Déjà 8 mois. La première fois – le jour de l’ouverture, en fait – que je m’y suis rendu, j’étais loin de penser que cela deviendrait une des seules boulangeries dans lesquelles je suis un client très régulier, quasi quotidien (sauf le mercredi, bien sûr, jour de fermeture !). 8 mois au cours desquels j’ai pu voir la gamme s’étendre, la clientèle devenir de plus en plus nombreuse.

Pour moi, ce n’est pas seulement une des meilleures boulangeries de Paris, non, c’est un excellent exemple de ce que devrait être la boulangerie moderne, inscrite dans son époque, c’est à dire ouverte sur le monde et sur les cultures, audacieuse et inventive. Bien sûr, la tradition et sa fameuse baguette ne doit pas être oubliée ou négligée, mais il faut savoir aller plus loin, se remettre en question et créer.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Gontran Cherrier créé, dans sa belle boutique d’angle du 22 rue Caulaincourt. Avant d’être cette boulangerie lumineuse et vivante, l’endroit était resté fermé pendant plus de deux ans et demi. Un investissement d’environ 450 000 euros plus tard, le voici tel qu’on le connaît maintenant, un vrai lieu parisien, bien inscrit dans son quartier. Carrelage style métro, plafond aux motifs psychédéliques, matériaux nobles (bois, marbres…), tout y est pour créer une sensation de confort. Ce n’est pas une boutique gigantesque… mais le boulanger me disait justement qu’il aurait voulu une surface plus petite, à la base, pour créer une ambiance assez « intime » avec les produits. Cependant, cela n’aurait pas permis d’installer ces places assises, qui font beaucoup pour le caractère vivant de la boulangerie.
Ici, la création se vit au jour le jour, au fil des inspirations et des envies. Un jour une tarte cassis et meringue au poivre de sichuan, un autre une tarte quetsche-crème d’amande au clou de girofle… Les accords peuvent surprendre, mais c’est tout simplement l’expression des goûts de Gontran Cherrier, qui cherche avant tout à proposer des produits qui lui plaisent. Pas question de se forcer – mis à part peut être sur la baguette blanche, pour des questions d’accessibilité et pour éviter de trop « casser les codes » lors de son implantation – il veut être fier de ce qu’il présente en boutique. C’est pourquoi on l’y voit si souvent, ce qui lui permet d’être en relation directe avec la clientèle, tout en gardant un oeil attentif sur la qualité.

C’est ce fameux contact avec les clients finaux qui l’a poussé à poser ses valises – dur pour un voyageur hyper-actif comme lui ! Il voulait que l’on vienne chez lui par amour du produit, et non pas seulement pour des questions de coût comme c’est souvent le cas avec des professionnels. Le pari est réussi, c’est incontestable : peut-on dire autre chose lorsque l’on sait que le pain aux épices zaatar (mélange d’origine libanaise, composé de gros sel, sumac, thym et sésame) se vend très bien et est à présent proposé tous les jours ? Gontran est parvenu à transmettre aux parisiens, touristes et painrisiens son goût pour des saveurs marquées et originales.

Pain aux épices Zaatar, juste sortis du four !

En effet, on ne trouverait sûrement pas tout cela chez ses confrères. Il a su trouver sa place dans un quartier où les boulangeries réputées ne manquent pas. Alexine, Le Grenier à Pain, Coquelicot, la Maison Laurent… autant de noms qui ne sont pas inconnus à vos oreilles de painrisiens. Montmartre est une bel emplacement pour les commerces de bouche, aussi bien car on y entretient une certaine culture de la gastronomie que pour la concurrence « saine » qui se maintient : rencontres et échanges entre acteurs sont de la partie, ce que je trouve intéressant.
Bien sûr, Gontran Cherrier a conscience du fait qu’il reste du chemin à parcourir avant d’être bien implanté ici. Sa formule « tartine-pâte à tartiner » du goûter n’avait pas été un franc succès, par exemple. En effet, peu de clients passaient à cette tranche horaire et les habitudes n’étaient pas encore prises. Pour autant, notre boulanger gourmand ne compte pas s’arrêter sur cet « échec » et relancera l’idée à la rentrée.

Boulanger gourmand, j’aime bien l’appeler ainsi car comme il le dit lui même, il n’est pas vraiment boulanger. Non, c’est vrai, le travail qu’il réalise au quotidien est plus celui d’un gourmand passionné que d’un « technicien » comme peut souvent l’être un boulanger. C’est sûrement ce qui explique ce bouillonnement au sein de la gamme, qui d’ailleurs s’apprête à accueillir de nouveaux venus. Un pain pignons-romarins, une tarte figue-citron-fenouil, un cake pamplemousse confit-cranberries… Une seule question : mais où s’arrêtera-t-il ?
En tout cas, sûrement pas à la France. Il sera à Singapour à la mi-septembre afin d’étudier des projets d’implantation, toujours pour nourrir ce besoin d' »ailleurs », cette envie de mouvement, qu’il considère comme partie intégrante des affaires de nos jours. Ce n’est pas pour autant que Gontran compte nous abandonner. Sa deuxième boutique sera inaugurée d’ici la mi-novembre dans le 17è arrondissement, dans le secteur de Pont Cardinet. Cela permettra notamment de décharger un peu le laboratoire de la rue Caulaincourt, dont la surface reste limitée.

J’aime autant l’homme que la boulangerie, je crois. J’aime cette ouverture, cette luminosité qui se dégage de l’ensemble. J’aime retrouver le sourire et le dynamisme de l’équipe de vente (composée de pas moins de 5 personnes, ce qui n’est pas négligeable pour une boulangerie !), dont le rôle est aussi d’accompagner et de conseiller le client dans cet univers parfois un peu déroutant, de par sa diversité et son originalité.
Vous l’aurez compris, au 22 rue Caulaincourt, il est question d’amour. J’en reparlerai bientôt ici même, mais c’est ce qui a trop souvent manqué chez les artisans boulangers et ce qui a pu expliquer cette tendance à recourir à des mélanges pré-conçus, à utiliser des additifs… tout ce que vous ne retrouverez pas ici, d’ailleurs.

Je ne peux que vous inciter à venir et à revenir ici, pour découvrir le pain seigle-miso, la baguette au curry-céréales, celle au sésame blanc (roulée dans la muscade, délicieux !) ou encore le pain pois chiche-citron proposé le week-end. Bien entendu, les propositions sucrées (tartes, croissants, chaussons aux pommes citronnés…) ne sont pas à négliger, ainsi que les en-cas salés (foccacias et buns garnis, sandwiches…). De la gourmandise, rien que ça, en somme.

Infos pratiques

22 rue Caulaincourt – 75018 Paris (métro Abbesses, ligne 12) / tél : 01 46 06 82 66
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h30 à 20h30, et de 8h à 20h le dimanche.

Billets d'humeur

21
Août

2011

Descendre les Champs Elysées…

La plus belle avenue du monde. Avenue des Champs Elysées, un après-midi d’été, la chaleur à son comble. Au milieu de cette horde de touristes venus admirer les « charmes » de notre capitale, je regarde autour de moi et je suis un peu désolé. Désolé de l’image que cela donne de la France. Ainsi donc les constructeurs automobiles, les chaînes de restauration rapide (Quick, Mc Donald’s, Brioche Dorée, Paul, Starbucks…) ou encore les créateurs de mode représenteraient notre pays aux yeux du monde ? Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de beau là dedans. Certes, l’avenue est majestueuse, elle s’offre à nous dans toute sa largeur et avec ce côté impressionnant qu’elle peut avoir. Son contenu est, quant à lui, représentatif de la pauvreté culturelle que nous entretenons.

Pour moi, être painrisien ce n’est pas que regarder le bon pain, non, c’est développer un mode de vie sensible à la beauté des choses, engagé dans l’idée que l’on peut rendre le quotidien moins morose en tentant de prendre du plaisir au travers de choses simples. A mon sens, ce n’est pas sur cette avenue que l’on peut trouver son « bonheur ». Tout y est tellement surfait, et les grandes sociétés multinationales y règnent en maîtresses. Est-ce tout ce que nous avons à offrir ? Loin de là.

Oui, descendons les Champs Elysées… pour se réfugier dans des quartiers plus authentiques, où l’on retrouve des produits qui ont du sens, une histoire et qui sont le fruit de l’amour d’un métier. Si c’était ce que l’on montrait aux touristes, ils prendraient peut-être conscience du savoir-faire que nous avons et passeraient moins de temps à le piétiner en célébrant des enseignes bas de gamme ou des maisons vivant grandement sur leur réputation. Parfois je suis un peu désespéré en voyant tout cela… puis je me reprends. Il y a d’autres choses à voir, demain.

Il y a des endroits avec lesquels j’entretiens une relation un peu particulière, je dois l’admettre. Bread & Roses en fait partie. Cycliquement je m’en lasse, pour diverses raisons, puis j’y reviens assez régulièrement. Dernièrement, c’est ce fameux pain au maïs torréfié qui m’a fait revenir.

« Doré comme un épi de maïs », il est vrai que ce pain ne manque pas de charme avec sa couleur jaune, assez inhabituelle. En réalité, on peut aussi le retrouver avec une teinte… rougeâtre. L’explication ? L’incorporation de piment d’espelette dans la pâte. Cette déclinaison est assez surprenante et permet de créer des accords mets-pains originaux. Théoriquement, c’est d’ailleurs la seule proposée pendant l’été, mais un de leurs clients leur ayant passé une commande, il leur restait une version « nature », que je vous présente ici.

J’ai pu goûter d’autres pains au maïs, mais je dois dire qu’aucun ne ressemblait à celui-là. Sa texture est en effet très particulière : on y retrouve comme de petits grains, et la mie est très dense. Sa tenue n’est pas forcément excellente, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande : il suffit de couper quelques tranches d’une épaisseur raisonnable et de se laisser aller à la gourmandise. Ce pain est très agréable au petit déjeuner, avec un peu de confiture, mais également avec des plats salés.
La saveur du maïs est bien identifiable, et le parfum dégagé par la boule est également bien caractéristique. La torréfaction amplifie les arômes et apporte une note de « grillé » inhabituelle mais très agréable.

A noter également, sa conservation est excellente, notamment grâce à sa mie serrée et son caractère assez « sec ». C’est assez difficile à décrire, car on ne retrouve pas la sensation habituelle que l’on peut avoir lorsque l’on déguste un pain. Le petit côté croquant de la mie rend l’ensemble très gourmand et terriblement addictif. Un pain à essayer sans hésiter !

Pain au maïs torréfié, Bread & Roses – Paris 6è et 8è, 3,5 euros les 400g. 

Un de mes fidèles lecteurs – marco – parlait récemment dans un commentaire de ces boulangeries plus axées sur leur nom et leur concept que sur la qualité de leurs produits. Pourtant, c’est ce qui est et restera toujours essentiel. Rien n’est aussi important que du bon pain. Tout ce que l’on rajoute autour est inutile et superflu.

Du concept, il y en a, chez les Berlingots d’Hier, avenue du Maine, dans le 14è arrondissement. Rien que le nom laisse songeur : en quoi cela a-t-il un rapport direct avec la boulangerie ? D’un côté, vous me direz, tant que ce sont les confiseries et pas le pain qui sont d’hier, tout va bien.
Blague à part, cette jeune boutique d’angle est attirante de prime abord, avec son allure sobre et moderne, son aménagement intérieur spacieux et réalisé dans des tons roses et gris.
Si je parle de concept, c’est parce qu’il est possible de se servir soi-même : l’ensemble des produits sont proposés en libre-service, du pain aux pâtisseries, en passant par les viennoiseries. Pour cela, il suffit de se munir d’une pince et d’un sachet. C’est amusant, mais en pratique, le personnel de vente s’acquittera bien souvent de cette tâche… évitant ainsi des risques inutiles en terme d’hygiène et d’intégrité des produits.

Pour autant, les pâtisseries n’en demeurent pas moins présentées dans de petites boites en plastique, seule façon possible pour les proposer en vente libre. Seulement, la buée s’invite bien souvent dans ce couple et donne un aspect peu attirant à l’ensemble. J’ai oublié de demander si elle était incluse dans le prix ou s’il fallait rajouter un supplément pour cette condensation. En dehors de ces considérations, leur visuel n’est pas des plus aboutis, et les tarifs peu en adéquation avec la qualité de réalisation.

Si l’on s’intéresse au pain, car c’est bien ce sur quoi une boulangerie devrait exceller, les cuissons sont assez médiocres, et la dégustation ne parvient pas à faire mentir ce premier contact, bien au contraire. La baguette de tradition se conserve mal, est pauvre en arômes et offre une mie pâteuse. Mieux vaut l’oublier rapidement. La gamme de pains spéciaux est dans une bonne moyenne en terme de diversité, on retrouve en effet des fougasses (fromage, olive), des pains au sarrasin, à l’épeautre ou aux diverses graines. Dommage que la qualité ne suive pas.
Même constat du côté des viennoiseries, tout est très plat, sans intérêt particulier. L’offre se complète avec quelques cakes et autres gourmandises, mais au vu des difficultés que semble rencontrer l’endroit pour délivrer des classiques de bon niveau, on préfère passer son tour.

Reste le service, disponible et souriant. Enfin, je parle de service, mais comme nous devrions l’assurer nous-mêmes, le terme « conseillers », « assistants », « hôtes d’accueil » serait plus approprié. En plus d’être dépourvus de leur fonction de vente, ils n’assurent pas non plus l’encaissement : au moment de payer, j’ai retrouvé une de ces machines à monnaie que j’abhorre tant. On m’a expliqué qu’elles étaient utilisées pour des raisons d’hygiène, de sécurité et de… confort pour la clientèle, celle-ci n’ayant pas à compter ses pièces. J’ai préféré repartir sans chercher à en discuter plus longtemps.

Infos pratiques

171 avenue du Maine, 75014 Paris (métro Mouton-Duvernet, ligne 4) / tél : 09 81 29 11 68
ouvert du mardi au dimanche de 7h30 à 19h30.

Avis résumé

Pain ? Sans intérêt. Cuissons approximatives, conservation très moyenne, baguette de tradition fade et pâteuse, dommage pour une boulangerie.
Accueil ? Disponible et souriant, mais au final un peu inutile, vu que l’on pourrait tout faire nous même (merci le libre-service !) et payer auprès d’une machine. Où sont les codes-barres et les caisses entièrement automatisées ? Cela achèverait de rendre la boulangerie complètement déshumanisée, alors que je reste persuadé de son importance dans le maintien du lien social.
Le reste ? Pâtisseries embuées, peu intéressantes ni attirantes, viennoiseries dans la même lignée, quelques cakes et confiseries, je n’ai pas trouvé ce qui pourrait constituer le point fort de l’endroit. Au moins, cela me laisse matière à réfléchir.

Faut-il y aller ? Si vous avez du temps à perdre et que vous souhaitez découvrir un « concept innovant », oui. Cependant, l’essentiel – les produits – n’y est pas, l’adresse n’a donc que très peu d’intérêt, mis à part de cumuler les travers grossiers de notre mode de consommation. A oublier.

Quand les choses vont bien, que les produits sont beaux, il faut le dire… mais à l’inverse, s’il y a lieu de faire des remarques, des déceptions, c’est aussi utile d’en parler. C’est ainsi que l’on avance, car même si les champs de roses sont beaux, ils n’incitent pas vraiment à se remettre en question.

Aujourd’hui, je me suis rendu chez Dominique Saibron pour acheter un peu de pain… et une pâtisserie, les qualités de l’artisan dans ce domaine m’ayant été vantées par des communiqués de presse : « Dominique Saibron n’est pas seulement le boulanger passionné reconnu de tous, c’est aussi un pâtissier de talent. ».

Justement, j’avais reçu un communiqué de presse au sujet de ce gâteau, l’Abercoc. J’aurais pu me contenter de le recopier, comme certains blogs l’ont fait. Au final, j’aurais présenté une photographie qui n’est plus en adéquation avec la réalité. En effet, le visuel de cette pâtisserie a été revu quelques semaines après sa mise en vente, les clients pensaient qu’elle contenait du chocolat du fait de sa couleur brune. A présent, sa robe orangée nous met plus facilement sur la voie.

L'Abercoc tel que présenté initialement

« L’abercoc est un biscuit financier aux pistaches, au cœur marmelade d’abricot et bavaroise au miel de 1000 fleurs. Cette pâtisserie a le bon goût de notre enfance, souvenir du parfum frais des abricots du verger et de l’effluve sucrée du miel. » Voici donc pour la description commerciale faite par l’agence de relations publiques de Dominique Saibron. Le problème, c’est que l’on ne retrouve pas la saveur du miel. La bavaroise est très peu parfumée, même si elle est légère et peu sucrée – il semblerait que les 1000 fleurs n’aient pas eu beaucoup de saveur, cette année. La marmelade d’abricot est assez douce, j’aurais aimé retrouver le côté acidulé du fruit mais il serait difficile de le préserver sous cette forme confite. Le fait que le gâteau en soit nappé et en contienne une autre couche rend l’ensemble assez sucré et « sirupeux », ce qui n’est pas très agréable.
La base de biscuit financier à la pistache est certainement l’élément le plus réussi de l’Abercoc, puisque son goût est bien présent et on le déguste avec plaisir. Cela a toutefois un effet de bord : étant donné que le reste n’est pas très soutenu, la pistache finit par prendre le pas et devient dominante au fil des bouchées.
Les plaques de chocolat blanc disposées sur les côtés n’apportent rien, si ce n’est qu’un renforcement de l’aspect sucré de l’Abercoc.

Reste enfin la question de la texture, et en l’occurrence, la pâtisserie est uniformément molle, sans contraste entre les éléments, seul le morceau d’abricot posé sur le dessus ainsi que la coque de macaron résistent légèrement à la cuillère.

Au final, la déception est grande, même si le tarif reste assez raisonnable pour une pâtisserie parisienne, d’autant que la finition des petits gâteaux n’est pas toujours au point (particulièrement avec la première version de l’Abercoc, d’ailleurs, qui était très souvent endommagé en vitrine !). Je me contenterai du pain, à l’avenir.

Abercoc, Dominique Saibron – Paris 14è, 4,40€ la portion individuelle, 23.50€ pour 4 pers, 31.50€ pour 6 pers, 39.90€ pour 8 pers.

La période n’aura pas été facile. Certains jours, le découragement a failli me saisir. Nous étions en plein coeur du mois d’août, personne dans les rues, pas plus dans les boutiques. Que ce soit pour vendre ou pour acheter, d’ailleurs. J’ai du mal à comprendre cette habitude qui résume à considérer que l’on peut profiter de ses vacances en partant tous au même endroit, au même moment. En réalité, nous ne faisons que transporter avec nous le stress et la nervosité, oubliant bien souvent que ces périodes devraient être avant tout des moments privilégiés pour se ressourcer et rompre avec le quotidien. La rupture n’est pas flagrante dès lors que l’on continue à faire la queue dans les supermarchés  que l’on se retrouve amassés sur des plages… Cela m’échappe, mais je suis peut-être un peu obtus.

Trêve de considérations métaphysiques autour des vacances, ces retours de la fin août marquent également la réouverture progressive de l’ensemble de nos boulangeries « painrisiennes ». Une nouvelle année de gourmandises peut ainsi commencer. Avec un peu de chance, la créativité de certains artisans se sera éveillé pendant leurs congés, et nous aurons peut être de nouveaux produits à découvrir dans les prochaines semaines. Dans tous les cas, les personnels seront certainement moins fatigués et plus détendus, aussi bien en production qu’au service, ce qui peut laisser espérer des prestations de meilleure qualité.

La rentrée, c’est aussi la reprise des habitudes que l’on avait jusqu’alors. Nos boulangeries préférées étant réouvertes, on y retourne et l’on s’ouvre moins à ce qui se fait « à côté ». C’était un peu mon cas avant ce mois d’août, je dois avouer que je m’étais enfermé dans une certaine routine confortable, étant de cette façon assuré de déguster du pain à mon goût à chaque fois. Etre painrisien, cela doit être aussi savoir prendre des « risques » et accepter les découvertes, qu’elles soient positives ou négatives. Je vais donc essayer de continuer ce que j’ai commencé en août, et cela ne peut être que bénéfique à tous puisqu’au final, vous trouverez toujours plus de billets sur de nouvelles adresses !

Dans tous les cas, bon retour à tous, profitons encore un peu du calme de la capitale avant que tout reprenne son cours « normal », que cette cadence parfois infernale recommence à nous imposer un rythme de vie souvent effréné et épuisant. Paris est une ville exigeante, mais elle sait également donner en retour… du bon pain, notamment.

Certaines tendances et manies m’agacent vraiment, car elles ne reposent sur… rien. Parmi elles, celle de fariner le pain. Un grand nombre d’artisans utilisent une quantité considérable de farine pour « décorer » leurs baguettes, bâtards et autres miches. Au final, c’est blanc comme un jour de neige.

A la dégustation, cela n’apporte strictement rien, mis à part un goût persistant de… farine. Or, le pain a des arômes bien plus complexes et intéressants que cela, il est donc idiot de les gâcher de cette façon. De plus, je ne suis pas persuadé que cela enrichisse le visuel : il n’y a rien de plus beau qu’une croûte bien dorée. Au final, tout cet amas de farine serait simplement destiné à donner un aspect plus « traditionnel » au pain, à rassurer le consommateur sur le fait qu’il achète un produit artisanal. Cela revient à considérer que nos ancêtres avaient des habitudes dispendieuses sur les matières premières – et je ne suis pas certain que ce soit les respecter que de penser ça.

C’est dommage, car on retrouve ce travers chez de bons artisans, qui gâchent leurs talents et leurs produits de cette façon. Bien entendu, la pratique est beaucoup plus répandue chez des boulangers cherchant à « prouver » leur maîtrise et leur savoir-faire. Il faut donc leur demander du pain, et non de la farine… En effet, le prix n’est pas le même au kilogramme, et la bonne farine se trouve certainement plus que le bon pain. C’est tout ce que l’on demande à un boulanger : du bon pain, qui nourrisse notre corps et notre âme. Tout le reste est superflu.

Boulangeries

17
Août

2011

Joséphine, il fallait oser

1 commentaire

Certains quartiers de Paris ne semblent pas faits pour les boulangeries. Que ce soit pour des raisons de configuration des lieux (grandes avenues un peu désertiques, par exemple) ou en raison de loyers très élevés. En effet, certains quartiers de Paris sont tout bonnement hors de prix, et il serait difficile pour un boulanger d’y survivre : le volume nécessaire en ventes est assez important, car la marge sur une baguette de pain reste assez faible, d’autant plus au vu des augmentations qu’ont subi les matières premières ces derniers mois.

Dès lors, il devient nécessaire de diversifier ses activités pour proposer également des produits à plus forte marge, telle que la restauration. C’est ce que font la plupart des artisans boulangers, au travers de salades et sandwiches, qui prennent une place toujours plus importante dans leurs présentoirs. Cela peut même aller plus loin, comme chez Joséphine, avenue Marceau, dans le 16ième arrondissement.


« Boulangerie, Pâtisserie et Jolie Cuisine », voici les trois activités développées par ce lieu situé à deux pas de l’Arc de Triomphe. C’est déjà une chose assez remarquable, car les boulangeries dans le secteur se comptent sur les doigts d’une main. Toutefois, on remarque dès le début que ce n’est pas là leur activité principale : on ne trouve ici que des baguettes (tradition, sésame ou pavot), ainsi que des petits pains et des ficelles. Si vous souhaitez déguster un pain plus « volumineux », il reste possible d’acheter… du Poilâne ! Curieuse idée, alors que nous devons être dans une boulangerie. Soit. Si la gamme est aussi courte, autant qu’elle soit bien réalisée. En l’occurrence, c’est le cas : la baguette de tradition est de très bonne facture, avec une mie bien alvéolée, une croûte craquante et savoureuse. Rien à redire, mis à part sur son prix, qui est fixé à la « hauteur » du quartier : 1,30 euros les 250gr. La chose n’est pas vraiment surprenante, mais elle doit être signalée.

Le lieu a toujours abrité une boulangerie, et ce depuis sa création, en 1868. C’est un des éléments qui ont séduit Jean-François Celbert, qui a acquis Joséphine en 2009. Après d’importants travaux de rénovation, il est parvenu à redonner une nouvelle jeunesse à cette vieille dame, tout en conservant les 15 salariés employés jusqu’alors. Ce breton de 50 ans n’est pas un novice du secteur, ayant notamment oeuvré chez Banette ainsi qu’au sein d’un grand réseau de meuniers. Pour son nouveau « challenge », il a souhaité accompagner la boulangerie d’un service de restauration ainsi que de produits issus du terroir breton.
Ainsi, on trouve une sélection crémière issue de chez Bordier, un grand nom du beurre, le dernier artisan à malaxer dans un malaxeur en bois. Joséphine propose un large éventail de ses produits : différents beurres, mais également fromages et yaourts.
L’espace épicerie propose également la gamme de la Paimpolaise, des thés de Constance ou encore des huiles de la maison Le Amantine.

Autre volet de l’endroit, et c’est certainement celui qui fait « tourner l’affaire », la restauration. Aussi bien en terrasse que dans la salle à l’étage, la clientèle peut déguster un repas complet, dont les propositions varient selon les jours de la semaine. Un semainier est affiché à l’entrée, et des plats tels qu’une blanquette de veau, un navarin d’agneau ou encore un dos de cabillaud sont proposés au fil des semaines et des saisons. L’objectif est de proposer des mets simples, afin d’assurer un service rapide à des individus pressés.
Pour terminer, la pâtisserie et les viennoiseries finissent d’occuper les 300m2 d’espace que représente Joséphine. Les classiques sont représentés, la réalisation est correcte, les pâtisseries assez séduisantes.

Les tarifs demeurent élevés, le quartier n’étant pas étranger à ce fait. Il est difficile d’imaginer s’y rendre au quotidien pour acheter son pain ou quelques douceurs, car rien ne sort réellement de l’ordinaire, tout en étant très onéreux. Cependant, l’endroit n’en reste pas moins agréable, bien aménagé et lumineux, en plus d’offrir un service agréable et souriant. L’avenue Marceau est assez préservée du tumulte parisien, on peut profiter d’un peu de calme, même en terrasse. C’est une des grandes forces de cet emplacement.

Pour finir, on notera également la volonté de Jean-François Celbert de donner une certaine dimension « culturelle » à Joséphine, où sont organisées des rencontres avec des personnalités du cinéma ou de la culture en général. Toutefois, je ne sais pas si les frères Bogdanov, qui ont fait partie des invités, appartiennent à ce monde… Ce que je suis de mauvais esprit, parfois !

Infos pratiques

69 avenue Marceau – 75016 Paris / tél : 01 47 20 49 62
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 19h.

site web : http://www.josephine-boulangerie.com

Avis résumé

Pain ? Le choix est très restreint : baguettes ou pain Poilâne. Cependant, rien à redire sur cette fameuse baguette de tradition, dont la réalisation est de beau niveau : craquante, dorée et parfumée, elle ne démérite pas, en plus d’être proposée fraîche tout au long de la journée – chose particulièrement rare dans le secteur. Seul son tarif – 1,30 euros – limite son attractivité.
Accueil ? Agréable et souriant, il s’intègre bien dans ce lieu où règne une certaine sérénité et un calme propre à ce quartier très sûr de lui.
Le reste ? C’est justement le reste qui est mis à l’honneur, semble-t-il. Les produits proposés à l’épicerie font partie du haut du panier, c’est bien vu et c’est suffisamment rare pour être signalé. Jean-François Celbert est un amoureux de son terroir et il nous le fait partager. Les produits Bordier, et notamment les beurres parfumés, sont exceptionnels. Ce doit être par ailleurs une des seules adresses parisiennes à proposer ses yaourts et fromages.
Côté sucré, les produits sont réalisés avec soin, rien à signaler. La restauration est certainement la partie la plus « importante » de l’affaire, avec un choix de plats assez varié et cherchant à respecter une certaine saisonnalité. Il ne faut cependant pas y chercher de la haute gastronomie.

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, si l’on passe dans le coin et que l’on a les poches bien remplies. En dehors de cela, l’adresse n’est pas particulièrement intéressante pour le pain, notamment compte tenu du fait que la gamme est minimaliste. Cela reste réservé à une clientèle d’affaires ou de quartier, assez aisée, les tarifs étant élevés, même si la qualité parvient à peu près à suivre. En clair, Joséphine est séduisante, mais un peu inaccessible. Ce doit être le propre de ce genre de dame.

Ah Montmartre, Montmartre… Je ne me lasse pas de ton spectacle, de tes touristes, de tes rues pavées, de tes petits trains sur roues, de ton ambiance… mais surtout de tes boulangeries, en fait. Je pense que je m’y rendrais beaucoup moins si je n’y trouvais pas du bon pain comme c’est le cas.

Tout d’abord, je dois admettre ma grande faute : je suis passé devant cette boulangerie un nombre incalculable de fois, sans m’y arrêter. Trop pressé, me disant « oh, j’irai la prochaine fois », ou bien ayant déjà dans l’idée d’acheter une baguette au curry quelques mètres plus loin… J’ai donc négligé cette petite boutique à la devanture verte, enserrée entre deux commerces. Rien ne laisse présager de l’extérieur que l’on y vend de l’excellent pain, et pourtant !

Alexandre Planchais, propriétaire de la boulangerie Alexine, au 40 rue Lepic dans le 18è arrondissement, n’est pas une super-star sur la place parisienne. Il a tout de même été classé dans les 10 meilleures baguettes de Paris, en 2007 et 2008. Vous savez quel crédit je donne à ce concours, mais dans le cas présent je dois reconnaître la qualité de sa baguette de tradition. Tout y est : une belle cuisson, une croûte craquante, un grignage élégant et bien marqué (oreilles formées correctement)… et surtout, quel parfum ! Même à température ambiante, elle dégage une belle odeur de céréales torréfiées, très agréable. A la dégustation, ces notes se retrouvent et perdurent, accompagnées par le plaisir procuré par cette mie légère et cette croûte fine mais présente. De plus, sa conservation est excellente.
Comme d’habitude, il n’y a pas de mystère à tout cela : on ressent autant le savoir-faire et la passion de l’artisan que la qualité des matières premières employées (en l’occurrence, une farine de tradition Label Rouge Bagatelle).

Au delà de la baguette, il ne faudrait pas pour autant négliger les autres pains, car la gamme est assez large : petits pains, pains aux céréales et fruits secs, pains biologiques (le pain à l’épeautre ne manque pas de saveur), ciabattas, … C’est une bonne chose, car cela permet toujours de changer de saveurs jour après jour. A noter cependant une petite tendance à « fariner » excessivement certains pains, ce que je ne trouve pas très pertinent.

Alexine propose également une courte gamme de pâtisseries simples mais à la réalisation honnête, telles que des tartes aux fruits de saison. L’offre sucrée s’étend bien entendu du côté de la viennoiserie, réalisée également à partir de farine Label Rouge. Tout cela pourra satisfaire d’éventuelles envies gourmandes, sans se ruiner ni chercher des produits excessivement compliqués.
Pour les touristes ou travailleurs affamés, les sandwiches, salades et tartes salées présentent un bon rapport qualité-prix, alliant fraicheur et diversité. Il n’y a pas de mystère : chaque midi, la queue s’allonge devant la boutique, avec la présence de nombreux habitués des lieux. Une formule formant un repas complet rend l’offre encore plus attractive.

Bien entendu, tout cela ne serait rien s’il n’y avait personne pour le servir. De charmantes jeunes filles assurent l’accueil et la vente avec dynamisme, politesse et efficacité. Il y aurait de quoi être rebuté par l’attente, mais tout cela passe vite et bien, avec une certaine chaleur humaine malgré l’affluence. On ressort donc satisfaits, une baguette sous le bras et un sourire en prime.

Infos pratiques

40 rue Lepic – 75018 Paris (métro Abbesses, ligne 12) / tél : 01 42 55 08 05
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La baguette de tradition est une vraie réussite : dorée, craquante, savoureuse (belles notes de céréales, de noisette), mâche agréable (mie légère et alvéolée)… On prend beaucoup de plaisir à la déguster simplement rompue du bout des doigts, simplement. Il ne faudrait pas pour autant en oublier le reste de la gamme de pains, aux céréales, fruits secs ou farines diverses (épeautre, sarrasin…), qui ne manquent pas de qualités. J’apprécie également les nombreux formats proposés (petits pains, différentes tailles de miche), qui permettent de ne pas acheter de trop grosses quantités et de varier les plaisirs.
Accueil ? Les jeunes demoiselles font merveille au service, qui est efficace et fluide malgré l’affluence, tout en offrant sourire et convivialité.
Le reste ? Les produits sucrés sont simples et efficaces, bien réalisés. Tartes aux fruits, viennoiseries… tout y est pour satisfaire une envie gourmande, dans l’instant. Les sandwiches et en-cas salés ne déméritent pas et font le bonheur des travailleurs ou touristes du quartier, conjuguant tarifs attractifs, qualité et fraîcheur.

Faut-il y aller ? La baguette de tradition vaut le détour, c’est une belle réalisation et Alexandre Planchais prouve ici tout son savoir-faire d’artisan. Le reste est dans la même lignée, les produits sont réalisés avec honnêteté, sans que les tarifs s’envolent (la tradition est à 1,05 euros, c’est très raisonnable). L’accueil complète bien le tableau et contribue à faire d’Alexine une boutique bien mignonne, où l’on prend plaisir à se rendre régulièrement.

C’est beau, une fraise. Entre sa robe rouge vif, son pédoncule d’un vert tranchant, sa forme qui invite à croquer le fruit… Un véritable appel à la gourmandise, instantanée et sans artifice, quelque chose de simple et de vrai.
On peut aussi choisir de l’habiller, de l’accompagner avec divers fonds de pâte ou crèmes… Chantilly pour certains, pâtissière pour d’autres, dans tous les cas, c’est un fruit qui aime être sublimé, le risque demeurant toutefois de le perdre parmi toutes ces préparations.

En pâtisserie, le fraisier fait partie des grands classiques du répertoire français. Génoise, crème mousseline, fruits et parfois pâte d’amande, voilà pour l’interprétation traditionnelle. Comme vous le savez sûrement, la tendance de ces dernières années est de revisiter les classiques pour les adapter aux goûts du jour, souvent les alléger et les désucrer.

Christophe Adam, l’ancien chef pâtissier de Fauchon, s’est appliqué à cet exercice en créant le Carrémenfraise. Sa composition : Biscuit à la pistache et aux zestes d’orange, mousse légère à la vanille de Bourbon et fraises fraîches. Bien entendu, le visuel fait également partie de l’aspect créatif, en adoptant une disposition un peu surprenante mais assez amusante.

Je dois dire que j’ai trouvé l’ensemble assez réussi, surtout pour quelque chose venant de la maison Fauchon. Tout d’abord, la mousse à la vanille est effectivement très légère, ce qui diffère nettement d’un fraisier traditionnel, où la crème est généralement assez dense. C’est une affaire de goûts, mais j’ai préféré cette texture, la fraise étant moins « perdue » dans un ensemble riche et épais. Le parfum de vanille est bien présent, ce qui s’associe très bien avec le fruit. Par ailleurs, ces fraises, sans être exceptionnelles, étaient mûres et avaient une saveur agréable.
Autre originalité, le biscuit moelleux pistache et ses zestes. L’idée est bien trouvée, cela apporte un peu de tonus à l’ensemble et souligne agréablement le goût des fraises. L’association pistache-fraise, assez fréquente, fonctionne toujours aussi bien.

Pour une fois, j’ai été assez satisfait de mon achat chez Fauchon, même si le prix demeure très élevé pour quelque chose d’assez classique. Le Carrémenfraise est une pâtisserie fraiche et agréable à déguster en cette saison, même si l’on peut dire que le temps n’a pas été particulièrement clément avec nous ces dernières semaines.

Carrémenfraise, Fauchon – Paris 8è, 6,5 euros la part individuelle. Egalement disponible en entremet pour plusieurs convives.