Je vous parlais il y a quelques temps de mes interrogations face à l’association de la boulangerie et de la pâtisserie. J’ai fait quelques essais par le passé, et au final, cela n’a jamais été concluant : j’ai souvent été déçu par le pain et les pâtisseries dans ce type d’adresse. Certains se limitent à de la pâtisserie « boulangère », des choses simples, mais beaucoup mieux maîtrisées.
Egalement, la question se pose du « comment » : comment associer les deux univers en mettant en avant les deux de façon égale, en laissant la possibilité au client de faire son choix le mieux possible.
Personnellement, je n’ai trouvé qu’une seule adresse qui parvienne à faire tout cela, en réalisant les deux disciplines avec excellente, tout en proposant une expérience cliente pertinente et originale. Son nom annonce la couleur : des Gâteaux et du Pain. Comme son nom l’indique, on y retrouve les deux. Cela cache en réalité une véritable association entre deux artisans passionnés et doués : David Granger pour la boulangerie et Claire Damon pour la pâtisserie. A ma connaissance, peu de lieux ont pris le parti d’associer ainsi deux chefs, et c’est bien dommage car le résultat est exceptionnel.
Parlons tout d’abord de l’endroit, une boutique d’angle à la scénographie léchée, conçue par Yan Pennor’s, l’architecte ayant conçu la pâtisserie de Pierre Hermé au 72 rue Bonaparte, ainsi que « la Cerise sur le Gâteau ». La palette chromatique y est assez similaire, le noir étant très présent, comme il est de coutume dans l’univers du luxe. Le défi était de réussir à proposer un espace dans lequel le gourmand pourrait naviguer entre gâteaux et pains tout en ne manquant rien du spectacle. C’est tout à fait ce à quoi est parvenu M. Pennor’s : ici, pas de comptoir, mais des « îlots » – les pains de campagne et les baguettes intégrés dans l’un des murs, la pâtisserie dans son écrin au fond de la boutique, la viennoiserie et les pains spéciaux au sein d’un présentoir central. On se promène dans ces zones de tentations, accompagnés par les vendeurs de la boutique.
Il est difficile de savoir par où commencer pour parler des produits, car c’est prendre le risque d’en oublier ou d’en négliger certains. M. Granger nous régale avec ses pains réalisés à base de levain naturel, véritable signature de leur gamme. La baguette de tradition, toujours craquante et bien cuite, dégage une belle odeur de blés, un vrai champ capturé un après midi d’été… Pour autant, c’est certainement le pain de campagne qui est la vedette ici : réalisé à partir de farine T80 biologique, il présente une belle acidité et des arômes puissants. Sa conservation est exceptionnelle, il semble parfois être du jour le lendemain matin, sa belle croûte dorée ayant gardé son croustillant. Un régal avec juste une noix de beurre.
Ce n’est pas pour autant qu’il faudrait faire l’impasse sur les pains spéciaux, car il y a là quelques perles. Le Polka, tout en long, réalisé à partir de farine de tradition, offre une belle occasion de réaliser de longues tranches que l’on prendra plaisir à déguster au petit déjeuner, profitant ainsi de tous ses arômes de noisette et de céréales. Les pains aromatiques à l’huile d’olive sont également de petits bijoux : que dire de la Foccacia aux graines de fenouil, avec ses notes de fleur de sel, ou encore de la fougasse nature mais très parfumée ? On entendrait presque chanter les cigales…
Les pains aux fruits secs ne déméritent pas, avec notamment un pain de seigle présenté tout en longueur, que l’on dégusterait presque comme une gourmandise.
On pourrait penser que notre panier était déjà bien garni, mais non, cela ne suffit pas : les propositions sucrées sont du même niveau, à commencer par les viennoiseries. Brillants et dorés à point, les croissants, pains au chocolat, chaussons aux pommes ou autres bichons « fruits rouges-violette » semblent réalisés au millimètre, étant de plus particulièrement bien mis en valeur par l’aménagement de la boutique. Le feuilletage est fin, échappant au travers de la lourdeur.
Quant aux pâtisseries, Claire Damon fait honneur à son parcours prestigieux (elle a notamment fait ses classes chez Pierre Hermé et au Plaza Athénée – Christophe Michalak est un habitué des lieux) en créant des gâteaux mettant en valeur les produits de saison. Certaines créations ne restent que quelques jours à la carte, afin de mettre en oeuvre uniquement des matières premières au meilleur de leur « forme ». Je garde un souvenir ému du « J’adore la Fraise » ainsi que de la buche Bornéo, dont l’équilibre était particulièrement réussi.
Enfin, l’offre est complétée par quelques tartes salées (des quiches, notamment) ainsi que par diverses gourmandises ou gâteaux de voyage (confitures, cakes, chocolats divers, sablés…) qui feront d’excellents cadeaux.
Le service est quant à lui très professionnel, de bon conseil. Les chefs eux-même sont parfois présents en boutique et se mettent en contact direct avec leur clientèle, ce qui est appréciable, en plus de prouver – comme si cela était nécessaire – leur passion.
Infos pratiques
63 boulevard Pasteur – 75015 Paris métro Pasteur, lignes 6 et 12 ou Montparnasse-Bienvenüe, lignes 6, 12 et 4) / tél : 01 45 38 94 16
ouvert tous les jours sauf le mardi de 8h à 20h.
Avis résumé
Pain ? Le pain de campagne au levain, ainsi que sa déclinaison en baguette, possèdent un vrai caractère et une conservation exceptionnelle. La gamme de pains spéciaux est également très intéressante, avec de très beaux pains à l’huile d’olive biologique (foccacia, fougasses). La baguette de tradition ne démérite pas, même si ce n’est pas le principal attrait de l’endroit.
Accueil ? Professionnel, bien formé aux produits, de bon conseil. Rien à redire, le client est bien accompagné au sein de cette grande boutique, parfois un peu intimidante.
Le reste ? Peut-on parler du « reste », tant la qualité des produits est homogène ? Les viennoiseries sont d’une finesse rare, les pâtisseries – aussi bien créatives que plus traditionnelles – comptent parmi les meilleures de la capitale, en plus d’être toujours fraîches grâce à une carte restreinte. Bien entendu, les prix sont en conséquence, mais c’est parfaitement justifié.
Faut-il y aller ? Assurément. Tous les gourmands – ou simplement les amateurs de pain – y trouveront leur bonheur. Il est également intéressant de découvrir cette approche de l’aménagement de boutique, assez atypique, surprenant, mais au final très pertinent. M. Granger et Mme Damon possèdent là une des seules « boulangerie-pâtisserie » à réaliser les deux disciplines de façon exceptionnelle, à mon sens.
Une très belle adresse, particulièrement déconcertante quand on n’a pas l’habitude de vivre Paris !
Je garde un excellent souvenir du pain que j’avais pu déguster. Des arômes extrêmement développés, une cuisson inédite pour moi (enfin un pain cuit !) et puis une ambiance aussi. Celle des endroits où l’on vit calmement, et où l’on fait les choses bien.
je me surprend parfois à prendre des rendez vous dans le 15ème pour leur rendre visite avec un faible pour leur religieuse
Je fréquente cette boutique depuis son ouverture et la qualité ne cesse d’augmenter pour mon plus grand bonheur!!!J’adore leurs pains : la polka aux céréales, leur pain noir, leur foccacia délicieusement parfumée au fenouil, leurs diffèrents pains de seigle…
Et que dire de leurs gâteaux parfumés, goutus et toujours aussi beaux…
A ce niveau là, ce n’est plus de l’artisanat mais du grand Art…
Certains membres de ma famille (pourtant fort pacifiste et démocrate) pourraient devenir violents pour un Saint Honoré pistache griotte et quant à moi, le cake cassis violette m’a réconcilié avec les cakes pour toujours.. et le chausson fruits rouges et violette nourrit souvent des rêves inavouables…Seul bémol : je trouve le design de la boutique si tristounet et si antinomique face à toutes ses promesses de bonheurs…
Nous sommes bien d’accord Nathalie. L’ensemble des produits sont vraiment très gourmands, autant côté pain que pâtisserie. Le Saint Honoré, décliné selon la saison, est toujours un plaisir. J’ai goûté très récemment le « Lipstick Cerise », toujours aussi léger, frais et intéressant.
Le design de leur boutique peut paraître un peu froid, c’est vrai, mais je trouve que l’aménagement intérieur est particulièrement bien pensé, en laissant au client la liberté de naviguer entre les « univers » de produits sans être face à un présentoir comme souvent.
Ping : Pain du jour : Pain au maïs, des Gâteaux et du Pain (Paris 15è) | painrisien
Ping : Janvier, un mois royal ? | painrisien
Bonjour Rémi,
J’ai fait mon baptême chez Claire Damon et David Granger hier ! J’étais vraiment, vraiment impatiente… mais au final, je ne partage pas ton enthousiasme pour la boulangerie 🙁
La boutique est sublime et les présentations donnent envie de tout goûter. Mais le croissant, le pain au chocolat et le pain n’ont pas été pour moi à la hauteur de leurs promesses visuelles.
Il est vrai que je n’aime pas particulièrement ce style de viennoiseries (pâte feuilletée à moitié « briochée », je crois qu’on appelle ça un croissant pâtissier ? ) ; mais je pensais que la maison pouvait par son talent m’en montrer la quintessence. Que nenni : non seulement la pâte n’est pas aérienne, mais on peut dire qu’elle est vraiment lourde et élastique. Heureusement, les saveurs rattrapent un peu les textures, mais quelle déception, quand même…
Côté pain, j’ai testé le curcuma-noisettes, dont la mie était sèche et la croûte si dure que j’ai pas réussi à la rompre à la main. Adieu le geste gourmand de la miche qu’on savoure à la sortie de la boulangerie ; adieu le plaisir du toucher, j’ai attendu d’être rentrée pour dégainer le couteau à dents 🙁
Je suis peut-être tombée sur un mauvais jour, mais un tel ratage m’a découragée de recommencer.
Les pâtisseries m’ont semblé bien meilleures et incontestablement très fraîches. J’ai bien aimé les textures (Pomme-tatin, Kashmir, Gâteau chocolat-lait noisettes) et les recherches sur les saveurs (Kashmir encore, Calisson, l’équilibre salé-sucré de la religieuse caramel). Illustrant la gourmandise, le plaisir simple, cette religieuse m’a notamment fait beaucoup d’effet.
L’ensemble de mes choix était très égal ; j’ai senti dans tous le travail et la recherche d’un aboutissement. Mais honnêtement, si l’expérience fut réellement appréciable, elle n’a pas révolutionné mon univers (mis à part le Calisson, peut-être) comme ont pu le faire certaines créations de Pain de Sucre, ou les classiques interprétés par Jacques Génin. Mon tempérament me porte sans doute davantage vers des propositions qui dégainent un peu plus de folie ou de subtilité « insaisissable » (cette alchimie qui nous échappe complètement et qui rend l’expérience indescriptible) que de maîtrise parfaite 🙂
Bonjour Emma,
Merci pour ton commentaire détaillé.
Je te rejoins assez sur le fait que le travail réalisé par Claire Damon et David Granger recherche un aboutissement, une maîtrise, il n’est pas question de folie ou d’insaisissable, cela « marche droit ». C’est un style qu’ils ont l’air d’assumer parfaitement, preuve en est de leur boutique qui exprime bien cet univers.
Pour les viennoiseries, effectivement, elles sont « pâtissières », ce qui est très différent des « boulangères ».
(j’en profite pour te demander à nouveau une adresse email valide, si tu le veux bien, pour te contacter directement)
Belle journée,
Rémi
Le talent ne se limite pas à la tradition, c’est aussi la créativité. Et pour un concept aussi novateur que « boulangerie + pâtisserie » de qualité, je trouve que le côté pâtissier du croissant va dans ce sens. Ce n’est en rien surprenant.
Dire que le croissant n’est pas aérien, je ne suis pas d’accord. C’est un des croissants les plus aériens que je connaisse, sa grande force réside justement, à mon sens, dans sa fermentation tout en élasticité. Vous ne semblez pas aimer l’élasticité, mais pour moi, là est toute la quintessence d’un bon croissant. 🙂
(peut-être les produits ont-il évolué depuis 2012…)
Bonjour Rémi,
Merci beaucoup pour ta réponse.
Tu peux me contacter à l’adresse associée à ce commentaire… que je viens de corriger (mille pardons pour cette erreur qui n’était pas volontaire. Comme mon identité est mémorisée sur ton site, la coquille se reproduit à chaque fois /o\ )
Bonne journée !
Emma
Je suis client de cette boulangerie pâtisserie depuis trois ans. Les produits sont de qualité et raffinés.
Aujourd’hui, je suis allé acheter du pain et des viennoiseries. Il pleuvait des hallebardes et je n’avais pas assez de monnaie, j’ai donc demander de payer exceptionnellement le montant de 14 euros par carte puisque le seuil de paiement par carte est passé depuis quelques jours de 15 a 18 euros.
Claire Damon m’a répondu que je ne pouvais pas payer par carte en dessous du seuil des 18 euros, malgré le temps et la présence de mon fils en bas age.
Je lui ai fait part de mon mécontentement et qu elle risquait de me perdre comme client.
Sa réponse fut, ce n est pas grave.
Au vue de l accueil et des propos tenus par la patronne, j irai dorénavant ailleurs.
C’est un endroit très prétentieux et particulièrement cher. C’est bon (heureusement!) mais très snob. Doit-on vraiment « marketer » (j’utilise l’anglicisme volontairement) la boulangerie pour faire du bon pain?
Ping : Des Gâteaux et du Pain | Sweet Morning
Allons ne restons pas sur des commentaires quelque peu « grincheux ». Les pains de David Granger sont d’une exceptionnelle qualité — j’ai un faible pour le curcuma-noisette et la polka — et les gâteaux de Claire Darmon ont peu d’équivalent. Ah ! ce rhubarbe-pomelos dégusté le week-end dernier !