C’était aujourd’hui la rentrée pour quelques millions de têtes blondes, et d’autres un peu plus attaquées par le temps. A la fois un moment triste, puisqu’il marque la fin de cette douce période d’insouciance et de repos que représentent les mois d’été, mais aussi celui où l’on retrouve ses camarades, amis, ennemis – cela fait partie du jeu ! – pour partager une nouvelle année, qui aura comme toutes les autres ses joies, ses peines, ses angoisses, ses espoirs…
Pour moi, cela fait à présent 3 ans qu’il n’y a plus de rentrée. J’ai passé brillamment mon baccalauréat en juin 2009, suite à quoi j’ai fait le choix d’arrêter complètement les études. J’ai travaillé, oh, oui, un peu, certainement moins que je ne l’avais fait par le passé. Jusqu’alors bercé par les nouvelles technologies, ce diplôme avait eu sur moi comme l’effet d’une bombe, perturbant mes certitudes et m’amenant à me demander quel pourrait être mon avenir…
Une bombe. Une explosion. S’en est suivie une dépression, où je n’ai pas seulement perdu un peu de moi, mais aussi beaucoup de poids. Je suis tombé malade. Oui, c’est une maladie. Il faut écrire son nom, l’assumer, la regarder droit dans les yeux pour pouvoir espérer la combattre. Anorexie mentale.
J’aurais pu choisir, peut-être aurais-je du, de me placer entre quatre murs pour l’affronter, limiter son champ d’action, et le mien par la même occasion. Je l’ai refusé fermement, et c’est encore le cas aujourd’hui.
A la place, j’ai voulu continuer à vivre. Rétrospectivement, je me rends compte que j’ai fait plus que ça, et à la fois beaucoup moins. Survivre, voilà le mot approprié. Une vie libre mais prise au piège de ces contraintes que l’on s’impose, de ces interdits. Au final, ce n’est pas un combat contre les autres, contre le monde, mais bien contre soi même.
Si je suis encore là aujourd’hui, ce n’est sans doute pas par hasard, et c’est ce qui me fait lever à l’aube tous les matins. J’ai pu faire des rencontres, parmi elles, le pain. Peut-être m’a-t-il sauvé, en me donnant matière à réfléchir, à écouter, à comprendre. En définitive, je suis un survivant, un évadé du goût. Le goût du pain, oui, mais de la liberté, du plaisir, pas pour moi mais pour les autres. Se dire que partager cet aliment simple, profondément honnête et porteur de valeurs, pourrait changer le monde – le mien, d’abord, bien sûr. Le rendre plus beau.
Survivre par et pour ces sourires, pour se dire que ces journées bien inutiles en apparence auront au moins eu pour intérêt d’avoir créé un peu de plaisir. Remettre un peu de couleurs dans ce monde gris…
Cela peut paraître idiot de rédiger ici un tel billet, oui, ça l’est sans doute. Je veux simplement passer un message d’espoir et d’envie, tout en partageant un peu de l’homme – non, du petit garçon – qui est derrière toutes ces lignes, ces heures passées à parcourir Paris… même si ce n’est pas toujours facile, même si les forces viennent souvent à manquer. Demain est un autre jour…
🙂
Bonsoir Rémi,
Je lis ton blog tous les jours, en secret (quoique je t’ai demandé une fois en message privé une bonne adresse pour dénicher un oranais…). Je connais pour l’avoir touché durant pas mal de temps ta maladie. Le fait que tu la nommes ainsi, d’ailleurs très justement, est déjà un grand pas vers une guérison possible. Ton article est très touchant et semble être un cri de désespoir étouffé par la pudeur des mots. Continue à écrire Rémi, tu as un véritable talent, les mots peuvent être un véritable antidote à la maladie. La vie réserve de belles surprises, à toi de braver les emballages encombrants! Courage!
Merci Pierre. D’ailleurs, je n’ai pas oublié ton email! Je cherche toujours ces fameux bons oranais… J’en voyais la dernière fois à la Badine de Martine dans le 12è arrondissement…
Je lis de temps en temps votre blog et j’ai été frappée en apprenant que vous aviez eu un trouble du comportement alimentaire. Je souffre moi-même depuis plus de 5 ans de boulimie vomitive, un autre trouble tout aussi destructeur, que beaucoup de gens confondent avec l’anorexie car je pèse à peine une quarantaine de kilos et je parais donc très maigre. Lors de mes crises de boulimie je suis capable d’engloutir à moi seule une demi-douzaine de baguettes, sans y prendre aucun plaisir. J’espère pouvoir un jour acheter une seule baguette et prendre le temps de la déguster avec plaisir et en la savourant. Je me bats contre mes crises quotidiennes mais cette faim est dévorante et me dépasse.
Ce TCA, je l’ai toujours, malheureusement. Un mal effectivement différent du vôtre, et certainement plus supportable dans le sens qu’il n’y a pas cette douleur physique supplémentaire. Je vous souhaite beaucoup, beaucoup de courage et effectivement de retrouver le plaisir de manger simplement…
J’admire ton courage, Rémi (celui qui t’a poussé à écrire ce billet, mais aussi celui de la lutte quotidienne…). Tu trouveras un jour un moyen de lutter contre la grisaille sans t’y plonger : tu as beaucoup, énormément de qualités et de vie en toi ; une mine de ressources éclatantes pour t’épanouir… J’en suis certaine !
Et si je pouvais te transmettre un seul message : ne gâche pas (plus) qui tu es. Il y a tellement d’autres manières de vivre que d’exister enfin dans les recoins ultimes.
Je t’envoie plein de douceur et d’affectueuses pensées.
Merci Emma. Je cherche, je cherche… A bientôt.
Ne cherche plus la mine d’or, t’es assis dessus ! 😉
Non, ne cherche plus… Fonce, vis, goûte, aime, partage, risque, casse-toi la figure et recommence. C’est la manière d’apprendre tout ce dont tu es capable, et celle de te révéler à toi-même tout ce que tu ne soupçonnes même pas.
Un peu comme quand tu te retournes sur ton travail de painrisien… étonnant, non ?
Bonjour, je viens de découvrir ce blog, et parcours avec intérêt les différents articles, très intéressants. Je ne m’attendais pas à ce billet, qui me touche par son courage et sa sincérité. « évadé du goût »?, tiens bon. La dépression et les troubles alimentaires se soignent. Il y a des chemins, et je comprends parfaitement que ce pain, cette vision de l’alimentation qui centre, qui se partage, cet effort renouvelé chaque jour par petit geste consciencieux d’avancer et de donner le meilleur est un chemin vers la guérison. Je te souhaite beaucoup de courage sur ce chemin et espère que tu en as parcouru la plus grande partie…