J’ai certainement déjà eu l’occasion de l’écrire, mais la boulangerie, c’est un peu de la musique. Chaque jour, un chef et son orchestre jouent une partition faite de recettes, diagrammes, façonnages et temps de fermentation… Ce qui est intéressant, c’est le fait que l’habitude et la répétition peuvent, dans les deux cas, aboutir à une baisse de qualité en terme de résultat. Le quotidien est un ennemi redoutable.
Continuons dans les parallèles en évoquant la difficulté de trouver une « note juste » dans sa façon de jouer, pour exprimer une identité propre tout en satisfaisant les attentes de sa clientèle. Certes, pour beaucoup de boulangers, hors de question de chercher à sortir des sentiers battus, il faut au contraire se conformer de façon précise à ce que peuvent leur indiquer meuniers et autres réseaux boulangers. Je ne dis pas que c’est toujours une mauvaise chose, au contraire, certains artisans excellent ainsi dans la réalisation des baguettes Retrodor, Gana et autres, au plus grand plaisir de leur clientèle… même si ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Une affaire de goûts.
Une année a passé du côté de la rue Paul Bert. Souvenez-vous, je vous en parlais alors, la Pâtisserie ‘by’ Cyril Lignac allait ouvrir ses portes. Les débuts ne m’avaient pas franchement convaincu, mais je ne suis pas sectaire et j’ai pris conscience, avec le temps, de la difficulté de s’installer, surtout lorsque la boulangerie n’est pas forcément son métier d’origine. Cela ne m’a pas empêché d’y retourner de temps en temps, pour prendre la température et voir si l’endroit trouvait son ancrage dans le quartier.
Le pari semble plutôt réussi pour les deux compères, Benoît Couvrand et Cyril Lignac, car la clientèle se presse plutôt nombreuse devant les portes de la boutique. Pour le premier, ce doit être d’autant plus appréciable sortant d’une grande maison où il n’était pas forcément aussi libre qu’il peut l’être aujourd’hui.
Depuis la rentrée, les présentoirs de la boulangerie-pâtisserie se sont enrichis de nouvelles créations, autant sucrées que salées.
Bonne surprise du côté des pains, où le choix a été fait de sortir des « grands classiques » pour aller vers des terrains… aromatiques, et notamment du côté des plantes avec un pain au Thym Citron !
On pourrait aisément lui associer le sous-titre « … comme une infusion », même si cette dernière prend texture et corps au travers de sa mie et de sa croûte. Ainsi, les délicates feuilles de la plante constellent ce pain et lui confèrent un caractère très parfumé. Les notes herbacées et citronnées viennent relever la douceur du froment : en effet, le choix a été fait d’utiliser une base de pâte de tradition, ce qui laisse champ libre à l’épice. Cette dernière est plutôt bien réalisée, et nous offre une mie assez alvéolée et une croûte fine, affichant une cuisson bien menée. Cependant, on pourra regretter le fait que ce pain perd rapidement de la fraîcheur et de la consistance, devenant trop humide. Egalement, une dorure légèrement grasse et – à mon sens – superflue est apposée sur le dessus, ce qui n’apporte rien au produit.
Néanmoins, ce pain demeure une expérience fort agréable et surprenante, apportant un peu de soleil à une période où nous en avons bien besoin. De plus, c’est une belle opportunité d’accords mets-pains : le Thym Citron sublime les poissons et viandes blancs, mais il peut tout aussi bien s’inviter au petit-déjeuner, accompagné de confitures douces ou plus acidulées… Cela fait fonctionner l’imagination, et plus de boulangeries devraient tenter l’expérience pour inciter leurs clients à s’y intéresser : les pains spéciaux ne se limitent pas aux fruits secs.
Petit bémol sur le prix, 3 euros pour une pièce de 250g, cela commence à faire et malgré le coût que peuvent générer les feuilles de Thym Citron, j’ai un peu de mal à voir ce qui rend la farine de Tradition si coûteuse, mis à part l’effort de création.
Pain au Thym Citron, La Pâtisserie by Cyril Lignac – Paris 11è, vendu à la pièce, 3 euros les 250g (également disponible en petites pièces, 0,60€ l’unité)
Paris 11e !! On est au nord du Faubourg St Antoine, frontière entre 11e et 12e.
Oups, je le savais en plus ! Merci Arnaud pour la correction ! 😉