Il y a des personnes que l’on finit par retrouver partout, prenant petit à petit une place toujours plus importante dans un secteur d’activité, jusqu’à parvenir à devenir incontournables.
Cela peut se faire avec un certain bon sens, en respectant une ligne directrice intéressante, dès lors que les métiers se complètent ou que l’on a quelque chose à y apporter.

Alain Ducasse, un « entrepreneur de la restauration » a plutôt bien réussi à réaliser ceci, à mon sens. On ne compte plus ses tables à Paris, en France et même dans le monde. Rech, Relais Plaza, Jules Verne, … des adresses prestigieuses, complétées par des offres de formation et de conseil. A côté, l’homme multiplie les activités et a notamment initié l’événement « Tous au Restaurant », une semaine visant à inciter les français à se rendre chez des restaurateurs pour profiter d’un repas proposé à bas prix.

Parmi ses concepts, Boulangépicier est certainement l’un des plus accessibles, car axé autour du pain et d’une restauration simple et rapide. Contraction des mots boulanger et épicier, la marque annonce d’emblée la couleur, difficile de se tromper sur les vocations du lieu. Pour développer la gamme en 2002, Ducasse s’était initialement associé à Eric Kayser, ce qui explique un certain nombre de ressemblances avec la gamme proposée au sein des boutiques Kayser. Le boulanger a finalement cédé sa participation dans l’entreprise, invoquant notamment des divergences de point de vue sur le plan tarifaire.
En effet, les produits proposés dans la boutique de l’avenue de Courcelles et au sein du Printemps de la Maison ne sont pas particulièrement bon marché. Baguette de tradition à 1 euro 10 les 215gr, pains spéciaux affichant un prix au kilo assez élevé, le pain quitte un peu son territoire accessible, ce qui n’est pas particulièrement du goût du painrisien. Pour autant, la réalisation est assez correcte, la gamme assez large, loin d’être inintéressante. On y retrouve bien sûr les traditionnels pains aux céréales, aux divers fruits secs, mais également à la farine de blé noir, un bagnat ou d’autres déclinaisons au fil des mois. De petits pains variés complètent l’offre, et c’est assez agréable pour varier les plaisirs ou pour une consommation nomade. Néanmoins, la proximité avec l’offre Kayser et la tarification ont de quoi rebuter, à juste titre.

Le point fort du Boulangépicier serait plutôt son offre de restauration, assez élaborée pour des plats destinés à être consommés de façon rapide. Salades, sandwiches, plats chauds, rien n’est oublié et l’ensemble est plutôt alléchant, associant fraîcheur et diversité. Il est possible de déguster sur place, autant au Printemps que dans la boutique-mère.
A côté du salé, les becs sucrés auront également de quoi être satisfaits, au travers de diverses tartes et petits gâteaux, sans oublier les viennoiseries. Rien ne dénote ici, cependant, les prix demeurent toujours trop élevés pour de tels produits, qui ne se rapprochent pas de l’exceptionnel. Au vu de ce constat, il est difficile de préférer le Boulangépicier à un artisan indépendant.

N’oublions pas de citer les produits d’épicerie – huiles, pâtes, confitures… – qui font partie du concept et justifient son nom. C’est assez anecdotique au final, et le mot « justification » convient assez bien au peu d’engagement sur ce point, les produits vendus ici n’étant pas particulièrement rares ou surprenants.

L’accueil est agréable, chaleureux et efficace. Les produits sont bien maîtrisés et le conseil avisé, pour preuve du soin apporté à la formation des équipes de vente. C’est un bon point, trop souvent oublié par ce type d’enseigne à mi-chemin entre le pain et la restauration. (suivez mon regard vers la « maison de qualité » du groupe Holder)

Infos pratiques

73 boulevard de Courcelles – 75008 Paris (métro Ternes ou Courcelles, ligne 2) / tél : 01 46 22 20 20
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.

Un corner est également présent au 2è étage du Printemps de la Maison. La boulangerie propose également une gamme de pains au sein du Drugstore Publicis, dont les horaires d’ouverture sont très larges.

Avis résumé

Pain ? Le lien de parenté avec la gamme Kayser ne pourrait être nié, on retrouve en effet beaucoup de points communs et des saveurs similaires. Cependant, la qualité est mieux suivie du fait du caractère unique du point de vente, ce qui facilite le travail des boulangers. Les pains spéciaux ne sont pas dénués d’intérêt, mais les prix sont élevés, difficilement justifiables mis à part si l’on tient compte de l’emplacement assez « chic ».
Accueil ? Agréable, souriant et efficace. L’impression qui en ressort est positive, c’est cohérent avec le placement haut de gamme de l’endroit.
Le reste ? La gamme de restauration rapide est de bonne facture, on y trouve de quoi composer des déjeuners ou dîners agréables, à la fois simples et savoureux, avec quelques notes d’originalité. A mon sens, c’est sur ce poste que le Boulangépicier apporte une réponse pertinente et en phase avec les attentes de la clientèle. L’offre sucrée est propre, sans fantaisie particulière, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande. Les produits d’épicerie servent plus de décor qu’ils n’ont de réelle utilité.

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, mais plus pour se restaurer que pour y acheter son pain quotidien. Dans tous les cas, les tarifs sont très parisiens et peuvent en décourager plus d’un. C’est assez dommage car la fraîcheur et le choix sont présents, en plus d’un cadre agréable et d’un service efficace et humain. C’est au final une adresse sympathique, mais pas de quoi faire un détour pour s’y rendre. A garder dans un coin de sa tête si l’on passe dans le secteur.

Il ne suffit pas de manger, il faut aussi… boire. Dans ce domaine, le choix est au moins tout aussi vaste, entre boissons sucrées, eaux parfumées, gazeuses, plates, cafés… et infusions. Parmi ces dernières, le thé offre un large éventail de saveurs à déguster tout au long de la journée.

Le plus difficile ? Choisir parmi les différentes marques présentes sur le marché. A Paris, des maisons telles que Mariage Frères, Hediard, Fauchon… semblent dominer le secteur sans que rien ne puisse les atteindre. Seulement, depuis quelques années, Kusmi Tea, portée par le groupe Orientis, change un peu la donne en s’imposant au travers de thés « bien être », tel que le mélange Detox. Adopté par de nombreuses femmes et même des stars du monde entier, le breuvage au délicat parfum de citronnelle ne séduit pas que pour les vertus qu’il doit avoir sur le plan de la santé, mais aussi par son goût très frais. Cela a relancé cette marque, présente à Paris depuis 1917.

Seulement, Sylvain Orebi – propriétaire de Kusmi Tea avec sa famille – ne voulait pas s’arrêter là et a développé une nouvelle marque dédiée au thé bio, Løv Organic. Un nom bien trouvé, avec un double sens intelligent (løv signifie feuille en scandinave, mais fait également penser à ‘amour’ en anglais).
Le résultat ? Nous avons toutes les raisons de l’aimer !

On retrouve des mélanges « bien-être », qui ont fait le succès de Kusmi, avec des saveurs différentes. Que ce soit dans le Løv is pure – mélange de thé vert et de maté, parfumé aux agrumes et à la pomme, le Løv is zen ou encore le Løv is good, l’expertise du groupe se ressent. Il en est de même pour les parfums plus classiques (jasmin, rose, agrumes)…
Tout cela est particulièrement agréable car cela donne une nouvelle image du thé biologique, souvent un peu « vieillot » et proposé dans des packagings à l’élégance discutable. Les boites en aluminium, réutilisables et entièrement recyclables, sont de beaux objets et feront des présents très appréciés.

Les produits Løv Organic sont disponibles dans de nombreuses épiceries fines et quelques supermarchés (Lafayette Gourmet, Grande Epicerie de Paris, quelques Monoprix, …) mais le mieux est certainement de se rendre dans la charmante boutique installée rue Montorgueil. Vous y trouverez en effet les différents thés et infusions en « vrac », c’est à dire vendus au poids, pour un prix très raisonnable. Des accessoires sont également proposés : d’élégantes théières ou de pratiques cuillères à thé vous faciliteront l’infusion et la consommation de vos boissons. L’accueil y est très sympathique et agréable, Geoffrey et Sébastien ne manqueront pas de vous fournir des conseils précieux et avisés. C’est d’ailleurs une véritable valeur ajoutée lorsque l’on achète du thé : si l’on fait le choix de l’acquérir en dehors de ce type de boutique spécialisée, l’aide avant-vente est bien plus restreinte et il est souvent difficile de s’y retrouver parmi les nombreuses variétés d’infusions.

Avec tout cela, plus aucune excuse pour ne pas accompagner vos tartines et autres pains d’une boisson saine et savoureuse ! Quoi de mieux pour commencer la journée ? Bien entendu, il est possible de consommer les thés Løv Organic à toute heure, il suffira juste d’éviter ceux dont la teneur en théine est la plus forte (les noirs, qui sont les plus fermentés).

Infos pratiques

Vous retrouverez toutes les informations relatives à la marque Løv Organic sur le site http://www.lov-organic.com (gamme, points de vente, …). Si vous êtes painrisien, le mieux est de se rendre dans leur boutique, en plein coeur de Paris, au 15 rue Montorgueil – juste derrière l’église Sainte-Eustache. Sébastien et Geoffrey vous y accueillent le lundi de 14h à 20h, du mardi au samedi de 10h à 20h et le dimanche de 12h à 19h.

Avis résumé

Même si je suis un grand amateur des mélanges Kusmi (Anastasia, Prince Wladimir, Detox…), ceux proposés sous la marque Løv Organic sont également très intéressants et offrent l’avantage d’être cultivés dans le respect de l’environnement : ainsi, ces boissons sont bonnes pour nous… et notre planète. Tout cela à des prix moins élevés que dans la plupart des « grandes » maisons parisiennes – alors pourquoi s’en priver ?

Lieux gourmands

04
Août

2011

Une pause sucrée chez Jacques Genin

A Paris, les salons de thé sont un peu une institution. Quelques maisons très réputées tiennent le haut du pavé, telles qu’Angelina ou Ladurée. Le tea-time d’hôtels tels que le Ritz, le Meurice, le Crillon ou encore le Plaza Athénée sont également assez courus. A côté de cela, une « nouvelle génération » d’adresses est apparue ces derniers mois, et offre une alternative plus moderne et à l’ambiance moins surannée pour déguster des douceurs.

Parmi elles, la boutique-salon de thé de Jacques Genin, à deux pas de la place de la République, offre aux amateurs de chocolats, confiseries et pâtisseries une belle alternative à ces lieux, dont la plupart vivent uniquement grâce à leur renommée. Ici, on pourrait presque dire que tout est fait que ce soit l’inverse, comme si la maison se remettait chaque jour en question, cherchait chaque jour à réaliser des produits d’une meilleure qualité qu’hier.
Installé depuis fin 2008 à l’angle de la rue de Turenne et de la rue Charlot, l’homme a enfin posé ses valises après un parcours aussi étonnant que brillant. Initialement cuisinier, Jacques Genin est passé au sucré et plus particulièrement au chocolat. Il sera remarqué à la Maison du Chocolat puis fournira quelques grands hôtels et adresses prestigieuses, avant de mettre – enfin ! – son talent au service du grand public. Dire que tout cela est parti d’une envie… celle de faire les plus belles gourmandises pour sa fille.

Ainsi, c’est une histoire d’amour et de passion qui s’écrit dans ce lieu très sobre, jour après jour. Pierres apparentes, fleurs, poutres métalliques, nous sommes loin du décor « grande époque ». Certains trouveront que cela reste encore trop, que ce n’est pas suffisamment moderne, mais je trouve au contraire qu’il s’en dégage une belle authenticité et un grand calme, un beau sentiment d’apaisement lorsque l’on pénètre chez ce « Fondeur en Chocolat », comme il aime se nommer. Il considère en effet qu’il ne pourrait se faire appeler maître chocolatier, car il ne fabrique pas les couvertures servant de base à ses produits.

Cela tient presque du détail, puisqu’il travaille les meilleures matières premières du marché, en appliquant des méthodes artisanales et rigoureuses. Rigueur mais sensibilité, amour, charme. Jacques Genin n’en manque pas, c’est d’ailleurs quelque chose d’assez frappant quand on a l’occasion de le croiser. Cela se retrouve dès lors que l’on déguste une de ses douceurs. Les pâtisseries sont classiques – éclairs, millefeuilles, Paris-Brest, tartes aux fruits… – mais réalisées avec un grand talent. Comment penser qu’un éclair au caramel pourrait être aussi raffiné et complexe ? Pourtant, ici, il prend une belle dimension, au travers d’un équilibre toujours fragile entre le glaçage et la crème, accompagnés d’une pâte à chou de haut vol.
Bien entendu, le chocolat est à l’honneur, au travers de bonbons (ganaches aux fruits, aux épices, aux fleurs… le choix est large et difficile !), de boisson (le chocolat chaud, ici servi sans chantilly, sera très apprécié en hiver) ou de gâteaux (comment passer à côté de l’éclair au chocolat ?).
Le reste des confiseries attire également notre gourmandise : pâtes de fruits « de saison » (fraiches, moelleuses, elles ne ressemblent en rien à celles que l’on peut trouver habituellement), caramels (au gingembre, mangue/passion, …) et autres orangettes confites… comment ne pas repartir les bras chargés de sucreries ? – même pour moi qui ne suis pas un grand amateur de chocolat.

Le service complète bien l’ensemble, au travers d’une belle discrétion, tout en apportant des conseils avisés et en tenant à assurer un plaisir total lors de la dégustation des produits. En effet, une attention toute particulière est portée à la fraîcheur et à la saisonnalité. Pour exemple, les tartes aux fraises ne sont proposées que rarement, lorsque les fruits sont à la hauteur des exigences du chef. Une démarche rare.
Pour finir, l’addition. Certes, elle peut paraître élevée compte tenu du fait que ce sont des pâtisseries et des produits « classiques », mais dont la réalisation parvient à justifier ces niveaux de tarif, car on déguste ici un travail d’orfèvre, ce qui donne un caractère exceptionnel au moment passé dans ce salon de thé.

Infos pratiques

133 Rue de Turenne – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8 ou République, lignes 3/5/8/9/11) / tél : 01 45 77 29 01
ouvert du mardi au samedi de 11h à 19h, 20h le dimanche.

Faut-il y aller ? Oui, c’est un incontournable pour les amateurs de chocolat à Paris ! On y passe un moment agréable, dans le calme. Si l’on n’apprécie moins les saveurs cacaotées, il demeure possible de déguster des tartes aux fruits ou bien une tarte au citron vert, parmi les meilleures de la capitale. Ne pas manquer les pâtes de fruit ainsi que les caramels, qui amènent à changer le regard que l’on peut porter sur ces confiseries.

La boulangerie se transmet souvent de génération en génération, de père en fils. On peut donc assister à la création de « lignées » d’artisans, qui se transmettent leur savoir-faire et leurs boutiques… perpétuant ainsi une certaine forme de tradition.

C’est un peu de cette façon que l’on pourrait qualifier les Hakkam, qui semblent travailler en famille. Chez eux, la boulangerie, c’est quelque chose. Cela tient-il vraiment de l’artisanat pour autant ?
Noreddine Hakkam a été pendant un temps associé avec Eric Kayser, avant de reprendre son indépendance et de développer son « réseau » de boulangeries à travers la capitale. Il est difficile d’identifier les boutiques rattachées à cette « galaxie », de prime abord. Rien ne le laisse supposer lorsque l’on passe devant, et c’est d’ailleurs certainement volontaire. La devanture indique simplement « boulangerie-pâtisserie », le décor semble reproduire une de ces nombreuses boulangeries modernes et sans âme.
Il n’y a pas de « griffe » Hakkam, c’est ce qui brouille encore plus les cartes. On retrouve dans la gamme de produits une certaine réminiscence de l' »époque » Kayser, que ce soit visuellement ou en terme de variété. Tourtes au levain, pain aux noix, au curcuma, à la farine de blé noir… Il y a de quoi être troublé tant les ressemblances sont frappantes.

En dehors de cela, la spécialité de ces boulangeries semble être la restauration rapide, au travers d’une gamme de sandwiches et salades. Cela traduit une approche plus orientée « business » qu’artisanale du métier, étant donné que ce sont ces produits qui sont les plus lucratifs, et contribuent généralement pour une grande part à la marge des boulangers parisiens. Les produits semblent cependant frais et de qualité tout à fait honorable.

Pour le sucré, là encore, tout est très plat, les produits n’ont aucune âme et sont, je le pense, loin d’être le fruit d’un travail artisanal répété jour après jour. L’objectif ? Optimiser les rendements et donc la rentabilité des boutiques. Ajoutez à cela un accueil correct, professionnel, mais qui serait certainement tout aussi apte à vendre des paires de chaussures : le résultat est très froid, personnellement, je ne m’y sens pas très à l’aise.

Comment reconnaître les boutiques appartenant à cette famille, très discrète mais pas moins présente dans le paysage boulanger parisien ? Sans s’intéresser au registre du commerce, c’est très difficile. Voici donc un petit aperçu que j’ai pu établir :

– 114 Rue de Patay – 75013 PARIS
– 23 Boulevard Voltaire – 75011 PARIS
– 65 bis Rue des Entrepreneurs – 75015 PARIS
– 48 Rue de Tolbiac – 75013 PARIS
– 88 Rue de la Convention – 75015 PARIS
– 163 Rue de la Convention – 75015 PARIS
– 64 Rue des Batignolles – 75017 PARIS
– 49 Rue Linois – 75015 PARIS
– 101 Rue de Rennes – 75006 PARIS

Cela fait déjà une belle liste ! Autant dire que la famille sait gérer ses affaires. Je ne vous cache pas que je reste un peu en « retrait » face à un tel développement, car je ne suis pas certain que cela se fasse dans l’amour profond de la boulangerie, et c’est bien dommage car à côté de petits artisans ont toutes les difficultés du monde pour survivre. Cependant, il ne faut pas non plus être de mauvaise foi, leurs produits restent de qualité comparable à ce que produit Kayser, par exemple.

Parfois ma logique m’échappe, mais j’avais envie de partager avec vous, un mardi, la belle fleur que l’on peut cueillir le vendredi chez Jean-Paul Mathon, dans le 20è arrondissement. On retrouve dans sa boutiques d’autres spécialités ce jour-là, donc cela me laissera l’occasion d’y revenir un peu plus tard… le jour dit.

La difficulté quand on se retrouve face à ceci, c’est de se décider à rompre la croûte, à casser cette si belle harmonie. Nous tenons là une pièce d’art boulanger, l’expression d’un amour de ce travail artisanal, beaucoup de patience et d’application pour façonner cette fleur.

La première chose à faire quand on rencontre cette jeune fille, c’est de la sentir, dès la sortie de la boulangerie. Un peu comme avec une « vraie » fleur, on profite de son parfum. Elle est généreuse, simple et authentique : pas de mensonge, pas de tromperie, ses arômes sont soutenus, et il est difficile de tous les appréhender immédiatement.
En réalité, il faut adopter une démarche délicate, prendre le temps de la découvrir pas à pas. Partir des pointes des pétales, de leur cuisson presque « biscotée » pour rejoindre progressivement le coeur de la fleur et découvrir beaucoup plus de douceur.
Une fois que l’on a décidé de passer le pas, de saisir un pétale, la perte de cette pureté est compensée par le plaisir éprouvé à la dégustation. Là encore, il faut « disséquer », apprécier séparément les différentes parties du pain. Des notes persistantes de céréales sur l’extérieur, la douceur et la saveur du miel vers le centre, l’expérience est saisissante. Ce que j’aime ici, c’est le fait que la croûte soit on ne peut plus présente, et qu’elle soit un concentré d’arômes comme on aimerait en connaître plus souvent.

Cette marguerite nous fait voyager, elle nous transporte dans un champ de blé, un après-midi d’été. Dans les deux cas, on profite d’un plaisir simple, d’un moment un peu à part. Fermer les yeux, apprécier. Non, non, je n’en fais pas trop. C’est là que l’on comprend la différence entre des techniciens et des magiciens du pain. Les premiers savent appliquer des process, suivre des recettes pour au final parvenir à un résultat très correct, sans pour autant qu’il parvienne à nous toucher. Quant à ces rares artisans doués et passionnés, ils arrivent à nous faire rêver, ils nous incitent à chercher à nouveau ces saveurs un peu oubliées, passées dans la broyeuse d’une industrialisation excessive de notre alimentation. Merci monsieur Mathon !

Au final, j’ai compris pourquoi j’écrivais ce billet aujourd’hui : pour vous donner envie de courir à la Gambette à Pain vendredi, d’autant qu’elle sera fermée du 5 août au soir au 5 septembre… Dernière occasion avant un mois !

Marguerite du Vendredi, 1,60€ les 230gr, La Gambette à Pain, 86 avenue Gambetta – 75020 Paris (métro Pelleport, ligne 3bis).

Ca me paraît un peu fou, plus de 100 billets. Je ne pensais jamais les atteindre, en fait. Je m’étais lancé un défi à moi même, celui de me dire que j’allais écrire de façon régulière, entretenir un projet et essayer de le faire grandir. Je n’avais pas eu l’occasion ni l’envie de le faire depuis longtemps, et cela a représenté pour moi bien plus qu’un simple blog.
Peu à peu, j’ai repris du plaisir à partager aussi bien des mots que des moments avec d’autres personnes, le painrisien c’est un peu une fenêtre ouverte vers l’extérieur, un laboratoire dont la seule visée serait de faire grandir une belle idée : créer du plaisir au quotidien au travers d’un univers gourmand et accessible. Cela ne s’arrête pas au pain, non, c’est un véritable état d’esprit… Mon objectif de toujours ? Changer le monde 😉 – un peu caricatural et naïf, mais j’aime à croire que l’on peut parvenir à un quotidien plus agréable au travers de petites actions, de petits gestes simples.

100 billets, c’est donc plus de 3 mois de rédaction, de travail, mais ce n’est pas grand chose par rapport à ce qui doit suivre. Je suis à présent convaincu qu’il y a une belle histoire à écrire, que je ne suis pas en train de brasser vainement de l’air. Pour plusieurs raisons : tout d’abord parce qu’il y a incontestablement un « public », une communauté d’internautes en recherche d’informations et intéressés par le sujet, mais parce que Paris est une véritable jungle, où les quelques classements, guides et articles ne sont pas toujours très utiles ni objectifs. Difficile dès lors de se repérer, de trouver les adresses qui valent réellement le déplacement. Cela concerne aussi bien les touristes que les « locaux » : l’information est intéressante pour tous, dès lors qu’elle peut contribuer à améliorer le quotidien.

Ce n’est pas grand chose car il reste beaucoup de travail, aussi bien sur la forme que sur le fond. Aujourd’hui, le blog ne ressemble pas à grand chose, mais cela va bien changer dans les semaines à venir. En parallèle, j’essaie toujours d’améliorer ma qualité rédactionnelle, ma rigueur et ma pertinence, tout en cherchant à vous offrir des contenus variés – en bref, votre dose quotidienne d’actualité gourmande, un peu de sourire et d’envie.

Au final, pas de champagne, à peine juste une belle tranche de pain à partager « entre amis », car nous sommes tous des amis, entre amateurs de bon pain ! Par ailleurs, vous êtes tous les jours plus nombreux à prendre part à l' »aventure » en venant ici, et je voulais en profiter pour vous en remercier. Non seulement cela m’encourage à continuer, mais je suis heureux que ce travail soit partagé, qu’il prenne du sens.

Le point d’étape est fait, je n’ai pas grand chose à y ajouter. A demain pour de nouvelles aventures !

Comme pour baliser les parcours, rassurer les consommateurs et les artisans sur leurs qualités, on a créé tout type de distinctions visant à élire les meilleurs produits, les meilleurs lieux, les meilleurs hommes, … La liste est longue, il serait difficile de la dérouler en entier, et d’ailleurs, quel intérêt ? En définitive, le résultat est souvent décevant, car c’est au quotidien que doit se réaliser l' »excellence » promise. Ce n’est pas toujours le cas.

En arrivant devant la boulangerie de Jacques Bazin, on est tout de suite surpris par le nombre de titres et de prix remportés par l’artisan et ses ouvriers. La vitrine en est tellement recouverte que la lumière pourrait à peine y passer ! D’où mon qualificatif de boulanger… distingué. Cela semble représenter sa grande fierté. Entre Le Figaro, les différents guides, les concours… la boutique a été maintes fois citée, ce qui doit être un gage de qualité exceptionnelle. L’expérience m’a cependant prouvé qu’il fallait se méfier de tout ce tapage, qu’il valait mieux écouter les adresses silencieuses pour découvrir les beaux messages qu’elles avaient à nous faire passer. Qu’en est-il ici ?

Intéressons nous à la baguette de tradition, ou plutôt la Bazinette. Jacques Bazin a développé son propre diagramme de fabrication, et il en résulte une baguette assez originale. Sa force, c’est incontestablement sa croûte, puissante et croustillante. Elle s’exprime tout particulièrement lors de la dégustation, ce qui satisfera les amateurs de mâche ! (moi le premier) – en plus d’assurer une bonne conservation. La mie est légèrement sèche, un peu « briochée », surprenant pour ce type de pain. Seule légère réserve, je trouve qu’elle manque tout de même de parfum et d’arômes, même si l’on retrouve d’intéressantes notes de noisette.
La gamme de pains est très étendue, aussi bien en terme de formats que de saveurs. Petits pains, grandes miches vendues au poids, bâtards… Céréales, farines différentes (seigle, notamment), fruits secs, ingrédients divers (lardons, fromages…) et associations originales (abricots-cranberries dans les dernières nouveautés) – il y en a pour tous les goûts et les envies. Cette variété ne s’accompagne pas pour autant d’une tarification excessive, pour un niveau de qualité honorable, tant en terme de saveurs que de conservation.

Au delà du pain, l’artisan a développé sa notoriété sur sa capacité à réaliser des douceurs à même de satisfaire les papilles les plus exigeantes. Il a ainsi été primé pour son Paris Brest, un classique non revisité, simplement réalisé dans une tradition de bon niveau. Tradition, c’est bien le mot qui qualifie la vitrine sucrée de cette boulangerie, même si l’on y retrouve quelques créations. Je ne peux pas dire que ce soit ce qui m’intéresse le plus, mais les gourmands en quête de classiques seront satisfaits.
Bien entendu, on trouve également une gamme de viennoiseries, sans relief particulier. L’ensemble est dans une ligne cohérente, ce sont les produits que l’on attend d’une bonne boulangerie de quartier.

Les propositions salées font le bonheur des locaux, au travers de salades et sandwiches qui seront dégustés sur les quelques tables installées les beaux jours à l’extérieur de cette belle boutique d’angle, ou bien ailleurs, à emporter. Salades, sandwiches (baguettes, pains spéciaux…), tout y est pour satisfaire les appétits de ces travailleurs ou voyageurs de passage. Ils sont d’ailleurs nombreux à se presser aux portes de la boulangerie, et il ne reste plus beaucoup de choix vers 14h, une fois l’heure de pointe passée.

Reste l’accueil, assez expéditif et peu agréable, bien que « professionnel » et efficace. Il ne faut pas attendre un sourire ou un peu de chaleur humaine, l’objectif est ici d’écouler le produit de façon rapide sans plus de cérémonie. C’est dommage car cela ne laisse pas une impression très agréable au sujet de cette boutique, dont le décor ancien est pourtant des plus charmants.

Infos pratiques

85 bis, rue de Charenton – 75012 Paris / tél. : 01 43 07 75 21
ouvert du vendredi au mardi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Du choix, de belles cuissons, une baguette de caractère, on est bien dans une boulangerie ! La Bazinette est intéressante, avec sa croûte bien croustillante et présente à la dégustation. Les petits pains permettent de varier les plaisirs et accompagneront vos repas avec plaisir et originalité. On notera également la présence de grandes miches vendues à la coupe, avec des mélanges originaux et savoureux.
Accueil ? Malheureusement, c’est sur ce point que la boulangerie Bazin pêche, le service est loin d’être agréable et cela n’incite pas à devenir un habitué des lieux, même si cela ne rebute pas les habitants ou passants. Rien de dramatique toutefois, le travail est fait, même si on aimerait y retrouver ne serait-ce qu’un semblant de chaleur humaine.
Le reste ? Le Paris-Brest possède une certaine réputation sur la place de Paris ! A côté de lui sont présents la plupart des classiques de la pâtisserie française, réalisés dans le plus pur respect de la tradition. Quelques créations sont également proposées, mais rien d’inoubliable. L’offre est complétée par des viennoiseries dans la moyenne, ainsi que par une large gamme « traiteur », particulièrement plébiscitée le midi, au vu des tarifs assez raisonnables et de la fraîcheur des produits.

Faut-il y aller ? C’est une bonne adresse, même si l’on aurait tendance à la considérer comme une boulangerie de quartier. L’offre est large et abondante, les tarifs très modérés, la qualité assez uniforme. La Bazinette intéressera les amateurs de croûte et de baguettes de caractère, car elle n’en manque pas, même si j’aurais aimé plus de parfum. Seul l’accueil m’inciterait presque à émettre quelques réserves, mais on se laisse tout de même séduire par cette large gamme de pains, qui représentent autant d’invitations à la gourmandise. A noter enfin le décor, avec des plafonds d’époque, classés aux Monuments Historiques. Il est d’ailleurs possible de s’asseoir devant la boutique, pour profiter un peu du « calme » de l’endroit, cette zone étant un peu à l’écart du bruit et de l’agitation parisienne.

Un petit passage par la rue des Martyrs en cette belle fin d’après midi… il m’aura suffi d’un regard pour être partagé entre horreur et dégoût.

Je me demande un peu de qui se moque-t-on lorsque je vois ça. Certainement de la clientèle, mais aussi du travail des pâtissiers de la maison Delmontel, qui méritent malgré tout plus de respect que cela.
Ainsi donc on trouvait l’ensemble des petits gâteaux et entremets, la plupart abimés, présentés sur des plaques. J’ai du mal à croire que cela puisse attirer la clientèle. Peut-être que j’attache trop d’importance à la forme et pas assez au fond, mais je doute qu’il soit possible de retirer quelque chose de valable de tout ce gâchis.

Mardi j’allais acheter du pain comme d’habitude chez Gontran Cherrier, un petit bun aux graines de lin, d’ailleurs. Avant de partir, je regarde les tartes et mon regard rencontre cette jolie demoiselle. « Bonjour, vous habitez chez vos parents ? » – oh, oui, elle y habitait encore… pour quelques minutes encore. Le déménagement n’aura pas duré longtemps, le temps de s’affranchir des formalités d’usage lors de ce type de rencontre (oui oui, il faut bien payer avant de consommer le fruit de cet amour éphémère !). Nous avons ensuite pu consommer notre mariage gourmand.

C’est ainsi que je conçois la gourmandise et la façon dont on doit la vivre : dans l’envie de l’instant, avec des produits qui ne cherchent pas à trop en faire, à prouver quelque chose, pour au final parvenir à un résultat très plat et décevant. Ici, cette mignonne tarte est un modèle d’authenticité tout en offrant quelques surprises. Composée d’une crème d’amande parfumée au géranium, de cassis et d’une meringue moelleuse au poivre du sichuan, elle dépasse bien la simple tartelette à laquelle on pourrait s’attendre.

A la dégustation, c’est un aller-retour entre la douceur florale de la crème d’amande, l’acidulé du cassis et le moelleux de la meringue légèrement parfumée. L’ensemble est très frais, à peine sucré, et pourrait s’apprécier sans difficulté après un repas.
L’idée d’associer le géranium avec le cassis est intéressante, les fleurs parviennent à sublimer ce fruit (on l’associe souvent avec la violette, d’ailleurs, comme le fait Pierre Hermé avec son Envie) et à créer une balance avec sa force. Quant à l’utilisation du poivre du sichuan – très doux par ailleurs -, cela apporte une touche d’exotisme et d’originalité.

L’ensemble est donc très réussi, inventif, avec des saveurs marquées – sans que l’on s’y perde (au delà de trois, c’est souvent le cas). J’aime beaucoup le fait que cette pâtisserie ne soit pas le fruit d’une quelconque « collection », c’était simplement une proposition du jour, réalisée avec des produits frais selon l’inspiration du moment. En suivant ce principe, le choix varie beaucoup plus souvent et c’est agréable pour la clientèle, qui prend plaisir à voir la boutique vivre, tout en découvrant en permanence de nouvelles associations, de nouvelles saveurs. Si en plus c’est accessible, comme c’est le cas ici, que peut-on demander d’autre ? Que plus de monde fasse pareil !

Tarte Cassis meringuée, proposée le 26 juillet 2011 pour 4,20€ (la reverra-t-on ? mystère !), Boulangerie Gontran Cherrier, Paris 18è.

Réflexions

29
Juil

2011

La France et le sens du service

J’avais envie de revenir sur la notion de service après avoir vécu une expérience particulièrement désagréable chez Bread & Roses rue Boissy d’Anglas hier. Ce n’est pas particulièrement agréable de se sentir ignorés, de devoir réclamer la carte pour au final se voir remettre l’addition sans l’avoir demandée. Au vu du prix de la prestation, j’avoue avoir quelques difficultés à digérer une qualité aussi médiocre. Après tout, nous sommes en France… et il semblerait que la culture du service ne soit pas toujours aussi évidente que cela par chez nous.

Pourtant, comment peut-on prétendre pouvoir vendre un produit sans assurer un minimum de service autour ? Difficile de profiter pleinement de celui-ci ensuite si l’histoire a mal commencé. L’expérience s’écrit autant avant, pendant, qu’après la vente.
Ce constat m’amène à me demander pourquoi sommes-nous si en retard en terme de considération du client, ici, en France ? Est-ce par manque d’amour de ce que l’on fait, des autres ou bien tout simplement un manque d’implication dans la tâche que l’on a à effectuer, ici servir et accueillir des clients. Bien sûr, nous ne sommes pas des machines, il est impossible d’être parfait à tout moment, mais cela n’excuse pas certaines attitudes.

Au delà des comportements individuels, c’est l’entreprise elle-même qui doit s’engager dans une démarche visant à développer sa qualité de service au quotidien : au sein d’une boulangerie, d’une pâtisserie ou d’un espace de restauration, il faut savoir impliquer chacun dans un état d’esprit positif et disponible. Je ne pense pas que cela puisse se réaliser sous la contrainte, au contraire. Une entreprise souriante doit avant tout cultiver le bien-être de ses collaborateurs. On ne peut pas dire que cela fasse vraiment partie de nos priorités, en France. La mise en place de méthodes de « top-management » est souvent préférée à des mesures qui pourraient favoriser le développement personnel des salariés. De cette façon, l’individu se sent valorisé et sera certainement plus enclin à en faire profiter la clientèle.

Si l’on regarde un peu ailleurs dans le monde, le Japon est certainement un modèle en terme de qualité de service, et les japonais font merveille ici. La démarche est quelque peu différente car cela tient d’un goût profond pour la précision et l’implication quasi-aveugle qu’ils peuvent développer au sein de l’entreprise. Ils ne pensent pas en tant que personne mais au sein d’un groupe, d’une communauté. C’est admirable, mais difficilement concevable ici, où l’individualisme s’est considérablement développé. Je n’en demeure pas moins perplexe devant une telle abnégation, un tel sens du sacrifice. Est-ce que cela n’est pas un peu excessif ? Il s’agit de trouver un juste milieu.

J’aimerais tellement pouvoir aller acheter du pain en étant assuré de recevoir un accueil de qualité, avec une bonne connaissance du produit, et avant toute chose, un amour de celui-ci. Peut-être cela contribuerait à faire changer les habitudes en terme de consommation de pain : il deviendrait alors tellement plus agréable d’aller acheter ce produit noble, plutôt qu’une baguette de supermarché, blanche et sans intérêt…