Je crois que je m’attaque là à un « poids lourd » du paysage painrisien, voire même de la boulangerie française et internationale. Dominique Saibron n’est pas un boulanger de quartier, et je crois que l’on peut affirmer sans trop se tromper qu’il aura laissé une certaine empreinte dans le métier.
Pâtissier de formation, il est passé à la boulangerie en autodidacte et s’est vite imposé comme un professionnel passionné et exigeant. Aujourd’hui, ses débuts dans le quartier Brancusi (en 1987 !) sont loin. Voyage du pain – De Paris à Tokyo… C’est le titre de son livre, paru en fin d’année dernière. Je trouve que cela résume assez bien son parcours.
Une étape intéressante du voyage, la boule bio Carrefour. En effet, la signature de Dominique Saibron a toujours été l’utilisation d’un levain de miel et d’épices, ainsi que de farines bio ou des meilleures origines. Ainsi, il lui a été proposé de développer le pain bio pour une enseigne de grande distribution. Hésitation, puis le challenge l’a suffisamment attiré pour qu’il accepte finalement. Cela pourrait paraître assez anecdotique pour un artisan, mais la démarche était ici réellement qualitative : Carrefour souhaitait en effet former ses boulangers pour réaliser un pain « premium », réalisé à base de levain et cuit dans des fours à sole. Malheureusement, le temps est passé par là et la qualité du produit mis au point à l’époque s’est considérablement déteriorée.
A côté de cela, Dominique Saibron a créé en 1999 le Boulanger de Monge, au 123 rue Monge, dans le 5è arrondissement. La Rue Monge aura décidément porté de grands noms de la boulangerie, entre lui et Eric Kayser. Le succès est rapide, grâce notamment au développement d’une gamme biologique encore assez peu répandue à l’époque. En 2006 les deux points de vente sont cédés.
L’aventure continue alors à s’écrire… au Japon, en 2008, avec l’ouverture d’une boulangerie. Elle sera rapidement rejointe par trois autres. Le savoir faire français s’exporte très bien, et ce n’est qu’une preuve supplémentaire. Bien entendu, il aura fallu adapter l’offre : les japonais ne sont pas de grands adeptes de pains à croute ou acides. Egalement, ils privilégient les petits formats. Toute une culture !
En 2009, retour en France, dans le quartier d’Alésia. Il reprend une belle et grande boutique d’angle, l’ancien traiteur Noblet. En y entrant, on sent que l’homme – et ceux qui l’accompagnent – a travaillé son concept. Plus qu’une boulangerie, c’est un lieu de vie qui a été créé. Sur cette place pas franchement glamour mais toujours vibrante, vivante, le spectacle se joue dès 7h et jusqu’à 20h30, du mardi au dimanche. Le comptoir tient une place importante dans la boutique et donne une certaine force à l’endroit, accompagné par une terrasse où ne cessent de se succéder clients et serveurs.
Côté boulangerie/pâtisserie à emporter, la queue ne désemplit que très rarement et il faut parfois s’armer de patience avant de voir son tour arriver, malgré tous les efforts mis en oeuvre pour ventiler le flux de clientèle.
Je suis assez fasciné par ce mouvement perpétuel, par cette « tension » permanente qui fait que l’on est ici bien loin d’une boulangerie traditionnelle. L’approche est très urbaine et moderne, c’est intéressant.
Assez parlé d’histoires – passons aux produits. Là encore on sent de la maîtrise, et un résultat de qualité. Par où commencer ? Peut être par la boule Bio, le pain emblématique de Dominique Saibron. Son levain de miel et d’épices a voyagé, autant dans Paris que dans le monde, mais il est toujours aussi vivant et il confère à ce pain une excellente conservation, en plus d’une grande richesse en terme d’arômes. Avec ces grignes en forme d’étoile, c’est presque une oeuvre d’art… pour seulement 2 euros 55 les 500gr ! Impossible de s’arrêter là pour autant. La baguette Alésiane – 3è au Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris en 2010 (pour une fois que je lui donne raison !) – est sublime en plus d’être délicieuse. Dotée d’une croûte bien affirmée, elle reste craquante assez longtemps et ne manque pas de parfum et d’arômes. Demandez la toujours bien cuite, c’est ainsi qu’elle vous livrera son meilleur… comme toujours !
Pour autant, il ne faut pas passer à côté du reste : la torsade Alésiane au blé noir, parsemée de semoule de blé noir, vous transporte en Bretagne en quelques instants… Voyage du pain et voyage des sens !
Côté viennoiseries, les prix sont très modérés et les produits bien réalisés. L’offre est là encore pléthorique, avec une large déclinaison de « tournicotis » : pistache, cannelle, pralines, raisins… On retrouve également des macarons ainsi que des pâtisseries. Je serais un peu plus réservé sur ce point là, mais cela demeure de bonne facture, même si le soin porté aux produits semble parfois un peu négligé. Certaines créations, telles que le millefeuille tiramisu, restent cependant douteuses.
Une offre salée, sur place (salades, plats chauds) ou à emporter (sandwiches) est également proposée – et plébiscitée le midi.
Petit clin d’oeil… La boulangerie collectionne les prix, car Dominique Saibron a été nommé « boulanger de l’année » par le guide Pudlo, qui a également récompensé Rodolphe Landemaine dont je parlerai un autre jour. A quand l’ouverture d’autres boutiques dans Paris ?
Infos pratiques
77 avenue du Général Leclerc – 75014 Paris (métro Alésia, ligne 4) / tél : 01 43 35 01 07
ouvert tous les jours sauf le lundi de 7h à 20h30.
Avis résumé
Pain ? Trois fois oui. Que ce soit la baguette Alésiane qui est l’une de mes préférées, la torsade alésiane ou la boule Bio, la qualité est excellente. Comme me le disait Steven Kaplan, croisé par hasard dans la file d’attente, Dominique Saibron est exigeant et passionné… mais c’est ce qu’il faut.
Accueil ? Parfois un peu trop empressé et distant, mais assez professionnel dans l’ensemble. Dans tous les cas, son travail est tout simplement remarquable, car au vu de la clientèle (très) nombreuse, l’attente reste plus que raisonnable.
Le reste ? Des prix modérés et une qualité tout à fait acceptable, il n’y a rien à dire : c’est propre, carré. Dans la lignée du reste, en bref.
Faut-il y aller ? Oui ! Ne serait-ce que pour le plaisir de croquer un peu d’une Alésiane bien fraiche et cuite… ou pour profiter du spectacle, je suis toujours bluffé par cette agitation sur la place. Rien de mieux que de rompre la tension en se posant quelques minutes en terrasse, profiter d’un thé ou d’un café et regarder l’oeil amusé mais bienveillant cette agitation bien parisienne…
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