Avoir des convictions ne sous-entend pas être dogmatique ou sectaire – au contraire. Il faut savoir les utiliser comme outil de lecture pour le monde qui nous entoure, rester curieux et écouter les messages que l’on nous transmet au quotidien en sachant les analyser au travers de ce filtre. Sans elles, on finit par se perdre, à oublier nos idées et notre identité.
J’avais déjà eu l’occasion de vous parler de Tartin’Art et de son ouverture prévue à Paris, en vous faisant part de mes réserves vis à vis de ce concept.
La boutique a ouvert jeudi, soit bien après l’échéance prévue. Les travaux ont connu un véritable glissement en terme de délais et de coûts, notamment en raison d’opérations imprévues à réaliser sur la structure du bâtiment. Le Boulanger de Monge a donc achevé de laisser sa place à l’enseigne développée par Eurogerm, donnant ainsi un nouveau souffle à cet emplacement délaissé.
La devanture annonce « Pains, Café et Tartines ». En effet, Jean-Philippe Girard et son équipe ont voulu faire de ces lieux de véritables vitrines de leur savoir-faire, dont une bonne partie est associée au pain. Au sein du fournil visible au fond de l’espace de vente, des boulangers s’activent pour préparer les produits proposés aux clients. Finépi, Graine de Champion, Pain Egalité, … autant de noms marketés qui correspondent à des préparations mises au point par l’ingrédientiste. La plupart d’entre eux sont réalisés en non-façonné, grâce à une diviseuse-formeuse Paneotrad. La gamme biologique reste, quant à elle, réalisée de manière plus classique.
Je crois qu’il serait difficile de faire encore mystère sur mes à-prioris vis à vis de ce type de pains… ce qui ne m’a pas empêché d’en goûter plusieurs. Si les étiquettes sont prolixes en terme d’ingrédients et de saveurs potentielles (ma Finépi devait avoir un goût de « beurre noisette », je cherche encore), le palais peine à les retrouver : le résultat n’est pas meilleur ou pire que celui obtenu par les concurrents du groupe bourguignon. Les pains ont du volume, des couleurs (parfois bien exagérées, avec des mies aux teintes jaunes surprenantes)… mais peu de goût.
Le plus intéressant est ailleurs. Le travail réalisé sur les tartines et l’offre salée est intéressant, avec des recettes élaborées et plutôt fines (un chef étoilé a collaboré à leur mise en place, m’a-t-on indiqué). L’assemblage est transparent, puisque réalisé face au client : c’est un gage de fraicheur non négligeable. C’est un des points forts de la boutique : elle associe un espace de dégustation, avec quelques chaises, à la production tout en développant des linéaires modernes. Ici, pas de grille à pain, ils sont tous présentés à l’horizontale sur un meuble circulaire, créant ainsi une proximité agréable avec la clientèle. L’éclairage qui y est associé est particulièrement réussi et l’ambiance ainsi créée s’avère très plaisante.
Tout cela n’a pas été fait par hasard : si ces éléments aboutissent à attirer les consommateurs, ils servent également de démonstration du savoir-faire global d’Eurogerm. L’objectif ? Proposer une source d’inspiration pour les clients de l’entreprise. On pourra sans doute voir défiler des représentants de groupes meuniers, entre autres acteurs de taille dans la filière. Cette vitrine coûte cher de par son emplacement, et il faut espérer qu’elle rencontrera tout de même un certain succès auprès du public, sinon quoi elle ne pourra être viable.
J’ai évoqué au début de mon billet le Boulanger de Monge. Il faut croire que son esprit n’a pas tout à fait quitté ces murs, puisque l’on retrouve dans l’équipe dirigeante de Tartin’Art un certain Bertrand Robert, impliqué… dans la reprise de la fameuse affaire du 5è arrondissement, en plus d’occuper des responsabilités au sein d’Eurogerm. Comme diraient nos amis de chez Disney, it’s a small world. Petit, mais sans doute pas suffisamment pour limiter les ambitions de ce groupe tentaculaire. La portée de l’investissement réalisé ici est en effet très large : le concept doit être déployé à l’international, comme pour mieux asseoir la position de ce « leader dans les ingrédients et auxiliaires technologiques au cœur de la filière Blé-Farine-Pain ».
Je ne critique pas la démarche qui est intéressante et dénote d’une vraie dynamique d’entreprise, mais je m’inquiète de la progressive concentration du savoir-faire en boulangerie : si les ouvriers en détenaient autrefois, c’est à présent de moins en moins le cas. Peu à peu, leurs responsables laisseront se déchargeront sur leurs meuniers, eux-mêmes faisant le choix de recevoir des solutions de la part d’acteurs tels qu’Eurogerm… la boucle est bouclée. On ne va pas s’étaler plus que ça sur le sujet, évitons le risque d’en faire… des tartines.
Infos pratiques
53 rue Montorgueil – 75002 Paris (métro Sentier, ligne 3) / tél : 0182092829
ouvert du mardi au dimanche de 7h30 à 20h.
Merci Rémi de me dire ce qu’il se passe dans ma rue avant que je m’en rende compte 😉
Je vais aller tester ça, il n’y a pas de vraies bonnes boulangeries dans le quartier et c’est bien dommage