Dans la vie, on peut distinguer aisément plusieurs catégories de personnes. Il y a des faibles, des puissants, des hésitants, des sérieux, des rigolos, … des rêveurs, des prestidigitateurs et autres experts en écrans de fumée. Choisis ton camp camarade, trace ta route. Honnête ou truand, bienfaiteur ou individualiste forcené, la seule empreinte qu’on laisse en définitive est celle de nos actes et de ce qu’ils ont comme effet sur le monde qui nous entoure.
Si j’ai choisi d’introduire ainsi cet article, ce n’est pas un hasard. La boulangerie artisanale connaît son lot de grands prophètes, qui promettent de réinventer la profession, ou du moins de parvenir à fabriquer un pain toujours plus merveilleux. On les voit surgir de l’ombre avec des fournils fantômes, des projets gigantesques… et comme les soufflés retombent, les bulles finissent par éclater.
Souvenez vous du projet de la Jeune Rue qui avait fait grand bruit. Samuel Nahon et Alexandre Drouard ont, eux, choisi de s’inscrire dans une autre voie… et ont installé leurs boutiques rue du Nil. Si le magnifique entrepreneur-millionnaire-fan de montres, écharpes et grosses voitures (rayez les mentions inutiles) a brassé beaucoup d’air, les deux associés font surtout parler d’eux pour leurs réalisations concrètes, en fidélisant une clientèle toujours plus nombreuse de gourmets et restaurateurs.
Tout juste 3 ans après l’ouverture de leurs boutiques, ils ont ajouté une nouvelle corde à leur arc en se lançant dans la folle aventure de la boulangerie, avec un fournil flambant neuf installé au 3 rue du Nil. Aux manettes ? Shinya Inagaki, un boulanger japonais ayant notamment oeuvré au Grenier à Pain ainsi que chez Roland Feuillas à Cucugnan, avant d’être enrôlé dans l’aventure du Sergent Recruteur et de la fameuse Jeune Rue précédemment citée. L’avantage quand on a un bagage et des compétences, c’est que l’on peut s’en servir comme trampoline – et ainsi rebondir.
Derrière la façade jaune, l’espace de vente, aménagé par Polystyl Agencement, présente les gourmandises élaborées dans le fournil ouvert, visible au fond. Les pains se placent en droite ligne de l’engagement pris par l’entreprise de longue date : réalisés à partir de farines issues de blés anciens (Kamut, Petit Epeautre…), ils valorisent le travail réalisé par de petits producteurs. Malgré le peu de temps écoulé entre les premiers essais et l’ouverture – à peine dix jours -, les produits sont déjà tout à fait convaincants. Les levains sont doux, discrets. Les Moulins de Brasseuil fournissent quant à eux des farines plus conventionnelles, destinées notamment à réaliser les viennoiseries.
Si certains pourront reprocher des prix dans une moyenne haute, je pense qu’ils correspondent tout simplement à des coûts de revient forcément plus élevés… mais aussi à une démarche cohérente.
Ici, pas de place pour le superflu : les gammes sont courtes et centrées sur le métier d’artisan boulanger. En proposant du pain sur levain naturel, des douceurs de qualité (croissants, barre au chocolat, scone japonais, brownie, brioches, foccacia aux herbes…) et bientôt une courte offre de sandwiches (réalisés à partir des ingrédients finement sourcés des boutiques attenantes), cette nouvelle aventure se démarque nettement de l’offre déployée par la plupart des boulangeries de la capitale. Un choix courageux mais porteur de sens dans un contexte où le discours porté par nos artisans n’est plus lisible, en plus de s’inscrire dans une véritable tendance de fond.
Difficile de partir sans s’arrêter sur un choix particulièrement marquant – et sans doute clivant – réalisé ici : la boulangerie Terroirs d’Avenir ne propose pas de baguettes. On y trouve uniquement des petites ciabattas non façonnées, qui peuvent s’en rapprocher de par leur forme allongée et quasi-cylindrique. Etant donné notre culture très « baguetto-centrée », je ne ferai pas le pari que la situation perdurera longtemps ainsi. Une bonne partie de la clientèle ne consomme pas ou peu de grosses pièces, que ce soit par goût, besoin ou habitude. C’est aussi ça, entreprendre : savoir prendre des risques, essayer, … pour bâtir des projets durables et participant à l’évolution du marché. Même s’il faut toujours être pragmatique. Ainsi vogue le pain… sur le Nil.
Infos pratiques
3 rue du Nil – 75002 Paris (métro Sentier, ligne 3)
ouvert du mardi au samedi de 8h à 20h, le dimanche de 8h à 13h30.
Cela fait du bien de lire des billets dans lesquels l’implication des uns et des autres pour le bien fait et le bon sont perceptibles, mais côté goût, côté pain qu’en pensez-vous ?
Comme je l’ai écrit, il faut du temps pour se mettre en place. Je n’ai pas été convaincu par tous les produits, mais la gamme évolue rapidement et cela va dans le bon sens.
Le pain de Mie japonnais est hyper gourmand je le conseil
Une excellente adresse, à découvrir.