.

Bon, il ne l’a pas toujours été pour moi. Je dois dire que j’ai eu des expériences plutôt désagréables au fil de mes parcours, même si cela reste bien peu comparé au plaisir de découvrir le travail d’artisans talentueux. Au delà de ça, on m’a diagnostiqué cet été une « possible » intolérance au gluten – écartée depuis… Autant vous dire que cela n’aide pas à apprécier les produits à base de blé. En deux ans, j’aurais parfois écrit au bord de l’épuisement, de la crise de nerfs, … mais c’était mon « engagement », et je continue à le tenir. Ces derniers mois ont été particulièrement difficiles, la faute à une santé fragile et à un froid tenace. Cela m’a obligé à revoir mes projets : je ne passerai malheureusement pas mon CAP Boulanger en juin, comme je le souhaitais initialement. Pour autant, l’idée n’est pas abandonnée et j’espère bien pouvoir la concrétiser à moyen terme.

Malgré ces difficultés et ces revirements, il faut continuer à écrire l’histoire : bien sûr, en vous faisant partager mes découvertes boulangères et plus globalement painrisiennes, mais aussi en allant plus loin dans la mise en avant de nos boulangers talentueux. Ainsi, je souhaite développer une série de portraits d’artisans, où l’homme et sa démarche seront pleinement exposés. J’invite d’ailleurs dès à présent l’ensemble des boulangers lisant ce billet à prendre contact avec moi afin que nous organisions une rencontre.
Le développement du painrisien ne s’arrête pas là : l’outil mobile promis depuis quelques mois doit sortir de terre, ainsi que d’autres outils destinés plus directement aux professionnels du secteur : l’expertise développée au fil du temps doit à présent trouver un intérêt concret pour faire évoluer la boulangerie.

Bref, vous l’aurez compris, vous pouvez compter sur le painrisien pour évoluer et vous rapprocher toujours plus de la réalité de la boulangerie… Affaire à suivre !

Des bulles. En définitive, malgré toute l’application que l’on peut mettre à avoir l’air sérieux, à s’employer à répéter des tâches avec rigueur, nous passons notre temps à faire… des bulles, comme les enfants. Oh, il n’est plus question de savon, non, les moyens sont tout autres : les grands bambins que nous sommes soufflent dans des cercles financiers, dans les activités économiques. Seulement, les enjeux sont loin d’être les mêmes, nos bulles ne font plus que s’envoler et éclater avec légèreté, non, il est question d’emplois, et par extensions de vies humaines. Cela ne semble pas beaucoup nous émouvoir, puisque nous soufflons, soufflons, et souvent cela explose… Souvenez-vous des années sombres de l’Internet, des crises financières, et bien d’autres petits plaisirs.

Ces dernières années, les bulles savent aussi toucher le secteur de la gastronomie. Il n’y a qu’à voir l’éclosion de toutes ces épiceries fines dans nos centres-ville, portées par la vague des émissions culinaires et du « fait maison ». Pas sûr qu’elles survivent toutes, d’ailleurs, j’aurais tendance à penser que la tendance a déjà bien commencé à se tarir.
En dehors des moments où l’on prend le temps de se retrouver autour d’une table, il y a bien sûr ces semaines de travail, avec des pauses toujours plus courtes… ce qui explique sans difficulté le développement exponentiel de la restauration rapide ces dernières années.

Sur le stand Fedipat, la section traiteur ressemble fort à celle de certains "artisans" qui proposent des produits issus de l'industrie.

Sur le stand Fedipat, la section traiteur ressemble fort à celle de certains « artisans » qui proposent des produits issus de l’industrie.

Au point qu’il fallait bien lui consacrer un salon. Chaque année, Porte de Versailles, le « snacking » et les sandwiches ont droit à leur grand messe, couplée à un événement similaire autour de la restauration italienne et des pizzas. Le Sandwich & Snack Show, puisque c’est son nom, se tenait cette semaine – les 20 et 21 mars. Impossible de passer à côté… rien qu’à l’odeur. Le plus frappant dans ce genre d’événement reste pour moi l’environnement olfactif particulièrement chargé qui s’y développe. L’estomac bien accroché, ce sont ainsi des centaines de visiteurs convaincus de tenir « la pépite ». En effet, ce que j’ai pu ressentir ici, à l’image de ce qui m’avait frappé à Univers Boulangerie en fin d’année dernière, c’est que la restauration rapide fait figure d’eldorado pour nombre d’entrepreneurs ou aspirants. Forcément, quand on voit le développement – et le succès, c’est vrai – de certaines franchises, il y a de quoi faire tourner les têtes.

Reconnaissez-vous ces muffins, donuts et autres brownies ? Fabriqués par Panavi Vandermoortele, ils sont repris par nombre d'artisans...

Reconnaissez-vous ces muffins, donuts et autres brownies ? Fabriqués par Panavi Vandermoortele, ils sont repris par nombre d’artisans…

Le problème, c’est que tout est bien loin d’être rose dans cet univers. A commencer par les échecs, car il y en a : combien de petites unités ont fermé leur portes rapidement à l’ouverture ? Même le « leader mondial » en terme de nombre de points de vente, Subway, a perdu nombre de franchisés dont l’implantation avait été mal étudiée. Constat similaire du côté des enseignes de bar à pâtes, entre autres, les indépendants n’étant pas épargnés par le « mouvement ». Des bulles, je vous disais.
Puisqu’il est question de Subway, je ne peux omettre de reprocher à ce secteur sa capacité à produire des repas de bien piètre qualité.

Les douceurs sucrées prennent les formes des tendances actuelles : déclinaisons de choux colorés, entremets légers...

Les douceurs sucrées prennent les formes des tendances actuelles : déclinaisons de choux colorés, entremets légers…

C’est sans doute ce qui frappe le plus dans ce salon, au delà du fait que sa taille avait augmenté de façon exponentielle par rapport à l’an passé. Des produits industriels à foison, des conserves, des surgelés (et même la fameuse entreprise Comigel, transformatrice de vraie-fausse viande de boeuf pour des lasagnes surprise)… Le lot commun des offres développées à destination de nos employés pressés. Ainsi on devrait considérer que consommation rapide implique également préparation rapide. Qu’il est normal de sortir des barquettes de salades déjà préparées, de mettre en oeuvre du pain fabriqué en industrie, de proposer des gourmandises juste décongelées sur le point de vente.

Chez Bridor, on développe des sandwiches créatifs avec des pains aromatiques... une démarche qui n'est pas sans rappeler celle de l'un de nos artisans parisiens ?

Chez Bridor, on développe des sandwiches créatifs avec des pains aromatiques… une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de l’un de nos artisans parisiens ?

Bien sûr, en marge de ces pratiques, la profession tente de se donner une image bien plus respectable : pendant ces deux jours, les interventions de grands chefs n’ont pas manqué, ainsi que les démonstrations autour de recettes développées par de grandes références du secteur. Il faut dire que certaines d’entre elles ne manquent pas de créativité et proposent des associations de saveurs tout à fait dignes d’intérêt, à l’image de Bridor qui développe en partenariat avec Lenôtre une gamme inventive, dont nos artisans devraient parfois s’inspirer. Seulement voilà, on touche ici au « haut du panier », ces quelques arbres cachent une forêt où les loups se promènent en liberté…

Ces feuilletés noix de pécan ne sont pas sans me rappeler ceux proposés dans une enseigne se targuant de proposer des produits de haute qualité à Paris... Pas très glorieux.

Ces feuilletés noix de pécan ne sont pas sans me rappeler ceux proposés dans une enseigne se targuant de proposer des produits de haute qualité à Paris… Pas très glorieux.

Le plus triste dans tout cela, c’est sans doute que notre boulangerie-pâtisserie artisanale laisse entrer cet univers dans ses boutiques. Pour les excuser, on pourra dire que les appels du pied sont nombreux, les discours des commerciaux bien rodés, et la tentation des coûts peu élevés très forte. Coup de Pâtes, Fedipat, … il ne manquait personne, et les stands ressemblaient parfois à s’y méprendre aux vitrines que l’on retrouve aujourd’hui chez nos « artisans » d’hier. Le jeu était presque de trouver quel produit on avait repéré dans la boulangerie en bas de chez soi… avec, malheureusement, beaucoup de chances de gagner.

Sur le stand Château Blanc, filiale du groupe Holder, on retrouve des pains proposés en boutique Paul (benoiton, pains aromatiques). Qui a dit "maison de qualité" ?

Sur le stand Château Blanc, filiale du groupe Holder, on retrouve des pains proposés en boutique Paul (benoiton, pains aromatiques). Qui a dit « maison de qualité » ?

Gagner, gagner, non, au final, tout le monde est perdant : le savoir-faire se désagrège, les consommateurs perdent confiance et, dans une certaine mesure, le sens du goût : on ne leur propose que des saveurs uniformisées, standardisées. Plus de relief, juste la perspective de repas tristes.

Ah, l'un de nos "140 meilleurs boulangers français" s'est associé à Bridor pour créer des pains : forcément, cela donne une autre dimension à l'industriel.

Ah, l’un de nos « 140 meilleurs boulangers français » s’est associé à Bridor pour créer des pains : forcément, cela donne une autre dimension à l’industriel.

Le « show » a été assuré, la messe est dite. La bulle grossit doucement, et sincèrement, j’en viendrais presque à espérer qu’elle éclate, et que les consommateurs se tournent à nouveau vers des offres plus saines et honnêtes. A noter que cela n’est pas impossible, certaines enseignes et artisans y parviennent très bien : à Paris, cojean a bien fondé son succès sur cet engagement de qualité, de goût et de fraicheur. Côté boulangers, de nombreux artisans proposent sandwiches et en-cas artisanaux et respectueux de leur promesse d’authenticité. Fort heureusement, tout n’est pas perdu.

Les classements. J’ai appris à détester cette société de la performance, de l’obsession du « meilleur ». De cette façon, on parvient merveilleusement bien à se marcher les uns sur les autres, à oublier l’essentiel : vivre, tout simplement, et apprécier les plaisirs simples que peuvent nous apporter des produits, des sourires, le caractère tout simplement humain que porte la boulangerie. On me demande souvent quelle est la meilleure boulangerie parisienne selon moi… Question à laquelle je refuse de répondre, tout d’abord car je n’ai pas de réponse, mais aussi parce que la discipline est mouvante, vivante, et qu’il s’agit d’apprécier l’ensemble avec sensibilité et ouverture.

Tout le monde n’est pas comme moi, après tout, pourquoi pas. Je ne suis pas quelqu’un de fermé ni de borné, n’en déplaise à certains qui pourraient le croire. Ainsi, quand on m’a annoncé la publication par le magazine Gault & Millau d’un classement regroupant les « 140 meilleurs boulangers français », c’est avec curiosité que j’ai acheté la revue.

Gontran Cherrier est mis en avant sur la couverture, mais également sur plusieurs pages. Une exposition discutable, d'autant que l'on reproche souvent l'importance que peut prendre son image vis à vis de ses produits...

Gontran Cherrier est mis en avant sur la couverture, mais également sur plusieurs pages. Une exposition discutable, d’autant que l’on reproche souvent l’importance que peut prendre son image vis à vis de ses produits…

Comme d’habitude, il y a « à boire et à manger ». Je ne reviendrai pas sur le discours tenu, sur les farines « plus riches », « plus concentrées », qui seraient apparues ces dernières années (?!), ni sur le fait que le travail sur levain naturel est érigé en panacée absolue de la panification. Il est possible de réaliser d’excellents pains sur levure, tout est une question de méthode de fabrication… d’autant que ce fait est en définitive reconnu par le Gault & Millau, puisque des produits mettant en oeuvre cet agent de fermentation sont plébiscités dans le classement. Vous cherchez encore à comprendre ? Moi pas.

L'intérieur, Gault & Millau Mars 2013

Il me serait bien difficile de parler des boulangers de province cités dans ce magazine, mis à part de Roland Feuillas ou bien d’Eric Marché. Je noterai malgré tout l’absence de Benoît Fradette, le fameux Farinoman Fou d’Aix-en-Provence, dont le travail demeure à mon sens particulièrement intéressant.

Pour revenir en terre « painrisienne », je dois avouer que quelques éléments du classement n’ont pas manqué de me faire sursauter :

  • Dans le Top 10, on retrouve Jean-Luc Poujauran, alors que son pain n’est plus proposé au grand public depuis bien longtemps. Certes, il reste possible de se le procurer chez quelques revendeurs, mais est-ce bien là une démarche normale dès lors qu’il s’agit de pain ?
  • Toujours dans ce haut du panier, Frédéric Lalos est mis en avant alors qu’il détient plusieurs boutiques, aux niveaux de qualité pour le moins… variés. Il n’est pas fait mention de l’adresse visée, et je dois dire que l’évocation du Longuet – un pain réalisé à partir d’un mélange aromatique développé en partenariat avec Philibert Savours – demeure plutôt gênante lorsqu’on fustige quelques lignes auparavant les ingrédients ajoutés pour donner du goût.
  • Le Boulanger de Monge apparaît dans le classement alors que cela fait bien longtemps que l’enseigne a perdu toute sa superbe. De plus, le nom de son gérant est cité alors que ce dernier n’est pas boulanger.
  • Des boulangeries reprises récemment intègrent le classement alors que nous ne disposons que peu de recul vis à vis de leurs gammes, et que ces dernières sont loin d’être tout à fait en place.
  • Le « reste » des boulangers sert de fourre-tout, avec des informations dépassées (Christian Marceau n’est plus chez Béchu depuis déjà quelques temps, par exemple) et beaucoup de boulangers ne méritant même pas d’être cités, tant leur production est aujourd’hui plus que moyenne. Dire que Rodolphe Landemaine ou Christophe Rouget se retrouvent dans ce pot-pourri, il y a tout de même un problème… à croire que c’est la capacité à s’imposer sur la scène médiatique qui prime, en définitive.
Le classement se détaille entre le top 10, les coups de coeur, les autres... et puis le "pot pourri" par région.

Le classement se détaille entre le top 10, les coups de coeur, les autres… et puis le « pot pourri » par région.

Pour le reste, il y a tout de même beaucoup de vrai, d’excellents artisans voient leur talent et leur implication reconnue comme on aimerait que ce soit le cas plus souvent (Jean-Paul Mathon intègre notamment le « top 10 national », une belle récompense pour ce boulanger trop discret). Dommage toutefois que les photographies mettent en valeur un nombre réduit d’adresses, dont la plupart n’en ont pas besoin… Philippe Boé a cédé à la tentation de la facilité, encore une fois. On regrettera également son manque de précision sur certaines informations, avec plusieurs patronymes écorchés, ce qui ne fait pas bien sérieux. Bref, ce n’est certainement pas aujourd’hui que je deviendrai amateur de classements !

Même sur les pages dévolues aux boulangeries de région, les illustrations sont issues d'adresses parisiennes. Cela met assez peu en valeur le formidable travail que peuvent réaliser ces artisans, souvent disséminés et un peu "seuls".

Même sur les pages dévolues aux boulangeries de région, les illustrations sont issues d’adresses parisiennes. Cela met assez peu en valeur le formidable travail que peuvent réaliser ces artisans, souvent disséminés et un peu « seuls ».

Pour information, le « Top 10 » : A Paris : Jean-Luc Poujauran, Christophe Vasseur – Du Pain et des Idées, Frédéric Lalos, Jean-Paul Mathon – La Gambette à Pain / Ailleurs : Mickaël Morieux (92 – Boulogne-Billancourt), Michel Izard – La Maison du Boulanger (29 – Lannillis), Franck Deperiers – La Petite Boulangerie (44 – Nantes), Alex Croquet (59 – Lille & Wattignies), Nicolas Streiff (57 – Lixing-lès-Saint Avold), Michel Corneloup, Le boulanger bio (42 – Le Coteau), Jean-Luc Beauhaire (31 – Léguevin)