Ah, le titre de Meilleur Ouvrier de France ! Je dois dire que je ne lui porte pas un amour fou, car il donne tout de suite de l’importance à un artisan, notamment auprès de sa clientèle, alors que cela n’est pas toujours mérité. Plus je visite les boutiques d’artisans ayant obtenu ce titre, plus je suis convaincu qu’il tient au final plus du concours de beauté qu’autre chose. En réalité, et je vais certainement me répéter encore une fois, l’important est de réaliser une production quotidienne de qualité. Pas de briller une fois dans l’année ou dans une carrière. Les hommes parvenant à obtenir une telle récompense ne sont certainement pas mauvais dans leur métier, bien au contraire, ils possèdent des compétences techniques indiscutables mais cela ne présume pas de leur capacité à les mettre en pratique par la suite. De plus, ils sont souvent tentés d’ouvrir plusieurs boutiques, ce qui leur faire perdre le contrôle de la qualité des produits.
Ce problème, c’est un peu celui que l’on retrouve chez Boris Portolan. Ce boulanger, installé depuis novembre 2004 avenue Secrétan dans le 19è arrondissement, a « trouvé sa voie » à l’âge de 20 ans, après un voyage aux USA. Formé au Centre de Formation des Apprentis de l’INBP, il réalise son apprentissage puis multiplie les expériences, notamment au Moulin de la Vierge, en Pologne, en Autriche, mais également chez Thierry Rabineau à Paris. Pour compléter sa formation initiale de boulanger, il passe un CAP de Pâtissier et devient formateur dans l’école où il avait appris le métier, l’INBP. C’est également à ce moment là qu’il débute la préparation du concours de Meilleur Ouvrier de France, qu’il obtiendra à 26 ans, en mars 2004, après plus de 18 mois d’entrainement.
Nous sommes aujourd’hui en novembre 2011, les années sont passées par là et 7 ans après l’ouverture de sa boulangerie, l’artisan semble s’être lassé de la vie parisienne – c’est tout du moins ce qu’il indiquait dans un portrait publié sur le blog de son ancien CFA. Il a d’ailleurs ouvert deux boutiques en province, dans un centre commercial de Pont-du-Casse et à Foulayronnes. Difficile de penser qu’il soit possible de suivre la production de points de vente aussi éloignés. Il faut faire un choix, et M. Portolan semble avoir fait celui de s’intéresser à ses nouvelles boutiques, d’après ses propres dires. Sans même ses propos, il aurait été possible de le deviner. Dans la boulangerie de l’avenue Secrétan, le pain et le reste des gammes n’affichent pas une forme resplendissante.
A commencer par la baguette de tradition, à la cuisson très aléatoire. Souvent assez peu cuite, elle n’en possède pas moins une croûte épaisse, presque croquante et non croustillante. On y retrouve également une pointe d’acidité, une mie assez alvéolée et une saveur de froment relativement présente. Le problème réside principalement dans la mâche, rendue plutôt désagréable par la croûte trop marquée. Certains jours, la baguette exprime également un arrière goût de fumée, assez étrange et plutôt malvenu.
La spécialité de la maison, la baguette Secrétan – mélange de farine de tradition et de farine Bio (oui, mais de quel type ? difficile d’obtenir plus de détails), est mieux réalisée, sa cuisson est généralement plus aboutie, même si l’acidité y est plus présente. Le reste de la gamme ne présente pas d’intérêt particulier, on y retrouve divers pains aux céréales, une ciabatta, un pain de mie au tournesol et des pains au levain. La réalisation est plutôt moyenne, le façonnage pas toujours très élégant et, là encore, les cuissons aléatoires. Les tarifs, quant à eux, grimpent rapidement.
Si l’on s’intéresse au sucré, on constate que les pâtisseries ne font pas l’objet de finitions exemplaires, en plus d’être embuées dans une tradition poussiéreuse (je pense notamment aux tartes aux framboises recouvertes d’une épaisse couche de gelée). Les viennoiseries ne présentent pas beaucoup plus d’intérêt, même si les croissants sont à peu près corrects, malgré leur aspect un peu pâle.
Des formules déjeuner sont proposées, mais les sandwiches ne sont pas spécialement attirants.
L’aménagement de la boutique n’est pas forcément des plus heureux, entre sa devanture marron foncé et ses lumières crues, en plus d’un espace exigu. Cela pourrait être compensé par un service chaleureux et impliqué, or, nous sommes bien loin d’être en présence de telles qualités. Au contraire, le couple de vendeuses ne cesse d’être désinvolte, offrant à la clientèle une considération plus que limitée. On ressort de la boulangerie de Boris Portolan un peu perplexe.
Infos pratiques
29 avenue Secretan 75019 Paris (métro Bolivar, ligne 7bis ou Jaurès, ligne 2) / tél : 01 42 40 23 86
ouvert du mardi au samedi de 7h à 20h15 ; le dimanche de 7h à 14h.
Avis résumé
Pain ? La spécialité de la maison, la baguette Secrétan, est plutôt correcte, acide sans trop l’être et relativement savoureuse. La tradition est, quant à elle, très particulière et possède une croûte trop marquée, peu croustillante, ce qui rend la mâche légèrement désagréable. Néanmoins, on y retrouve des saveurs agréables, le froment s’exprime bien, en plus d’une pointe d’acidité. La gamme est assez large, déclinant pour la plupart des classiques de la boulangerie française. Attention cependant au tarifs, qui grimpent rapidement sur les pains spéciaux.
Accueil ? Désinvolte, ayant une fâcheuse tendance à converser en face de la clientèle. Cela ne met pas à l’aise, car on sent bien que les vendeuses réalisent ici un métier de façon « contrainte », sans en retirer un quelconque plaisir. Au final, l’ambiance dans la boutique n’est pas très agréable et l’on en ressort peu satisfait.
Le reste ? Que ce soit du côté des pâtisseries ou des viennoiseries, les produits ne sont pas vraiment soignés ni intéressants. Les prix sont, quant à eux, bien trop élevés pour le résultat présenté. Les formules déjeuner – intégrant un des sandwiches de la maison ne sont pas très attirantes non plus.
Faut-il y aller ? Le pain est juste correct, le reste beaucoup moins… Cela en fait ni plus ni moins une boulangerie de quartier, sans relief ni intérêt particulier. Le service est dans la même lignée, en plus d’être particulièrement désinvolte. Au final, M. Portolan peine à convaincre, même s’il n’est certainement plus souvent dans sa boutique parisienne pour s’assurer de son bon fonctionnement.