On dit souvent qu’il n’y a « rien de neuf sous le soleil ». Sans doute cela s’explique-t-il par la douce langueur qui nous saisit au cours de ces longs après-midi d’été, ou peut-être simplement car tout le monde a quitté son poste, enfilé son maillot et est… parti en vacances. Après tout, il faut bien marquer une trêve, non ?

Certains entrepreneurs semblent avoir décidé de donner tort à cette phrase, car ils ont décidé d’apporter un peu de fraicheur à notre été en choisissant cette période pour ouvrir leur portes, ou leurs « portes supplémentaires » dans certains cas.

Fruits et légumes de compétition chez Terroirs d’Avenir

Commençons par nos amis de Terroirs d’Avenir. Vous ne les connaissez peut-être pas, mais Samuel Nahon et Alexandre Drouard fournissent les plus grandes tables parisiennes. Leur spécialité ? Dénicher les petits producteurs pour proposer à leurs clients un choix de fruits, légumes, viandes et même poissons de première qualité, en mettant en avant des terroirs parfois oubliés. Yannick Alléno, chef du Meurice et plus récemment du Terroir Parisien, ouvert au sein de la Mutualité, compte parmi leurs plus anciens clients.
Les habitués de la boulangerie Du Pain et des Idées pouvaient les retrouver les vendredis après-midi devant la boutique, mais quelques riverains en ont décidé autrement… Néanmoins, l’idée de vendre leurs produits d’exception directement aux consommateurs ne semble pas les avoir quittés, puisqu’ils ont l’intention d’ouvrir leur propre point de vente rue du Nil, dans le 2è arrondissement. L’ouverture devrait avoir lieu d’ici juillet / août.

Une deuxième Chambre aux Confitures

La seconde Chambre aux Confitures prendra la place de la très fameuse boutique... Gerbe.

Autre spécialiste des petits producteurs, Lise Bienaimé régale les gourmands de douceurs sucrées sur la rue des Martyrs depuis plus de six mois à présent. Grande gagnante du Prix Unibail-Rodamco des jeunes créateurs pour l’édition 2011, elle a toutefois choisi de ne pas s’implanter en centre commercial comme offert par ce concours, tout du moins pour le moment. Néanmoins, il était nécessaire de faire grandir la « marque » et cela passe notamment par son expansion géographique. Ainsi, c’est dans le Marais que la seconde chambre devrait ouvrir ses portes d’ici à la fin juin. Située au croisement des rues Vieille du Temple et des Francs Bourgeois, la discrète boutique, voisine du Palais des Thés (un combo idéal pour acheter de quoi accompagner son pain au petit-déjeuner !), est encore en pleins travaux et cela s’active même le week-end. Nul doute que tout sera prêt dans les délais prévus. Autre actualité pour l’entreprise, un nouvel artisan devrait prochainement produire de nouvelles créations, mais chut…!

Un salon de thé près de chez Grégoire (Ferrandi)

Des travaux encore très secrets pour la pâtisserie Colorova !

Enfin, une autre ouverture se profile pour début juillet, cette fois du côté du 6è arrondissement. En haut de la rue de l’Abbé Grégoire – plus précisément au 47, à quelques pas de la station de métro Saint-Sulpice et non loin de la très fameuse Ecole Grégoire Ferrandi (le fameux « vivier » des métiers du goût, d’où sortent nos plus talentueux boulangers et pâtissiers), l’ancien salon de massage relax&vous abritera un salon de thé-pâtisserie nommé Colorova. Ce projet, porté par Guillaume Gil (le fameux macaron Guillaume de chez Acide) et sa compagne, ne devrait pas manquer d’attirer les gourmands, au vu du parcours prestigieux de ces derniers. Formés à quelques pas de leur nouveau lieu d’implantation, ils ont oeuvré dans de grandes maisons parisiennes et notamment dans des palaces étoilés avant de mettre aujourd’hui leur passion à la portée du plus grand nombre. Je ne vous cache pas ma grande hâte de pouvoir déguster leurs douceurs… Suivez dès à présent leur aventure via Facebook : http://www.facebook.com/Colorovapatisserie

L’été promet donc dors et déjà d’être très gourmand… et painrisien !

S’il y a bien une tendance sur laquelle on doit pouvoir s’accorder, c’est l’élargissement progressif des gammes de produits développées par nos artisans boulangers. Le temps où ils proposaient du pain, des viennoiseries et quelques pâtisseries avec éventuellement des quiches et tartes salées en supplément est bien révolu. Aujourd’hui, les boutiques se font de plus en plus sophistiquées, mises en scène, pour mettre en avant des produits toujours plus élaborés – pas toujours artisanaux, d’ailleurs – et source de marge. Dans une ville telle que Paris, il n’y aurait plus beaucoup de boulangeries si elles n’avaient pas su prendre le tournant de la vente à emporter, ou du haut de gamme pour certaines.

Dans cette évolution, certains s’y sont plus impliqués que d’autres. Tout dépend en réalité des objectifs de l’artisan et de sa volonté à se plier à ces contraintes très parisiennes. Bien sûr, les sandwiches sont inévitables, pour autant il n’est pas nécessaire de les développer au point d’écraser le reste.
Chez Paul Soulabaille, dans le 13è arrondissement, on a gardé le goût des choses simples. Ici, pas de boutique remplie d’éclairages modernes, de présentoirs tentant de toujours mieux mettre en valeur le produit, de donner envie à la clientèle. Depuis l’extérieur, on comprend vite où l’on arrive : dans une boulangerie minimaliste, simple et presque « brut de décoffrage ». L’intérieur n’est pas tellement plus avenant : deux présentoirs, une caisse, et au fond… le fournil, ouvert sur la boutique. Le tout est un peu sombre, même si bien tenu.

On retrouve dans les produits cette même simplicité, bien appréciable au demeurant, puisqu’elle semble permettre de proposer un choix honnête. La maison s’est spécialisée dans la réalisation de la gamme Gana, et elle y excelle tout particulièrement.
La fameuse flûte – façonnée également en pavé – développée par Bernard Ganachaud est reprise ici avec talent. Son caractère très croustillant, sa mie cotonneuse, ses arômes marqués de céréales torréfiées (notes persistantes de sésame, notamment) et son excellente conservation se retrouvent bien chez Paul Soulabaille. Les cuissons relativement courtes n’entament pas la qualité de ce produit, même si un peu plus de couleurs sur les croûtes seraient bien appréciables.
Toutefois, ces dernières sont bien représentées sur la gamme de pains spéciaux, à l’image des excellentes boules biologiques proposées par l’artisan, ou encore des déclinaisons autour des fruits secs ou céréales variées (on notera la présence d’un pain à l’épeautre). Les amateurs de moelleux se tourneront vers le sympathique pain italien, un peu brioché, au façonnage ‘tressé’.

Aucune raison de s’arrêter du côté des pâtisseries au vu de la gamme dont les références se comptent sur les doigts de la main. On passera donc sans regret sur ces éclairs « tranchés » pour accueillir leur garniture et ces quelques tartes pour s’intéresser aux viennoiseries et gourmandises. Les croissants et pains aux chocolats sont honorables, mais les gourmands auront plus tendance à se tourner vers les spécialités de la maison, à l’image du chausson italien ou au pruneaux, du délice aux pommes ou encore du roulé cannelle-raisins.
Côté traiteur, pas de fantaisie également, quelques sandwiches, quiches et salades sans grand relief sont proposés aux travailleurs du secteur. L’essentiel est là, cependant.

Si toutefois le lieu n’exprime pas de chaleur particulière, le service peut parvenir à compenser cette absence. C’est le cas ici, avec un accueil souriant et dynamique, à l’organisation bien rodée. Malgré les nombreux habitués des lieux qui se pressent devant les portes de la boutique, l’attente reste courte, sans pour autant que l’on ait le sentiment d’être pressés.

Infos pratiques

112 avenue d’Italie – 75013 Paris (métro Tolbiac ou Maison Blanche, ligne 7) / tél : 01 45 89 70 40
ouvert du mardi au samedi de 7h15 à 20h, le dimanche de 7h15 à 14h.

Avis résumé

Pain ? La « spécialité » de Paul Soulabaille est la flûte Gana (1,20€ les 250g), et il parvient en effet à la réaliser avec brio. On y retrouve bien les caractères qui font la spécificité de cette baguette, travaillée sur poolish : croûte très croustillante, mie cotonneuse, arômes soutenus de céréales torréfiées avec notes de sésame en majeur et excellente conservation. Le reste des pains n’en est pas moins intéressant, avec des boules biologiques très recommandables, un pain à l’épeautre ou encore le très moelleux pain italien, sans oublier les déclinaisons aux fruits secs. Cuissons un peu courtes sur les petites pièces, plus abouties sur les pains spéciaux.
Accueil ? Souriant et chaleureux, il parvient à éclairer cette boulangerie un peu sombre en offrant à la clientèle un service efficace et bien organisé. Le fournil, ouvert sur la boutique, participe à l’ambiance et confère au lieu un caractère authentique loin d’être désagréable.
Le reste ? Inutile de s’arrêter sur les pâtisseries. Les viennoiseries, quant à elles, sont plus avenantes. Au delà des honorables croissants ou pains au chocolat, les spécialités de la maison contenteront les gourmands : chausson italien ou au pruneaux, délice aux pommes ou roulé cannelle-raisins, c’est sur ce terrain que Paul Soulabaille et son équipe semblent avoir choisi d’exprimer le plus d’originalité. La gamme salée, quant à elle, demeure dans l’esprit du lieu : simple et efficace. Quelques sandwiches, quiches et salades, rien de plus.

Faut-il y aller ? Pour l’excellente flûte Gana proposée ici, oui, sans aucun doute ! Les amateurs de ce produit ne seront pas déçus, car il s’agit sans doute de l’une des meilleures de la capitale. Pour autant, le reste des pains n’en demeure pas moins très honorable, de même que les viennoiseries. Une adresse minimaliste et authentique, qui ne s’épanche pas en démonstrations d’un savoir-faire étendu, dont les produits respirent le sérieux et l’amour du travail bien fait.

Tout le monde s’accordera pour dire que les bouquets de fleurs, c’est complètement dépassé. Que ce soit pour l’offrir à l’élue de son coeur, à des amis chez lesquels on se rend, ou encore à un proche, cette attention vue et revue semble à présent fort convenue. A la place, on préfère des cadeaux plus gourmands, pouvant être partagés, consommés sur la durée.

Il en va naturellement de même pour la Fête des Mères. Certes, on pourra considérer que cette date ne représente d’une création commerciale parmi tant d’autres, et qu’il est préférable de l’ignorer. En effet, nous devrions fêter nos génitrices tous les jours de l’année, mais il faut croire que nous avons encore besoin d’occasions pour nous en rappeler. On pourrait bien sûr choisir d’offrir un parfum, une boite de chocolats… mais vivons plutôt le moment d’une façon « painrisienne ».

Offrir du chocolat, pourquoi pas, mais… dans le pain. Les pains au cacao ont de plus en plus la côte chez nos artisans boulangers. L’avantage ? La gourmandise sans pour autant tomber dans la lourdeur de son homologue feuilleté. Vous en trouverez dans les différentes boulangeries de Rodolphe Landemaine, au 134 RdT de Benjamin Turquier (et le dimanche dans son BarAPain attenant), à la Boulangerie Basso, dans le 17è arrondissement, où il s’agrémente de cranberries depuis peu (l’endroit est fermé le dimanche, toutefois), ou encore en banlieue chez Citron Meringué, relevé par une touche de piment d’espelette.

Offrir un coeur « chahuté » pour un dessert tout en fraicheur. Cette année, chez Gontran Cherrier, le dessert du repas de fêtes des mères sera un coeur plutôt… chahuté. En effet, l’artisan boulanger gourmand nous propose une tarte façon cheesecake ornée de fraises… mais aussi de concombre et de feuilles de basilic. Le résultat est surprenant mais savoureux : la douceur du cream-cheese et du fond de pâte (bien beurré) contraste nettement avec la légère acidité des fraises gariguettes et la fraicheur du concombre. Les notes herbacées et presque mentholées du basilic assaisonnent le tout pour un mélange très printanier, boulanger et sans artifice. Pour 15,20 euros la pièce à partager entre 4 convives, c’est une gourmandise accessible.

Offrir un peu de bonheur en pot… à tartiner sur du bon pain au petit-déjeuner. Lise et sa Chambre aux Confitures propose un large choix de créations fruitées que l’on prendra plaisir à partager sur de belles tranches de pain. Un peu de bonheur à partager, qui en plus peut être personnalisé. Certes, c’est un peu tard à présent, mais sachez que vous pouvez réserver une séance de « shooting » afin d’apposer vos propres frimousses sur les pots. Une belle idée pour rendre l’attention toujours plus personnalisée.

Offrir des gourmandises, tout simplement. Au delà des produits proposés spécifiquement pour la fête des mères, nos artisans savent réaliser des créations qui feront toujours plaisir. Quelques propositions sont toutefois plus festives ou inventives que d’autres : les déclinaisons de briochettes de Nature de Pain, rue de Lévis (la saveur vanille-rose sera parfaite en cette occasion !), le chausson Cassis-Violette – très féminin chez des Gâteaux et du Pain, les étonnants pains de Véronique Mauclerc – fleurs, épices, tout y passe !, les nombreuses déclinaisons de cakes chez Gontran Cherrier, Un Dimanche à Paris ou encore dans les maisons Landemaine ainsi que les petites sucreries d’Acide Macaron (macarons détonnants, bien sûr, mais aussi guimauves, cookies régressifs…)… autant d’idées à ne pas oublier pour faire plaisir à coup sûr.

et enfin… Offrir un moment simple et savoureux au coeur d’un marché animé… Cela fait (trop) longtemps que je ne vous avais pas parlé de la fameuse Petite Fabrique du Marché des Enfants Rouges. Carole continue, chaque dimanche, à y régaler les gourmands et gourmandes. A présent accompagnée d’une charmante créatrice de salades inventives et savoureuses, elle saura vous faire passer un beau moment en ce dimanche de fête des mères. Cakes aux multiples saveurs, tartes minute, mousse au chocolat en cornet agrémentée de divers ‘toppings’… tout est aussi beau que bon, en plus d’être servi avec un charmant sourire. Incontournable !

Non classé

01
Juin

2012

Le prix du pain

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Ah, c’est la crise ma petite dame. Les prix augmentent, pas les salaires, nos porte-monnaie sont désespérément vides, … En bref, rien ne va mais nous, nous devons continuer à « aller », ou plutôt à avancer. Pour cela, rien de plus essentiel que de se nourrir. Justement, ce simple fait est rendu plus complexe par l’augmentation du coût de la vie, car les prix des biens de première nécessité est toujours plus élevé.

Le pain n’y échappe pas. A cela, plusieurs raisons : tout d’abord, le cours des matières premières. Celui du blé n’a cessé de grimper au cours des derniers mois. Spéculation, mais aussi véritables enjeux climatiques et mauvaises récoltes, ainsi que des consommations toujours plus importantes, influent fortement sur le niveau de cette valeur. Ainsi, nos artisans finissent par payer leurs quintaux de farine toujours plus chers, même si les meuniers « temporisent » parfois cette hausse, les tarifs étant généralement négociés selon des échéanciers.
La masse salariale est certainement le poste qui pèse le plus lourd dans le prix d’une baguette ou d’un pain. En effet, il faut bien de la main d’oeuvre pour réaliser ces produits, et dans ce métier artisanal, les bons ouvriers se font rare. A Paris, nombre de boulangeries éprouvent d’importantes difficultés de recrutement et tournent sur des équipes réduites de ce fait. Il est fort possible qu’à terme, les bons boulangers se paient à prix d’or, ce qui ne manquera pas d’avoir un impact pour le consommateur.

Néanmoins, les différences entre les boulangeries ne sont pas toujours très lisibles depuis l’extérieur, et le prix est souvent le seul élément de comparaison « objectif » que l’on peut avoir. Il semble donc difficile d’accepter un pain qui paraîtrait similaire le double du prix pratiqué quelques mètres plus loin… et pourtant, d’un fournil à l’autre, tout peut changer.
Tout d’abord, le prix de la farine utilisée par l’artisan. En effet, tous les meuniers ne pratiquent pas les mêmes politiques tarifaires, et dans un sens c’est heureux. La qualité de cette matière première est primordiale, mais elle n’en est pas moins variable. Certains ont fait leur spécialité d’écraser des grains cultivés de façon intensive, aux provenances parfois lointaines. Cet exotisme n’a rien de souhaitable, à mon sens, ne serait-ce que pour des questions d’impact écologique : doit-on accepter que notre pain recueille des ingrédients ayant fait le tour de la planète avant d’arriver dans le pétrin ? Il y a également une question de qualité : un blé produit sur une terre pauvre sera plus difficilement panifiable, apportera moins de saveur et sera moins intéressant sur le plan nutritionnel. Certes, on pourra le payer moins cher, et ainsi proposer un pain plus abordable… mais ne serait-il pas préférable de faire moins pour faire mieux ?
D’ailleurs, sur ce point-là, le pain biologique est souvent plus cher sans pour autant être meilleur. La démarche dans laquelle il est réalisé doit être plus globale : nous devons aller plus loin et nous engager pleinement. Ainsi, il n’est certainement pas choquant de payer plus de 8 euros le kilogramme de pain dès lors que notre artisan a mené un véritable travail autour de son produit. Cela passe par la farine – biologique, oui, mais encore doit-elle l’être réellement et issue de blés français, cultivés dans le respect de la terre et de l’agriculteur (il existe en effet des affaires de « trafic » de blés non-biologiques dont la certification a été obtenue après un « passage » de l’autre côté des Alpes…) –  mais aussi par le processus de fabrication. Façonnage manuel, longue fermentation… Autant de principes qui auront pour effet direct de limiter la productivité, et donc de faire grimper les prix. Rien de plus normal, en définitive.

En définitive, tout est une question de cohérence, que ce soit pour nous, consommateurs, ou pour nos artisans. De notre côté, notre rôle est de faire preuve d’une certaine clairvoyance en parvenant à placer nos priorités là où elles devraient l’être, c’est à dire dans l’essentiel. En l’occurrence, une alimentation saine. L’argent utilisé ailleurs pourrait être aisément utilisé pour acheter un pain un peu plus onéreux, mais à la meilleure conservation et aux saveurs plus intéressantes. Moins de gâchis et plus de goût, au final, nous ne sommes pas perdants.
Ne voyez pas pour autant dans mon discours un plaidoyer pour un pain élitiste. Il doit toujours demeurer accessible à tous, et je pense que la baguette de tradition doit représenter l' »étalon » du bon pain à la portée de toutes les bourses. C’est pourquoi nos artisans doivent avoir à coeur de la conserver, et de la soigner.
Ils doivent également adopter une démarche plus globale et responsable, que ce soit dans leurs achats d’ingrédients (privilégier le local et une agriculture plus respectueuse du vivant) ou dans la gestion de leur entreprise au quotidien. Certes, on peut faire du pain moins cher, mais cela ne doit pas être au détriment de ceux qui oeuvrent dans les fournils : l’humain n’est pas un facteur d’ajustement, même s’il représente un coût non négligeable. Sans lui, le pain n’a pas la même saveur. Au fil du temps, j’ai compris qu’une boulangerie où le personnel souffre ne peut pas proposer de bons produits sur la durée. Cette « douleur » finit inévitablement par se retrouver en définitive.
Je ne parlerais pas de ceux qui pratiquent des tarifs élevés sans pour autant développer cet état d’esprit. Cela m’échappe, mais c’est ainsi…

Pour les prix comme pour le reste, tout est une question d’équilibre.

La pâtisserie, c’est de la musique, tout simplement. Chaque jour, des orchestres jouent des partitions, les brigades de pâtissiers exécutent des recettes. Dans les deux disciplines, on connaît des classiques. Mozart, Beethoven… en musique, éclairs, millefeuilles et autres tartes aux fruits dans le sucré. Seulement, dans les deux cas, ce qui fait toute la différence, c’est l’interprétation. Selon si l’on met un grand chef ou un novice pour diriger l’exécution du « morceau », le résultat s’en trouvera complètement modifié. Harmonie ou désaccords, deux voies s’ouvrent à nous.

A la Pâtisserie des Rêves, pas de question à se poser. La maison a fait de sa spécialité l’interprétation de grands classiques de la pâtisserie française, version « cinq étoiles ». Philippe Conticini apporte à nos souvenirs gourmands toute sa sensibilité et son savoir-faire, acquis au cours de son parcours prestigieux chez Pelletier ou à la Table d’Anvers.
Au fil des saisons, il décline les fruits en tarte ou en « fruitier ». Cette année, un choix intéressant a été pris puisque les tartes aux fruits sont réalisées dans un format inhabituel et « gourmand », pour deux à trois personnes. C’est assez agréable à la dégustation, puisque le rapport entre garniture et « trottoir » est plus équilibré, en plus de porter une notion de partage bienvenue lorsqu’il s’agit de pâtisserie. Ainsi, les fruits vont se succéder au fil des mois ensoleillés à venir : cela a commencé avec la tarte aux fraises, délicieusement saupoudrée de graines de carvi, ainsi qu’avec la tarte à la rhubarbe, et la valse continue avec les framboises avant de s’intéresser aux fruits noirs un peu plus tard dans la saison. En parallèle, les cerises s’invitent dans les clafoutis, enrichis d’épices et servis dans d’élégantes cassolettes en grès.

Intéressons-nous à cette fameuse tarte aux framboises. Un visuel simple et sobre, nous présentant le fruit dans son plus simple appareil. Ici, pas de gelée pour les couvrir ou compenser un éventuel manque de saveur. La seule note ajoutée est un peu de poudre de thé vert matcha, que l’on peine toutefois à ressentir, du fait du parfum prononcé des fruits.
Justement, ces fameux fruits frais sont d’excellente qualité : des framboises généreuses, fondantes, parfumées et peu acides, des qualificatifs que l’on aimerait associer plus souvent à ce produit capricieux. Combien de pâtisseries ne sélectionnent pas leurs fruits avec attention ? Plusieurs mains ne suffiraient pas à les compter…
A cela, Philippe Conticini a choisi d’associer un fond aussi complexe que finement exécuté : on y trouve ainsi de la crème parfumée à la vanille, un peu de confit de rhubarbe, du beurre d’amandes fraiches et un fond de pâte sablée. Lors de la dégustation, les textures se mélangent et se prolongent de façon harmonieuse. La crème vanille, onctueuse et parfumée, apporte une belle douceur, en contraste avec la rhubarbe acidulée qui vient relever les fruits frais. Le beurre d’amande joue dans le même registre et vient renforcer le parfum de fruits secs concentré dans le fond de tarte. En parlant de beurre, d’ailleurs, ce dernier l’est autant qu’on pourrait le souhaiter, et confère à cette base un véritable caractère. On y trouverait presque un peu de caramel, chose permise par sa belle cuisson. Bien sûr, cela ne serait rien si le tout n’était pas croquant et fin, ce qui est le cas ici.
Chaque « couche » pourrait être dégustée séparément avec grand plaisir, et c’est sans doute ce que l’on s’amuse à faire au fil des bouchées. Cependant, l’accord et l’équilibre qui ont été trouvés ici parviennent à les sublimer chacun à leur tour.

Autre point appréciable, le fait qu’un petit pot de coulis de framboise soit fourni avec la tarte. Il suffit de le mélanger puis de napper le gâteau au dernier moment, avant la dégustation. Bien acidulé, il vient à son tour souligner la saveur délicate des fruits, sans les sucrer à l’excès ou les masquer comme on aurait pu le craindre. Les plus gourmands ne résisteront pas à l’envie de le goûter seul, tant il est léger et velouté.

Bien entendu, reste le point sensible du prix : 18 euros la tarte pour deux personnes, c’est une somme. Cependant, au vu de la sélection des ingrédients, de la qualité des fruits, l’ensemble revêt un caractère plutôt exceptionnel qui parviendrait aisément à justifier la somme. En définitive, M. Conticini propose un gâteau traditionnel… en apparence, car bien peu parviennent à ce niveau d’exécution, et surtout à mettre en avant le fruit sans le dénaturer.

Tarte aux framboises, La Pâtisserie des Rêves – Paris 7è et 16è, vendue pour deux à trois personnes, 18 euros la pièce.

Certaines boulangeries proposent un « concept » plutôt surprenant, un peu hybride entre le restaurant et la vente de pains et gourmandises ou en-cas à emporter. L’un prend souvent le pas sur l’autre, et malheureusement c’est le pain qui finit généralement relégué comme une activité presque accessoire. Tout dépend en réalité de la volonté – ou non – de l’artisan de conserver un certain équilibre entre ses gammes.

A quelques pas des Halles, au détour de la rue des Lavandières Sainte-Opportune, une boulangerie fait l’angle avec la rue Jean Lantier. De l’extérieur, on se demande d’ailleurs si c’est bien un artisan boulanger qui oeuvre ici, puisque la façade nous annonce parmi les activités du lieu celle de… cafétéria. Plutôt surprenant. Néanmoins, cela s’explique aisément par le caractère touristique, dynamique et passant de la zone : inévitablement, pour exister, nos artisans sont appelés à développer leurs activités autour de la restauration. Dans le cas présent, le trait est particulièrement poussé, puisque l’on se croirait presque dans un bistrot, un peu enfermé dans les années 80, comme si le souffle du 21è siècle n’avait pas soufflé ici. Un charme désuet qui se retrouve un peu dans les produits… même si je ne vous cache pas que je préfère des lieux plus « actuels ». Installé ici depuis fin 2008 (Alain Yhuel tenait précédemment une boulangerie au 29 rue Saint-Antoine, dans le 4è arrondissement – le trajet n’aura pas été très long !), l’artisan ne semble pas avoir voulu changer l’aspect du lieu.

Tout d’abord, il semblerait que le temps ait fini par éclaircir les pains et viennoiseries vendus ici… En effet, les cuissons ont plutôt tendance à être courtes, ce qui est synonyme de croûtes claires, voire pâles. Fort heureusement, ce n’est pas le cas sur l’ensemble des produits, et les tourtes de seigle sont aussi caramélisées qu’elles doivent l’être. Malgré tout, la baguette de tradition ne démérite pas et nous offre, en plus d’un façonnage très élégant – élancé et offrant ainsi un rapport mie/croûte appréciable – et de ses croutons « en pointe », une mie fraiche et bien alvéolée, exprimant un parfum de froment soutenu, accompagné de quelques notes de levain. Craquant et bonne conservation sont également au programme, même si l’on aimerait une cuisson plus aboutie.
Le reste de la gamme est plus décevant, et on passera rapidement sur les pains dits de campagne, sur le pavé de Châtelet et autres propositions aux céréales ou petits pains variés. Néanmoins, la tourte de Seigle est honorable, et le pain « Volcan », une douce spécialité à la mie douce et soyeuse sans être grasse (un peu de crème fraiche y est incorporée) et enrichie de nombreux éclats d’amande et de noisette, accompagnera avec chaleur les petits-déjeuners.
Dans tous les cas, on peut apprécier le fait qu’Alain Yhuel ait fait le choix de proposer une gamme assez développée de pains, malgré l' »importance » des autres activités qu’il développe.

En effet, si l’on s’arrête ici, c’est bien souvent pour y prendre un café ou déguster un repas simple, qu’il soit gourmand ou plus conventionnel. De nombreuses tables sont disposées dans l’établissement, ainsi qu’en terrasse. Cela permet de s’arrêter quelques instants pour profiter des croissants généreux et au feuilletage bien développé que l’on trouve ici, et qui méritent bien leur récent classement au concours du Meilleur Croissant Francilien (Alain Yhuel y a en effet été classé 4è), même si leur cuisson mériterait – là encore – d’être plus poussée pour développer leurs arômes. Le reste de la gamme demeure de bon niveau, sans élément particulier cependant.
Un rapide tour d’horizon des pâtisseries, lesquels déclinent tartes aux fruits, éclairs, religieuses babas ou forêts noires. Des classiques honnêtes, dans une bonne moyenne. N’y cherchez pas de fantaisie, nous sommes là dans le périmètre de la tradition pure et simple.

La boutique ne pourrait pas arborer sa vocation de cafétéria sans proposer des en-cas salés. Ainsi, la maison Yhuel a développé une large gamme de sandwiches, dont une partie sur base de pains spéciaux (moelleux type bun, pain aux olives, …). Quiches, croque-monsieur, cakes salés, salades ou encore fougasses, tout est là pour composer un repas en variant régulièrement les plaisirs. Produits frais et soignés, rien à redire, tout comme sur les tarifs qui demeurent dans une moyenne acceptable, d’autant plus compte tenu du quartier. Les formules déjeuner débutent à 5,40€.

Pour servir la clientèle nombreuse et souvent pressée, un personnel efficace et bien formé s’active derrière les comptoir, tout en faisant preuve d’une belle patience, ce qui n’est pas toujours facile à l’heure des repas. Les produits et leurs spécificités sont bien maîtrisés, les questions à leur sujet répondues sans aucune difficulté ni hésitation. De plus, on appréciera le fait que tout soit en accord avec le lieu, sans artifice particulier ni mondanités.

Infos pratiques

11 rue Jean Lantier – 75001 Paris (métro Châtelet – Les Halles, métro lignes 1, 4, 7, 11 et 14 ou RER A, B et D) / tél : 0142338268

Avis résumé

Pain ? La baguette de tradition (1,15€ les 250g) s’en tire très honorablement, avec une saveur de froment agréable, quelques notes de levain sans acidité, un façonnage élancé et élégant offrant un rapport mie/croûte mettant bien en valeur la croûte fine et craquante. On regrettera simplement sa cuisson un peu courte, à l’image du reste de la gamme, qui a tendance à afficher une pâleur maladive. Néanmoins, sa conservation est très correcte. Dans le reste de la gamme, rien de bien intéressant, mis à part la tourte de seigle plutôt correcte, et un amusant « pain Volcan », très moelleux, à la crème fraiche et aux éclats d’amande et de noisette.
Accueil ? Le service est efficace tout en n’oubliant pas de conserver un caractère humain et patient. Bien sûr, la clientèle nombreuse et la diversité des produits à servir ne facilite pas des échanges de longue haleine, mais l’organisation et la formation du personnel, visiblement en poste depuis plusieurs années, aide à rendre l’attente agréable et modérée.
Le reste ? Alain Yhuel s’est distingué à plusieurs reprises, et cette année encore, pour la qualité de ses croissants. Effectivement, on trouve ici des produits au feuilletage d’excellente facture, même si là encore un peu plus de cuisson serait appréciable. Quelques spécialités, tels que des feuilletés au citron ou aux poires-chocolat complètent la gamme gourmande, conjointement aux brownies et autres cakes. Les pâtisseries sont honnêtes, très traditionnelles, cela peine à attirer l’attention de façon particulière.
Le salé occupe une place importante dans les présentoirs, et pour cause : c’est là une des activités principales de la maison, du fait de son large espace dédié à la restauration sur place et à sa vocation de… cafétéria. Cakes salés, quiches variées, fougasses, salades composées ou au poids, sandwiches divers (moelleux, baguettes, pains spéciaux…), je pense que l’on peut dire que rien ne manque, et que l’ensemble des appétits seront satisfaits. L’ensemble est soigné et sérieux.

Faut-il y aller ? La maison Yhuel propose des gammes de produits plutôt cohérentes, larges et proposées à des tarifs relativement abordables. On pourra reprocher le caractère un peu traditionnel de l’ensemble, et l’aspect « dépassé » du lieu, mais cela n’en demeure pas moins une boulangerie sérieuse. Le seul point noir demeure le fait que ce lieu perd presque sa vocation première, à savoir vendre du pain. La plupart des produits issus de la panification sont en effet désespérément blancs et dépourvus d’intérêt. Mieux vaudra se concentrer sur les viennoiseries, la baguette de tradition ou les en-cas.

Le mélange des genres n’est jamais souhaitable. Que ce soit en politique, en art ou même en gastronomie, il faut savoir rester à sa place et ne pas utiliser son nom et sa notoriété pour défendre l’indéfendable… ou vendre un produit qui constitue en définitive l’opposé de ce que l’on devrait réaliser. Pourtant, c’est une pratique de plus en plus fréquente, et l’argent semble vraiment faire tourner toutes les têtes.

En parlant de tête, je crois que j’aimerais voir moins fréquemment celle de Frédéric Lalos, car j’ai l’occasion de la retrouver sur des produits et des présentations dont la nature ne sont pas vraiment faits pour me plaire.
Je vous avais un peu parlé dans un billet précédent des « travers » de ce Meilleur Ouvrier de France boulanger, plutôt enclin à utiliser son col en toute occasion. En commentaire, un de mes fidèles lecteurs avait rapidement évoqué la gamme développée en partenariat avec Monoprix.

"Le pain n'est bon que s'il a du goût", voilà une phrase qui restera dans les annales !

C’est lors d’un passage sur l’avenue de l’Opéra que j’ai eu l’occasion de découvrir cette charmante gamme… et le dispositif de communication que l’on y a adjoint. En effet, on ne peut pas dire que l’enseigne ait lésiné sur les moyens pour mettre en avant les mérites de ces produits. Etiquettes distinctes, petite brochure destinée aux clients, larges visuels fièrement ornés du nom de M. Lalos… Rien ne manque pour tenter de séduire.
Le problème, à mon sens, est que tout cela a une fâcheuse tendance à brouiller les cartes, d’autant plus auprès des consommateurs peu au fait du fonctionnement de la « boulangerie » au sein de ce type de magasin. On pourrait en effet croire que les pains proposés dans le cadre de cette gamme sont artisanaux, réalisés par les équipes de Frédéric Lalos pour le compte de Monoprix. La réalité est bien sûr tout autre, puisque ce sont des pâtons réalisés en industrie, puis livrés et cuits en magasin. D’ailleurs, le livret l’évoque de façon plutôt vague « l’ensemble des pains ont été pré-cuits sur four à sole »…

Les déclinaisons de pain de Frédéric Lalos pour Monoprix Gourmet

Frédéric Lalos a tout de même apporté son expertise dans la réalisation des recettes et mise en place des process, ce qui aboutit à produire une certaine notion « d’industriel haut de gamme », avec utilisation de farines de tradition sans additif, de levain naturel ou encore l’application d’un façonnage manuel pour certains pains. Nous sommes bien loin des produits remplis d’additifs et d’améliorants de panification comme nous pouvons souvent en rencontrer dans ce type de lieu, mais ce n’est pas pour autant que tout cela est vraiment « rose » : doit-on utiliser sa notoriété d’artisan pour de telles choses ?

La justification qui est apportée ici est de défendre avant tout le bon pain, et de faire en sorte de le proposer à un public toujours plus large. Seulement, ces produits ne sont pas les plus accessibles, leur tarif dépasse même ceux pratiqués en boulangerie artisanale ! Difficile, dès lors, de croire en ces beaux discours.
Je passerai sur les phrases presque « nunuches » dont est truffé ce petit livret… même si j’ai beaucoup aimé cette prompte déclaration : « le pain n’est bon que s’il a du goût ». Avez-vous déjà trouvé quelque chose de bon qui n’aurait pas de goût ?
De plus, tout cela fait travailler une certaine « filière » que Frédéric Lalos a développé au fil du temps : les fameux levains utilisés doivent certainement provenir tout droit de chez Philibert Savours, les pâtons transformés chez Bridor (avec qui il a développé une gamme « signature »)… A l’image du travail réalisé autour de la Fournée, la très fameuse machine à pain mise au point avec Moulinex.

Le pain plié par Frédéric Lalos... Ce fameux levain ne viendrait-il pas de chez Philibert Savours ?

Je ne cherche pas à faire un mauvais procès aux produits industriels, car il est malgré tout possible de faire du « moins pire », et c’est le cas ici. Pour autant, on doit toujours garder à l’esprit que la boulangerie artisanale doit être bien distinguée de cette filière, sinon quoi le consommateur pourra être toujours plus tenté de se tourner vers ce qui est le plus pratique, c’est à dire tout acheter au même endroit… en l’occurrence, dans son supermarché.

 

Certains artisans parviennent à faire cohabiter harmonieusement les cultures au sein de leur fournil et de leur boutique. J’aime cette capacité et cet esprit, qui dénotent un certain caractère exceptionnel chez ce boulanger, qui démontre que ce métier ne s’exerce pas seulement sur un plan technique, mais aussi par des touches de sensibilité, de singularité.

Ainsi, dans quelques adresses de la capitale, épices zaatar côtoient pains « melon » asiatiques, les noix rencontrent le sirop d’érable, ou encore… les azukis sont travaillés à côté des pommes. C’est précisément le cas chez Jean-Paul Mathon, au sein de sa boulangerie La Gambette à Pain, du 20è arrondissement. Je vous avais parlé de sa fameuse galette des rois à l’azuki, au miel et au sésame, aujourd’hui c’est une autre de ses créations emblématiques que j’ai choisi de partager.
Cet artisan sait voyager autant que nous faire voyager. Parti un temps apprendre le mandarin – pas banal pour un boulanger ! -, il est revenu poser ses valises à Paris… en faisant tout d’abord un petit tour en Normandie, visiblement.

En effet, dans ce fameux pain Pommes et Cidre, c’est toute cette région souvent embrumée que l’on retrouve. Ce n’est pas un hasard si ce produit a été récemment cité comme l’un de ses pains préférés par Corine Goldberger, journaliste à Marie-Claire, dans les lignes de ce même magazine.
Façonné en bâtard, il nous permet de couper des tranches assez petites pour le déguster progressivement. D’ailleurs, son aspect nous interpelle forcément en boutique : les dés de pomme incrustés dans la croûte sonnent comme un appel à la gourmandise. J’y ai longtemps résisté, étant plutôt réticent à l’idée d’incorporer des fruits plutôt « humides » dans de la pâte à pain. On est parvenu à me convaincre d’essayer, et je dois le dire : j’aime avoir tort quand cela a ce goût !
Justement, la fameuse humidité du fruit nous rappelle un peu la douceur laiteuse de ces matinées où la brume normande nous enveloppe… Délicieux embruns, chahutés ici par des notes d’acidité. Elles proviennent bien sûr du cidre, mais pas seulement. En effet, Jean-Paul Mathon a choisi ici d’utiliser une base de pain au levain, exprimant comme pour le reste de sa gamme une très légère acidité, particulièrement bien maîtrisée. Ainsi, la boisson et les bactéries se rencontrent et se prolongent, le cidre procurant à l’ensemble un caractère presque… pétillant.

La dégustation est ponctuée par les touches caramélisées de la croûte, assez peu présente en texture en tant que telle, car elle est assez fine et perd rapidement de sa consistance du fait de la présence des dés de pomme. Ces derniers fondent en bouche tout en apportant une sensation de sucré-acidulé. Le choix de la variété de fruit (probablement une pomme assez verte) a été réalisé avec soin, et cela se ressent : en effet, une pomme trop douce et sucrée ne serait pas parvenue à créer le même effet.

On peut bien entendu choisir de déguster ce pain en tant que gourmandise, seul, au petit-déjeuner ou au goûter. Une petite noix de beurre demi-sel parvient également à le sublimer, le sel soulignant la saveur des pommes.
Néanmoins, ce serait faire l’impasse sur les nombreuses possibilités d’accord mets-pain que ce dernier nous offre : les plus normands choisiront de l’associer avec un camembert, qui sera alors relevé par le caractère acidulé du pain, tandis que le adeptes du sucré-salé pourront y adjoindre des viandes blanches telles que du poulet. Dans tous les cas, le repas ne manquera pas d’être très gourmand et savoureux… Avec quelques vaches et prairies en fond.

Pain Pommes et Cidre, La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu à la pièce le vendredi uniquement, 2€60 les 250g.

Certaines histoires marquent notre enfance plus que d’autres… En l’occurrence, je dois dire que les Contes de la rue Broca ont laissé une trace assez indélébile, sans bien savoir pourquoi. Peut-être était-ce le fait que cette rue existait, que je pouvais imaginer cette fameuse sorcière de la rue Mouffetard, que je me voyais descendre ces voies avec toute l’innocence que l’on peut avoir étant jeune… Un jour, la réalité s’est confrontée à la fiction, et j’ai bien du me rendre à l’évidence : le secteur était surtout envahi par les restaurants et autres boutiques à destination touristique… pas de sorcière, mais toujours quelques vampires, assoiffés d’argent.

Heureusement, quelques personnes ont décidé s’en faire autrement et d’aller à… L’Essentiel – en l’occurrence vers le bon pain, les gourmandises accessibles et les en-cas savoureux. C’est le cas d’Anthony Bosson. En effet, depuis hier, le talentueux artisan boulanger du boulevard Auguste Blanqui s’est ‘multiplié’, puisqu’il a ouvert sa seconde boulangerie, au 2 rue Mouffetard.

Un superbe emplacement, à tous points de vue : non seulement la zone est très passante, mais cette boutique d’angle laisse particulièrement bien pénétrer la lumière, ce qui ne manque pas de mettre en valeur les produits. Tant mieux, car ils le méritent.
Le habitués du 13è arrondissement ne seront pas depaysés, puisque l’on retrouve la même gamme que dans la boulangerie historique. Des pains dont la signature est le levain, avec une acidité bien présente, sans pour autant être désagréable. Les plus puristes pourront reprocher le fait que celle-ci se retrouve dans la flûte Bosson, la baguette de tradition des lieux. En effet, cette dernière exprime généralement une belle douceur lactique voire crémeuse dans certains cas. Même si son façonnage manque parfois d’application, la flûte nous joue une musique craquante et savoureuse.
Cependant, si l’on vient à L’Essentiel, c’est surtout pour sa large gamme de pains, dont la plupart sont certifiés Biologique. Pain d’Alouette aux céréales, pain à l’épeautre, ou ‘Versot’ au miel, raisins et noisettes grillées… Quelques noms qui cachent des produits aux cuissons très abouties et à la conservation exceptionnelle – le travail n’y étant jamais étranger. On notera également la création d’un pain signature pour cette nouvelle implantation, le Mouffetard. Mélange de farines de seigle et de meule, vendu au poids pour 8 euros le kilogramme, son façonnage en longues pièces permet de couper de larges tranches, idéales pour des tartines au petit-déjeuner ou toastées à l’apéritif. Ses notes persistantes de noisette, de céréales torréfiées et sa mie assez humide en font un pain de caractère, tout en sachant garder une place discrète à table. Dans tous les cas, le résultat est probant, ce qui est d’autant plus remarquable que l’artisan y parvient dès l’ouverture. Espérons que cela se maintiendra avec le temps.

Au delà de cette création, ce compagnon du Tour de France et son équipe ont également su s’adapter à la typologie un peu particulière de la clientèle du quartier. Ainsi, tout a été mis en oeuvre afin de fluidifier le service des produits de type « snacking ». Un large présentoir les propose en libre service, ce qui permet à chacun de choisir son sandwich parmi les nombreuses recettes proposées, sa salade, et même sa boisson ou encore son dessert. Il ne reste plus qu’à passer en caisse avant de déguster ces douceurs.
Autre point démontrant que cette installation a été particulièrement réfléchie, les horaires d’ouverture. En effet, au 2 rue Mouffetard, le service sera assuré 6 jours sur 7 – du mardi au dimanche – de 8h… à 21h30. C’est bien vu : le quartier reste animé en extrême soirée et cela permettra ainsi de « capter » des touristes en quête d’un repas sur le pouce. En tout cas, on peut l’espérer autant pour eux que pour notre artisan, car les produits sont frais, de qualité et vendus à des tarifs abordables… ce qui serait presque une exception pour le quartier. (les formules commencent à 6,85 euros, voire 5,50 euros pour les étudiants !)

Les plus gourmands ne seront pas en reste, avec de nombreuses pâtisseries développées par l’équipe de l’Essentiel, constituée de jeunes artisans dynamiques, à l’image du reste de l’entreprise. Même si des progrès restent à faire sur la qualité des finitions, on appréciera les efforts réalisés en terme de recherche d’associations de saveurs et de textures. Côté viennoiserie, c’est honnête, sans pour autant être particulièrement brillant.

Dernier point qui rend ce lieu agréable, en dehors de son aspect lumineux, sobre et élégant (matériaux nobles, tels que le bois pour les présentoirs), le service et son sourire sincère. On y retrouve bien entendu des membres de l’équipe de vente du 13è, qui auront sans aucun doute à coeur de transmettre leur goût du produit aux nouveaux arrivants.

Infos pratiques

2 rue Mouffetard – 75005 Paris (métro Place Monge, ligne 7 ou Cardinal Lemoine, ligne 10)
ouvert du mardi au dimanche de 8h à 21h30.

Avis résumé

Pain ? On retrouve la même gamme que celle proposée au 73 boulevard Auguste Blanqui, récemment enrichie du « Mouffetard », le pain signature de l’endroit. En parlant de signature, ici, c’est celle du levain que l’on retrouve : une acidité assez présente s’exprime, sans pour autant être agressive. Accompagnée de belles cuissons, formant des croûtes marquées, elle nous offre des produits à l’excellente conservation. Parmi les créations d’Anthony Bosson, le pain Versot (miel, raisins et noisettes grillées) ou le moelleux aux céréales accompagneront avec bonheur des petits-déjeuners gourmands.
La flûte Bosson, baguette de tradition spécialité de l’artisan, offre aussi cette pointe acide, ce qui ne sera pas forcément du goût de tous : on préfère souvent un pain doux et « lactique » dans ce cas précis, même si elle n’en demeure pas moins craquante et agréable.
Accueil ? Bien sûr, le service est encore en rodage, mais ses qualités humaines sont dors et déjà appréciables. Chaleur humaine, sourire sincère, tout y est pour accompagner ce lieu élégant et bien pensé. Assisté par un large présentoir de libre-service, je ne doute pas qu’il parviendra à régaler de nombreux touristes affairés à la découverte de notre belle capitale…
Le reste ? Large gamme traiteur, bien adaptée aux besoins du quartier : sandwiches variés, salades, desserts simples et pratiques à consommer sur le pouce, le tout dans un bel esprit d’accessibilité, c’est un sans faute. Les gourmandises ne sont pas pour autant négligées, avec une déclinaison de pâtisseries inventives, même si leurs finitions restent à parfaire. Les viennoiseries se situent dans une moyenne honorable, sans offrir un relief particulier.

Faut-il y aller ? La seconde boulangerie l’Essentiel deviendra sans doute rapidement une halte appréciée par la clientèle du quartier, aussi bien « locale » que touristique. Anthony Bosson et son équipe semblent en tout cas avoir tout fait pour, que ce soit de par des horaires d’ouverture larges, un lieu sobre… et bien sûr des produits de qualité. Espérons simplement que ce beau départ saura continuer longtemps, et que multiplication ne sera pas synonyme de division du goût.

La boulangerie, c’est le pain, mais c’est aussi toutes les gourmandises que l’on peut y retrouver : viennoiseries, pâtisseries, biscuits secs… Pour chacun, ce sont des recettes et des compétences différentes à mettre en oeuvre. Parmi elles, on compte nombre de spécialités régionales qui présentent des caractéristiques propres et des procédés de fabrication parfois bien spéciaux.

C’est notamment le cas d’une brioche arménienne, le Tcheurek. Je l’ai découvert grâce à Jonathan Blot, le chef pâtissier d’Acide Macaron, qui réalise actuellement des essais autour de ce produit.
Cette spécialité ne manque pas d’attrait et c’est pour cela que j’ai choisi de vous faire partager un peu de son histoire et de son mode de fabrication.

Réalisé chaque année dans les familles arméniennes à l’occasion des fêtes de Pâques, le Tcheurek possède avant tout la particularité d’incorporer une épice bien particulière : le Mahleb. Cette poudre est issue de l’intérieur (des graines, donc) des noyaux de cerise, qui sont broyés afin de parfumer ce type de gourmandise. Coûtant environ 50 euros le kilogramme, son prix n’est pas le seul obstacle à son utilisation. En effet, il est difficile d’en trouver en dehors de la période pascale. C’est fort dommage, car même si consommée seule elle exprime une forte amertume, incorporée dans la pâte elle révèle une superbe saveur florale, plus riche et entêtante que ne peut l’être, par exemple, celle de la fleur d’oranger.

Ainsi, cette brioche exprime un parfum frais et soutenu, assez inhabituel. Ce qui surprend également, c’est sa texture assez dense. Elle doit se situer en réalité entre la brioche et le pain au lait. Généralement, elle est trempée dans une boisson, comme du lait ou du thé. Cette fameuse densité est liée à son procédé de fabrication surprenant. Pour réaliser la pâte, on mélange bien entendu des oeufs (deux fois moins que dans une brioche « traditionnelle »), du sel, de la farine, du beurre (en quantité réduite, là encore)… et beaucoup de levure : 80g par kilogramme de farine. Une fois le pétrissage réalisé, elle pousse pendant 2h et prend énormément de volume, du fait de la forte quantité de levure. C’est alors que l’ensemble est repétri, fortement aplati et dégazé. On façonne alors une boule ou une tresse, que l’on laisse pousser de nouveau.
Avant la cuisson, la brioche est dorée au jaune d’oeuf, qui va caraméliser à la cuisson, et décorée de graines de sésame.

Grâce à ce travail, le Tcheurek offre une excellente conservation et est généralement enveloppé dans un linge pour être consommé sous une semaine à dix jours. Ce temps est d’autant plus long dès lors que l’on façonne de grosses pièces. Dans tous les cas, le résultat ne manque pas d’être agréable dès lors que la recette est réussie. Dans ce cas, la brioche est dense mais moelleuse… dans l’autre, elle est difficilement consommable car assez ‘étouffe chrétien’. Jonathan Blot n’était pas satisfait du résultat obtenu et va travailler à nouveau le produit avec une autre recette. En effet, chaque famille possède la sienne, et certains détenteurs du ‘secret’ l’emportent avec eux… Ce qui rend la tâche plutôt compliquée !
Chez Acide, on réfléchit également à la forme à donner à cette spécialité, pour l’adapter aux besoins de l’entreprise mais surtout aux goûts de sa clientèle. Ainsi, il est envisagé de l’enrichir de prunes légèrement acidulées pour casser cette douceur florale, mais aussi de la proposer avec une boisson particulière.

Vous vous demanderez sans doute pourquoi une boutique spécialisée dans la réalisation de macarons et petites pâtisseries cherche à développer un tel produit. La raison est toute simple : d’ici septembre, l’équipe d’Acide inaugurera un salon de thé, non loin de la boutique actuelle, dans le 17è arrondissement. Leur objectif est d’y proposer des gourmandises simples, accessibles et savoureuses, à l’image du Tcheurek. Un retour aux fondamentaux, une pâtisserie sans artifices qui sera ainsi à la portée de tous : voilà un objectif très painrisien, et bien plus sensé que les tendances qui se dessinent actuellement, où c’est avant tout l’apparence qui est privilégiée… au détriment du prix et du goût.

Voilà dans tous les cas une belle découverte, que j’ai hâte de pouvoir retrouver dans ce nouveau lieu sur lequel les esprits toujours très créatifs d’Acide planchent déjà avec ardeur… Cela promet !