Ces dernières années, la boulangerie a cherché à se racheter une conduite, à donner une image plus respectable en réduisant le taux de sel dans leurs pains, notamment, mais également en supprimant les additifs contenus dans ceux-ci. Cela fait notamment suite à la publication du décret Pain du 13 septembre 1993, instaurant le pain de Tradition française, initialement prévu pour être totalement dépourvu d’additifs.

Seulement, la réalité est tout autre. La plupart des baguettes et autres pains de tradition contiennent des additifs. Cela se passe notamment au niveau du stockage des blés en silo, dans lesquels on utilise souvent des produits destinés à empêcher le développement de divers insectes, entre autres. Cela n’est pas autorisé dans le cas des farines Label Rouge ou CRC, dans ce cas, les silos sont réfrigérés, ce qui permet d’éviter le développement d’organismes indésirables, tout en gardant une farine « propre » au final. Malgré tout, on peut voir ici un premier mensonge : les pains sans additifs en contiendraient donc tout de même !

Malheureusement, et la tromperie est d’autant plus grande que les produits sont généralement plus coûteux, les pains biologiques présents sur le marché et distribués en magasin spécialisé contiennent pour beaucoup une certaine quantité d’additifs, visant notamment à faciliter la levée de l’ensemble. Quoi de plus naturel que de l’acide ascorbique, n’est-ce pas ?
Bien sûr, cela reste difficilement comparable avec certains pains issus de la grande distribution ou de certains boulangers, mais le consommateur est trompé sur la qualité du produit qu’il achète, ce que je trouve assez inacceptable. D’ailleurs, un exemple frappant fût celui offert à l’occasion du concours des pains Biologiques d’Île-de-France. Certains des artisans participants ont proposé des pains remplis d’additifs. Forcément, ils pouvaient être jolis, attirants, de véritables bêtes de concours ! Seulement, le classement ne peut pas se faire de façon honnête de cette façon.

Autre débat, le blé malté et les fèves incorporés dans la recette de plusieurs baguettes de tradition. C’est notamment le cas pour la Retrodor (minoterie Viron) ou la Reine des Blés (moulins Bourgeois), qui indiquent clairement la présence de farine de Blé Malté dans leur composition. Forcément, cela aide à créer un produit savoureux en activant le développement et la fermentation, mais tout cela n’a rien de très naturel. Cependant, comme la législation le tolère, pourquoi s’en priver ? L’objectif étant encore et toujours de faciliter le travail de l’artisan boulanger. Je pense que nous devrions être plus exigeants et chercher à être irréprochables plutôt que de développer ce type de processus.

La question de fond est encore et toujours la santé publique et le recul que l’on peut avoir vis à vis de ces éléments. Or, nous en manquons cruellement et nous devrions donc être prudents : le pain est un des produits de base de l’alimentation, et il ne faut donc pas jouer aux apprentis sorciers avec. La meunerie et les industriels le font sans trop de scrupules, et cela démontre – s’il le fallait – le peu de cas qu’ils ont de la qualité du produit final, tant que les profits sont au rendez-vous.

Fort heureusement, certains artisans s’engagent et prennent le parti de réaliser leur pain avec une farine dont ils se sont assurés de la totale « pureté ». Ils sont encore trop rares, et nous ne pouvons qu’espérer que cette tendance prenne de l’ampleur. C’est notamment le cas chez Frédéric Pichard ou encore Dominique Saibron, qui commandent une farine sur-mesure à leur meunier.

16 réflexions au sujet de « Du pain sans additifs ? Pas si évident qu’on le croit ! »

  1. Bonjour Rémi,

    Attention à ne pas jeter la pierre trop haut.
    Tout le monde ne s’appelle pas Dominique Saibron et peut se permettre de commander une farine sur mesure. Ceci est aussi un bel argument marketing pour vendre son pain…
    Vous décriez l’ajout de malt de blé dans certaine farine. Doit on aussi considérer que les fameuses épices utilisées par Dominique Saibron sont également des additifs? Epices soit dit en passant dont on cherche encore le goût ou les arômes une fois le pain pétri et cuit(attention au argument marketing là encore).
    Le malt sous forme de farine ou de sirop est un ingrédient aromatique qu’on utilise (ou pas) dans ses préparations. Il est utile par les arômes et la coloration qu’il apporte (au même titre que du miel ou de la mélasse). Evidemment le dosage est très important, car en excès il provoquera une altération de votre panification.
    Entre un pain bio fabriqué à l’ancienne, dur comme du bois, mal panifié, mal cuit, je préfère encore une baguette de bien panifié, croustillante, même si l’artisan a utilisé de l’acide ascorbique (additif qui inexistant une fois la cuisson passée).
    Attention à ne pas verser non plus dans l’excès de vertu.

    « La vertu est donc une sorte de moyenne, puisque le but qu’elle se propose est un équilibre entre deux extrêmes »
    Aristote

    • Bonjour Eric,
      Bien sur, je suis d’accord avec vous, il serait difficile pour chaque boulanger de commander une farine sur-mesure, mais le produit que ces artisans commandent ne devrait-il pas être la normalité, plutot que l’exception ?
      Pour les épices de Dominique Saibron, nous sommes effectivement dans le terrain du marketing.
      Sur le sujet de l’acide ascorbique, il ne doit pas être utilisé pour compenser la médiocrité de l’artisan… Certes, le résultat est meilleur à la dégustation, mais l’histoire qui conduit au pain est également importante.
      Difficile de trouver une juste mesure…
      Belle journée,
      Rémi

    • Bonjour j’ai un. C. A. P de boulangerie et aussi une mention complémentaire en boulangerie et vous oublié toujours de parler des. Fameux E 471e_etE472e ? Graisse. Végétal quant il y a un*et graisse animal surtout. Pour l’additif E472e. Merci. Oublier les. Additifs naturels comme la farine de fève ext…..merci

  2. L’acide ascorbique est naturelle, cette vitamine est présente dans de nombreux fruits. En plus d’éviter le scorbut, plusieurs chercheurs lui ont découvert de grandes vertues. Linus Pauling en prenait jusqu’à 18 g/jour, il est mort à 93 ans.

    L’utilisation de l’acide ascorbique dans la farine a permi à plusieurs générations d’avoir du pain moins plat et aux boulangers de travailler plus facilement, à une époque où la qualité et la quantité de blés manquaient en France. Si son utilité est plus limitée aujourd’hui, les doses utilisées sont beaucoup plus faibles qu’avant dans les farines non-tradition.

    Il existe de l’acide ascorbique bio, cela est très utile pour renforcer des farines bio qui n’ont pas toujours les qualités boulangères des farines conventionnelles.

    Il serait sans doute difficile de se passer de malt de blé dans une farine de tradition française. C’est un adjuvant qui corrige l’activité enzymatique de la farine. Cela permet de récolter le blé à un certain stade de sa maturité puis de le corriger avec le malt de blé, sans que cela ne nuisent à la qualité du pain.

    Les quelques grands boulangers qui se permettent de commander des farines à la carte, sans adjuvants, le font car ils ne sont pas nombreux à le faire. Il serait impossible de la faire la même chose aux dizaines de milliers d’autres artisans français car il faudrait trouver des lots de blés particuliers pour chacun d’entre eux.

    Imaginez-vous le coût écologique et économique pour stocker au froid les 5 MT de blé consommés en France ?

    • Si les boulangers émettaient une réelle et obstinée demande pour obtenir ces lots de blés nul doute que les céréaliers et les meuniers s’adapteraient. Force est de constater que les boulangers ont perdu ce leadership est qu’ils ne sont plus les « patrons ». Si les mêmes boulangers n’achetaient pas de la farine dont les blés ont été cultivés et moissonnés dans des conditions non satisfaisantes l’offre se seraient ineluctablent adaptée. Accepter les dérives de la facilité et de la quête de profit comme précepte à tous processus peut malheureusement être habillé de grands argumentaires. Pourtant si dans ce monde, un métier, un art, devrait être pardonné pour ne pas dire loué pour ne pas accepter quelque compromission que ce soit c’est bien celui de boulanger.

    • On peut effectivement mettre en avant le caractère naturel de l’acide ascorbique pour justifier son utilisation, mais je trouve cela un peu ‘juste’. Cela demeure un ajout extérieur, un principe actif que l’on ne maitrise pas pleinement.
      Là ou je ne vous suis pas du tout, c’est sur le stockage des blés. A mon sens, il est indispensable de chercher à conserver le grain sans utiliser de produits potentiellement nocifs. L’exception doit devenir la normalité, et je ne doute pas du fait que l’on puisse trouver des solutions industrielles à ce challenge…

  3. Bonjour Rémi,
    Produire un pain qui ne comprends absolument rien d’autre que de la farine pure sans le moindre additif à beaucoup de sens. Le mot « pain » devrait être exclusivement réservé pour désigner ce produit là. Si Mère Nature doit aussi être respectée sur un point crucial c’est bien sur les arômes naturels qu’Elle nous offre. Je rajouterai à votre propos de ne pas oublier les rajouts massifs de glutens qui ne sont pas mentionnés comme additifs. Une des plus grande menace sur l’avenir de notre « art-isanat » se loge dans une augmentation fulgurante de l’intolérance à ce composé moléculaire complexe qu’est le gluten (un cas sur 3000 dans les annees 80 à un cas sur 100 aujourd’hui). À mon sens si un produit doit être préservé pur et véritable dans l’alimentation humaine de base c’est bien le Pain.

    • Bonjour Roland,
      Je ne peux que vous rejoindre en tout point sur la position que vous défendez, le pain est un aliment essentiel qui doit être respecté et protégé. Les problèmes d’intolérance au gluten, de plus en plus fréquents, sont effectivement préoccupants et il y a là un sujet politique que nos pouvoirs publics devraient prendre en main, au risque d’un lent dérapage, qui pourrait avoir des conséquences graves.

  4. Bonjour Roland,
    nous ne vivons pas malheureusement et pour l’instant, dans un monde parfait. Effectivement si tous les boulangers avait votre sens de l’art-isanat, nous pourrions produire des pains exempts de tout additif, du sur mesure, loin du prêt-à-porter d’aujourd’hui.
    Le sur mesure à un coût. Le monde est-il prêt à en payer le prix?
    Un exemple intéressant est le Kamut®. C’est une marque déposée par une entreprise canadienne et dont s’est entichée le consommateur bio sans savoir qu’il s’agit du blé de Khorazan.
    J’ai l’exemple d’un homonyme qui, produit son propre pain et vend des blés aux « Farines de mon moulin ».
    Ce « maitre artisan » vend des graines de Kamut sur son site internet à…9€ le kg TTC.
    Un kilo de farine de Kamut® (et donc provenant du même céréalier que lui) commandé chez mon meunier me coûte : 2.11€TTC.
    Le Grand Épeautre est vendu sur son site 5.316€/kg, je l’achète (écrasé à la meule de pierre) T110 à 2.165€.
    Sincèrement, j’ai du mal à comprendre un tel écart de prix.
    Il ne peut être justifié que par l’art-isanat que vous mettez en avant et qui lui interdit sans doute de pouvoir négocier de meilleurs prix à ses céréaliers (je ne pense pas qu’il s’agisse ici d’une recherche de profit).

    Je crains que l’on assiste bientôt, comme en haute couture, à un défilé de pains tous plus inaccessibles les uns que les autres et réservés aux seuls initiés.

    • Eric,
      Il se trouve que l’homonyme n’en est pas un, puisque les « Maîtres de mon Moulin » est bien la société que j’ai créée….
      Tou d’abord la marque Kamut n’est pas Canadienne mais américaine. Toute la communication Kamut est toujours faite sur la base de : blé de khorasan de la marque Kamut. En ce qui me concerne je suis un peu las de devoir systématiquement rétablir des fausses informations sur ce blé. J’ai moi même eu l’occasion d’ecraser et panifier plus d’une trentaine de cultivars de ce blé de Khorasan. Lorsque que j’en trouverai un identique à celui que j’utilise et qui est en provenance du consortium Kamut je pourrai en changer. À l’heure actuelle il n’y a pas de Khorasan Kamut qui rentre sur notre territoire à moins de 2,20 € HT le kilo acheté en gros volume. Il s’agit là d’un blé d’exception qui mérite que l’on pousse la logique en son bout. Je ne fais donc d’extraction qu’à 75% en une seule et unique passe. L’on paye sur la licence d’écrasement du Kamut des analyses extrêmement sévères qui garantissent et le fournisseur que je suis et le consommateur certe, je vous le concède, averti.
      Le premier but de ces analyses réside en la vérification que les teneurs en sélénium sont celle du Kamut ce qui en fait la particularité et un des grands intérêts. La farine revient donc très cher. Si on intègre les coûts transport, etc. Il n’est pas possible de faire beaucoup mieux. Quand en ce qui concerne les grands-épeautres là encore il faut comparer ce qui peut l’être. Il y a des centaines de variétés de grands épeautres et un éventail de qualité qui est à 180°… Les deux variétés que je cultive sont deux variétés anciennes et qui ne reçoivent pas le moindre intrant en culture. Les rendements sont très faibles mais les teneurs ainsi obtenues sont incomparables. Ensuite nous pourrions parler des méthodes d’écrasement sur meules de pierre. Nous ne pratiquons que le mono passage des grains et éliminons tous les gros sons. Il n’y a aucun remoulage. Nous apportons la certitude de la présence de l’intégralité du germe en la farine.
      Il ne s’agit pas de négocier des prix avec un céréalier mais de s’interroger sérieusement sur le revenus de véritables paysans qui cultivent comme il serait bon d’y songer un peu plus.
      Il ne faut pas ramener un propos général à une présence partielle de produits vendus pour rendre service sur un site marchand honereux pour une clientèle particulière. Il existe sur le territoire de multiples expériences (Gard, Quercy, etc.) de cultures de blés de grandes qualités qui permettent à des Moulins (Moulin de Sauret par exemple) de sortir des farines bio en circuit court à 80 centimes le kilo. Je pense que ce genre de démarche doit être largement soutenue. Celle des Maîtres de mon Moulin ne pouvant être analysée et bien comprise que de manière très marginale aujourd’hui. Mais le Moulin et le fournil de Cucugnan vous est grand ouvert. Ce serait un très grand plaisir.

    • Pardon, c’est avec plaisir que je m’arrêterais à Cucugnan lors de ma prochaine descente à Perpignan. En plus le site est magnifique avec Quéribus comme gardien de vos jours et de vos nuits.

  5. Bien joué Rémi! Par la vertu de tes remarques de consommateur averti et passionné, mais non point de professionnel que tu ne prétends pas être, tu suscites un beau débat. Bravo!
    Je crois tout de même que si toutes les farines étaient de la qualité de la Reine des Blés, de la Retrodor, ou bien de la Tradi des Moulins de Chars et de Chérisy, la boulange aurait de beaux jours devant elle.
    Il y a encore peu de temps, Roland ou Dominique Saibron n’auraient peut-être pas trouvé leur public. Aujourd’hui, leur place est d’autant plus légitime qu’ils peuvent contribuer à tirer l’ensemble de la profession vers un « mieux disant boulanger », du moins peut-on l’espérer. Amitié, François Dumoulin

  6. tres interessant tous ces dialogues ! j aime la tradition et le bon pain :SANS GLUTEN NI ADDITIF!je ne croyais pas possible qu on touche a un aliment essentiel pour nos enfants! j aie vendue en boulangerie patisserie quelques annees et ca me paraissait impossible! mais sachez tous, artisans ou pas QUE LA QUALITE L EMPORTERA TOUJOURS SUR LA QUANTITE,de vente biensur!!!! Les gens ne sont pas duppes de ce qu ils mangent et autour de moi,au moins trente personnes ne mangent plus de pain a cause du rajout d additif et de graves problemes de sante! donc reflechissez un peut ,?guardez votre conscience …. et vos clients ! n experimentes pas trop!

  7. Bonjour,
    Votre article est effectivement très intéressant. Il est agréable de constater que les consommateurs s’inquiètent de plus en plus de ce que les entreprises industrielles leurs proposent. Les boulangers font aussi confiance à ces meuneries industrielles par soucis de rentabilité et par facilité (livraison – service…).
    Mais il existe bel et bien des farines sans additifs. Il faut aller chercher des moulins artisanaux. Il n’ y en a plus beaucoup mais cela doit pouvoir se trouver dans chaque département.
    Nous faisons partie de ces moulins traditionnels qui écrasent la farine à la meule de pierre. La farine naturellement plus riche (germe du blé écrasé) n’a pas besoin d’ajout de gluten ou d’additifs.
    Bien entendu une entreprise familiale et artisanale ne peut pas livrer de la farine n’importe où. Nous n’avons pas la puissance des grandes meuneries. Nous essayons néanmoins d’agir localement dans notre région en Anjou.

  8. Tous ces commentaires sur la qualité du pain que nous mangeons quotidiennement m’interpellent. Il est vrai qu’en tant que consommatrice lambda je souhaite que cet aliment indispensable dans notre alimentation (mais bien d’autres aussi grâce à une agriculture bio ou du moins raisonnée …) devienne le plus sain possible. Compte tenu de la quantité consommé par jour comment n’arrive-t-on pas à pouvoir acheter des farines sans adjuvants et des céréales cultivées sans pesticides pour les pains spéciaux ? Il faut arrêter de préférer la quantité à la qualité et ne pas réserver cette dernière aux plus aisés. Quand on comprends que notre santé passe par notre alimentation il est essentielle de faire attention à toute cette malbouffe de type industrielle remplie de colorants, adjuvants, conservateurs chimiques etc…Je crois que de très nombreux consommateurs seraient prêts à débourser quelques centimes de plus s’ils étaient assurés de la qualité de pain et des denrées qu’ils achètent afin, comme il est dit dans certains commentaires, que cela deviennent une normalité pour le bien être de chacun et la préservation de nos terres. Le travail du boulanger est un art ancestral et il doit le rester dans le respect qui lui est dû.

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