Le pain est un aliment politique. Cela a toujours été le cas, il n’y a qu’à voir les révoltes provoquées dans le passé par l’augmentation de son prix liée à la fluctuation des cours du blé, et en dehors de cela, le fait même qu’il constitue une des bases de notre alimentation lui confère un statut bien particulier. En France, les politiques ont tenté de prendre le parti de la qualité en instaurant le pain de tradition française par décret du 13 septembre 1993, mais cela reste à mon sens plus qu’insuffisant. La question de la farine et donc du pain se posera de plus en plus au cours des années à venir, d’une part pour son prix (les cours n’ont eu de cesse de grimper ces derniers mois), mais aussi pour sa qualité, sans cesse dégradée (utilisation de pesticides, production de blés impropres à la panification, nécessitant l’utilisation d’additifs…).
Au delà de ça, on peut choisir de faire du pain avec un certain idéal, dans le respect de la biodiversité et des hommes. C’est le cas des fondateurs de La Conquête du Pain, une petite boulangerie coopérative créée en septembre 2010 à Montreuil. Pour Pierre Pawin et ses « coopérateurs », il ne s’agit pas uniquement de proposer des baguettes ou des pains, mais bien de développer un état d’esprit différent. Tout d’abord, l’ensemble de la gamme est réalisée à partir de farines biologiques, et certifiée depuis quelques mois. Ensuite, le pain est distribué au travers de 21 AMAPs franciliennes, en plus de l’être à la boutique. Elle a fourni du pain pour divers concerts et soirées militantes, aidé des mouvements de personnes en situation précaire… L’engagement est quotidien et il se matérialise notamment par la forme un peu particulière prise par l’entreprise : c’est en effet une SCOP, Société Coopérative et Participative, où les salariés sont également actionnaires et prennent part de façon active à son processus décisionnel.
La boulangerie ne paie pas de mine, c’est une boutique d’angle à l’apparence un peu dépassée, le local abritant déjà le même type de commerce précédemment. A l’intérieur et sur les vitrines, nous sommes accueillis par des documents et affiches mettant en avant le rattachement de l’endroit à des causes anarchistes ou communistes. Cela peut prêter à sourire, mais c’est rare de voir des personnes aussi engagées au sein de leur travail. Que l’on n’adhère ou pas à ces idées, il n’est pas possible de rester insensible face à cela. Dans un sens, c’est un peu rassurant : des personnes capables d’aller aussi loin dans leurs idées doivent certainement mettre du coeur à l’ouvrage, et donc chercher à produire du pain de qualité.
Quand on vient chercher son pain ici, il faut faire abstraction de l’écrin. La présentation n’est pas vraiment engageante, même si les pains affichent pour la plupart de belles cuissons. Le choix est vaste : de la baguette au pain au citron ou à l’orange, en passant par l’inévitable campagne et le pain de petit épeautre. Ici, les boulangers ne font pas que rêver d’un monde meilleur, ils tentent également de réveiller les papilles de leur clients en leur proposant des saveurs originales, comme en témoigne cette « fougasse surprise » et ces sandwiches aux noms plutôt révolutionnaires. Certes, il est inévitable de penser que la « ligne jaune » est parfois franchie, et que nos boulangers coopératifs en font parfois un peu trop, le mélange des genres n’étant pas toujours très heureux.
L’essentiel, ce sont les saveurs et les produits, pas les idées. Le levain mis en oeuvre est assez doux, peu acide, ce qui peut parfois provoquer un certain manque de caractère comme sur le pain type campagne. A l’inverse, le pur seigle sera beaucoup plus typé. On regrettera également le fait que les croûtes ne soient pas toujours très marquées, malgré leurs belles teintes acajou.
On retrouve en plus des sandwiches une courte gamme de gourmandises, telles que des brioches vendues au poids, ainsi que divers financiers au saveurs multiples.
Tout n’est pas parfait, comme en témoignent les viennoiseries au caractère très artisanal et un peu aléatoire, mais on sent que la volonté est là et que le personnel met du coeur à l’ouvrage au quotidien pour offrir à sa clientèle un service et des produits de qualité. L’accueil est sympathique, il nous décrit avec passion ses produits et nous détaille la composition de ces Baobabs, Préhistoriques et autres Dinosaures. Rien de soviétique dans ce service, bien au contraire.
Infos pratiques
47 rue de la Beaune – 93100 Montreuil (métro Croix de Chavaux, ligne 9)
ouvert du lundi au vendredi de 11h30 à 14h et de 16h à 20h.
Avis résumé
Pain ? Réalisé à partir de farines biologiques et certifié depuis quelques mois, il nous est proposé au travers d’une gamme variée et intéressante, avec des partis pris plutôt originaux. Le pain de campagne est d’une (trop ?) grande douceur, le levain utilisé étant peu acide. Les cuissons sont de bonne facture, et la conservation des produits l’est également, malgré des croûtes parfois un peu absentes.
Accueil ? Impliqué (mais l’inverse aurait été étonnant et décevant !), sympathique et connaissant parfaitement ses produits. Bien sûr, on pourra peut être lui reprocher ce côté un peu « hippie retardé », l’ensemble n’étant pas forcément d’une netteté irréprochable, mais cela tient plus au caractère âgé de la boutique qu’autre chose.
Le reste ? Les viennoiseries sont très « rustiques », on sent que les artisans essaient sans forcément avoir une pleine maîtrise du feuilletage. Les sandwiches portent des noms pour le moins surprenants, même si leurs saveurs sont au final moins révolutionnaires que leur intitulé. On notera la présence de quelques gourmandises plutôt sympathiques, telles que des brioches vendues au poids, ou des financiers aux saveurs diverses.
Faut-il y aller ? Je trouve qu’il y a des projets qui méritent d’être soutenus, et celui-ci en fait partie. Certes, tout n’est pas parfait, mais la qualité des produits est déjà bien présente et je ne doute pas que l’implication des boulangers ne pourra qu’amener des améliorations progressives, en plus de nouvelles créations. Il est important de donner du sens aux projets que l’on développe, et la boulangerie est un bon moyen pour porter des valeurs de partage et d’une société plus juste. A la Conquête du Pain – qui est d’ailleurs le titre d’un ouvrage de l’auteur Pierre Kropotkine, où il décrit une société en mauvais état et offre des perspectives vers une société plus libre et solidaire – on ne change pas forcément le monde, mais on y contribue en proposant du pain biologique et accessible (les prix ne sont pas élevés, comme on peut se l’imaginer).
Dans tous les cas, je ne suis pas surpris qu’un tel projet puisse s’épanouir à Montreuil, qui est une ville assez sensible aux questions sociales.
j’avais raté cet article et qu’est ce que ça fait du bien de le lire et surtout de penser que de tels lieux existent! car voilà, je pense que le pain a réellement un aspect social et il est marqué dans la lutte. A l’heure où des pains-drive existent, il est bon de se rappeler qu’une boulangerie est un commerce de quartier et qu’il est possible de faire un bon pain pas cher (je pense notamment à des boulangeries où la bonne baguette est à plus d’un euro)
Ping : En Conquête du Pain, à Montreuil… toujours une aventure ! | painrisien
En voisin et client régulier, j’ajouterais une qualité essentielle à cette boulangerie : ils vous font le pain que vous voulez. Pour raison d’intolérance alimentaire, nous leur avons demandé un pain sans blé. Quelques jours plus tard nous était proposé sur le comptoir un pain de riz au lait et au miel, très bon. Problème, il y avait également intolérance au lactose : « Pas de problème, on vous fait un pétrin sans lait spécifiquement pour vous ». Je ne connais aucune autre boulangerie qui non seulement vous vend « son » pain, mais fait aussi « votre » pain ! Et qui en plus est bon. Un boulanger qui aime les défis, c’est un vrai professionnel qui aime son travail…
Vive la Sociale, Camarades!!!
Tres bonne initiative!!!!
les SCOPs sont l’ avenir pour que NOUS NE FASSIONS PLUS VOLER LA PLUS VALUE DE NOTRE TRAVAIL PAR LES TRONPAS!!!!
Le commentaire du plumitif vous traitant de « hippie attardé », montre qu’ il a oublié l’ option SOLIDARITé quand il s’ est fait installé son NEURONE…..A-t-il déjà oublié que sans SOLIDARITé, le bébé humain ne peut pas survivre? ALors dit merci, plumitif et remet ta vision du monde à l’ heure LIBERTAIRE….car
« La Liberté de chacun n ‘existe que si elle étend celle de l’ Autre à l’ Infini »…..et comme je présume que ta culture libertaire n ‘est pas celle d’ un érudit, je te livre le nom de l’ auteur de ce magnifique aphorisme sans péril, C ‘est Michel Bakounine…
Et ça a une autre gueule que la définition bourgeoise de la Liberté qui s’ arrêterait……………………, tu connais la suite, car tu as été bien formaté…..
Si je passe à Montreuil pour voir Gatti à la Parole errante, je viendrais vous saluer….
en attendant je reblogue l’ info…
La lutte continue…
KONSELEDIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIISEU!!!
VG Passeur cognitif à but non lucratif