Nos artisans façonnent autant qu’ils sont façonnés. Leurs parcours de vie influent directement sur les produits qu’ils nous proposent au quotidien, et justement, ce quotidien est sans cesse amené à évoluer. Rien de plus triste que de ne pas ressentir ce vécu, de ne pas lire une histoire lorsque l’on déguste un produit. Pourtant, c’est de plus en plus le cas, du fait de l’omniprésence de l’industrie dans les vitrines de nos boulangers et pâtissiers…

Sébastien Gaudard dans sa boutique du 22 rue des Martyrs

Face à cela, certains résistent, ou plutôt choisissent de faire différemment, de chercher le goût du passé. Une véritable quête de sens qu’a entamé Sébastien Gaudard pour ouvrir sa boutique du 22 rue des Martyrs, au coeur d’un quartier qu’il connaît bien puisqu’il y réside depuis plusieurs années. Fauchon, le Délicabar du Bon Marché… Le pâtissier a longtemps agité les papilles des parisiens pour en définitive revenir à des goûts plus simples, car il ne se retrouvait plus dans cette quête effrénée d’ingrédients cueillis aux quatre coins de la planète, pour parvenir à des accords parfois chancelants. Son analyse est que le nouvel exotisme serait d’aller chercher ce qui est proche de nous, ce qui porte une véritable force d’évocation. Souvenirs d’enfance, une période où nous sommes généralement très « sucré ». Le chef lui-même se souvient des délicieuses bonbonnières disposées de part et d’autre du lit de ses grands-parents… A la Pâtisserie des Martyrs, on ne revisite pas, non, on fait renaître.

Les chocolats et confiseries. A noter la caisse enregistreuse, venue tout droit du magasin familial.

Des renaissances, il y en a eu plusieurs ici. A commencer par le lieu, ancienne pâtisserie Seurre comme bloquée dans les années 80, la boutique a bien failli devenir un Beauty Monop’ lors du départ à la retraite de ce dernier. Une intervention politique plus tard, la catastrophe est évitée de justesse, ce qui permet à notre artisan – alors en recherche d’une implantation depuis 2 ans – d’installer sa bonbonnière bleutée qui fait aujourd’hui le bonheur des grands enfants de la rue des Martyrs. Il faut dire que Sébastien Gaudard a toujours baigné dans la gourmandise : fils de pâtissier à Pont-à-Mousson, l’artisan ne fait aujourd’hui que prendre la suite de l’histoire familiale. Pas n’importe comment, d’ailleurs, puisqu’il reprend autant les objets (pots en verre de la boutique mussipontaine, notamment) que les produits. Cela ne paraît pas forcément, mais malgré ses 6 mois d’existence, la Pâtisserie des Martyrs est chargée d’histoires et répond à un vrai besoin d’ancrage… et d’honnêteté.

Honnêteté et rigueur, c’est bien ce qui caractérise l’homme avec lequel j’ai pu échanger. Des éléments qui se retrouvent bien dans ses produits, en définitive. Pour redonner aux desserts et douceurs oubliés leurs lettres de noblesse, il a cherché les recettes pendant de longues semaines dans des ouvrages anciens, sélectionné d’excellents fournisseurs (que ce soit pour la confiserie, où son expérience chez Fauchon lui a permis d’acquérir un carnet d’adresses dense, les matières premières – chocolat Valrhona, laiterie l’Or des Prés… – ou encore les liqueurs de Laurent Cazottes…) et investi dans son outil de production. Impossible de ne pas jeter un oeil sur le magnifique laboratoire visible depuis la boutique, baigné dans la lumière naturelle, une chose rare pour Paris.
Avant même son arrivée ici, ces fameuses pâtisseries d’antan ne lui étaient pas inconnues, car il avait déjà publié avec Françoise Bernard un ouvrage fin 2009 – Le Meilleur des Desserts, aux éditions Hachette. L’auteure, aujourd’hui âgée de 91 ans, entretient avec l’artisan des relations étroites et a d’ailleurs contribué à la mise en place de la gamme.

Cette fameuse gamme de produits ne tient pas du hasard. On y retrouve des pâtisseries gourmandes et vivantes : rien de marketé ou présentant un visuel tapageur. L’honnêteté est là, également. A peine les desserts ont-ils été désucrés pour répondre aux goûts de l’époque, mais ce détail mis à part, il n’y a pas besoin de présenter les Paris-Brest, Choux à la Vanille ou autres éclairs proposés ici. Une vitrine vivante dans laquelle Sébastien Gaudard compte bien faire entrer de nouvelles propositions au fil du temps, encore faudrait-il le trouver !
Depuis quelques jours, les framboises ont fait leur apparition ici, avec un certain retard par rapport aux autres pâtissiers de la rue. Les raisons ? Toujours cette honnêteté et cette rigueur : en effet, les fruits sont directement livrés par un petit producteur du Lot-et-Garonne, sans intermédiaire. Cueillis après 18h pour assurer une meilleure conservation, ils expriment toute leur saveur dans des tartes sans nappage, comme de vrais bouquets, simplement relevés et sublimés par un délicat fond de tarte nappé de crème. Ici, pas de question quant à la fraicheur du produit, puisque toutes les pâtisseries sont du jour : rien ne « repasse » comme il est coutume de faire dans de nombreuses maisons parisiennes. Forcément, pas d’impression d’abondance permanente, même à l’heure de la fermeture, ce qui est souvent reproché à cette pâtisserie…

Alcools, spiritueux, thés, miels, confitures… rien ne manque pour accompagner ou sublimer des repas.

Cependant, le passé ne doit pas s’endormir, et notre artisan ne manque pas de projets pour les mois à venir : une gamme de Miels renouvelée, des tablettes de chocolat, du travail du côté des glaces, dont la gamme demeure encore très réduite … en plus des horaires d’ouverture qui ont été élargis à plusieurs reprises (suppression de la coupure au déjeuner, tradition héritée de l’ancien propriétaire, et ouverture le dimanche toute la journée depuis peu).

Sébastien Gaudard est aujourd’hui un pâtissier « bien dans ses baskets » (qu’il porte, d’ailleurs !), ayant trouvé son ancrage, même s’il sait qu’il reviendra sans doute à des périodes plus « créatives ». Quant à nous, c’est avec plaisir que nous avons trouvé notre port d’attache gourmand sur la rue des Martyrs !

Nos goûts sont immanquablement conditionnés par notre culture et notre région d’origine. Comment pourrait-on imaginer manger des insectes ou certains animaux dans nos régions, alors que c’est quelque chose de plutôt commun dans certains pays asiatiques ? Même chose pour les fruits et légumes considérés comme exotiques chez nous, et traditionnels chez eux. Question de point de vue.

En la matière, il existe un fruit pour lequel le point de vue est justement très important. En effet, il présente l’étonnante caractéristique d’être adoré ou de dégoûter au plus haut point. Vous n’en avez peut-être jamais entendu parler, moi non plus d’ailleurs avant de découvrir la pâtisserie que je vais vous présenter aujourd’hui. Le durian se présente comme une grosse baie ovoïde (parfois plus de 40 cm de longueur), pesant jusqu’à 5 kg, avec une carapace de grosses épines, et poussant en haut de grands arbres. Il est connu pour son goût particulier et son odeur nauséabonde (à tel point qu’il est interdit dans les lieux publics et dans les transports en commun par de nombreux pays d’Asie du Sud-Est). Vous avez bien lu : dans le métro de Singapour, des affichettes interdisent formellement de porter un durian sur soi.

A la dégustation, certains vous en parleront comme le dieu des fruits, comme un produit au parfum exceptionnel, indescriptible. A l’inverse, d’autres évoqueront des cadavres en putréfaction, du camembert ou autre objet à l’odeur nauséabonde. Difficile de savoir quelle sera notre réaction avant d’avoir soi-même goûté. C’est un peu comme essayer des montagnes russes… L’expérience n’en vaut pas moins la peine d’être vécue.

En France, peu d’artisans travaillent le durian, et c’est dans le 13è arrondissement – forcément ! – que j’ai découvert des pâtisseries mettant en oeuvre ce produit « hors du commun ». Myu Myu, c’est le nom de cette pâtisserie – salon de thé nichée dans une rue assez peu passante, à quelques pas de l’avenue de Choisy. Ici, on rapproche la France et la Chine par la gourmandise : en effet, au laboratoire oeuvrent des pâtissiers français et chinois qualifiés, à même de réaliser ce savant mélange. C’est ainsi que se côtoient des éclairs au chocolat et à la mandarine, des cheese-cake aux fruits rouges, des mille-feuilles à la vanille mais aussi diverses brioches fourrées aux spécialités hong-kongaises (crème de Taro, porc laqué…). Une façon de concevoir la « fusion-food » comment aiment l’appeler les anglo-saxons.

Des pâtisseries assez occidentales

Bien sûr, on peut s’intéresser aux douceurs classiques proposées par Myu Myu, avec notamment un Mont-Blanc désucré et revisité sur fond de pâte sablée, mais l’intérêt réside principalement dans les trois créations au durian : un éclair, un mille-feuille et un entremets, le Myu Durian. Des macarons sont également proposés. Le dosage est plutôt bien réalisé, ce qui permet de ne pas obtenir des pâtisseries trop écoeurantes, bien qu’elles le demeurent au goût de certains.

Produits typés asiatique

Le lieu est plutôt sobre et élégant, il est possible de déguster un repas complet sur place ou de s’asseoir quelques instants pour profiter d’un moment de gourmandise. Le service aux accents asiatiques est agréable et ne manquera pas de vous parler du fameux durian si vous en lui donnez l’occasion.

Infos pratiques

17 rue Philibert Lucot – 75013 Paris (métro Maison Blanche, ligne 7) / tél : 01 45 83 77 91
ouvert du lundi au samedi de 8h30 à 20h.

Faut-il y aller ? Ne serait-ce que pour l’expérience et l’occasion de découvrir une saveur étonnante, oui, bien sûr ! Les douceurs plus traditionnelles n’en sont pas moins bien réalisées et soignées, à l’image du Mont-Blanc, du cheese-cake aux fruits rouges, du mille-feuille vanille ou encore des tartelettes aux fruits. Vous pourrez repartir avec du classique mais aussi un petit goût d’ailleurs, au travers des divers en-cas typiques proposés. De la « fusion » bien vue.

Dans un monde où les nouveaux médias – Internet en tête – sont de plus en plus présents, les consommateurs se font exigeants et ont tendance à comparer : qualité, prix, tout y passe. Avec un simple téléphone, ils peuvent en effet savoir s’ils peuvent trouver moins cher ou mieux. Egalement, ils aiment être « courtisés », soignés et considérés. C’est de cette façon que les programmes de fidélité se sont multipliés dans la plupart des enseignes de la grande distribution.

Du côté de la boulangerie, les plus actifs demeurent bien entendu les groupements tels que Banette, Festival des Pains ou encore Ronde des Pains, qui communiquent et développent une marque forte et défendue auprès du consommateur. Campagnes de publicité, jeux-concours, tout est fait pour tenter de mettre en place une relation « d’affect » avec l’enseigne et donc générer des retombées pour les artisans qui ont fait le choix de s’y affilier. Ainsi, les consommateurs auront tendance à se tourner vers cette marque, que ce soit près de chez eux ou en vacances… Même si cela occulte les différences qui existent immanquablement entre les artisans, c’est plutôt bien vu.
Côté indépendants, certains tentent de s’y mettre, un peu plus timidement certes. J’ai déjà vu des cartes de fidélité dans des boulangeries, ou des systèmes de « carte tirelire » où un montant est « chargé », évitant ainsi la corvée de monnaie et assurant du même coup un retour du client en boutique.

Dans l’ensemble, il faudrait que plus d’artisans prennent conscience que leur clientèle est de moins en moins captive, et que les progrès faits par les industriels ne sont pas sans conséquence sur la vie de leur commerce. Au delà de l’aspect pratique et financier, leur capacité à communiquer est tout simplement redoutable : dès lors, il faut bien intégrer que l’on doit aller plus loin qu’accueillir son client au quotidien, lui vendre un peu de pain et/ou des gourmandises.
Cela passe notamment par une vraie mise en valeur du savoir-faire artisanal, de la qualité des produits. Même si je ne suis pas un grand adepte de l’homme et des produits, je dois dire que la démarche récemment adoptée au sein de la maison Delmontel est assez intéressante. En effet, une « gazette » saisonnière est distribuée en boutique. Cette dernière traite du travail réalisé par le meunier choisi par la maison, en l’occurrence la minoterie Viron, ainsi que les différentes étapes nécessaires pour produire une baguette de tradition, ou encore des informations sur l’histoire du pain et des boutiques de l’artisan… Certes, cela présente un coût non négligeable, qui est loin d’être à la portée de l’ensemble des boulangers. Le client découvre le fonctionnement de l’entreprise et conserve un support qu’il pourra consulter chez lui ou pendant ses déplacements.

La gazette Delmontel

Moins coûteuses, les nouvelles technologies proposent également de nombreuses d’opportunités d’entretenir des rapports avec sa clientèle en dehors des ventes. Lettre d’information électronique pour informer ses clients des nouveaux produits et « temps forts » (fêtes, animations commerciales…), Facebook reprenant l’actualité de la boulangerie, site internet vitrine… Soyons modernes !
Bien sûr, on pourra toujours objecter à cela que l’essentiel des ventes sont réalisées auprès d’une clientèle de quartier, et que l’intérêt de communiquer est, dès lors, faible ou inexistant. Je pense qu’adopter ce point de vue serait un peu court et limité, car à mon sens l’enjeu est de taille : il s’agit de toujours défendre l’artisanat face à l’industriel. Cette démarche doit également se mettre en oeuvre à d’autres niveaux, que ce soit sur le plan des syndicats (les concours professionnels sont de bonnes occasions, notamment), ou des meuniers.

La prise de conscience est progressive, des actions se mettent en place et vont dans le bon sens. Ce n’est sans doute pas demain que nous verrons l’ensemble de nos artisans chercher à fidéliser leur clientèle au travers d’animations et d’une communication efficace, mais la cause n’est pas perdue pour autant !

A force de venir et revenir dans certaines boulangeries, on finit par me voir arriver de loin. Difficile de passer inaperçu, c’est vrai, même si c’est sans doute ce que je préfèrerais car cela me permettrait de vous rendre toujours mieux compte de la réalité de l’accueil dans les différentes maisons que je visite. Néanmoins, cela reste assez marginal, et on ne peut pas dire que je « ramène mon char » pour parler ainsi…

Gare de Chars, une heure de trajet depuis Paris Saint-Lazare. Sans oublier le passage par la charmante ville d’Us… mais pas de Coutume. Dommage.

Néanmoins, j’ai choisi d’arrêter mon char, pour le coup, mais pas n’importe où. A Chars, un petit village du Val d’Oise. Cela n’a rien d’un hasard, puisque c’est ici qu’est implanté le moulin éponyme. Ce dernier est détenu par la famille Maurey depuis 1903. Aujourd’hui, c’est Thomas Maurey qui le dirige et le gère au quotidien, en plus de l’autre site de production acquis par la famille en 1996, le moulin de Cherisy.
Ambitieux et dynamique, le jeune meunier (à peine 34 ans) mène de front plusieurs chantiers visant à développer l’entreprise, tout en conservant son ancrage et son goût pour la qualité. Justement, c’est cette dernière qui doit être le véritable facteur différenciant de la meunerie artisanale. Pour la garantir, cela commence par la sécurisation des approvisionnements auprès des agriculteurs situés autour du moulin. Ce travail, déjà engagé depuis longtemps par la famille Maurey, est aujourd’hui tout bonnement crucial au vu des variations des cours du blé ces derniers mois.

Vue d’ensemble du moulin : la marque Banette y est encore très présente !

En parallèle, l’outil de production doit continuer à évoluer pour assurer une régularité et des rendements optimaux. Ainsi, une nouvelle aile a été récemment adjointe au bâtiment pour réaliser le nettoyage des blés avec des machines de pointe. Ce traitement de la matière première est tout particulièrement important pour l’entreprise, qui est certifiée ISO 22000, un des standards les plus rigoureux en terme de sécurité alimentaire. Cette garantie est nécessaire pour l’activité « technique » des Moulins de Chars : 40% de son chiffre d’affaire est en effet réalisé par la production de farines destinées à des utilisations spécifiques, sous des formes pasteurisées, micronisées ou encore toastées. Cela représente une des spécificités de l’entreprise, car tous les meuniers ne se positionnent pas sur cette activité particulièrement exigeante.

La toute dernière aile du moulin, récemment mise en service. Ici sont nettoyés les grains avant mouture.

Les Maurey font partie des membres fondateurs du groupement Banette. Aujourd’hui, on trouve derrière cette marque plusieurs acteurs à géométrie variable : cela va de l’industriel, à l’image d’Axiane Meunerie, à des acteurs plus modestes comme justement les Moulins de Chars. Pour exister, il devient essentiel de développer leur propre marque. C’est pourquoi les prochains camions de l’entreprise mettront en avant leur logo, tout comme le moulin sera rhabillé à leurs couleurs dans le courant de l’été. Au delà de ces détails purement cosmétiques, Thomas Maurey et son équipe mènent depuis 2008 – date à laquelle il a pris la tête du moulin – un véritable travail pour développer leur propre gamme de produits et une signalétique propre à ces derniers. Ainsi, vous avez pu voir apparaître des pains tels que la baguette Belle Arôme, l’Impatiente, la « Tradi », mais aussi la marque Artisan Bio, créé en partenariat avec les moulins de Brasseuil.

Le laboratoire où sont effectués les contrôles qualité.

Au Fournil du Moulin, un ancien transformateur EDF racheté il y a quelques années pour disposer d’un véritable espace de démonstration, les clients des Moulins de Chars bénéficient d’un véritable accompagnement dans la mise en place de leur gamme de produits. En effet, il devient de plus en plus important de se démarquer en proposant des saveurs variées à sa clientèle, en recherche de goûts parfois relativement typés. Baguette Belle Arôme pour les amateurs de levain, tout en restant dans une grande douceur (proposé en « concentré » ajouté à la pâte de tradition, avec un dosage laissé au libre choix de l’artisan, ce qui lui permet de rester maître du goût et du rendu), Impatiente côté céréales (on appréciera l’idée de l’assaisonner avec des épices, en effet, du curry et du cumin sont intégrés au mélange), l’Equilibre en farine T80… La question demeure de savoir jusqu’où le meunier doit intervenir dans la gamme du boulanger : les Moulins de Chars et de Cherisy proposent en effet des « mixes » et différents mélanges prêts à l’emploi, et je ne vous cache pas que ce ne sont pas le type de produits que j’affectionne particulièrement. Néanmoins, tous les artisans ne sont pas prêts à faire l’effort de création et si l’on parvient à leur proposer des solutions « saines », cela va dans le bon sens.

Différentes baguettes : de gauche à droite : Tradition classique, Belle Arôme, Equilibre T80, Tradition sur levain, Tradition sur Poolish de Meule

Aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 45 personnes, Thomas Maurey compte bien continuer sur cette lancée tout en cherchant à élever le niveau global de la qualité chez les artisans boulangers. Il me faisait part de la certaine admiration qu’il pouvait avoir quant au travail réalisé au cours de ces dix dernières années. En effet, quelques artisans ont porté haut et fort le message du pain de Tradition Française et sont parvenus à créer un effet d’émulation dans la profession. N’étant lui même pas de formation meunière mais ayant suivi un cursus d’école de commerce, il tente sur le terrain, au côté de ses commerciaux, de partager cet engagement.

Le Fournil du Moulin est doté d’équipements à la pointe, à l’image du four allemand dernier cri.

Difficile de terminer cet article sans vous parler de quelques uns des clients de cette entreprise : en effet, même si on ne le sait pas toujours, les Moulins de Chars sont très présents dans nos boulangeries parisiennes. Parmi ses clients les plus importants, on compte la famille Julien et ses nombreuses implantations, les « Castelblangeois » d’Olivier Pottier, plusieurs succursales des « Manon » de Guy Crouin, ou encore une partie de la production des boulangeries Gosselin. N’oublions pas pour autant de citer des artisans plus modestes mais non moins dynamiques, à l’image de Guillaume Schou dans le 16è arrondissement, ainsi que Mickaël Reydellet et ses deux Parisiennes. Côté Artisan Bio, Anthony Bosson, Frédéric Pichard ainsi que Michel Fabre à Alforville comptent parmi les plus qualitatifs.

Chaque jour, nos artisans boulangers produisent dans leurs fournils des pains destinés à leur clientèle « magasin », mais à cela s’ajoute, pour beaucoup d’entre eux, les différentes commandes et livraisons à honorer auprès de professionnels, qu’ils soient traiteurs, restaurateurs ou encore hôteliers. A cela s’ajoutent des événements plus particuliers, en dehors des produits issus de la gamme « traditionnelle » de l’artisan.

Dans la plupart des cas, cela se fait en toute discrétion, le nom du boulanger n’est pas inscrit à la carte, aucune communication particulière n’accompagne ce contrat. Forcément, lorsque l’artisan n’a pas une notoriété forte, l’intérêt demeure limité. A l’inverse, on peut choisir de mettre en avant la collaboration avec un boulanger plutôt qu’un autre.

Ce dimanche avait lieu le Prix de Diane Longines à l’hippodrome de Chantilly, dans l’Oise. Cet événement est bien plus qu’une course hippique. En effet, il ne fait pas courir uniquement des chevaux, mais également la gente féminine, qui est invitée à se présenter à l’événement parée de son plus beau chapeau. Au programme, de nombreuses animations, dont un concert d’ouverture ainsi qu’un pique-nique.

Justement, c’est ce fameux repas sur le pouce qui nous intéresse aujourd’hui, puisque là encore la tradition veut que ce qui pourrait être un simple casse-croûte participe à la « grandeur » de la journée. En effet, dans ce monde où les apparences sont si importantes, le déjeuner s’habille d’une… boite à chapeaux. Ce dernier voit son usage détourné pour accueillir des gourmandises variées, de quoi satisfaire l’appétit de ces dames avec élégance.
Cette année, c’est notre ami Gontran Cherrier qui avait été appelé pour concocter quelques surprises à déguster sur l’herbe. Un choix tout à fait judicieux, quand on connaît le talent de ce dernier en la matière.
Cela aurait pu satisfaire un « happy-few », puisqu’il fallait s’acquitter du prix de l’entrée (8€) ou bien venir retirer une invitation dans l’une des deux boulangeries de l’artisan. Pour ma part, je manquais de temps et surtout… d’un chapeau. Vous comprendrez bien que je ne pouvais pas me présenter à Chantilly sans la crème des couvre-chef, j’ai donc préféré rester dans mes terrains de conquête habituels. Grand bien m’en a pris, car le boulanger avait choisi de faire profiter de ses créations aux clients du 22 rue Caulaincourt.

Boulanger, boulanger, en réalité, Gontran Cherrier s’est improvisé maréchal ferrant l’espace de quelques heures pour façonner un pain Fer à Cheval. Rien qui ne puisse vous peser sur l’estomac, d’ailleurs. Au delà du clin d’oeil sur la forme, c’est également les ingrédients mis en oeuvre dans ce pain qui rappellent l’événement. En effet, on retrouve dans la mie des flocons d’avoine grillé, céréale qui constitue une bonne part de l’alimentation des chevaux. Pour nous, elle n’apporte au produit que quelques notes sucrées et un peu de texture, en fondant sur la langue à la dégustation.
Cela s’accompagne d’un peu de poivre de Sichuan, une belle expression de la patte de l’artisan. C’est certainement cette épice qui confère à ce pain tout son caractère, au travers d’une saveur florale et légèrement fruitée, qui n’est pas sans rappeler le coquelicot ou la fraise. Ces notes aromatiques se font plus présentes le lendemain, et sont exaltées si l’on toaste légèrement le pain.

Le goût est prolongé par une mie de bonne tenue, relativement dense tout en restant fraîche. La croûte, quant à elle, n’est que peu présente, du fait d’une cuisson assez courte. Cependant, je dois admettre que c’est dans doute mieux ainsi, car cela laisse plus de champ à la douceur du poivre. De plus, les amateurs de croquant et de caramélisation seront satisfaits par les petits picots qui décorent ce pain. À noter également la très bonne conservation de l’ensemble, qui ne sèche que légèrement sans perdre de consistance.

Sous cet aspect très équin, ce pain Fer à Cheval est en définitive assez féminin, par sa douceur et sa subtilité. Idéal pour les palais délicats de ces dames, et le format permet de découper de petites tranches à garnir de tartinables divers (tapenades, pâtés…) pour un pique-nique gourmand et toujours élégant… Tirons donc notre chapeau à Gontran Cherrier, une fois de plus ! De plus, Gontran et les Fers à cheval, ce serait presque naturel pour ceux qui ont, comme moi, eu leur enfance bercée par les bandes dessinées Disney…

Pain Fer à Cheval, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, proposé le dimanche 17 et lundi 18 juin ainsi que dans la boîte à chapeaux du déjeuner du prix Diane de Longines, 2,5€ la pièce.

Nommer une boulangerie en fonction de son emplacement géographique (rue, quartier, ville…) n’est pas forcément une mauvaise idée, mais cela peut donner lieu à des situations plutôt curieuses, où certaines personnages se voient recevoir des attributs boulangers qui sont loin de décrire l’activité qu’ils exerçaient de leur vivant. Bien sûr, pour s’en rendre bien compte, il faut s’intéresser de façon plus approfondie à l’histoire du personnage, mais le peu de temps nécessaire à la recherche vaut bien le sourire…

Dans le cas présent, c’est au général Chanzy que l’on attribue cette boulangerie, ou plutôt ce fournil. J’imagine mal ce fameux gradé de la Légion étrangère fabriquer des baguettes de pain, façonner, pétrir… mais après tout, pourquoi pas. En réalité, dans cette discrète boutique d’angle aux tons orangés, c’est un vrai boulanger qui oeuvre et produit notamment une Tradition récemment primée. En effet, Alexandre Chauvin, au nom du propriétaire de l’endroit – Thierry Audou -, est parvenu à classer sa baguette en 3è position au Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris cette année.

Le problème, c’est que le produit proposé quotidiennement dans cette échoppe du 11è arrondissement ne présente pas de caractère exceptionnel, comme on pourrait s’y attendre. Un façonnage juste correct, avec une grigne unique et verticale (alors qu’elle présentait forcément 5 grignes en diagonales le jour du concours, ce qui nous prouve immédiatement la différence), des cuissons un brin courtes… En bref, un visuel pas vraiment attrayant, alors que le pain se mange aussi avec les yeux ! A la dégustation, la croûte manque de consistance et de craquant, la mie est assez crémeuse, presque trop. Justement, les notes de crème y sont dominantes, ce qui confère à l’ensemble un caractère lactique bien en phase avec ce que l’on peut attendre d’une baguette de Tradition. La farine des moulins de Chérisy utilisée pour sa confection est respectée sans être vraiment sublimée.
Malheureusement, cette boulangerie ne nous propose pas une offre particulièrement attirante côté pains, avec une reprise des standards du groupement Banette (pain bûcheron, notamment). Seule la baguette Belle Arôme – développée quant à elle par les moulins de Chars/Cherisy – s’en sort mieux, plutôt soignée et bien dorée, elle nous offre des saveurs de levain assez présentes. Quelques ficelles et petits pains, surtarifés, achèvent de compléter l’offre.

Au Fournil de Chanzy, on ne peut pas dire que l’on cherche particulièrement à briller par la qualité de réalisation des produits. Ainsi, les viennoiseries ne présentent aucun intérêt, tout comme les gourmandises variées les accompagnant (donuts industriels, cookies, sablés et brownies dont la provenance semble tout aussi lointaine…). Ce n’est pas mieux pour les pâtisseries, qu’elles soient sur base de pâte à choux (éclairs, religieuses, …) ou de tartes (citron, fruits rouges), avec un constat similaire sur les entremets. Les flans, déclinés en plusieurs parfums (pistache, chocolat ou nature) sont également très compacts, rien qui puisse décidément satisfaire notre gourmandise.
Comme pour enfoncer le clou, la sélection salée continue dans le même registre : sandwiches et paninis à la réalisation peu soignée, hot-dogs, quiches et pizzas médiocres, à l’image des salades bien à l’étroit dans leurs petites boites chargées en condensation… mais certainement pas en aliments savoureux.

Vous l’aurez compris, mieux vaut se limiter à acheter un peu de pain ici, car c’est l’un des seuls produits dont la provenance et le caractère artisanal sont certifiés. Ce qui est également très incertain, c’est la qualité du service, peu enjoué et froid, même si relativement professionnel et efficace.

Infos pratiques

10 rue de Chanzy – 75011 Paris (métro Charonne, ligne 9) / tél :  01 40 24 21 36

Avis résumé

Pain ? Malgré sa troisième place au Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris cette année, la baguette de tradition n’exprime pas de caractère exceptionnel et parvient simplement à offrir des qualités honorables : notes persistantes de crème, croûte fine et assez craquante bien que perdant rapidement de sa consistance, mie crémeuse et très hydratée. Le reste de la gamme persiste dans le même domaine classique, avec des produits de la gamme Banette, comme le pain bucheron et son mélange de céréales. Seule la baguette Belle Arôme, bien cuite, croustillante et soignée sort du lot, ce qui n’est pas le cas des ficelles et petits pains aux tarifs peu en adéquation avec leur qualité.
Accueil ? Professionnel, certes, mais froid et distant. On ne parvient pas à s’attacher à cette petite boulangerie de quartier, alors que l’on devrait justement la trouver sympathique.
Le reste ? Malheureusement, cet artisan semble avoir un peu trop compris le fait que l’appellation « boulangerie » n’impliquait que la réalisation du pain sur place, et pas des autres produits. Entre viennoiseries et pâtisseries sans intérêt, les produits salés ne relèvent pas l’ensemble.

Faut-il y aller ? Pas vraiment, non. Voici encore un fois un exemple du fossé qui peut exister entre jour de concours et production quotidienne. Au delà de la baguette, le reste des gammes n’est pas franchement plus brillant, et le Fournil de Chanzy ne parvient pas à susciter un quelconque enthousiasme, car même son accueil n’est pas des plus charmants. Mieux vaut sans doute se limiter à un regard sur la devanture, plutôt avenante.

Réflexions

18
Juin

2012

La justesse de la critique

2 commentaires

Goûter, écrire, encore goûter, re-écrire… Un cheminement continu qui est pourtant loin de présenter les caractéristiques d’un chemin linéaire, bien au contraire. C’est certainement mieux ainsi, car cela incite à se poser sans cesse des questions, à grandir et avancer.

Depuis Avril 2011, je pense avoir parcouru une certaine distance, et je n’ai certainement plus les mêmes avis et positions que je pouvais avoir lorsque j’ai débuté. Tout d’abord, il y a une question de mesure, d’effort de compréhension, et dans un sens de « renoncement à l’absolu ». J’entends par là que l’on ne peut prétendre à la perfection, ni même à un résultat constant tous les jours de l’année. Partant de ce principe, il faut parvenir à distinguer ce qui relève de la difficulté du quotidien et de problèmes plus profonds. La tâche n’est pas aisée, mais elle en vaut la peine.

L’objectif de la démarche est de parvenir à produire une critique toujours plus juste, qui puisse retranscrire au mieux auprès de son lectorat la réalité des produits et du travail réalisé par les artisans. Cette justesse ne peut s’affiner et s’affirmer que si le critique est également critique vis à vis de son travail. Ainsi, je relis mes articles, écoute les critiques et y réfléchis pour intégrer à mes écrits ces éléments qui pourront les rendre plus pertinents.
La question de la justesse est également liée à celle de la légitimité que l’on peut avoir ou non sur le sujet. On me reproche parfois de n’être personne, d’être un simple spectateur qui ne comprend pas la réalité du métier et ne serait donc pas en mesure d’émettre un quelconque jugement.

J’entends bien tout cela, mais néanmoins, je m’interroge sur la capacité à porter un regard critique sur une discipline dès lors que l’on y est intégré, que l’on en maîtrise l’ensemble des paramètres, qu’ils soient humains ou techniques. Cela induit forcément un biais qui s’ajoute à tous ceux qui peuvent survenir et justement peser sur cette fameuse justesse.
Parlons-en, de ces biais, justement. Parmi les plus difficiles à éviter et à contenir, c’est sans doute notre propre nature humaine. Quelles sont nos intentions pour chacun de nos actes, ne faisons-nous pas intervenir dans notre jugement des états d’humeur extérieurs, des éléments qui n’ont rien à faire là mais qui ont toujours un impact en définitive ? C’est à chaque fois des questions à se poser avant de publier quoi que ce soit, et je dois avouer que j’ai certainement oublié de le faire parfois, pour des résultats pour le moins… discutables.
Bien sûr, parmi les autres « biais », on peut citer nos goûts personnels, et ils sont tout particulièrement présents en matière de gastronomie. Difficile de ne pas les faire ressentir, car le goût est un domaine où la subjectivité s’exprime de façon toute particulière.

Doit-on pour autant renoncer à l’idée même de parvenir à une critique « juste » ? Sans doute, oui, dans un sens, mais il faut mettre des nuances dans la notion de justesse et intégrer le fait que nous aurons tous une lecture différente d’un même texte. Dès lors, il faut savoir composer, écouter, s’ouvrir. J’essaie de le faire au quotidien, et j’espère sincèrement que cela se ressent. Dans tous les cas, j’invite réellement les personnes en désaccord avec ma vue des choses à me le faire savoir, car c’est toujours avec intérêt que je reçois ces retours. Il ne faudrait vraiment pas que tout cela soit à sens unique, et le format de blog est justement le plus adapté pour mettre en place un réel échange, dépassant ainsi le cadre d’une critique ferme et bornée.

Chaque restaurateur a ses produits préférés, ses terroirs de prédilection, qui marquent sa cuisine et parviennent à la différencier des autres. En effet, le savoir-faire sublime les produits, mais encore faut-il que ces derniers soient de qualité. Une fois la sélection réalisée, le chef peut tout à fait choisir de la garder secrète, afin de « protéger » sa connaissance et sa patte… A l’inverse, d’autres appliquent bien l’adage selon lequel la connaissance s’accroit dès lors qu’on la partage et prennent plaisir à le faire au travers d’espaces plus ou moins larges.

En la matière, une épicerie est certainement la meilleure des façons de proposer à un public étendu. Tout du moins, c’est le choix réalisé par Cyril Bordarier et son équipe, qui ont tout récemment ouvert l’Epicerie du Verre Volé au 54 rue de la Folie Méricourt, dans le 11è arrondissement. Jusqu’alors, le Verre Volé régalait (au bistro du 67 rue de Lancry) et désaltérait (à la Cave à Vins, au 38 rue Oberkampf), à présent il ravitaille également. Ravitailler, oui, mais pas n’importe comment !

Dans la vitrine, on voit bien les baguettes Rétrodor du Blé Sucré, situé non loin de là.

C’est tout d’abord nos yeux qui sont nourris : une boutique lumineuse, avec une belle hauteur sous plafond, est offerte à la clientèle et donne immédiatement au lieu une certaine prestance, faussement vintage et désinvolte. Faussement, car les produits vendus ici sont tout ce qu’il y a de plus sérieux en terme de qualité et de saveurs.
Regardez plutôt : dans les étagères, on retrouve les savoureux cakes réalisés par Roland et Valérie Feuillas aux Maitres de Mon Moulin, à Cucugnan, mais également le surprenant chocolat de Claudio Corallo, des Jus et Nectars de Patrick Font, huiles du domaine de Castelas, ainsi que des appels vers l’Asie au travers d’une sélection de produits nippons, parmi d’autres références. Le choix demeure relativement resserré, et c’est tant mieux, car on sent bien que la sélection est fine et réfléchie, en plus d’avoir été goûtée puis re-goûtée. En définitive, cela a aussi un caractère pratique pour le consommateur, qui n’a pas à choisir parmi des dizaines de références.

Chocolats de chez Claudio Corallo, cakes des Maitres de Mon Moulin… la promesse de goûters savoureux !

Côté traiteur, nous sommes tout aussi bien servis : fromages de chez Jean-Yves Bordier, jambon de porc noir de Bigorre (de chez Patrick Duler), entre autres charcuteries et saumures diverses… le tout pouvant être assemblé dans de savoureux sandwiches. En effet, la vocation de cette nouvelle boutique est également de proposer une offre de restauration rapide, avec du pain réalisé par la boulangerie-pâtisserie Blé Sucré, de Fabrice le Bourdat, située non loin de là. Même si j’ai pu être assez dur avec cet artisan en ces lignes, il faut tout de même reconnaître que sa baguette Rétrodor demeure tout à fait recommandable, et constituera une base craquante pour des en-cas savoureux. En deux temps trois mouvements, vous serez munis d’un casse-croûte de compétition, on ne peut plus « name-dropping » mais aussi simple que bon.
Pour l’accompagner, des cafés en provenance de chez Hippolyte Courty et son fameux Arbre à Café sont proposés.

Fromages divers & charcuteries pour des sandwiches savoureux, ou un plaisir gourmand chez soi.

Au delà de la fraicheur de la boutique, ce qui est tout aussi agréable, c’est le fait que le service est à l’avenant : jeune, dynamique et portant un véritable amour pour les produits proposés à la vente, il ne manquera pas de conseiller au mieux la clientèle et défendre ces produits, s’ils en avaient vraiment besoin.

Voilà donc une bien sympathique adresse pour les amateurs de bons et beaux produits, bien loin des grandes épiceries que compte la capitale, où même si elles regorgent de références dignes d’intérêt, le choix est tellement vaste et varié que l’on finit par se perdre. De plus, le conseil est rarement à la hauteur, ce qui ne permet pas d’en profiter pleinement. Le Verre Volé continue donc son extension dans Paris, avec un certain talent.

Infos pratiques

54 rue de la Folie-Mericourt – 75011 Paris (métro Oberkampf, ligne 9) / tél : 01 48 05 36 55
ouvert le lundi de 16h à 20h, du mardi au samedi de 11h à 20h30 et le dimanche de 10h à 13h.

Beaucoup de boulangeries sont « baguetto-centrées », c’est à dire qu’elles ne parviennent à proposer à leur clientèle qu’une – ou plusieurs, parfois – baguette (généralement de Tradition) qui présente un intérêt. En dehors de cette dernière, la gamme est réduite ou présente une réalisation plutôt médiocre. C’est assez dommage, car cela n’incite pas vraiment les consommateurs à varier les goûts et les formes, en plus d’induire inévitablement une certaine lassitude à long terme.

Ainsi, quand je « rencontre » une boulangerie où ce sont des pains plus typés qui sont à l’honneur, je ne vous cache pas que je suis assez heureux. C’est notamment le cas au sein de la boulangerie Au Pain d’Antan, où de nombreux produits au caractère plutôt rustiques sont mis à l’honneur.
D’ailleurs, la devanture nous annonce immédiatement la couleur : spécialités Aveyronnaises. Au détour de cette petite boulangerie d’angle de Montmartre, c’est donc dans un terroir et ses spécialités que l’on plonge avec plaisir… Les occasions de se dépayser à bon compte se font parfois un peu rares.

Si je vous parlais du fameux baguetto-centrisme absent ici, c’est bien parce que la baguette de Tradition proposée par l’artisan ne présente pas grand intérêt, un peu sèche et sans relief. Ce que l’on aura tendance à préférer, ce sont ces gros pains « de campagne », déclinés en long ou en miches. Des croûtes épaisses, une mie assez dense, un parfum de levain bien présent, voilà des pains rustiques qui feront d’excellentes tartines au petit-déjeuner ou bien des bases robustes pour un en-cas de caractère. Les amateurs de petites pièces en trouveront aussi, au travers de pains de campagne plus traditionnels, ou encore de produits variés tels que des fougasses aux olives, des pains aux noix, à l’épeautre, au seigle ou d’autres moulés, même si ce sont les grosses pièces qui demeurent les stars de la maison. Les cuissons sont bien menées, les conservations de bon niveau et les tarifs abordables.

On passera rapidement sur les pâtisseries, quelques tartes aux fruits sans grand intérêt si ce n’est que compléter une formule déjeuner, pour nous intéresser aux vrais spécialités gourmandes de la maison. Fouace à la coupe ou en pièces généreuses, gâteau à la broche cuit au four à bois et venu directement de son Aveyron natal, voilà des produits authentiques et accessibles qui sortent des standards très parisiens que le temps a fini par établir. Côté viennoiseries, c’est honorable, sans plus.
La générosité fait bien partie des valeurs de cette boulangerie, et cette dernière se retrouve dans les en-cas variés que la maison propose. Quiches à la part variées et gourmandes (au poulet, chèvre-courgette, au thon… le choix ne manque pas), sandwiches traditionnels… On peut composer ici un repas à partir de 5,50€, soit une somme raisonnable pour un déjeuner sur le pouce.

L’accueil est à l’image du lieu : honnête et franc. Pas de paillettes, de manières inutiles, on va à l’essentiel et de cette façon la file avance rapidement. Difficile d’en demander beaucoup plus, sinon peut-être un peu plus de chaleur, mais est-ce vraiment nécessaire ? Parfois, ce côté un peu brut de décoffrage n’est pas désagréable, on se croirait presque… dans l’Aveyron.

Infos pratiques

2 rue Eugène-Sue – 75018 Paris (métro Jules Joffrin, ligne 12) / tél : 01 42 64 71 78
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h, le samedi jusqu’à 19h.

Avis résumé

Pain ? Il ne faut pas s’arrêter au Pain d’Antan pour sa baguette de Tradition, sans intérêt particulier, mais bien pour les « grosses pièces » qui sont proposées ici. En long ou en miches, le pain de campagne, avec sa croûte bien épaisse et ferrée, sa mie dense, ainsi que son arôme de levain bien marqué, constitue un produit de caractère, très « terroir ». On trouve également d’agréables fougasses aux olives, ainsi que des pains au seigle, à l’épeautre ou encore aux céréales. L’ensemble est sérieux, soigné et les cuissons sont abouties. Les tarifs n’en demeurent pas moins modérés, pour des produits à la conservation de bon niveau, tout particulièrement pour les pièces les plus importantes.
Accueil ? Honnête et « franc », ne cherchez pas ici de manières inutiles ou de paillettes dans les yeux et le décor. La clientèle est servie avec une belle simplicité et efficacité, rien à demander de plus. Au contraire, on apprécie la cohérence entre l’endroit et son service.
Le reste ? Inutile de s’attarder sur les quelques tartelettes qui constituent l’offre pâtissière. Par contre, on se laissera bien plus aisément tenter par les brioches, comme la Fouace Aveyronnaise ou encore le gâteau à la broche, cuit au four à bois et provenant directement de la région. Les viennoiseries sont honorables, rien de particulier à signaler. Pour le déjeuner, vous trouverez des quiches variées en parts généreuses, ainsi que des sandwiches traditionnels. De quoi s’offrir un repas rapide et accessible, à partir de 5,50€.

Faut-il y aller ? La boulangerie Au Pain d’Antan est une maison bien tenue, dont les spécialités sont maîtrisées : pains de campagne en grosses pièces, brioches aveyronnaises, le tout est servi avec simplicité et honnêteté. Une adresse à conseiller pour les adeptes de produits rustiques, « du terroir », et notamment aux adeptes du gâteau à la broche ou de la Fouace.

Difficile pour une entreprise d’exceller dans tous les domaines. En effet, chacun a sa spécialité, un domaine dans lequel on excelle plus que dans les autres. C’est un fait particulièrement avéré dans le cas de la boulangerie-pâtisserie, où nous avons bien souvent un seul et même artisan qui est amené à créer l’ensemble des produits, avec des résultats inégaux. Lorsqu’il s’agit d’entités de plus grande taille, il devient alors possible de recruter des personnes à même de réaliser des créations de qualité afin de proposer des gammes plus cohérentes.

Chez Fauchon, on se veut « multi-spécialiste » dans des domaines aussi différents que l’épicerie fine, le traiteur, la pâtisserie ou encore la boulangerie. Avoir des prétentions, c’est une chose, être à la hauteur, c’en est une autre. Dans ce cas précis, je pense que l’étendue des gammes est trop large pour que cette entreprise, aussi ancienne et prestigieuse soit-elle, puisse y parvenir. D’autant que cela implique quasi-systématiquement un recours à la sous-traitance, ce qui a un impact sur la qualité du résultat.

Collection Parfums Gourmands Fauchon

Néanmoins, cette institution parisienne peut se targuer d’une certaine légitimité dans le domaine du thé, car la marque a développé des mélanges parfumés depuis 1886, soit son année de création. Son thé à la pomme fait fureur depuis l’arrivée de Fauchon au Japon, ce qui lui permettra de s’y implanter durablement. Depuis, les gammes se sont développées, avec l’arrivée de créations fruitées et florales variées. Bien sûr, en parallèle de cela, la maison conserve son activité d’importateur de thés de grandes origines. Cependant, il faut noter que le conditionnement et l’assemblage des thés parfumésavait été confié à la maison Dammann Frères pendant un long moment.
Depuis 2008, Fauchon a investi dans une unité de production, nommée Herbapac, située dans la région de Strasbourg. Cela permet notamment un meilleur contrôle de la qualité, et assure au mieux la confidentialité des recettes si précieuses.

Ces fameuses recettes, d’ailleurs, sont élaborées en interne par Claire-Marie Nicolas, qui a pris le temps, au cours d’une présentation presse organisée au Café Fauchon, place de la Madeleine, de présenter les nouvelles créations de l’enseigne, ainsi que sa démarche pour la mise au point des thés parfumés.
L’objectif, en 2012, est de réaffirmer le positionnement de Fauchon sur cette activité, qui représente aujourd’hui 15% de son chiffre d’affaire. Pour cela, l’idée est d’articuler les 60 références que compte la gamme autour de trois thématiques : Les Parfums de Paris, les Parfums de Fruits et Fleurs ainsi que les Parfums Gourmands. Une façon de proposer à la clientèle le « thé à la française », qu’elle décrit comme « délicat, appelant à la convivialité et rythmé par une série d’émotions et de perceptions très sensuelles qui arrivent les unes à la suite des autres ».

Collection Parfums de Paris Fauchon

D’ici septembre, exit les packagings dorés, un peu bling-bling, proposés jusqu’alors. Noir, magenta, des tons plus sobres qui deviennent la ligne directrice sur le plan visuel. L’objectif est d’obtenir une certaine cohérence avec le produit contenu à l’intérieur, que la créatrice veut toujours plus équilibré et respectueux des bases de thé d’origine, utilisés pour ces mélanges. Darjeeling, Assam, autant de noms qui s’associent pour chacun avec différentes fleurs et fruits.
Je ne vous cache pas que je n’ai jamais été un grand amateur des thés parfumés Fauchon, je trouvais en effet que certains étaient beaucoup trop aromatisés, procurant à l’ensemble un caractère peu naturel et désagréable. Pour autant, j’ai dégusté pour vous les trois nouvelles créations qui étaient présentées.

Collection Parfums de Fruits et Fleurs Fauchon

Pour chacun des produits, Fauchon propose un accord avec une pâtisserie ou un produit de sa gamme. L’idée est plutôt bien vue, aussi bien pour le développement du chiffre d’affaire que pour le caractère agréable de la dégustation. Parmi les nouvelles références, on compte une création « Macaron Framboise« , aux saveurs du fameux fruit rouge, de rose et d’amande. La démarche adoptée dans ce cas précis a été de s’inspirer de la gourmandise pour créer une boisson qui prolongerait ses arômes en adoucissant son côté sucré, grâce à la base de thé noir Darjeeling utilisée. En bouche, c’est assez réussi, l’amande n’est pas trop présente comme c’est parfois le cas, mais je ne peux pas dire que ce soit le style de thé que j’apprécie, un peu trop « gourmand » à mon sens.
Même constat pour « Balade aux Tuileries« , un thé blanc parfumé à la rose et aux notes de bonbon. Ces dernières sont apportées par des petits coeurs… en sucre. Je ne suis pas adepte de cette idée d’incorporer le sucre au thé, car ce dernier n’a pas besoin d’un édulcorant pour le rendre agréable.
J’ai cependant été plus séduit par l’association Mandarine-Yuzu, sur une base de thé noir de Ceylan. C’est à la fois vif et assez doux, ces agrumes n’étant pas parmi les plus forts. Le résultat est assez équilibré, et il pourrait accompagner avec beaucoup d’élégance de nombreux plats salés, à l’image des poissons fumés.

D’ailleurs, je regrette que l’idée d’associer ces thés avec des pains n’est pas été développée, car certaines créations de nos artisans parisiens pourraient tout à fait accompagner ces boissons. Fauchon pourrait également participer au « mouvement » en développant des pains aromatiques, réalisant ainsi un ensemble mets-pain-boisson plutôt intéressant. Par exemple, un thé Earl Grey peut très bien s’associer avec le pain abricot-cannelle-noisette de chez Gontran Cherrier, la bergamote mettant très bien en valeur la cannelle. En y réfléchissant, je suis certain que nous pourrions trouver d’autres accords…

Dans tous les cas, cette présentation était plutôt agréable, les couacs liés à des infusions excessives mises à part. C’est, comme à chaque fois, l’occasion d’échanger avec les équipes de Fauchon, toujours très réceptives aux remarques, mais aussi l’occasion de croiser d’autres blogueurs, tel qu’un sympathique Poulet…!