Chacun sa façon de répondre à l’arrivée des beaux jours. Les vêtements raccourcissent, les couleurs se font plus gaies, on essaie de trouver un peu d’air frais quand les températures augmentent… et surtout, nos fenêtres ont tendance à rester ouvertes – même si la climatisation a fini par remplacer l’aération naturelle dans bien des demeures.

Les Journées Pro des Moulins de ChérisyPour certains, ce sont les portes qui restent ouvertes. Le résultat ? Des journées portes ouvertes. Amusant, n’est-ce pas ? Aux Moulins de Chérisy, près de Dreux, les équipes étaient sur le qui-vive depuis dimanche pour accueillir au mieux les nombreux visiteurs attendus pendant 4 jours. L’idée portée par Thomas Maurey et ses collaborateurs n’était pas seulement de faire découvrir le site à ses clients, prospects et partenaires, mais aussi de proposer de véritables solutions aux problématiques que rencontrent les artisans au quotidien… d’où l’intitulé choisi, « Les Journées Pro des Moulins de Chérisy ».

En arrivant sur le site, on ne peut qu’être séduit par son caractère quasi-idyllique : bercé par un bras de l’Eure, le moulin coule des jours tranquilles… en apparence, tout du moins.

Vue d'ensemble, Les Journées Pro des Moulins de Chérisy

Cette « Maison de Tradition depuis 1710 » a bien pris le chemin de la modernité, porté par la dynamique entretenue par la famille Maurey. Depuis son rachat à la famille Lethuillier en 1996, l’activité a beaucoup évolué, avec un doublement du portefeuille de clients. Ce sont aujourd’hui 450 artisans qui font confiance à l’entreprise pour l’approvisionnement de leur farine, sur plus de 20 départements (en Normandie, Ile-de-France et dans le Centre) et à l’export. 250000 quintaux de farine sont produits ici annuellement, ce qui représente un volume considérable… même si l’outil ne tourne pas à sa pleine capacité et dispose encore de belles perspectives d’évolution, puisque sa capacité d’écrasement est proche du double.

Une des dernières machines de mouture à cylindre installées à Chérisy.

Une des dernières machines de mouture à cylindre installées à Chérisy.

L’ambition affichée par la maison est de s’adresser à une clientèle haut de gamme, à des artisans boulangers talentueux et exigeants. Pour cela, une politique d’investissement continue est menée. Si les équipements de mouture sur cylindre datent pour la plupart de 1972, de nouvelles machines ont été acquises auprès du constructeur Bühler en 2010 et 2014, tandis que des travaux divers ont été accomplis en parallèle : automatisation du moulin, aménagement des bâtiments, augmentation de la capacité des silos… cette année, ce sont plus de 600000 euros qui seront investis : le secteur de nettoyage des blés va être modernisé, tout comme la ligne d’ensachage.

Cet été, le magasin de stockage et la zone d'emballage vont connaître d'importants travaux. La production va être interrompue, et les équipes se préparent dès à présent.

Cet été, le magasin de stockage et la zone d’emballage vont connaître d’importants travaux. La production va être interrompue, et les équipes se préparent dès à présent.

En effet, le passage aux sacs de 25kg voulu par la réglementation nécessite des équipements plus performants pour assurer la cadence… tout en améliorant les conditions de travail des magasiniers, puisque les sacs seront directement préparés sur palette, ce qui évitera de nombreux ports de charge.

La boutique de démonstration, réalisée par PEC Design.

La boutique de démonstration, réalisée par PEC Design.

Revenons à l’événement qui nous intéresse aujourd’hui. Sous le chapiteau dressé au bord de l’eau se concentraient plusieurs stands, dont les thématiques répondaient aux besoins de nos artisans boulangers « modernes ». Charcuterie et traiteur, matériel de fournil, agencement de boutique, logiciel de gestion, formations en pâtisserie, prestataires de service variés … rien ne manquait.

Les fameuses pizzas "teglia" très colorées de Thierry Graffagnino.

Les fameuses pizzas « teglia » très colorées de Thierry Graffagnino.

L’accent avait été mis sur le choix des exposants afin de proposer une offre claire et cohérente : en ayant la pleine maîtrise sur l’organisation de l’événement, le meunier peut ainsi s’assurer de la qualité de la prestation, ce qui n’est pas le cas sur de gros salons comme Europain. De plus, le format est bien plus convivial, presque familial, ce qui correspond tout à fait à la typologie de clientèle visée par les Moulins de Chérisy. Les coûts engendrés sont moins importants, pour des contacts plus qualifiés (mais néanmoins nombreux, avec plus de 650 personnes attendues sur 4 jours) : cela prouve la pertinence du modèle. Cela inspirera-t-il d’autres acteurs de la filière ?

Le fournil éphémère

Le fournil éphémère

Pendant 4 jours, les démonstrateurs de l’entreprise – accompagnés pour l’occasion par leurs collègues des Moulins de Chars – ont animé le fournil éphémère. Thierry Meunier, MOF Boulanger et partenaire du meunier, les a rejoint plusieurs jours. La pâtisserie était également à l’honneur avec la présence de Nicolas Richard pour l’école Stéphane Glacier formation, tout comme la pizza et ses déclinaisons grâce au savoir-faire de Thierry Graffagnino, triple champion du monde de pizza.

Les seuls produits Banette visibles lors de ces journées... cela fait peu !

Les seuls produits Banette visibles lors de ces journées… cela fait peu !

La marque Banette, qui représente encore aujourd’hui 20% de la clientèle du moulin, comptait parmi les absents de la fête, puisqu’elle n’était pas représentée dans l’espace principal, mais uniquement dans une zone annexe dédiée à l’optimisation du merchandising en boutique. C’est un véritable indicateur du mouvement engagé par Thomas Maurey ces dernières années : il fallait tracer sa route et exister en marge d’un groupement passé aux mains de quelques gros faiseurs, dont les méthodes et propositions correspondent assez peu à celles d’acteurs tels que les Moulins de Chérisy.

Pour autant, l’héritage de cette époque demeure. La forte présence des pré-mixes en témoigne, et je le regrette sincèrement. Pain des Canuts, « Bien-Aimée », Pavé Noir, Impatiente, Equilibre, … autant de noms qui ne me font pas rêver, même si l’on me soutient qu’ils répondent à une véritable demande de la part des artisans. A mon sens, ces produits pauvres en savoir-faire boulanger (mais riches en technologie meunière et en travail de laboratoire !) ne parviennent pas à marquer la différence nette, franche et nécessaire avec l’industrie et les réseaux de boulangerie. Dès lors, ils doivent disparaître pour valoriser l’identité du boulanger et ses spécificités.

"Farine de Grande Qualité", d'accord, si ce n'est qu'il s'agit d'un pré-mixe tout de même.

« Farine de Grande Qualité », d’accord, si ce n’est qu’il s’agit d’un pré-mixe tout de même.

Bien sûr, les produits « Artisan Bio » (développés en partenariat avec les Moulins de Brasseuil) étaient représentés et apportaient une offre plus qualitative. Je pense simplement qu’il faudrait encore plus mettre l’accent sur ces démarches.

La Bien Aimée présente une mie très jaune.

La Bien Aimée présente une mie très jaune.

Un programme de Conférences avait été mis au point afin de traiter des nouveaux enjeux auxquels les artisans doivent faire face : installation, concurrence des chaines de boulangerie, rentabilité, étude de marché… autant de sujets que les commerciaux connaissent bien, y étant confrontés au quotidien sur le terrain.

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Dans tous les cas, l’avenir s’annonce plutôt radieux pour l’entreprise : avec plus de 50 transactions de fonds réalisées en 2014, les Moulins de Chérisy comptent parmi les acteurs les plus dynamiques sur notre secteur géographique. Gageons que ce développement continue à se faire avec la même logique de proximité et de qualité auprès des artisans boulangers.

Les codes du luxe que l’on veut de plus en plus attribuer au secteur alimentaire finissent souvent par être ennuyeux. On oublierait presque qu’il ne s’agit que de nourriture, pour s’intéresser à des considérations quasi-métaphysiques d’apparence, de message, d’emballage, … ajoutez à cela des vendeurs endimanchés, qui nous souhaitent sans sourciller une « excellente dégustation » et le tableau achève d’être complètement triste.

Laurent Favre-Mot a ouvert ce matin sa première boutique parisienne, à contre-courant de cette tendance. Ce pâtissier iconoclaste a quitté la cité phocéenne pour rejoindre la capitale, suite à de nombreux déboires liés à la culture locale. A présent, c’est dans le dynamique quartier de Pigalle, à proximité de la rue des Martyrs, que l’on pourra découvrir son univers.

La devanture, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

Le devanture n’est pas encore très expressive, peut-être n’est-elle pas terminée. Dans tous les cas, l’essentiel est à l’intérieur. Pas de poudre aux yeux, un décor sobre, des poutres apparentes, une grande table au fond de la boutique, pour un lieu sympathique malgré l’espace relativement contraint. L’essentiel de notre attention se concentre à l’entrée, avec la vitrine des pâtisseries.

La vitrine, Laurent Favre-Mot, Paris 9èOn y trouve des créations gourmandes et généreuses, au visuel sobre mais néanmoins bien fini. Têtes de mort et autres détails s’invitent dans le décor et marquent l’univers « rock n’roll » du chef. Tarte vanille en deux textures et noix de pécan, cheesecake sans cuisson dans sa boite en bois, verrine chocolat-choux-mikado, tarte yuzu, club sandwich, … il y en a pour tous les goûts.

Décor, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

Au delà de la créativité, Laurent Favre-Mot a bien compris l’essentiel pour réaliser une pâtisserie savoureuse : la fraicheur et la qualité des matières premières. Chocolat pure origine Chuao, pistache de Bronte, fraises des bois françaises, … autant d’ingrédients qui justifient sans doute les tarifs très parisiens pratiqués ici, avec des pâtisseries individuelles proposées entre 5 et 7 euros. Quelques propositions gourmandes et régressives s’invitent aussi dans l’offre : madeleines enrobées de chocolat, sablés garnis de ganache, cakes, …

Boite de transport, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

J’ai donné de ma personne (si si, je vous assure, c’est difficile) et j’ai ainsi goûté le Club sandwich (biscuit financier vanille, crème vanille, crème noix de pécan) et le « fucking dark chocolate » (biscuit cookie aux noix et chocolat, ganache chocolat noir, quenelle de chantilly chocolat au lait). On y retrouve des saveurs franches, un bon dosage du sucre, ce qui en fait des créations très recommandables.

L'addition, Laurent Favre-Mot, Paris 9è

Terminons par un petit mot au sujet du charmant accueil, avec une équipe de vente au moins aussi tatouée que le chef lui-même. Souhaitons donc à cette nouvelle aventure beaucoup de réussite, d’autant plus qu’elle amène un souffle de fraicheur sur le domaine sucré, dans un quartier beaucoup d’acteurs ont tendance à vivre de leur réputation.

Infos pratiques

12 rue Manuel – 75009 Paris (métro Notre-Dame-de-Lorette, ligne 12)
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Quand il s’agit de boulangerie, il y a des sujets plus croustillants que d’autres… j’en traiterai un très prochainement d’ailleurs. Parmi eux, la viennoiserie s’impose en bonne place. A cela plusieurs raisons : elle n’est plus suffisamment respectée par nos artisans, qui la délaissent complètement et font le lit des offres industrielles, mais aussi parce qu’à l’inverse les consommateurs sont toujours plus sensibles à un bon croissant, à un bon pain au chocolat. Ce plaisir simple et accessible, cette association subtile de croustillant, de fondant, … se résume souvent à un parcours du combattant tant il est devenu difficile de trouver de bonnes spécialités feuilletées.

Les concours professionnels valorisent les artisans qui mettent encore du coeur au tourage. La compétition pour le titre de Meilleur Croissant au beurre AOP Charentes Poitou d’Ile-de-France fait partie de ceux-ci. Comme toujours, certains participants sont plus appliqués ce jour-là que les autres, mais ne faisons pas (trop) de mauvais esprit.

Boulangerie 59 rue de Saintonge

Cette année, la remise des prix avait lieu ce vendredi 15 mai. On pourra regretter qu’elle ait eu lieu en soirée, en plein pont du mois de mai, ce qui ne lui donnera certainement pas la portée qu’elle aurait mérité… d’autant plus que les gagnants avaient été désignés depuis plusieurs semaines déjà.
Parmi les lauréats, on retrouve quelques habitués, à l’image du sympathique Guillaume Schou installé dans le 16è arrondissement (et plus récemment à Neuilly-sur-Seine), mais c’est Benjamin Turquier qui a raflé la mise.

Les coupes bien mises en avant près de la caisse

Les coupes bien mises en avant près de la caisse

L’an passé, c’était l’un de ses salariés que l’on retrouvait en tête de classement. Grâce à un véritable goût pour la compétition et à une application quotidienne, voilà l’entreprise toute entière primée. Ainsi, ce sont plusieurs milliers de croissants qui ont été vendus ce week-end au 59 rue de Saintonge, adresse de la seconde boulangerie de l’artisan. Un beau succès pour ce reconverti « sur le tard », lequel vient d’ailleurs de s’offrir une nouvelle devanture signée Lucien Helle. Sa première affaire, du 134 rue de Turenne, suivra dans le courant de l’été.

Voilà en tout cas un classement qui devrait faire du bruit… oui, connaissez-vous le cri du croissant ?!

Infos pratiques

134 rue de Turenne & 59 rue de Saintonge – 75003 Paris (métro République, lignes 3, 5, 8, 9 et 11 ou Filles du Calvaire, ligne 8)

On se dit parfois qu’il faut avoir un sacré petit vélo dans la tête pour mener à bien certains projets. La folie et la conviction profonde d’avoir raison sont nécessaires pour entreprendre, et c’est ce qui nous fait avancer. Ainsi on peut considérer qu’il est tout à fait raisonnable d’être fou.

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En parlant de vélo, c’est dans une ancienne boutique de cycles que s’est installée Delphine Plisson. D’ici à dire qu’elle a fait sortir son petit vélo pour l’installer en ces murs, il n’y a qu’un pas.
L’idée de cette ancienne de la mode (Agnès B., Saint Laurent, Claudie Pierlot) était simple sur le papier : réunir en un même lieu la fine fleur de la gastronomie. Epicerie fine, boucherie, charcuterie, fromagerie, primeur, boulangerie… avec un espace de restauration sur place : un concept de food court inspiré de ses découvertes à l’international.

Une épicerie avec un manifeste aussi détaillé, ce n'est pas banal : on y retrouve les engagements et la démarche de l'établissement, détaillés de façon très ludique.

Une épicerie avec un manifeste aussi détaillé, ce n’est pas banal : on y retrouve les engagements et la démarche de l’établissement, détaillés de façon très ludique.

La tâche n’aura pas aisée pour passer du rêve à la réalité : trouver les fonds, les produits, mener à bien les travaux… ce sont ainsi plus de 3 années de marathon, menées de front avec son équipe dans les terroirs français, qui s’achèvent en ce 8 mai 2015. En effet, c’est aujourd’hui que le 93 boulevard Beaumarchais, Paris 11è, a ouvert ses portes.
Je pourrais céder à la facilité et dire que c’est un beau marchais, pardon, marché, mais ce serait un peu réducteur car il s’agit de bien plus que cela.

Charcuterie, Maison Plisson, Paris 11è

Le gourmand est invité à déambuler entre les différents pôles, à passer de la boucherie au primeur ou de la cave à l’épicerie salée et sucrée. Au total, ce sont 500m2 dédiés au bon, parfois au très bon. Cela paraît beaucoup, mais on se sentirait parfois presque à l’étroit parmi toutes ces propositions.
Les cautions ne manquent pas pour agrémenter l’ensemble : Bruno Doucet pour piloter la carte de l’espace restauration, Didier Massot à la boucherie, Ludovic Galfione au fromage… mais au final, seul compte le goût, et surtout le fait d’en avoir pour son argent.

Légumes, Maison Plisson, Paris 11è

En la matière, le pari est plutôt réussi : les références sélectionnées sont très qualitatives, avec des prix plutôt corrects. On est bien loin des dérives tarifaires de certaines épiceries fines parisiennes, avec des produits réellement artisanaux. Bien sûr, quelques lignes de la composition de certains produits font toujours tâche, mais c’est devenu le lieu commun de notre paysage culinaire.

L'épicerie salée

L’épicerie salée

La boulangerie mérite de porter son nom, puisque les pains sont entièrement réalisés sur place. Au sein d’un fournil flambant neuf, visible dans le fond de la boutique, les ouvriers se relaient pour proposer des gourmandises fraiches à tout moment de la journée. Il est sans doute un peu tôt pour se prononcer sur le produit, rodage oblige, mais quelques points me surprennent un peu… à commencer par le choix de l’artisan en charge de la supervision de cette gamme.

Madeleines, Maison Plisson, Paris 11è

En effet, c’est Liberté et son chef pâtissier Benoît Castel qui sont aux manettes, alignant ainsi leur troisième ouverture en moins d’un an (!). J’ai peine à croire qu’il soit possible de stabiliser les équipes et la qualité de production dans ces conditions, d’autant plus quand la boulangerie n’est pas son métier de base. Enfin, j’espère avoir tort.
Autre point noir : les prix. Si la baguette de Tradition s’affiche à 1,10€, les spéciaux s’envolent très rapidement.

Espace boulangerie, Maison Plisson, Paris 11è

Je ne doute pas du succès que devrait rencontrer la Maison Plisson, car on a ici un lieu cohérent, où le ramage se rapporte bien au plumage. Les horaires très larges – 8h30 à 21h du lundi au samedi, 9h-17h le dimanche – ajoutent au côté pratique et en font un point d’attache pour tous les moments de la journée.

La carte petit déjeuner, Maison Plisson, Paris 11è

Infos pratiques

93 boulevard Beaumarchais – 75011 Paris (métro Saint-Sébastien – Froissart, ligne 8)
ouvert du lundi au samedi de 8h30 à 21h et de 9h à 17h le dimanche.
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C’est curieux et passionnant, la vie. On a beau la retourner dans tous les sens, on s’en saisit jamais tout à fait le fil et là où elle nous entraine. Alors on continue à avancer, comme pour chercher à comprendre. Plutôt que s’obstiner à poursuivre à tout prix des buts, des objectifs, essayons de profiter du voyage, de le rendre le plus agréable possible… pour nous mais aussi et surtout pour les autres.

4 ans

4 ans déjà. Je ne pensais pas tenir la course de fond que cela représente – bien sûr, j’ai fait des pauses dans l’écriture, mais je n’ai jamais arrêté de suivre avec intérêt le milieu de la boulangerie artisanale. Entre temps, j’ai appris à courir tout court, sans doute pour prendre un peu de distance et me détacher de ces ambiances parfois pesantes, de ces retours souvent violents.

Le painrisien est un peu devenu moi, autant que je suis devenu quelqu’un d’autre. Forcément, ma vision des choses et mon ressenti en sont affectés et il faudra que je remette mes premiers articles, mes premières appréciations, en phase avec le goût du jour… mais aussi l’état de la production que réalisent les artisans que j’ai visités : entre les mutations de fonds, le turn-over du personnel, les changements dans les matières premières, … il y a de nombreuses raisons d’obtenir un résultat différent. Ce sera un de mes chantiers pour les mois à venir.

Autre travail à mener, la refonte de l’outil et du painrisien pour aboutir à un site mieux centré sur ce qui fait la singularité et la beauté de ce métier : l’humain. C’est par la sensibilité des artisans que les produits se mettent en place et évoluent. Je voudrais parvenir à mieux le retranscrire ici.
Je vais également achever ma formation au sein de l’EBP et obtenir, je l’espère, mon CAP de boulanger. J’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur cette expérience, mais malgré ce que certains pourraient croire, cela n’a pas fait grandir en moi la conviction d’être un boulanger ni de quelconques prétentions. Ma seule préoccupation est de participer à l’évolution du secteur, d’être utile, et d’éviter que l’on se fourvoie dans des écueils regrettables.

Bien sûr, je tenais à vous remercier pour votre lectorat fidèle – vous êtes plus de 3000 à suivre le painrisien sur Facebook ! -, vos retours : c’est vous qui faites vivre cet espace libre, en marge des conflits d’intérêt que connaît la profession.

Certains entrepreneurs arrivent avec beaucoup de prétention dans le métier de la boulangerie, alors que l’humilité est sans doute la meilleure des attitudes à adopter. Fort heureusement, la vie est parfois bien faite et ils se font alors rattraper par la réalité. Bien sûr, la casse qui en découle n’est jamais souhaitable, mais c’est le prix à payer pour que le secteur ne soit pas trop parasité par de tels individus.

Souvenez-vous, je vous avais dit beaucoup de bien de l’enseigne Bon’heur de Pains, qui avait ouvert deux succursales à Paris. Avenue Bosquet, en lieu et place de Pain d’Epis, mais aussi rue Réaumur, dans le 3è arrondissement. Ce dernier emplacement n’attendait que d’être valorisé à sa juste mesure : le quartier est très vivant, et le fait d’être placé en sortie de métro est toujours un point positif. De plus, la concurrence directe est d’un niveau plutôt faible, et ce n’est pas l’arrivée de Charles-Didier Tchouassi au 63 rue de Turbigo qui a vraiment changé les choses. La Jeune Rue aurait du nous abreuver en bon pain à quelques pas, mais le destin en a décidé autrement.

Ernest & Valentin, Paris 3è

La chute de Bon’heur de Pains a été aussi rapide que déplorable : entre les nombreux impayés, les expulsions et les salariés laissés sur le carreau, on se dit que l’on vit dans une époque formidable… Les frères Lafond ont donc une belle carte à jouer au 42 rue Réaumur. En effet, après la reprise de l’affaire Dias Gil rue de Charenton en juillet 2013, ils doublent la mise en reprenant cette nouvelle affaire.
Depuis le début de l’année, c’est ainsi l’enseigne Ernest & Valentin qui occupe la devanture de l’établissement et met en avant les engagements de l’entreprise : viennoiserie maison, travail sur levain naturel à partir de farines Biologiques ou Label Rouge (livrées par les Moulins Foricher)… autant d’éléments qui montrent que ces jeunes entrepreneurs ont bien intégré le fait que leur succès passerait par la qualité.

Mur à pains, Ernest & Valentin, Paris 3è

Le travail à mener ici sera de longue haleine : en production, il faudra peu à peu gommer les mauvaises habitudes et stabiliser le fonctionnement du laboratoire. Un challenge qui ne doit pas rebuter ces deux reconvertis, issus du secteur du design et de l’ameublement. La preuve : le résultat est déjà plutôt convaincant.
On saluera tout d’abord l’effort fait sur la baguette de Tradition (la « Valentine »), tarifée 1 euro seulement. Cette dernière présente un caractère marqué, avec de vives notes de levain. Elle est accompagnée par de grosses pièces vendues à la coupe, ainsi que l’Ernestine, une baguette bise. Bien sûr, il y a du chemin à parcourir sur la régularité.

Au premier plan, le fameux flan à l'ancienne et sa texture très crémeuse.

Au premier plan, le fameux flan à l’ancienne et sa texture très crémeuse.

Pour le reste, on retrouve les gammes déjà développées dans le 12è arrondissement. Flan à l’ancienne, déclinaisons autour de la pâte à choux, Pastéis de Nata, quiches, sandwiches variés, salades… le tout dans un registre simple et boulanger, un bon point.

Pâtisseries, Ernest & Valentin, Paris 3è

Voilà donc une affaire que l’on suivra avec… bonheur, et qui, je l’espère, redonnera ses lettres de noblesse aux Arts et Métiers du pain dans ce quartier.

Infos pratiques

42 rue Réaumur – 75003 Paris (métro Arts et Métiers, lignes 3 et 11)
ouvert du lundi au samedi.

Nous sommes parfois bien incertains vis à vis du devenir de certaines enseignes : fermera, fermera pas, par quoi seront-elles remplacées, … les baux commerciaux ne permettent pas de tout faire et les boulangeries ont tendance à rester des boulangeries malgré les changements successifs de propriétaire.

Rue Montorgueil, le sort du Boulanger de Monge fût pendant plusieurs mois l’objet de rumeurs variées : alors que l’enseigne changeait de mains, on s’interrogeait sur la volonté des nouveaux gérants de conserver cette boutique qui avait fini par être tout à fait moribonde. Alors que ces derniers avaient un temps affirmé leur volonté de rester présents dans cette voie piétonne, le magasin avait discrètement fermé « pour travaux » en juillet dernier.

L'état actuel du chantier de la boutique Tartin'Art, 53 rue Montorgueil

L’état actuel du chantier de la boutique Tartin’Art, 53 rue Montorgueil

En réalité, les travaux n’ont pas débuté avant les premières semaines de 2015, et ce n’était pas dans un quelconque esprit de rénovation. Le 24 juin prochain ouvrira au 53 rue Montorgueil le second « pilote » du concept Tartin’Art, comme cela avait été pressenti par plusieurs acteurs de la profession…
Tartin’Art, qu’est-ce que c’est ? On pourrait qualifier la première boutique, ouverte en plein coeur de Dijon, de vitrine des produits Eurogerm : en effet, même si les pains sont pétris et cuits sur place, ils s’appuient sur la gamme de l’ingrédientiste. Pain Egalité, Finepi, Graine de Champion, Grand Family… autant de noms qui font rêver rien qu’à leur évocation.

L’histoire de l’enseigne est intimement liée à cette entreprise, puisque c’est Jean-Christophe Girard – Président d’Eurogerm – qui a créé le concept. L’objectif serait de le porter à l’international, mais il reste avant cela beaucoup de chemin à parcourir : en effet, la première mouture dijonnaise laisse un sentiment d’inachevé, avec un positionnement mal défini entre restauration et boulangerie. On ne sait pas tout à fait où l’on rentre, et le consommateur reste un peu perdu parmi les tartines, quiches, viennoiseries, pains et pâtisseries. Gageons que le message sera plus clair à Paris, puisque c’est une nouvelle étape pour le développement de la marque, avant sans doute d’aller beaucoup plus vite… et beaucoup plus fort. Master franchises et franchises à l’international, le plan de développement est déjà tracé et dénote d’une forte ambition, ce qui n’a rien de surprenant quand on connaît le groupe dijonnais et ses tendances expansionnistes.

Le descriptif du projet apposé sur la devanture de la future boutique

Le descriptif du projet apposé sur la devanture de la future boutique

Bien sûr, on peut voir cela sous l’angle d’un renouvellement de l’offre boulangère du quartier, qui n’est pas particulièrement bien doté en artisans talentueux. Je persiste à penser que ce n’est pas en apportant une gamme à partir de pré-mixes que l’on parviendra à bousculer le paysage local, d’autant plus à Paris où la clientèle commence à faire preuve d’une réelle exigence. A voir. Rendez-vous donc en juin pour l’ouverture.

Certains boulangers connaissent des parcours de vie tortueux. Que ce soit au cours de leur formation, de leur évolution en tant que salarié, ou plus tard, une fois installés, les possibilités de prendre de curieux détours sont nombreuses. Ainsi va la vie… Ceux qui étaient au sommet un jour peuvent tout perdre au fil de choix hasardeux, de rencontres douteuses.

Grégory Desfoux a bien connu les montagnes russes des succès et des échecs. Ce talentueux boulanger-pâtissier, que l’on a connu à la tête de plusieurs affaires dans Paris et à Vincennes (rue Montmartre, rue d’Avron, rue de Belleville…), avait quasiment disparu du paysage boulanger de la capitale à la suite d’une lente descente.

Grégory Desfoux, rue de Belleville

Sa boulangerie de la rue de Belleville, qui comptait sans doute parmi ses plus beaux emplacements, avait suivi le même chemin avant de fermer à son tour. Je m’étais demandé ce qu’il adviendrait de cette boutique : changement de propriétaire, ou même d’orientation ? En définitive, il n’en est rien.
Depuis quelques semaines, et après de longs travaux, la devanture affiche de nouveau le nom de Grégory Desfoux.

Mange-debout, Grégory Desfoux, rue de Belleville

Changement d’ambiance et d’époque. L’espace de vente, qui avait très mal vieilli, a été complètement remanié pour afficher à présent des lignes sobres et modernes. Quelques mange-debout permettent la consommation sur place à l’entrée, tandis que les produits font le spectacle dans la vitrine donnant sur la rue. La disposition de ces derniers est d’ailleurs assez singulière, et on ne retrouve pas le traditionnel « mur à pains » présent dans la plupart de nos boulangeries françaises. A la place, les produits sont disposés plus librement sur le côté de la boutique.

Tourtes de Meule, Grégory Desfoux, rue de Belleville

Au fond, le laboratoire est visible et rassure sur l’origine des produits ainsi que sur leur processus de fabrication. Non contents de faire du pain, les boulangers semblent ici décidés à faire de l’esprit, comme en atteste les citations d’auteurs célèbres qui ornent certains pans de mur… si cela peut donner de la saveur à l’ensemble, pourquoi pas.
En la matière, les produits se défendent très honorablement. Les gammes sont courtes, et il serait bien malvenu de s’en plaindre : quelques pâtisseries boulangères, des sandwiches et quiches, des viennoiseries… et bien sûr du pain.

Viennoiseries, Grégory Desfoux, rue de Belleville

Ce dernier est réalisé à partir de levain naturel et de farines livrées par les moulins Foricher, comme c’était le cas avant la fermeture. Tourte de Meule, baguette de Tradition et ses déclinaisons aux graines de courge ou au curry, Bellevilloise, … tout n’est pas encore tout à fait en place, l’acidité est parfois un peu trop marquée, mais cela suit globalement une pente encourageante. Même constat pour les viennoiseries, où les brioches (Kouglof, au sucre, …) tiennent le haut du pavé, accompagnées de quelques créations gourmandes comme le pain chocolat-framboise. Tartes et éclairs achèvent ce tableau gourmand en toute simplicité. Les prix ont toutefois tendance à s’envoler rapidement, et notamment sur le pain où les spéciaux sont assez chèrement tarifés.

Boissons, Grégory Desfoux, rue de Belleville

Saluons enfin l’effort fait sur l’accueil, jeune et sympathique. Il y a beaucoup de choses à faire dans cette sympathique rue de Belleville, et la maison Desfoux semble engagée pour reprendre ce défi avec sérieux. Affaire à suivre.

Infos pratiques

114 rue de Belleville – 75020 Paris (métro Pyrénées ou Jourdain, ligne 11)

Chaque année, c’est un événement attendu par les panophiles de tous horizons. Le concours de la Meilleure Baguette de Tradition de la Ville de Paris regroupe un grand nombre d’artisans et de curieux autour de cette fameuse quête du bon pain.
Cette année, le jury se réunissait en ce jeudi 26 mars… et j’y ai participé, autant pour mieux cerner les contours de cet exercice que pour y défendre ma vision et mon amour de la baguette de Tradition.

La pile des baguettes rejetées : taille ou poids, elles ne correspondaient pas aux règles fixées par le règlement.

La pile des baguettes rejetées : taille ou poids, elles ne correspondaient pas aux règles fixées par le règlement.

Quelques chiffres à retenir : 231 participants, 118 dégustés et 113 recalés d’office pour des questions de poids et de longueur. Cela donne le vertige, en particulier pour la visible incapacité de certains à se conformer à des standards pourtant inscrits dans le règlement.
Le syndicat en avait pourtant repêché quelques uns, et des exemplaires éloignés des standards habituellement exigés avaient pu passer (avec un coup de lame unique par exemple, en lieu et place des 5).

Sacré titre

Trois tables de dégustation, plusieurs dizaines de baguettes pour chacune, puis une « shortlist » dans laquelle nous avons sélectionné les vainqueurs.
Si je devais faire quelques remarques générales, ce serait sans doute les suivantes :

  • Beaucoup de participants utilisent des levains, parfois assez marqués. Je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure façon de se démarquer, ni ce qu’attend le consommateur d’une baguette de Tradition française ;
  • Certains petits malins ont proposé une baguette enrichie d’éléments « exhausteurs » de goût (graines en poudre, farines variées, …). C’est un peu facile, d’autant que le jury n’a pas le moyen de vérifier le procédé de fabrication ;
  • Quelques baguettes se distinguaient nettement des autres, grâce à une attention particulière portée à la fermentation, au façonnage et à la cuisson.
Une baguette très alvéolée !

Une baguette très alvéolée !

Le fait d’intégrer dans les votants des personnes non professionnelles (internautes, journalistes) apporte de la fraicheur et une vision plus orientée « consommateur », ce qui est appréciable, mais présente tout de même le risque de voir primées des baguettes « séduisantes », sans qu’elles expriment pour autant le savoir-faire particulier d’un boulanger.

Bref, voici le palmarès :

1er – Djibril Bodian – Le Grenier à Pain Abbesses – 38 rue des Abbesses – 75018 Paris
2è – Sami Bouattour – Boulangerie Saint-Anne – 193 rue de Tolbiac – 75013 Paris
3è – Benoît Huré – Huré Victor Hugo – 150 Avenue Victor Hugo – 75016 Paris
4è – L’Académie du Pain – Christian Vabret & Philippe Simoes – 30 rue d’Alésia – 75014 Paris
5è – Jacky Renouf – Le Puits d’Amour – 249 boulevard Voltaire – 75011 Paris
6è – Le Moulin du 16è – 152 Avenue de Versailles – 75016 Paris
7è – Charles Tchouassi – Deedam Holding – 63 rue de Turbigo – 75003 Paris
8è ex-aequo – Jean José Philippe – Aux Pains Garnis – 25 avenue de St Ouen – 75017 Paris
8è ex-aequo – Les Gourmandises d’Eiffel – 187 Rue de Grenelle – 75007 Paris
9è – Douceurs et Traditions – 85 Rue Saint-Dominique – 75007 Paris
10è – Maison Delcourt – 100 rue Boileau – 75016 Paris

Olivia Polski - adjointe à la Maire de Paris chargée du commerce de l’artisanat, des professions libérales et indépendantes - appelle devant Djibril Bodian pour lui annoncer sa victoire. Les journalistes partent dans le 18è arrondissement...

Olivia Polski – adjointe à la Maire de Paris chargée du commerce de l’artisanat, des professions libérales et indépendantes – appelle devant Djibril Bodian pour lui annoncer sa victoire. Les journalistes partent dans le 18è arrondissement…

On notera forcément le fait que le vainqueur est un habitué du podium, ayant occupé la même place en 2010. Le 16è arrondissement est également bien représenté, ce qui est assez rare. La toute nouvelle boulangerie de Philippe Simoes et Christian Vabret – ouverte la semaine passée ! – se distingue, ce qui demeure pour moi… un mystère.

La boulangerie parisienne a connu, ces dernières années, quelques « têtes » qui ont marqué son évolution et son histoire. Certaines continuent à étendre leur emprise sur le marché, tandis que d’autres ont préféré voguer vers d’autres horizons.

Cela a été le cas de Thierry Rabineau. L’artisan fut parmi les premiers « en vue » avec ses boutiques « Au Levain du Marais ». Boulevard Beaumarchais, rue de Turenne, avenue Parmentier, rue des Martyrs, … à chaque fois, un dénominateur commun : une boutique « à l’ancienne » et de généreuses boules au levain, accompagnées de classiques boulangers tout à fait solides. Son passage au Moulin de la Vierge n’y est sans doute pas étranger, et on retrouve dans son « style » de panification des éléments qui ont fait le succès de l’enseigne.

Boulangerie Moderne par Thierry Rabineau, Paris 5è

Après avoir vogué sous d’autres latitudes – plutôt exotiques, puisqu’il s’agit de la Nouvelle Calédonie – le voici de retour sur son terrain de jeu historique… à cela près qu’on le retrouve à présent rive gauche, non loin du Panthéon. C’est en effet au 16 rue des Fossés Saint-Jacques, dans le 5è arrondissement, qu’il a pris possession, avec sa compagne, de la « Boulangerie Moderne » en ce lundi 23 mars. On y retrouve ainsi les ingrédients qui ont fait son succès, avec une baguette de Tradition au vif goût de froment et sa boule au levain. Pour le reste, il y a encore du travail à mener sur les gammes, mais je ne doute pas que tout cela se mettra en place au fil des semaines à venir.

Intérieur, Boulangerie Moderne par Thierry Rabineau, Paris 5è

 

Voilà qui devrait, dans tous les cas, redonner ses lettres de noblesse à cette charmante boulangerie… et satisfaire les habitants et étudiants du quartier, lesquels étaient jusqu’alors contraints à une offre particulièrement pauvre dans le secteur.