On peut penser ce que l’on veut, critiquer, tourner les situations dans tous les sens… mais il faut aussi savoir avancer et dépasser les points de blocage pour construire et reconnaître ce qui est bien quand c’est le cas. Cela passe notamment par la volonté ferme et répétée d’aller vers l’autre, pour le comprendre et approcher sa façon de voir le monde pour la confronter à la sienne. La rencontre est parfois douloureuse, mais elle a du sens, tout du moins pour moi. Même si l’on retiendra sans doute mes articles les plus critiques et tranchants, ma volonté d’avancer sur ce terrain n’en demeure pas moins sincère et concrète.
Ainsi, j’avais vivement commenté le caractère perfectible de l’émission d’M6, La Meilleure Boulangerie de France. Force est de constater que les audiences et l’entrain populaire m’ont donné tort, tout du moins partiellement. Je persiste à penser que, même si l’idée de mettre en avant sur la scène médiatique ce métier riche en valeurs et saveurs doit être saluée, le résultat demeure perfectible, que ce soit dans l’approche ou la méthodologie. A voir si Shine, le producteur, en tiendra compte pour la seconde saison, d’ores et déjà annoncée.
Le suspense a pris fin hier soir avec la diffusion de la finale. On sait à présent quelle est la « Meilleure Boulangerie de France »… et c’est du côté de Beaumont-sur-Oise que je me suis rendu ce matin pour aller féliciter le vainqueur. En effet, ce dernier n’est pas un inconnu dans ces lignes, puisqu’il s’agit de Christophe Rouget. Accompagné de son épouse Sylvie, de son frère David et de toute son équipe – une trentaine de personnes, rien que ça ! -, ce boulanger originaire du Nord a triomphé des 83 autres participants.
Triomphé ? Pas exactement, puisque le titre en dérangerait presque l’intéressé, qui peine encore aujourd’hui à se placer plus haut que les autres. Bien loin d’être porté par ce succès, il se concentre plutôt à en être digne en proposant à sa clientèle des produits de qualité. Un challenge quand on sait les quantités à produire : plus de 200kg de pâte de Bosphore par jour, de nombreuses commandes variées, sans compter la pression qu’exerce la longue file d’attente déroulée face à l’établissement.
Le 39 rue Basse de la Vallée en serait presque devenu un Détroit… pas seulement parce que la place manque, aussi bien pour servir que pour être servi, mais parce que le fameux pain, riche en miel, huile d’olive et nougatine a littéralement envahi les étals depuis sa mise en avant dans l’émission. Bref, continuons à voguer dans ce détroit du Bosphore, entre deux rivières de gourmandises.
Certaines sont d’ailleurs reprises de ses confrères, rencontrés au fil des épreuves. Bretzel sucré, brioche « feuille », en plus des classiques de la maison -Grissinis en tête-, Talmouses ou brioches sucrées-salées réalisées à l’occasion des défis organisés par le jury et la production, le choix ne manque pas.
S’il y a bien un point qui aura marqué l’artisan, c’est le caractère humain de l’aventure : parmi les 7 finalistes, des liens forts se sont créés et les échanges continueront sans doute bien après ces quelques semaines partagées. Les recettes circulent et il n’est pas impossible que le Bosphore trouve ses quartiers chez Eric Marché, à Nantes, avec qui Christophe Rouget entretient à présent des relations d’amitié particulièrement marquées.
Les témoignages d’affection et de soutien n’ont pas manqué ces dernières heures, et ce dès l’annonce du résultat. Klaxons, nombreuses voitures et passants devant l’établissement, Beaumont-sur-Oise a connu une effervescence inhabituelle… et cette dernière n’est sans doute pas partie pour s’arrêter, au vu des articles de presse publiés par l’Echo le Régional du Val d’Oise, le Parisien ou encore sur divers médias web. Plusieurs dizaines de minutes d’attente, voilà qui devrait être la norme pour pouvoir prétendre goûter les spécialités de la maison.
Une affluence qui n’est pas sans conforter le couple dans ses projets futurs : depuis quelques mois, ils travaillent en effet sur la « réfection » de leur boutique, avec l’idée de lui donner encore plus un look « rétro », cher à la famille Rouget depuis son installation ici il y a plus de 18 ans.
L’aventure n’est pas prête de s’arrêter, avec toujours le même dynamisme au sein du fournil et du laboratoire, où apprentis et ouvriers oeuvrent chaque jour avec application et amour du métier, même si le tout s’est teinté d’une certaine inquiétude quant à leur propre capacité à répondre à la demande ces derniers jours. Le mot d’ordre est clair : ne pas trop en faire, rester simple et continuer à donner du plaisir.
Autant de préceptes qui font que l’on ne se lasse pas de cet endroit… bien au delà des titres et caméras.
Infos pratiques
39 rue Basse de la Vallée – 95260 Beaumont-sur-Oise (gare de Persan-Beaumont, Transilien ligne H) / tél : 0134700290
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 6h à 19h30.
Christophe et Sylvie ont un Bearded-collie de chez nous, c’est comme cela que nous nous sommes connu, dès le début j’ai aimé cette passion du pain qui habite Christophe , l’étincelle dans ses yeux à chaque fois qu’il parle de son noble métier , j’aime les gens de passion et j’ai donc demandé à visiter sa boulangerie, je suis un peu de la partie étant cuisinier, j’ai bu ses paroles avec de grand yeux d’enfant et j’ai été subjugué par autant d’humanité de la part de Christophe et de son épouse Sylvie. .
Peut être ne le savez vous pas, mais Sylvie et une compétitive et participe au marathon d’Annecy, c’est toujours un plaisir de se voir à chaque fois.
Un ami d’Annecy.
bonjour à tous,
Juste une petite remarque sur le titre de l’article:
C’est la Boulangerie ROUGET qui a été sacrée Meilleure Boulangerie de France et non Christophe ROUGET qui a été sacré Meilleur boulanger de France.
Ce commentaire peut paraître trop pointilleux et déplacé par rapport à la qualité de l’article, mais la nuance est importante. Je m’en explique:
Le titre de Meilleure Boulangerie souligne bien la qualité d’ensemble de cette entreprise, à savoir:
emplacement, beauté du magasin, niveau de qualité d’ensemble des produits, gamme proposée, niveau très raisonnable des prix pratiqués (baguette de tradition française d’une qualité remarquable à 1 € seulement), qualité d’accueil en boutique, équipe de fabrication particulièrement compétente, engagement dans la formation d’apprentis, esprit qui règne dans cette boulangerie, qualités humaines du couple dirigeant.
Cette nuance ne retire rien à Christophe, bien au contraire et associe toute l’équipe (plus de 30 salariés) à cette réussite de tous les jours et à la réussite dans ce concours.
Félicitations notamment à David, Vincent et Christopher qui ont admirablement entouré Christophe et Sylvie dans ce concours.
Et félicitations à Rémi HELUIN pour ce très bel article, et tous les autres toujours dévorés avec gourmandise.
Patrick RENAULT
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L’idée du titre est d’être accrocheur et efficace. Cela n’aurait pas été le cas si je l’avais tourné différemment. Vous noterez en revanche que le reste de l’article met en avant le fait que c’est une équipe et pas seulement un homme qui ont été récompensés.
Belle journée,
Rémi
Cette émission a changé les hommes qui y ont participé…et sans doute le public, au-delà de ce que l’on pouvait imaginer au tout début. Rémi lui-même a changé d’avis, et c’est tout à son honneur de le reconnaître publiquement.
La durée de diffusion était trop longue, transformant le spectateur en marathonien, mais dans le fond, il parait justifié devant la passion, le courage, l’abnégation, l’humanité (pas si galvaudé sur cette émission) et l’importance du rôle des boulangers, au-delà des candidats sélectionnés.
Peut-être est-ce dû au fait que les épreuves étaient moins « spectaculaires » que dans les autres émissions de cuisine (des jeux du cirque pour faire craquer les candidats?); ou à la simplicité des artisans-boulangers. L’émotion a pu surgir ainsi que la noblesse du métier. Les valeurs que défend Rémi à longueur d’articles,et qui pouvaient passer pour du passéisme ou de l’angélisme, ont ainsi trouvé un magnifique écho dans la lutte fraternel des candidats.
Il nous restera la trace de liens forts et humains à travers une passion commune, et la sensation d’une incarnation, vivante comme la pâte à pain du boulanger, du mot clé de ce blog: le partage.
Je suis béotienne en matière de pain mais toujours poussée par la recherche du « bon » et de la saveur, je suis devenue exigeante dans mon choix d’un pain digne de ce nom. Et combien de fois ai-je été déçue ! J’en étais arrivée à me demander si la corporation des boulangers, en cédant à la facilité ne se moquait pas des ses clients en proposant toujours plus chers des pains médiocres. Et bien cette émission, malgré ses imperfections, m’a réconciliée avec cette profession: mais oui, des professionnels du pain créatifs, innovant tout en préservant une certaine tradition, respectueux de leurs clients en leur proposant du pain digne de ce nom, ça existe encore! Maintenant la difficulté pour moi c’est de les dénicher car sont plus nombreux ceux qui se complaisent dans la routine et la médiocrité que ces véritables amoureux que j’ai vus à la télévision.