Beaucoup d’activités humaines sont soumises au facteur climatique. Certes, les degrés d’importance sont différents et si cela peut parfois mettre des vies en jeu, il s’agit plus souvent de biens matériels remplaçables et/ou réparables… C’est un peu plus gênant dans le cas de l’alimentation, où le mal serait bien difficilement réversible, mais ne tombons pas dans le catastrophisme. Même si les risques de famine sont plus faibles aujourd’hui, des personnes ne parviennent pas encore à manger à leur faim chaque jour, la faute à des moyens financiers insuffisants ou à un environnement difficile.
En parlant de difficultés et d’environnement, je crois que l’on peut dire que nous aurons vécu une saison particulièrement troublée, à la fois pluvieuse, froide et désagréable. La grisaille se retrouve aussi bien au dessus que dans nos têtes : notre moral a tendance à être en berne, et cela s’explique aussi bien par des raisons physiques que par la lassitude que l’on peut ressentir avec cette vue déprimante.
Du côté de la boulangerie-pâtisserie, ce manque d’enthousiasme a un effet direct sur les ventes : en semaine, les clients sont moins incités à déjeuner en extérieur ou sur le pouce, ce qui impacte négativement les ventes de salades et sandwiches, le week-end, ils n’ont pas forcément une forte envie de « fêter » quoi que ce soit, réduisant ainsi leur consommation de desserts. Ajoutez à cela une conjoncture économique bien mouvementée, et vous obtenez un tableau qui peinerait bien à satisfaire nos artisans. L’impact sur les restaurateurs, dont les terrasses sont désertées, se répercute à son tour sur les commandes de pain, de viennoiseries et pâtisseries qu’ils peuvent passer à leurs fournisseurs… le tout produisant une sorte de cercle vicieux, l’ensemble de l' »écosystème » étant touché.
De plus, on nous prévoit un été fait d’orages et de périodes chaudes/humides comme nous avons pu en connaître ces derniers jours. Ces dernières sont sans doute les plus difficiles pour les boulangers, car le pain est particulièrement attaqué par ce « climat » similaire à celui connu dans les tropiques. Les croûtes perdent très rapidement de leur consistance après la sortie du four, et pour cause : le pain fait office d’éponge à humidité. Dès lors, les pertes peuvent être importantes : j’ai parfois vu des baguettes ne « tenir » qu’une trentaine de minutes… et il est bien gênant de proposer à son client un produit dans cet état. Bien sûr, de petites fournées réalisées en continu au fil de la journée permettent d’éviter de générer trop de casse, mais ce n’est pas une pratique à la portée de tous nos artisans pour des questions de personnel et d’organisation.
Les problèmes ne se concentrent pas en bout de filière, mais aussi en amont, où la campagne de récolte du blé devrait débuter avec deux à trois semaines de retard… sans considérer la qualité de la céréale, qui risque d’être fortement compromise si elle ne sèche pas à présent.
Bref, vous l’aurez bien compris, cette saison est gâchée pour nous tous, la boulangerie-pâtisserie n’est pas épargnée et je pense que certains hésiteraient parfois à ressortir Mont-Blanc, Paris-Brest, … et autres pâtisseries chocolatées, souvent mises en valeur en période hivernale. Il faut dire que nos fruits de saison sont de qualité plutôt médiocres : chargés d’eau, ils se conservent mal et ne dégagent que bien peu de parfum. Qui aurait envie d’une tarte aux abricots ou aux pêches complètement aqueuse ? Pourtant, c’est sans doute ce qui nous attend… Restent les fruits surgelés, purées de fruit et autres conserves pour tenter de donner un semblant de saison aux vitrines.
Aurons-nous le plaisir de voir un peu de soleil « durable » dans les semaines à venir ? Rien n’est moins sûr, mais nous ne pouvons que le souhaiter… autant pour notre plaisir que pour celui de nos artisans.