Nous avons en chacun de nous des couleurs associées aux aliments, autant de visions préconçues de la façon dont doivent être conçues les choses, la « normalité ». Je trouve toujours cela intéressant de chercher à bousculer les codes, à casser les habitudes et à sortir des sentiers battus. Malheureusement, ça n’est pas vraiment quelque chose de courant en matière d’alimentation, surtout en France où les consommateurs ont une fâcheuse tendance à être frileux.
Chez Gontran Cherrier, il y a de quoi être satisfait pour les curieux comme moi. En effet, dans la boutique du 22 rue Caulaincourt et maintenant rue Juliette Lamber, les pains en voient de toutes les couleurs. Rouges, verts, jaunes, … il y a le choix. Il n’y a pas qu’une question de couleur et d’esthétisme et de couleur, mais aussi de saveur, puisque chacun des pains propose des goûts bien particuliers, autour des épices et des graines.
Depuis quelques jours, le « bun noir » qui existait jusqu’alors s’est vu rejoint par un pain de tradition, décliné en baguettes et bâtards. L’effet en boutique est pour le moins surprenant : des baguettes entièrement noires, je crois que je n’avais jamais vu ça jusqu’alors. Bien sûr, je ne pouvais m’empêcher d’en demander une bien cuite… ce qui est tout bonnement impossible à déceler à l’oeil. Je crois que cette blague ne manquera pas d’être éditée et rééditée.
Passée la surprise visuelle, il ne faudrait pas que le produit soit décevant à la dégustation. On connaissait déjà l’association encre de seiche – graines de nigelle, mais le tout était accompagné d’un pain moelleux et beurré, ce qui adoucissait grandement le goût. Ici, les graines peuvent exprimer leur plein parfum, et le résultat est tout à fait détonnant. On y trouverait presque des notes mentholées, très inhabituelles pour du pain. Cela donne une impression de fraîcheur en bouche, en contraste avec la relative humidité de la mie. L’encre de seiche apporte principalement de la couleur mais pas de saveur particulière, peut-être une pointe d’amertume marine mais rien de bien remarquable. Cela ne serait pas aussi amusant sans cette incorporation cependant, car cela créé le mystère et accompagne la couleur des graines de nigelle.
La saveur qui se dégage de ces pains est presque entêtante et addictive, on y revient sans façon, naturellement. On cherche à rapprocher de goût particulier à d’autres, sans grand succès d’ailleurs. En terme d’association mets-pain, la tâche n’est pas aisée, et il faudra privilégier des produits exprimant des arômes soutenus pour ne pas les perdre sous le parfum des graines. Les saveurs marines ont ma préférence ici, car leur goût iodé se place avec justesse en prolongement.
Pour le reste, la baguette et le pain sont dans les standards habituels de Gontran Cherrier, avec une croûte assez craquante, une mie bien alvéolée et fraiche, assez peu grasse et à l’humidité bien contrôlée. La conservation de ces pains est assez honorable. Comme je l’ai souligné précédemment, il est difficile de juger de leur cuisson et cela ne pourra être apprécié qu’à la dégustation et à la conservation. Ces pains sont une énigme, un point d’interrogation et c’est ce que j’apprécie tout particulièrement. Notre curiosité est éveillée et nos sens également, et je pense que l’expérience devrait être tentée plus régulièrement, en proposant des produits d’une teinte complètement différente à celle que l’on rencontre d’habitude, sans pour autant utiliser des colorants.
Cette dernière création de Gontran Cherrier mérite donc d’être essayée et appréciée – ou non -. Ce type de surprise est presque « habituel » chez lui, mais il fallait y penser. J’aimerais que d’autres boulangers aient la même démarche de prise de risque et de nouveauté, car nos boulangeries sont bien trop uniformes et « lisses », avec des produits assez ressemblants de l’une à l’autre. Amis artisans, exprimez votre identité !
Baguette à l’Encre de Seiche et Graines de Nigelle, Gontran Cherrier – Paris 18è, 1,35 euros la pièce de 250g.
Euh, revois le prix à la hausse, la 1/2 baguette encre de seiche est à 1,2€ – apparemment il faut une haute dose d’encre pour qu’elle soit plus noire que noire 😉 Du coup, ça devient très cher je trouve… mais bon, a priori on n’est pas sur le même schéma de consommation qu’une tradition banale 🙂 J’aime beaucoup la saveur donc j’y reviendrai certainement occasionnellement.
Ah oui ? C’est curieux, ce n’est pas le prix que l’on m’a fait payer les deux fois que j’en ai pris… Je redemanderai.
Moi étonnée du prix j’ai demandé si c’était bien pour la 1/2… et ben oui. (Bon sinon tu leur diras de m’offrir la prochaine pour compenser…)
Bonjour,
des iconoclastes, il en faut; mais j’avoue avoir un peu de mal à adhérer d’un prime abord à une baguette aussi noire. Sans doute pour avoir vu quelques fois des baguettes comme celle-ci sortir de mon four après les avoir oubliées.
Aaaah, je l’ai goûtée il y a une semaine, j’ai adoré.
(Avec du fromage de chèvre)(oui, parfois, je fais des associations totalement étranges).
Ping : Pain du jour : Pain au Charbon de Bambou et Chocolat Blanc, La Gambette à Pain (Paris 20è) | painrisien
Où es ce que je peux trouver une boulangerie qui produit en masse svp ?