Je vous l’ai déjà dit, je me répète, mais j’ai beau être parfois critique, je n’en suis pas pour autant sectaire, car c’est de cette façon que l’on se prive d’expériences potentiellement savoureuses. Au contraire, il faut rester ouvert à la découverte… et au plaisir de se tromper, parfois.
Dans le cas présent, ce ne sont pas les produits qui me posaient problème, mais ce qui allait autour. En effet, la Fête du Pain sur le parvis de Notre-Dame n’est certainement pas exempte de défauts, mais son premier mérite est d’exister, et de mettre à l’honneur cette année une culture du pain différente de la nôtre.
Les boulangers réunionnais nous démontrent jusqu’à lundi l’importance de leur savoir-faire en animant la halle principale par leur présence et leur travail au sein du fournil géant. Ils ne font pas que cela : ils nous apportent également du goût, des saveurs, et donnent au pain des couleurs méconnues dans nos contrées.
Certes, les pains ne sont pas donnés, mais le voyage qu’ils nous font faire aura au moins pour mérite de dépayser un peu les parisiens n’ayant pas eu la chance de profiter de ce week-end prolongé. Du côté de l’espace de vente, on trouve des pains surprenants. En effet, les insulaires semblent apprécier ce côté un peu sucré et doux que peuvent développer des produits briochés ou incluant un peu d’huile, rendant ainsi la mie plus moelleuse, mais relevés par diverses épices et ingrédients qui leur confèrent un vrai caractère.
Immédiatement, les noms nous transportent sur les plages ensoleillées de la Réunion. Pain Frotté, Massalé ou encore Combawa-Piment-Curcuma… L’exotisme commence avant la dégustation, puis s’y prolonge.
Découvrons donc ensemble ces trois pains, à commencer par le Pain Frotté (2 euros les 125g).
Ce produit se situe en définitive du côté de la gourmandise et des brioches, du fait de sa mie très moelleuse et filante. Cette texture est accompagnée par des notes beurrées persistantes et un agréable parfum de vanille. En effet, cette dernière est utilisée pour aromatiser ce pain, ce qui en fait un partenaire idéal de matins gourmands. On le déguste nature ou avec un peu de confiture, à laquelle il apporte une note subtile et peut la sublimer, comme par exemple avec de la Fraise ou du Cassis. L’ensemble est légèrement sucré, c’est un peu la douleur des îles qui s’offre à nous…
Vient ensuite le pain Massalé (2 euros les 125g), du nom du mélange d’épices utilisé pour sa fabrication. Ce dernier, spécialité de la Réunion, se décline en de multiples versions, propres à chaque famille. Le massalé réunionnais est à comparer au garam massala indien, voire au colombo antillais. Le mot lui-même vient du tamoul « masâlèï ». Il se compose le plus souvent de coriandre, de cumin, de fénugrec, de graines de moutarde, de clous de girofle et de curcuma.
Tout ceci est accompagné par un pain moelleux et plat, comparable à une ciabatta que l’on aurait épicée. D’ailleurs, comme cette dernière, le Pain Massalé représente un compagnon idéal pour les plats en sauce, de légumes ou encore de poissons.
Les îles sont réputées pour leur calme, leur douceur de vivre, mais parfois les volcans se réveillent… s’en suivent alors des périodes perturbées, agitées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pain Combawa-Piment-Curcuma (3 euros les 125g) secoue nos papilles. De prime abord, on pourrait s’attendre à un pain réellement piquant, mais ce n’est pas le cas. En effet, c’est la douceur ‘poudrée’ et chaude du curcuma qui domine, accompagnée par la pâte viennoise à partir de laquelle ce produit est réalisé. D’ailleurs, les habitués des boulangeries Kayser retrouveront ici une des saveurs de la maison, puisqu’elle propose un pain Curcuma-Noix-Noisettes, sur base viennoise également. La différence, c’est ici l’apport du Combawa et du Piment. Leur dosage a été bien mesuré, et ils apportent quelques notes acidulées et piquantes. Une pointe d’assaisonnement et de surprise, en définitive. Ainsi, il accompagnera plats exotiques ou fromages frais, à tartiner tout simplement.
On peut continuer le voyage exotique avec les petits macatias (1 euro pièce) fourrés de pépites de chocolat à l’heure du goûter, ainsi qu’avec le pain au boucané (du porc que l’on « boucane », que l’on fume – cela donne une sorte de lard réunionnais, en définitive) que l’on peut déguster comme en-cas au déjeuner ou même au diner. Seuls les prix nous font rester ici, sur notre sol français, tandis que notre esprit et nos papilles sont ailleurs… le temps de quelques bouchées.