A force de parcourir Paris, d’observer les gammes de produits développées par les artisans, de goûter et d’expérimenter, j’ai fini par reconnaître des signatures simplement en pénétrant dans certaines boulangeries. Des intitulés, des façonnages, des pains spéciaux reprenant des saveurs et des couleurs similaires, on comprend rapidement que les sources d’inspiration de nombre d’artisans demeurent limitées. Cela signifierait-il pour autant que le métier de boulanger consiste au final à appliquer toujours les mêmes recettes, à « tourner en rond » ? Certainement pas, il y a des milliers de façons de développer son individualité… mais ce n’est pas le débat du jour.

Sur la place Victor Hugo, dans le 16è arrondissement, la boulangerie-pâtisserie-salon de thé A la Petite Marquise affiche une façade bien moderne pour un établissement qui a un vécu, une histoire. « Depuis 1936 » comme l’indiquent les sachets de pain remis aux clients. Bien entendu, le lieu devait évoluer et il s’est offert une grande rénovation au cours de l’été 2010. A présent, la clientèle est reçue dans un cadre plutôt élégant, associant dorures, tons clairs et foncés. Cela ne dénote pas dans le quartier.

A quelques mètres d’autres « institutions » boulangères telles que Béchu et Carton, on peut dire sans se tromper que le style est ici résolument plus moderne, ce qui n’est pas un mal. On sent, dès que l’on pénètre dans la boutique, une autre dynamique.
Cela commence par les produits. Je vous parlais en introduction d’une signature, ce n’est pas sans raison. On trouve ici quelques pains qui sembleraient sortis tout droit d’une boulangerie Kayser, telle que la fameuse tourte de Meule, représentée dans la plupart des boulangeries de l’enseigne. Le pain au Sarrasin reprend également une grande partie des caractéristiques du « Rustique » de la maison. Même constat pour les Pavés au Noix, aux Olives ou aux Figues, Ciabatta et autres pains au Fromage. Cette inspiration semble avoir une explication toute trouvée : l’actuel propriétaire de cette boulangerie n’est autre que l’ancien dirigeant des sandwicheries Midoré… reprises depuis par le fameux groupe Kayser. Le monde de la boulangerie est tout petit, voyez-vous.

Ce qui nous intéresse, ce sont les saveurs, la qualité des produits. En l’occurrence, c’est somme toute assez correct sans pour autant relever de l’exceptionnel. La baguette de tradition est de bonne facture, assez douce et craquante, même si sa cuisson mériterait d’être bien plus aboutie. Cela a pour conséquence d’en limiter la conservation et les arômes, ce qui est tout à fait regrettable. Ce manque de cuisson se retrouve malheureusement de façon généralisée sur les pains proposés ici, mis à part sur les grosses pièces, telles que la tourte de Meule ou de Seigle. Pour autant, le pain au Sarrasin n’en demeure pas moins agréable, avec une belle présence du blé noir. Plusieurs des pains spéciaux sont réalisés à partir d’une pâte de type viennoise, ce qui leur confère un caractère moelleux et doux que l’on pourra apprécier ou non. Leurs tarifs ont une fâcheuse tendance – commune dans le quartier – à grimper rapidement.

La pâte feuilletée ne semble pas être le point fort de la maison, puisque les viennoiseries ne présentent aucun intérêt particulier, même si elles affichent quant à elles de belles teintes dorées. Mieux vaut donc passer son tour. Si l’on continue dans le domaine des douceurs, une gamme de macarons aux couleurs peu engageantes est proposée. Tapageur, cela semble être le maître de mot du secteur sucré de la Petite Marquise, puisque c’est également de cette façon que l’on peut qualifier les pâtisseries, même si elles n’en demeurent pas moins soignées et plutôt bien finies. Rien de bien innovant côté saveurs, ce sont des classiques parisiens, que ce soit sur le registre du classique (éclairs, tartes…) ou du contemporain (simili-Ispahan, …). Si l’on dépasse le simple aspect visuel, la dégustation n’offre pas une expérience exceptionnelle. Passons sur le cas des tartes aux fraises nourries aux hormones
Pour le traiteur, du classique. Des sandwiches, quelques en-cas, des fougasses aux herbes et quelques torsades garnies. Cela se tient, mais les tarifs représentent un frein considérable à l’achat.

Le service est d’une belle efficacité, très professionnel. Il ne faut pas en attendre une grande chaleur humaine, surtout aux heures d’affluence (et il y en a de nombreuses !), mais le travail est bien fait. La clientèle est servie comme il se doit, rien de spécial à signaler.

Infos pratiques

3 place Victor Hugo – 75116 Paris (métro Victor Hugo, ligne 2) / tél : 01 45 00 77 36

Avis résumé

Pain ? Acceptable, les façonnages sont plutôt élégants, même si les cuissons sont trop courtes sur les petites pièces (pavés, baguettes, bâtards divers…), ce qui ne permet pas aux pains et aux croûtes d’exprimer tous leurs arômes. La gamme est assez étendue, et on y retrouve la « signature » de l’enseigne Kayser, notamment au travers de la tourte de Meule, le pain au Sarrasin (équivalent du Rustique), les pavés aux Noix, Olives ou Figues… Côté conservation, c’est acceptable, tout comme les tarifs qui restent dans la moyenne du quartier. Pour le goût, même constat, cela se déguste sans difficulté. Les pains sont dépourvus d’acidité (travail sur levain liquide, « à la Kayser »), la baguette de tradition offre une croûte fine et une grande douceur, même si son caractère n’est pas très marqué.
Accueil ? Le service est efficace, professionnel. Il ne véhicule pas une grande chaleur humaine mais le travail est fait comme il se doit, la clientèle est respectée.
Le reste ? Passons notre tour sur les viennoiseries, sans intérêt, même si bien cuites. Elles n’offrent aucun plaisir particulier une fois en bouche. Pour les pâtisseries et macarons, les couleurs sont bien trop tapageuses pour être honnêtes, même si les finitions sont tout à fait correctes. Finissons par le traiteur, où l’on retrouve divers sandwiches, quiches et autres fougasses aux herbes. Acceptable, mais les tarifs ont tendance à rebuter.

Faut-il y aller ? La Petite Marquise nous offre une maison plutôt bien tenue, bien moins « poussiéreuse » que ne peuvent l’être Bechu ou Carton, installés quelques mètres plus loin sur l’avenue Victor Hugo. Les tarifs sont bien sûr à la « hauteur » du quartier, même s’ils demeurent assez sages comparés à certains de ceux pratiqués par ces deux confrères. On aura plutôt tendance à privilégier le pain et le salé que le sucré, plutôt moyen même si bien fini visuellement. Nous dégustons avant tout avec nos papilles…

Billets d'humeur

10
Mar

2012

Paris, tendance mouton

6 commentaires

Ma vraie vocation, dans la vie, ce serait éleveur de troupeau. Vous savez, les transhumances, les alpages, les grands espaces, cette solitude, perdu parmi ces bêtes. Se lever le matin et profiter du paysage. Laisser le temps filer, tout simplement. Chaque région a ses troupeaux. Ils prennent des formes différentes, sont plus ou moins agités et ont des caractères plus ou moins poétiques.

A Paris, ce sont les hommes, femmes, résidents ou touristes qui se rassemblent et forment un assemblage – certes disparate – plutôt agité, souvent bruyant, et très pressé sans être rapide. Comme si la « ville lumière » exerçait sur eux une pression et une force incroyables.
Au final, cela semble les porter à agir de façon relativement peu rationnelle, à se presser aux mêmes endroits aux mêmes moments… ce qui, en plus de renforcer cette impression de « troupeau », les conduit à attendre encore et encore, ce qui ne manque pas d’échauffer les esprits.

Tenez, un exemple concret : ce week-end, « the place to be », c’est certainement le « Carnaval Colette », organisé à l’occasion des 15 ans du fameux concept-store de la rue Saint-Honoré. Au programme, une belle brochette de marques toutes plus tendance les unes que les autres, quelques rendez-vous ponctuels au fil des deux jours… et surtout beaucoup de monde, de l’attente pour entrer, et des ballons bleus qui trainent un peu partout. Vu la foule, personne ne profite de rien, mais on pourra dire « j’y étais ». Voir – ou plutôt ne rien voir – et être vu. Le propre de la tendance parisienne.

Peu à peu, le goût des adresses authentiques se perd, il n’y a pas besoin de chercher puisque l’on nous dit où il faut être, ce qu’il faut consommer et de quelle façon. Dans ce jeu, c’est à qui aura la meilleure agence de Relations Publiques, puisque ce sont elles qui font et défont les tendances. Communiqués de presse, portages divers, organisation d’événements dédiés aux divers blogueurs, journalistes et influenceurs… Tout est bon pour parvenir à leurs fins. Après tout, quoi de plus normal, elles ne font que leur travail. Simplement, dans ce même travail, l’objectif est de mettre en avant des clients au détriment de ceux qui n’ont pas les moyens de déployer tout cet arsenal médiatique.

Le cas de la boulangerie est symptomatique : la plupart des artisans n’auront jamais la possibilité d’accéder à de telles prestations, et ils sont donc condamnés à demeurer « dans l’ombre » de quelques boulangers. Pourtant, leur travail est souvent de meilleure qualité, on se sent mieux dans leurs boutiques et on profite tellement mieux de l’ensemble. En réalité, on en profite vraiment, tout simplement. L’effet pervers de la tendance et de la mode, c’est que beaucoup se laissent porter par des avis positifs recueillis ici ou là, sans que l’on apprécie particulièrement le produit au final. C’est bon parce qu’on nous a dit que cela devait l’être. Dès lors, il faut s’extasier, chanter les louanges, déposer un peu de bave au sol, c’est le minimum que l’on puisse faire pour reconnaître le caractère exceptionnel de l’endroit. Parmi les derniers exemples en date, l’emballement autour des ‘burgers gourmet’, avec une pluie de restaurants ouverts les uns à la suite des autres. Blend, le Camion qui Fume, … Il fallait en être, au risque de paraître ringard, même si tout cela est un peu… lourd, à plusieurs points de vue.

Les guides et blogs participent allègrement à ce « mouvement », en tant que pourvoyeurs de bon goût. Sans vouloir me défendre d’agir de façon totalement différente, j’espère tout de même m’inscrire dans une autre démarche, en cherchant justement à « découvrir » et pas seulement à suivre et recopier les communiqués de presse sans forcément visiter les lieux-dits. Ca n’est pas toujours facile, puisqu’il faut réfléchir, essayer et parfois vivre quelques expériences plutôt désagréables… mais la vie n’est pas parcours pavé d’or, et c’est certainement en se trompant que l’on apprend à mieux apprécier lorsque l’on trouve un vrai bon produit, une vraie bonne adresse. Tout le monde ne peut pas se le permettre, faute de temps – et le temps est un luxe dans nos sociétés modernes -, pour autant il faudrait certainement que l’on se donne à nouveau la possibilité d’ouvrir un peu le champ de nos possibles, de nos envies, de nos sens… sans quoi l’on finira par vivre dans une cité complètement aseptisée, dominée et régie par le bon vouloir de quelques instances médiatiques et financières. Des créateurs de troupeaux, des éleveurs de mouton… Un programme bien peu réjouissant.

L’argent et les enjeux financiers écrasent les hommes. C’est un des maux principaux de notre société, et nous devons malheureusement vivre avec, l’accepter et continuer à avancer. En matière de boulangerie, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’argent tient une place importante. Les enjeux sont énormes : la variation des cours du blé de ces derniers mois l’a bien montré, et le secteur de la meunerie ne se contente pas de fournir de la farine, il développe ses activités bien au delà, notamment dans les projets d’installation des artisans, en leur proposant divers fonds de commerce et même en finançant leur installation.
Dans ce contexte, où est l’humain, que représente une petite boulangerie ? Pas grand chose. Ma crainte est qu’au final le secteur finisse écrasé par ces préoccupations qui sont bien loin de porter un quelconque retour au goût et à des produits bons et sains pour les consommateurs.

Face à cela, quelques projets se développent dans une autre éthique, et c’est tout à fait ce que je peux rechercher en tant que painrisien et citoyen. Souvenez-vous, je vous avais parlé il y a quelques mois de la Conquête du Pain, une boulangerie autogérée à Montreuil. Cette petite entité continue à s’épanouir discrètement, à quelques mètres de la station Croix de Chavaux sur la ligne 9, en s’intégrant à la vie sociale et associative locale. Par exemple, la galette des rois aura été l’occasion d’aller à la rencontre des personnes âgées ou des plus jeunes… Une belle façon de partager des produits gourmands et de sortir de la simple relation commerciale que peut entretenir une boulangerie avec ses clients. Je n’avais pas eu l’occasion de vous faire partager quelques images de ce lieu, voilà un manque que je corrige aujourd’hui.

Dès que l’on entre dans cette petite boutique d’angle, on sent que quelque chose de différent se passe. Dans quelle autre boulangerie ai-je pu trouver des tracts anarchistes ou bien des livres « en libre circulation » (via le réseau Bouq’Lib’) ? Aucune. Comme j’ai pu l’écrire précédemment, la boulangerie ce n’est pas seulement de la technique, c’est aussi de l’humain et de l’esprit. On retrouve bien les deux ici. Peut-être est-ce pour cela que le pain est bon, aussi, et que la clientèle est fidèle. Les habitudes de chacun sont connues et le service est presque amical, chaleureux, maîtrisant ses produits sur le bout des doigts.

Parlons-en, d’ailleurs, des produits. Cette « boulangerie révolutionnaire » aime bien surprendre les papilles et appliquer les mêmes principes anarchistes du côté des saveurs. Ainsi peut-on découvrir des pains au potiron, une « brioche serpent » au caramel, mais aussi des créations sorties toutes droit de l’imagination de boulangers un peu spéciaux, comme ce surprenant pain au riz au lait, miel et riz soufflé.
Le résultat est plutôt curieux. Cela n’a pas à proprement parler de croûte, le pain est cuit dans un moule qui forme ses « extrémités » au goût de caramel, le reste étant constitué d’une « mie » très blanche, collante et quasiment dépourvu de tenue. Au goût, on obtient un parfum presque vanillé, le miel fournit quelques notes sucrées. Cela se mange sans façon, avec ces quelques éclats de riz soufflé qui apportent un peu de craquant à l’ensemble. Drôle de gourmandise.

Les livres "en libre circulation"

Bien entendu, on trouve également des produits plus classiques, même si les noms restent assez originaux. Baguette Baobab ou Préhistorique (mélange de farines T80 et T65), Sarrasin de l’Espace, Arbre, Tourte Auvergnate, pains aux céréales, Blumblum (équivalent du pain noir)… Le choix ne manque pas et on appréciera les cuissons bien abouties ainsi que les façonnages plutôt réussis sur les pièces les plus volumineuses. Côté saveur, conservation et qualités de la mie, cela se tient très honorablement.
L’ensemble des pains sont réalisés à partir de farines biologiques, ce qui fait partie de l’engagement de la boulangerie, qui parle de l’importance de la qualité et de la salubrité des matières premières employées.

Les sandwiches proposés le midi expriment également un certain caractère communiste, qui peut prêter à sourire. On déguste ainsi un Louise Michel, un Lénine ou encore un Marx, pour des prix tout à fait raisonnables. Les plus gourmands pourront les intégrer dans des formules, rien de révolutionnaire là dedans.

Je pense que ce type de structure correspond tout à fait aux valeurs que doit porter la boulangerie aujourd’hui et demain : partage, humanisme et liberté, tout en proposant des produits sains et de qualité. Quand on prend en compte les aspects politiques se rattachant au pain, on ne peut que trouver l’idée pertinente et digne d’être reproduite ailleurs. J’en parle et je trouve important que l’on mette en avant de telles initiatives face à des entreprises où les salariés ne sont pas respectés, et qui vantent pourtant la qualité de leurs produits, tout en affichant des tarifs élevés et des marges confortables. Il est dans l’intérêt de tous de sortir de l’ombre de tels schémas.

Infos pratiques 

47 rue de la Beaune – 93100 Montreuil (métro Croix de Chavaux, ligne 9)
ouvert du lundi au vendredi de 11h30 à 14h et de 16h à 20h.
Actualités, horaires et détail des produits sur leur blog : http://laconquetedupainmontreuil.wordpress.com/

Plus d’informations dans mon premier billet : Détours en banlieue : La Conquête du Pain, Montreuil, une boulangerie révolutionnaire

Les douceurs et l’univers du sucré font souvent remonter à l’enfance, aux souvenirs de goûters partagés en famille ou entre camarades. Nous en avons plus ou moins partagé, selon nos parcours personnels, mais cela demeure malgré les années et le fait que nous devenions « adultes ». Le goût est une éducation qui débute dès l’enfance, et je pense d’ailleurs que cela devrait être mieux pris en charge dans l’enseignement donné au sein du système scolaire, mais c’est un autre débat.

Dans le 17è arrondissement, c’est une sympathique boutique qui est dédiée aux enfants que nous avons, que nous sommes, ou que nous espérons rester. Du moins, son nom indique cette vocation : « Les Enfants Gâtés », installée au 7 rue Cardinet, dans le 17è arrondissement, propose aux gourmands des gammes qui ne manqueront pas de les faire retourner en enfance, vers ces fameuses saveurs qu’ils gardent précieusement en souvenir.
Gâté, il y a de quoi l’être ou gâter son entourage. Cela peut bien commencer sur place, si l’on se laisse tenter par déguster les douceurs proposées sur place, car l’endroit abrite un espace salon de thé très élégant. On sent une belle volonté de rendre le lieu agréable et propice à la dégustation. En effet, on profite tellement mieux des produits lorsque l’on se sent bien.

On vient surtout ici pour le choix de pâtisseries, assez large en plus d’être bien réalisé. Des grands classiques, telle que la tarte au citron meringuée, à la création « maison » comme le Shuss (biscuit sablé, marmelade d’orange et mousseux au fromage blanc), l’ensemble affiche un visuel soigné et propose des saveurs agréables. Les tartes aux fruits sont de très bonne facture, avec des fonds bien croquants, et certaines d’entre elles sont assez créatives, à l’image de la tartelette poire-griotte. Il y en a pour tous les goûts, et vous trouverez sans aucun doute votre bonheur.
Si l’on s’intéresse au reste des gourmandises, les macarons ne sont pas exceptionnels, en plus de contenir des… fautes d’orthographe dans leurs intitulés. Même constat du côté des viennoiseries, qui sont plutôt médiocres. Les quelques moelleux chocolat-pistache s’en sortent beaucoup mieux, de même que les financiers aux multiples saveurs. Les quelques brioches – feuilletées ou non – se défendent tout aussi honorablement.

La maison a fait le choix de proposer également un choix de pain, certes restreint. Cela tient à peine du service de dépannage, car leur réalisation est plus que moyenne. La baguette de tradition est façonnée de manière plutôt aléatoire, sa cuisson est menée sans grande réussite et les croûtes demeurent désespérément blanches. Malheureusement, les pains spéciaux sont aussi atteints par ce mal et s’avèrent peu séduisants. Je me demande parfois pourquoi s’entêter à proposer ces produits, alors que de toute évidence cela n’est pas leur point fort, et les pains proposés à la clientèle ne seront pas à la hauteur du reste des gammes de la maison. Encore une fois, il faut savoir ce sur quoi on est le plus à même d’apporter quelque chose, une véritable valeur ajoutée. Ne pas trop en faire, car c’est toujours au détriment de la qualité globale des produits : le temps n’est pas extensible.

Pour accompagner ces douceurs, le service est tout aussi agréable et souriant que les photographies d’enfants représentées aux murs. Le personnel est accueillant et souriant, il connaît bien les produits et apporte un conseil avisé à leur sujet. Si l’on fait le choix de déguster sur place, ce fameux service se paie, puisque les produits sont                                                                                                          légèrement plus onéreux, même si l’écart de prix demeure assez raisonnable avec la vente à emporter.

Infos pratiques

7 rue Cardinet – 75017 Paris (métro Courcelles, ligne 2 ou Wagram, ligne 3) / tél : 01 47 63 55 70
ouvert du mardi au samedi de 8h à 19h30, le dimanche de 8h à 13h30.

Faut-il y aller ? Les Enfants Gâtés est un sympathique salon de thé, proposant une belle gamme de pâtisseries, jouant aussi bien sur les registres classiques (tartes aux fruits, entremets traditionnels tel que le Royal ou Mont-Blanc) en y apportant une touche de modernité que dans le domaine de la création avec des associations de saveurs et textures bien trouvées, tout en offrant un niveau de sucre mesuré. Les prix sont plutôt doux et se placent dans une bonne moyenne parisienne.
Les viennoiseries sont beaucoup plus décevantes, leur façonnage est plutôt hasardeux et seules les brioches s’en sortent un peu mieux. On préférera se tourner vers les quelques gourmandises simples qui les accompagnent, tels que des financiers aux multiples parfums ou des moelleux chocolat-pistache. Le pain fait plutôt de la figuration, offrant juste un service de dépannage. Mieux vaut s’adresser à un artisan boulanger dont c’est la spécialité.
L’accueil et le service sont, quant à eux, de très bon niveau et rendent l’expérience agréable, et renforcent la tentation de s’arrêter quelques instants dans l’espace salon de thé – aménagé avec goût et élégance – pour déguster une douceur. Voici donc une boutique complètement gâteau… et des pâtisseries qui vous gâteront à coup sûr.

A force de traîner dans les boulangeries, les pâtisseries, les laboratoires, les fournils, on peut devenir complètement fou. Cet univers est aussi fascinant que potentiellement dangereux pour la santé mentale de celui qui l’approche. Il y a tellement à faire, à découvrir, à créer ou à recréer…

Dans mon cas, pas de doute, cela fait longtemps que je suis complètement givré, et c’est certainement pour ça que je suis painrisien. Peu importe, si cela peut être utile à quelques uns de mes lecteurs, ça n’est pas tout à fait perdu.
Ce qui est plus inquiétant, ou peut-être rassurant, dans un sens, c’est quand cette folie atteint des entreprises tout à fait sérieuses… Telles que la Maison Pierre Hermé Paris. En réalité, on peut dire qu’ils sont devenus… complètement baba.

Depuis hier, et jusqu’au 29 avril, le célèbre pâtissier parisien propose en effet pas moins de 8 déclinaisons autour de ce monument de la pâtisserie française. Monument certes, mais plutôt mis de côté ces dernières années par les pâtissiers. Il a peu à peu perdu de sa superbe, au profit de produits plus simples à réaliser. Le baba est un maître exigeant, qui nécessite d’être bien imbibé et d’avoir comme base une brioche de qualité pour que l’effet soit réussi à la dégustation, ainsi qu’une crème chantilly bien exécutée. 4 jours étaient ainsi nécessaires pour parvenir à le réaliser… ce qui explique sa lente disparition, en plus d’une tendance à mettre de côté les desserts alcoolisés.

Pendant 8 semaines, ce ne sera pas un mais bien 8 babas aux saveurs créatives qui s’épanouiront rue Bonaparte et rue de Vaugirard. La version traditionnelle bien entendu, mais également 7 créations autour des associations de saveurs développées par Pierre Hermé. Ispahan (Rose-Framboise-Letchi), Infiniment Vanille, Mogador (Chocolat au lait, fruit de la passion et ananas), Chuao (Chocolat noir Chuao & Cassis), Satine (Cream-Cheese, Oranges et Fruits de la passion), Carrément Chocolat ou encore Montebello (Pistache-Fraise), autant de mélanges qui donnent au Baba une toute autre dimension.
Pour les présenter, la maison Hermé avait déployé un dispositif plutôt inédit, avec notamment la distribution d’un dépliant annonçant l’opération, la décrivant et achevant de susciter l’envie par d’alléchantes photographies. Quand je vous disais qu’ils étaient fous, complètement babas de baba.
Je trouve cette démarche tout à fait intéressante et « symptomatique » pourrait-on dire d’une volonté de sortir de l’image de pâtissier-macaronnier que le fameux « Picasso of Pastry » avait pu acquérir au fil des années. Il faut dire que cette mode articulée autour de ces coques de meringue garnies s’essoufflera très certainement avec le temps – peut-être cela a-t-il déjà commencé, d’ailleurs. Dès lors, il devient essentiel de créer d’autres actualités et rendez-vous.

Certes, la pâtisserie que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui ne respecte pas les saisons, puisque les fraises ne devraient pas envahir nos étals comme elles le font pourtant. Néanmoins, après le froid, les courtes journées et le manque de lumière, nous avons parfois envie d’un peu de fraicheur, de couleur. C’est ce qui m’a amené à choisir ce fameux Baba Montebello, associant une Pâte briochée imbibée au sirop au vieux kirsch et à la pistache, des fraises et une crème chantilly à la pistache. Visuellement, la pâtisserie est simple mais réussie. L’ensemble des composants sont présents et s’associent avec élégance. Le vert pâle de la pistache tranche avec le rouge acidulé des fraises. Lors de la dégustation, l’effet se prolonge, puisque la douceur du fruit sec vient contrebalancer la douce acidité du fruit rouge.
La description faite par Pierre Hermé de ce gâteau correspond bien à ce que l’on obtient en réalité : une gourmandise d’une grande fraicheur, très légère et plaisante. La pâte briochée est bien imbibée, moelleuse, et exprime des notes fruitées grâce au kirsch, accompagné de la légère amertume de la pistache. Une chantilly aérienne et mousseuse, peut-être un peu trop, surplombe l’ensemble et enrobe les fruits frais, étonnamment savoureux malgré leur « avance ». On se laisse transporter dans ce monde de douceur, assez peu sucré par ailleurs. Le plaisir est relancé par les quelques éclats de pistache semés sur la pâtisserie, apportant un peu de croquant.
Annoncé comme la plus alcoolisée des variations après la version traditionnelle, le Baba Montebello demeure assez mesuré sur ce point, les fruits étant bien présents.

Une bouchée, puis deux, puis trois… Ce baba disparaît sous nos couverts et notre gourmandise, sans que l’on s’en rende bien compte. Le contrat est bien rempli, on passe un moment agréable et présentation très élogieuse qui nous est faite du produit correspond à la réalité, même si son prix demeure très élevé. Un plaisir éphémère, « rare » et donc précieux… On regrettera simplement sa fâcheuse tendance à laisser échapper son sirop et donc à se répandre dans la boite au cours du transport.

Baba Montebello (association de la pistache & de la fraise), Pierre Hermé Paris – Paris 6è, pâtisserie disponible en version individuelle pour 6,90 euros, et à partager pour 3/4 ou 6/8 convives.

L’organisation des réseaux de boulangeries est un peu complexe et parfois difficile à cerner pour le grand public. Certains laissent beaucoup de latitude aux artisans dans leur gamme de produits ainsi que dans l’aménagement de leur boutique, tandis que d’autres tentent de parvenir à une certaine uniformité, qui les rapprocherait presque d’une franchise.

Au Grenier à Pain, on est un peu entre les deux. Les boutiques reprennent pour la plupart des codes similaires (ambiance « tradition », couleurs marron et crème…) ainsi que des produits « phare » de l’enseigne, tel que le pain de 3. Néanmoins, chaque artisan possède une certaine liberté pour développer sa gamme et ses spécialités. Rue Saint-Charles, le Grenier à Pain « par T. Elma » propose justement ses propres pains et produits en marge des standards de l’enseigne.
Côté aménagement, rien de bien innovant, mis à part peut être les quelques tables que l’on retrouve à l’entrée pour déguster les produits sur place. Mis à part cet élément, souvent impossible à mettre en oeuvre ailleurs faute de place, l’ambiance et les matériaux sont fort similaires aux autres adresses : bois, références au côté traditionnel et rustique (épis de blé, matériaux de boulangerie et de paysannerie en décor…). On retrouve également une caisse avec insertion des pièces, comme dans la plupart des boulangeries appartenant au réseau de Michel Galloyer. Si l’on fait abstraction de ce fait, l’ensemble est plutôt réussi.

C’est certainement sur les produits que cette boutique se distingue : la gamme développée ici en terme de pains varie selon les jours, et c’est bien agréable. On pourra ainsi retrouver au fil de la semaine le Pavé Saint-Charles, la Demoiselle (mélange de farines de meule et de tradition), l’Ardéchois – riche en fruits secs divers, divers pains Bio, des pavés au Levain, une baguette au Sarrasin, un pain de Mie complet… Un bel éventail de saveurs et de propositions qui permet à la clientèle de sortir des sentiers battus de la baguette de tradition. Pour autant, cette dernière est bien réalisée, façonnée avec soin et affichant une belle cuisson. C’est au final une Rétrodor d’excellente facture, sans grande fantaisie mais bien maîtrisée.
Les autres pains sont tout aussi bien réalisés, entre la Demoiselle et son parfum de noisette persistant, les pains au levain plutôt bien équilibrés, l’ensemble offre une belle cohérence et met bien en valeur la farine de la minoterie Viron.

Les viennoiseries ne sont pas en reste, avec des croissants et pains au chocolat de bon niveau, même si le reste est moins intéressant. A noter les sympathiques viennoises au chocolat blanc et leur agréable parfum lacté et vanillé. Si l’on continue dans le sucré, les pâtisseries sont très traditionnelles, loin d’être toutes de saison (je pense en particulier à ces fraisiers et tartes aux fraises présentés dans les vitrines), et sont plutôt soignées. Ce n’est pas ici qu’il faut rechercher des saveurs particulièrement intéressantes, mais cela satisfera sans difficulté une envie gourmande. Les flans, crumbles, financiers ou moelleux au chocolat sont plus dignes d’intérêt à mon sens, car on demeure dans une belle tradition boulangère.


N’oublions pas de nous pencher sur la gamme traiteur, qui propose notamment des sandwiches frais et de qualité, ainsi que divers « croques » (comme un sympathique Croq’Provençal). Quelques salades permettent également de composer un repas léger, tout comme le permettent les yaourts proposés à côté. Les tarifs se situent dans une moyenne très parisienne et sont relativement cohérents avec la qualité des produits.

Rien à signaler du point de vue de l’accueil, la clientèle est servie efficacement et avec le sourire, tout en offrant une bonne maîtrise des produits vendus au sein de la boutique. Cela contribue à donner une belle cohérence à la prestation d’ensemble.

Infos pratiques

134 Rue Saint-Charles – 75015 Paris (métro Charles Michels, ligne 10) / tél : 01 45 77 50 78
ouvert tous les jours sauf le lundi de 7h30 à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme diffère de celle souvent proposée dans les boulangeries Grenier à Pain, et c’est pour notre plus grand plaisir. Chaque jour, des produits différents sont disponibles à la vente : Pavé Saint-Charles, la Demoiselle (mélange de farines de meule et de tradition), l’Ardéchois – riche en fruits secs divers, divers pains Bio, des pavés au Levain, une baguette au Sarrasin, un pain de Mie complet… le choix ne manque pas, et les saveurs non plus, puisqu’elles sont bien présentes, tout comme les cuissons. La baguette de tradition – de type Rétrodor – ne démérite pas pour autant et nous offre un craquant bien agréable, laissant découvrir une mie bien alvéolée. La « Demoiselle », vendue au poids, dégage un agréable parfum de noisette, pour un tarif très raisonnable (5,8 euros le kg).
Accueil ? Sérieux, professionnel et souriant, les clients sont servis efficacement et disposent d’informations pertinentes au sujet des produits proposés dans la boutique. Rien à signaler.
Le reste ? Les croissants et pains au chocolat sont de bonne facture, même si le reste des viennoiseries est plus banal. On notera toutefois la présence d’une sympathique viennoise au chocolat blanc, tout en douceur. Les pâtisseries sont traditionnelles, plutôt bien finies et soignées, même si l’on aimerait qu’elles soient plus respectueuses de la saisonnalité des fruits – un mal de plus en plus commun malheureusement. La gamme traiteur est à l’avenant, avec des sandwiches frais et bien vus, ainsi que quelques croques et salades alléchants.

Faut-il y aller ? Voici une belle adresse pour le réseau Grenier à Pain, qui en compte d’autres un peu plus décevantes, comme j’ai pu le décrire précédemment. La boutique est bien tenue, le pain met bien en valeur la farine de la minoterie Viron et les croûtes bien ambrées ne tranchent pas dans ce décor très « tradition » voulu par l’enseigne.

Certains événements donnent des couleurs aux villes, par leur portée et leur animation. Un carnaval, un défilé et la cité s’enflamme. Bon, n’exagérons rien, mais tout de même. Un peu de mouvement est toujours le bienvenu.

Bienvenue à Europain 2012 !

Depuis le 3 mars, un bien curieux défilé se déroule d’ailleurs à Villepinte, dans le Nord de Paris. Une ville peinte en pain… Passons sur les jeux de mots, il s’agit d’un événement tout à fait sérieux, en l’occurrence l’Europain 2012, la grand messe des acteurs de la boulangerie-pâtisserie. Jusqu’au 6 mars, ce salon est un peu « the place to be », autant pour les artisans que pour les fournisseurs du milieu. Tout le monde y est : meuniers, industriels fournissant des solutions surgelées, fabricants de fours et matériaux divers, aménageurs de magasins, écoles de formation… Il faut un peu faire son marché pour ne pas être débordé par la quantité d’exposants et le flot d’informations qui en découle. Chacun voit midi à sa porte : certains privilégieront les équipementiers, d’autres les fournisseurs d’ingrédients divers, tandis que les boulangers travaillant sur un projet d’installation iront s’adresser aux meuniers.

Difficile d’exprimer un avis sur un tel salon, tant il présente un éventail diversifié d’acteurs et de visions de la profession. On peut toutefois tenter d’en dégager quelques tendances de fond, des mouvements et des directions dans lesquelles la boulangerie s’oriente. Il faut en effet écrire directions, le pluriel prend ici tout son sens, et toutes ne sont pas orientées de la même façon. Tandis que certains tentent de porter la profession vers le haut, certains semblent plutôt satisfaits de la situation actuelle et ne voudraient surtout pas que cela change.

Sur le "village" Banette

C’est d’ailleurs par là que l’on commence. En pénétrant dans le Hall 4, on est immédiatement accueilli par le « village » Banette. Il est tout à fait à l’image de l’empire et de la puissance qu’a pris le groupement, aujourd’hui constitué en majorité par des moulins de grande taille, tels que Axiane Meunerie ou les Grands moulins Aubry. Pas question pour cette entreprise de faire les choses à moitié : sur son stand, on retrouve l’ensemble des activités du « groupe », entre l’école de formation et les concepts de boutique, tout en mettant l’accent sur sa force de communication, développée notamment au travers de son statut de Fournisseur Officiel du Tour de France. Je ne vois pas ici des personnes cherchant à faire évoluer le pain et la boulangerie : dans la boutique de démonstration, les mixes sont mis en avant et distribués à tour de bras dans des sacs à l’effigie de la marque. Il ne serait pas question de chercher à développer chez les boulangers un quelconque esprit, les encourager à développer leurs recettes et leur identité, bien au contraire : il faut que le consommateur puisse retrouver la même gamme d’un bout à l’autre du pays. Même constat du côté d’acteurs tels que Copaline, Festival des Pains, Soufflet / Baguépi ou encore Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains. Chacun propose ses solutions clés-en-mains, il ne reste plus qu’à l' »artisan » à suivre les modes d’emploi, mettre son épouse ou une vendeuse à la caisse, et le tour est joué. Est-ce ainsi que l’on avancera vers une boulangerie concentrée sur le goût, la qualité nutritionnelle et plus globalement sur l’idée que chacun de nos artisans peut être unique ? Certainement pas. Pourtant, c’est bien dans cette voie que nous devrions nous engager, il en va de la survie de la profession : à force de proposer une offre ennuyeuse, peu qualitative aux consommateurs, ceux-ci finiront par se détourner des petites échoppes, au profit de la praticité offerte par les grands distributeurs.

Le stand des Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains

Fort heureusement, d’autres acteurs tentent de changer les choses et s’inscrivent dans une toute autre dynamique. Chez des meuniers comme les moulins Bourgeois, Decollogne, Foricher, Fouché, … le discours est bien différent. Il est question de qualité, d’authenticité, de sélection du blé… Autant de choses qui ont du sens et devrait entrainer les boulangers dans une dynamique positive pour tous. Pas de mystère : ces acteurs de la meunerie fournissent la plupart des adresses citées ici.

La maquette du nouveau moulin de chez Decollogne

En marge de ce « débat », il est aussi important de s’intéresser aux fournisseurs de produits finis. Bien sûr, Coup de Pâte, Bridor et autres créateurs de pains et gourmandises industriels sont représentés. Chez Coup de Pâte, on pousse le vice jusqu’à développer des concepts de magasin articulés autour de leurs gammes de produits, en les mettant en scène comme s’ils revêtaient un quelconque caractère authentique. Au vu du monde présent sur leur stand et de l’activité de leur équipe commerciale, ce discours ne semble pas laisser insensible nombre d' »artisans » et entrepreneurs de la boulangerie. Bridor développe une démarche plus qualitative et créative, notamment au travers de son partenariat avec Lenôtre et avec le développement de produits originaux (comme de petits pains parfumés, au citron et au thym, entre autres).

Sur le stand Bridor, du surgelé "haut de gamme"

Les meuniers ne sont pas en reste pour proposer leurs gammes de viennoiseries surgelées (Recettes de Mon Moulin chez les GMP, notamment), ce qui est assez inacceptable à mon sens : comment pouvoir prétendre défendre l’artisanat ensuite ? L’argent et le profit sont décidément le coeur des préoccupations de ces entreprises, rien d’autre.

La Boulangerie de la Place selon Coup de Pâtes, alors que cela ne pourrait pas être nommé ainsi dans la réalité (législation quand tu nous tiens)

La tendance est clairement au Biologique : chacun dégaine sa gamme certifiée, alors que cela ne signifie pas pour autant que les produits sont meilleurs. Les consommateurs sont rassurés, mais si cela ne s’accompagne pas d’une vraie démarche de qualité et de goût, cela ne vaut rien. Heureusement, quelques acteurs « historiques » de la minoterie Biologique relèvent le niveau et permettent de sortir des mixes fraichement développés par les mastodontes du secteur.

Sur le stand Bio des Moulins de Brasseuil (enseigne l'Artisan Bio)

Côté pâtisseries, là encore il y a du choix, plus ou moins qualitatif. Des entreprises telles que PCB Création sont parvenues à exceller dans le visuel, mais je ne suis pas certain que le goût soit toujours à la hauteur des promesses faites par cette apparence séduisante. Là encore, il y a quelques questions à se poser : pourquoi se tourner vers ce type de solution, alors qu’il serait souvent préférable de rester dans des gammes de produits plus simples et « boulangères » (tartes, pâtes à choux…) qui permettraient d’assurer une fabrication 100% maison ?

Frédéric Lalos en pleine action chez Philibert Savours

Au détour des allées, on découvre aussi des associations pas toujours très heureuses. Lorsque l’on voit Frédéric Lalos oeuvrer sur le stand de Philibert Savours et proposer l’un des pains développés dans ses boutiques du Quartier du Pain (le Longuet est en effet présent au catalogue Philibert, sous le nom de Campasine), on peut s’interroger sur la véracité de l’engagement qualitatif de ce Meilleur Ouvrier de France, car cette entreprise utilise tout bonnement le levain comme un additif, destiné à donner du goût, le détournant de ses qualités premières. Il faut croire que certains, arrivés à un certain niveau de visibilité et de reconnaissance, se laissent porter par leur succès et acceptent des contrats qui ne sont pas toujours à leur honneur.
Avant d’en arriver là, c’est par les écoles de boulangerie qu’il faut passer, et elles sont représentées sur le salon, à l’image de l’INBP qui réalise des démonstrations. Elles prennent également part aux concours organisés tout au long de l’Europain. Coupe du Monde de Boulangerie, Mondial des Arts Sucrés, Coupe de France des Ecoles… Les événements ne manquent pas et ponctuent la vie du salon.

Pains snacking créatifs chez Eric Kayser

Au delà des fabricants de chocolat, confiseries et autres gourmandises qui ont l’habitude d’innover dans les saveurs et les formes, la création s’invite également du côté du pain, et on peut ainsi découvrir de nouvelles façons d’en déguster. A mon sens, c’est tout bonnement vital pour donner envie aux consommateurs d’en manger plus régulièrement, et surtout en plus grande quantité. Pains de mie marbrés aux différentes saveurs (légumes, encre de seiche…) sur le stand Foricher, soupière en pain pouvant être mangée chez Eric Kayser, … les idées ne manquent pas et j’espère sincèrement que ce bouillonnement intellectuel de leurs démonstrateurs saura faire mouche auprès des visiteurs du salon.
En innovation, on peut aussi citer les machines toujours plus perfectionnées développées par les équipementiers, à destination des acteurs de la boulangerie industrielle. Rien de très heureux là dedans, je ne peux pas dire que voir des baguettes sans vie tomber dans des bacs soit un spectacle réjouissant pour moi, mais à chacun son métier, après tout…

Une terrifiante machine chez un équipementier pour la boulangerie industrielle

Comme vous l’aurez compris, Europain nous propose un environnement très riche, entre « tradition » et innovation, entre boulangerie consciente des enjeux à venir et volonté de perdurer sur les mêmes recettes qui ne peuvent que nous conduire à une catastrophe future. Je finirai par un clin d’oeil souriant aux stands plutôt délaissés par les visiteurs au sein de ce salon… et notamment à celui de la confédération, où l’équipe de M. Crouzet n’avait pas fort à faire.

Le stand de la confédération, assez déserté.

Il est toujours intéressant d’aller plus loin que les communiqués de presse, de tester par soi-même les produits que l’on nous présente, de vérifier la véracité – ou non – des démarches que l’on nous présente. Parfois on se rend compte que tout est survendu, surfait, dans d’autres cas on peut apprécier la cohérence entre l’annonce et la réalité.

Je vous avais déjà parlé de l’ouverture de la boulangerie Kayser au sein du centre commercial Bercy Village. Enfin, boulangerie-restaurant serait plus exact. Une place importante est en effet dévolue à cette seconde activité, ce qui est relativement logique compte tenu du lieu d’implantation. Le jour de ma visite, le pain « signature » du lieu, le pain de Bercy, n’était pas disponible.
Depuis, un communiqué de presse décrivant le lieu et cette fameuse création est paru. Celui-ci met l’accent sur la sélection toute particulière de la farine utilisée, « issue des premiers broyages, riche en oligoéléments, utilisée uniquement par la maison Kayser ». On peut également noter la forme choisie, devant imiter un grain de blé.

Je ne peux que saluer la démarche adoptée ici, visant à mettre en avant le choix d’une farine et son mode de fabrication, ce qui demeure encore trop rare à mon sens. J’ai souvent l’occasion d’en parler ici, mais cette matière première (et les blés dont elle est issue) est tout bonnement essentielle pour réaliser un pain de qualité, savoureux et intéressant sur le plan nutritionnel. Certes, des labels existent, même s’ils ne sont pas toujours synonymes de qualité (pour le Bio, notamment). Pour autant, nous devrions systématiquement indiquer les types de farine mis en oeuvre pour la réalisation de chaque pain, car le consommateur est en droit de détenir ces informations lors de son achat.

Depuis mon premier passage, la situation a évolué et ce fameux pain de Bercy est bien disponible à la vente. Première caractéristique, il est vendu au poids, pour la somme de 5 euros le kg. Chaque pièce est donc différente, plus ou moins conséquente. Même si le façonnage en « forme de grain de blé » paraît un peu abstrait dans les pains, les pains sont élégants et les cuissons bien menées, comme sur l’ensemble de la gamme ici. En effet, autant les baguettes que les pains spéciaux sont réalisés avec soin dans cette nouvelle boulangerie. Espérons que ce niveau de qualité se maintienne avec le temps, de même que le service.
Sans connaître les détails au sujet de ce fameux pain, on est tout d’abord séduit par sa croûte bien craquante et son doux parfum de blé. En l’ouvrant, on découvre sa mie sauvage et très alvéolée, souple et plutôt légère sans être grasse. Peut-être pourrait-on lui reprocher d’être un poil sèche, mais cela tient d’une affaire de goût. Si on la détaille de façon plus approfondie, on note également que l’on retrouve des petites « enveloppes » qui « marbrent » la matière. Cela tient probablement au processus particulier mis en oeuvre pour obtenir la farine utilisée ici.

A la dégustation, la promesse d’un pain de table est effectivement tenue. Le pain de Bercy est très doux, à peine laisse-t-il exprimer une note d’acidité très subtile en fin de bouchée. Il exprime avant tout une saveur très « pure » de blé. Ici, pas de notes de crème ou de beurre comme on peut parfois en ressentir. C’est la céréale dans son plus simple appareil qui s’offre à notre palais, pour un résultat très agréable. La croûte est également bien présente, au travers de son caractère craquant et de sa belle cuisson, permettant l’expression de quelques notes de torréfaction agréables, qui apportent un peu de chaleur en contraste avec le caractère plutôt brut des autres saveurs.
L’effet de cette farine dépasse donc le simple argument santé développé par l’entreprise. En effet, si l’on met cette particularité à part, on retrouve la plupart des « standards » Kayser (utilisation de levain liquide pour la fabrication du pain, longue fermentation, …). Pour autant, tous les pains de la maison n’expriment pas ce caractère et cette « pureté » en bouche. A noter également la très bonne conservation de ce produit.

Cette nouvelle adresse tient donc ses promesses de qualité et de standing sur le pain, car elle semble avoir été conçue comme étant une véritable « vitrine » du savoir-faire de la maison en terme d’aménagement et d’offre de produits. Deux bémols néanmoins, les horaires et jours d’ouverture particulièrement larges (7h à 23h tous les jours) qui ne me semblent pas très réglementaires (un jour de fermeture hebdomadaire n’est-il pas imposé pour les boulangeries ?), et le risque -comme partout- de voir cette qualité s’effriter avec le temps. Au delà de ça, espérons que cette démarche tendant à valoriser une farine se développera, autant au sein de cette entreprise qu’ailleurs.

Pain de Bercy, Eric Kayser – Bercy Village – Paris 13è, vendu au poids – 5 euros/kg.

Il me semble que la pire des choses dans la vie d’un consommateur est de se retrouver face à un mensonge qui aura pour conséquence de rendre son choix orienté selon des intérêts qui ne sont pas les siens, et qui ne le conduiront pas forcément à la satisfaction de son besoin de base. Malheureusement, certaines entreprises ont une fâcheuse tendance à agir ainsi.

Dans le cas présent, on pourrait parler d’un mensonge par omission, mais je trouve que ce n’est pas tellement mieux ni honorable. Quand on passe devant le Pain Complet de Paris, dans le 18è arrondissement, on pense avoir affaire à une boulangerie traditionnelle, dotée de plus d’une superbe façade à l’ancienne. Nul doute que cette boutique a une histoire, qui dépasse bien celle de son exploitant actuel. En effet, l’endroit n’est plus vraiment une boulangerie, du moins selon la loi, puisque le pain n’est pas réalisé sur place. Les établissements Moulin sont en effet propriétaires des lieux depuis quelques années et y proposent leur gamme de produits biologiques.
Beau – bon – Bio à la fois annonce la devanture. J’aimerais le croire, mais plusieurs éléments me font douter vis à vis de cette affirmation, qui aurait du mal à être différente venant de l’entreprise elle-même. Avez-vous déjà entendu un commerçant dire que des gammes de produits étaient de mauvaise qualité, qu’elles ne présentaient aucun intérêt ? Personne n’a envie de se tirer une balle dans le pied, et c’est bien normal.

Le problème, c’est que le pain que vous retrouvez ici est distribué dans nombre de magasins biologiques de la capitale et même de la banlieue. Depuis son site de production de l’Oise, Moulin fournit en effet l’ensemble des boutiques Naturalia, et également d’autres distributeurs tels que les magasins Biocoop et quelques indépendants. Difficile dès lors de prétendre respecter un processus entièrement artisanal, au vu des volumes à produire. De plus, il n’y a rien de très local dans cette démarche, puisque le pain doit voyager une certaine distance avant d’être proposé à la vente. Pas certain que ce soit tout à fait l’esprit originel de la Bio, qui cherchait plutôt à mettre en avant les produits locaux. Certes, l’Oise n’est pas si éloignée que cela, mais tout de même.

Au delà de ces considérations, intéressons nous aux produits. Identiques à ceux proposés en magasin Bio, ils se déclinent en de nombreuses variations, mettant en oeuvre diverses farines (plus ou moins complètes, de diverses céréales (Sarrasin, seigle, Kamut, et même plus inhabituel Teff, Riz ou Quinoa)…) mais aussi des fruits secs. Des pains sans gluten sont proposés, ce qui est sans doute le plus intéressant pour les intolérants. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon avis au sujet de ces produits, mais il n’empêche que je dois parler de ceux proposés ici, au Pain Complet de Paris. Assez secs, relativement acides et denses, ils peinent à justifier les tarifs élevés auxquels ils sont proposés. Leur conservation n’est pas excellente, car leur caractère sec ne fait que s’accentuer, ce qui a pour effet de produire un résultat assez étouffe-chrétien le lendemain. Ici, pas de tradition, uniquement des produits réalisés sur des farines au minimum demi-complètes. Les baguettes sont donc « de campagne » au minimum.

Bien sûr, l’adresse ne se contente pas de proposer les pains de chez Moulin, elle offre aussi à la clientèle les différentes tartes sucrées et salées, viennoiseries et autres sablés développés par l’entreprise. La constante ? Le tout est sec, rien de bien agréable à la dégustation dès lors. Les différentes tartelettes ne s’en sortent pas trop mal cependant, et il est plutôt sympathique de pouvoir les déguster sur place, grâce aux tables et chaises disposées face à la vitrine. Les prix restent difficiles à justifier du fait du caractère peu artisanal de l’offre. On trouve aussi diverses céréales en vrac ainsi que de la farine, des biscuits pré-emballés ou encore des pâtes, ce qui est plutôt surprenant pour ce qui est avant tout une « boulangerie » et non pas une épicerie. Même remarque pour les paniers de fruits et légumes Bio qui sont proposés via le Campanier.

Quant à l’accueil… contentons-nous de dire qu’il a tendance à être aussi sec que le pain vendu, à croire que l’un influe sur d’autre. Cependant, la clientèle est tout à fait respectée et servie avec une certaine efficacité – c’est le principal, après tout.

Infos pratiques

59 bis rue du Mont-Cenis – 75018 Paris (métro Jules Joffrin ou Lamarck-Caulaincourt, ligne 12) / tél : 01 42 52 22 29
ouvert du lundi au vendredi de 9h à 20h, le samedi de 9h à 19h.

Avis résumé

Pain ? Ici, nous sommes presque dans le show-room de cet « industriel » du pain Biologique, les établissements Moulin. On y retrouve toute leur gamme, très diversifiée : diverses farines, plus ou moins complètes, diverses céréales (Sarrasin, seigle, Kamut, et même plus inhabituel Teff, Riz ou Quinoa) mais uniformément sèche, dense et assez acide. Rien de bien intéressant là dedans, d’autant que ces gammes peuvent être retrouvées en magasin Biologique, même si les tarifs sont certainement plus élevés du fait du nombre d’intermédiaires.
Accueil ? Le service a tendance à suivre la même tendance que le pain : assez sec, il est néanmoins efficace et les produits sont extrêmement bien maîtrisés. La clientèle est respectée, le tout est sérieux, c’est donc plus qu’acceptable.
Le reste ? Moulin propose également des viennoiseries et tartes sucrées ou salées qui sont revendues dans certains magasins Bio. On les retrouve au Pain Complet de Paris, avec l’avantage de pouvoir les déguster sur place, grâce à quelques chaises et tables. L’occasion de profiter du décor qui, il faut l’admettre, parvient à donner plus de charme aux produits. Malgré tout, rien de bien exceptionnel. Plus surprenant, des graines et céréales en vrac ainsi que de la farine, des biscuits pré-emballés ou encore des pâtes sont vendues dans la boutique, ce qui donne une sensation plutôt étrange : sommes-nous dans une « boulangerie » ou dans une épicerie biologique ?

Faut-il y aller ? Très honnêtement ? Cela ne présente pas beaucoup d’intérêt, mis à part pour le décor. Certes, la devanture est superbe, la boutique a certainement une belle histoire, mais les produits, qui, je le rappelle, ne sont pas fabriqués sur place mais dans l’Oise, ne sont pas à la hauteur de la promesse faite par un tel lieu, ce que l’on ne peut que regretter. De plus, il suffit de se rendre dans un Naturalia ou une Biocoop pour en retrouver la plupart…

Mon propre courage m’étonne parfois. Je ne pensais pas parvenir un jour à visiter tous ces salons, en sachant que je risquerai d’y être dégoûté, malmené, surpris, dépité. Après tout, je me dis qu’il faut de tout pour faire un monde, que si ces entreprises existent, c’est qu’elles ont trouvé leur clientèle. Pour autant, cela ne change rien à la qualité… discutable de leurs produits.

En me rendant au Salon de l’Agriculture, je m’étais préparé. Armure anti-odeurs, filtres visuels… Non, j’exagère. Pour moi, l’essentiel était de voir l’événement sous l’oeil painrisien qui est le mien. Direction donc les hall 7.1 et 7.2 de Paris Expo Porte de Versailles, dédiés aux régions, produits et spécialités. Non pas que les animaux soient inintéressants, mais ce n’était pas l’objet de ma visite. Dès mon arrivée, la zone antillaise me met dans l’ambiance avec son public imbibé de punchs et divers rhums arrangés… Passons.

Dans ces deux pavillons, les régions doivent défendre leurs couleurs, et cela passe par des démonstrations de plus ou moins bon gout. En marge de celles-ci, les producteurs présentent leurs produits. Du vin dans le bordelais, du champagne en Champagne, des charcuteries en Alsace, du foie-gras dans le Périgord, des nougats à Montelimar, des calissons à Aix, … La plupart des spécialités représentées sont bien connues du grand public, mais on découvre tout de même des créations dans des terroirs que l’on croit dépourvus de tout ancrage et de toute authenticité : en Ile-de-France, le coquelicot de Nemours, les roses de Provins, les produits laitiers de la ferme de Viltain, le pain Bio filière Ile-de-France et bien d’autres propositions donnent du sens au ‘terroir francilien’ si cher à certains chefs, comme Yannick Alléno mais aussi bien d’autres ayant fait le choix de se fournir chez nos amis de Terroirs d’Avenir, qui sélectionnent des produits locaux et savoureux.
A l’inverse, certaines régions semblent plutot tentées de mettre en valeur des produits bien industriels, à l’image du Nord Pas-de-Calais, dont le stand présentait nombre de ‘spécialités’ bien aseptisées, sorties tout droit des lignes de production des usines de la région.

Oh les produits du Nord...

Au moins, dans ce cas, la couleur est affichée. Le problème, c’est que ce n’est pas forcément le cas ailleurs, ce qui n’empêche pas de rencontrer une grande majorité de produits douteux, issus d’un terroir bien imaginaire. L’appellation ‘de tradition’ est très en vogue alors qu’elle n’a aucune signification particulière. Il faut rassurer le consommateur, lui raconter de belles histoires, ressortir des grands-mères des placards. Rien de très glorieux dans cette façon d’agir, à mon sens. Le pire est certainement lorsque l’on entame une conversation avec l’un de ces « artisans », qui va alors détailler avec beaucoup d’éloquence son engagement et sa démarche profondément qualitative. Quand on voit le fossé entre le discours et la réalité, on se pose tout de même quelques questions.
Bien sûr, certains produits sont vraiment authentiques, certaines personnes sont honnêtes et vont se donner corps et âme pour proposer à leur clientèle un résultat à la hauteur de leurs espérances. Difficile de les repérer dans cet océan qu’est le Salon de l’Agriculture. Ce ne sont certainement pas ceux qui cherchent à en faire le plus, et leurs produits n’ont certainement pas les plus jolies étiquettes, ni les plus beaux présentoirs. Un peu comme je le fais pour le pain, il faut explorer, sentir, avoir l’oeil ouvert… et écouter, échanger avec les hommes et femmes.

Produits de Seine Maritime

Ce qui est assez impressionnant, c’est l’absence quasi complète des fruits et légumes, mis à part quelques pommes (comme la pomme AOP du Limousin), surprenant et décevant. Il faut croire que cela n’intéresse pas le grand public…
Intéressons nous au pain, tout de même. Il serait difficile de le voir partout sur ce type de salon, étant donné que ce produit nécessite d’être relativement frais, ce serait assez fou d’en proposer arrivé au terme des 8 jours que dure ce salon. La plupart des exposants ne souhaitent pas le cuire sur place, cela nécessiterait en effet une logistique importante et une capacité électrique que l’organisateur ne manquerait certainement pas de leur facturer.
Quelques stands en proposent tout de même, à la manière des exposants de foire, avec des pains à la mine affreuse, secs au possible. Il ne faut pas oublier les sandwiches que s’évertuent à vendre nombre de « restaurateurs » du Salon, car ils sont réalisés à partir de baguettes, pour la plupart. Là encore, rien de bien engageant : du pain blanc, voire industriel, du pré-cuit surgelé… Décidément, les visiteurs ne sont pas gâtés.

Il est beau, il est frais le pain... Ou pas!

Seuls quelques stands sortent du lot. On peut citer celui du Chambre Professionnelle de la Boulangerie-Pâtisserie de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, où des boulangers pétrissent des cuisent baguettes de tradition et pavés tout au long de la journée, vendus à un prix… élevé (1,5 euros la baguette !). Petit problème, l’âge des personnes animant ce stand, on n’y retrouve en effet que des têtes grises. Difficile de donner une image jeune et dynamique de la profession de cette façon, mais je ne suis qu’à moitié surpris : les jeunes boulangers adhèrent difficilement à ce syndicat dont les actions ne les représentent qu’assez peu… Dès lors, peu d’entre eux seraient prêts à s’escrimer dans cette atmosphère bruyante, surchauffée et particulièrement fatigante qu’offre le Salon de l’Agriculture.

Nos têtes grises boulangères d'Ile-de-France

Le moulin Decollogne, spécialisé dans la mouture de farines biologiques à la meule ou sur cylindre, est également présent. L’objectif est d’aller vers le grand public pour développer sa marque en dehors des simples boulangers, et également de mettre en valeur leur engagement ainsi que leur nouvel outil de production bourguignon, situé à Aiserey. Dans cette ancienne usine à sucre, l’entreprise compte se développer et sortir de sa distribution jusqu’alors relativement limitée, et principalement concentrée à Paris et dans sa proche région. L’idée de présenter ce métier en dehors du circuit professionnel est, à mon sens, une excellente idée que devraient suivre leurs confrères. En effet, le consommateur n’a que peu conscience de l’importance de la meunerie dans la qualité du pain fabriqué chaque jour chez nos artisans boulangers. Pourtant, il y a là un sujet central.

Bien sûr, je pourrais aussi parler de boulangeries telles que cette entreprise du Poitou-Charentes, qui cuit ses pâtons sur place… mais le résultat est tellement anecdotique que je préfère passer dessus.

Une "boulangerie" poitevine

Dans tous les cas, l’expérience de cette visite fut intéressante et instructive, et m’a permis d’avoir une vision plus claire et actuelle de notre « artisanat »… malheureusement bien malmené de nos jours. Il faut dire que les consommateurs ont tendance à manquer de clairvoyance dans leurs achats, et se dirigent souvent vers le plus pimpant, brillant et ne cherchent pas à dépasser les histoires qu’on leur raconte. Cette forme de « docilité » est inquiétante, car elle fait le lit des experts du marketing… qui ne sont pas, à l’inverse, des experts des produits de qualité.