Comme je l’écrivais dans un précédent billet, prendre la suite d’un artisan réputé est difficile. Particulièrement dans la boulangerie, où la clientèle a ses habitudes et craint souvent de voir apparaître des changements dans la gamme, ou bien une baisse de qualité. C’est d’autant plus vrai quand la boutique possède un certain renom au sein du secteur, la tâche prend alors des allures de combat pour se faire une « place », en tant qu’étranger, venu là pour on ne sait quelle raison bouleverser une routine bien ancrée.
Stéphane Secco a du faire face à ce comportement lors de son installation en 2003, au 20 rue Jean Nicot dans le 7è arrondissement. Sa superbe boutique, un peu bonbonnière avec ses tons roses et bleus, était auparavant tenue par le très célèbre Jean-Luc Poujauran. Ce boulanger faisait – et fait toujours, puisqu’il continue à livrer les professionnels et restaurateurs – partie des figures emblématiques du pain parisien. A l’inverse, M. Secco était plutôt connu comme un pâtissier, ayant longtemps officié au sein du groupe Costes. Dès lors, difficile de penser que la qualité allait perdurer de la même façon suite à la reprise. Pourtant, c’est bien le contraire qui s’est produit, au grand plaisir des gourmands du quartier et d’ailleurs.
Côté boulangeries, les pains affichent de superbes cuissons, et la gamme proposée est large : pains de campagne (à l’acidité bien dosée), au seigle, aux fruits secs, aux céréales, fougasses, petits pains, baguette de tradition (bien sûr !), diverses flutes… Le choix ne manque pas et la qualité suit. La baguette de tradition exprime une belle saveur de froment, sa mie est légère et bien alvéolée, même si la vraie signature de l’endroit demeure le pain de campagne, avec son goût presque fumé.
La boutique « boulangerie » propose bien entendu diverses gourmandises, telles que les viennoiseries, des brioches, divers sablés, flans, crumbles ou autres tartes aux fruits… A chaque fois que je pénètre dans ces lieux, je suis saisi par le côté gourmand, généreux et régressif qui se dégage de ces produits, certes traditionnels, mais réalisés avec beaucoup de soin et de savoir-faire. Le feuilletage est bien maîtrisé, ce qui assure aux viennoiseries et aux galettes, en saison, une belle qualité et un croustillant agréable. A vrai dire, difficile de mettre en défaut un quelconque produit ici.
Dans l’échoppe mitoyenne se trouvent les gammes pâtissières et salées. Là encore, on demeure dans une tradition maîtrisée. Tarte au citron, au chocolat, chiboustes aux fruits de saison, cheesecake 0%… Tout le savoir-faire de Stéphane Secco dans le domaine s’exprime ici, au travers de créations peu sucrées et délicates. Il est parfois très difficile de demeurer dans la simplicité et d’exceller dans les classiques. C’est pourtant son cas, et cela renforce ce côté délicieusement régressif que l’on retrouve tout au long de ses gammes. On y retrouve notre âme et des saveurs d’enfance.
Le salé n’est pas en reste, avec une offre traiteur abondante et diversifiée. Des plats cuisinés aux sandwiches en passant par les tartes, on trouve non seulement de quoi se restaurer rapidement mais aussi recevoir. Il est ainsi possible de préparer un repas entièrement « Secco », de l’entrée au dessert, en passant par le pain et le plat. Pratique, d’autant plus quand la qualité suit. Cerise sur le gâteau, pour ainsi dire, les tarifs sont plus que sages. Le plaisir accessible, mais est-on vraiment à Paris ? On pourrait presque se poser la question, surtout dans ce quartier aux allures de village, avec la rue Cler et sa zone piétonne à deux pas. Tout cela est bien loin de l’agitation parisienne que l’on peut retrouver ailleurs, et c’est tant mieux, car l’authenticité s’exprime alors pleinement.
Petit détail amusant, les pommes sont très présentes dans les boutiques, aussi bien travaillées qu’à l’état brut ou encore en jus. Cela renforce ce sentiment d’être à la campagne pour quelques minutes. Le voyage est peu coûteux, autant en profiter. Pour nous y accompagner, le service est généralement assez avenant, professionnel même si privilégiant l’efficacité à la chaleur humaine aux heures de pointe – sans qu’on puisse vraiment lui reprocher, car la clientèle se presse devant les boutiques de M. Secco.
Infos pratiques
20 rue Jean-Nicot – 75007 Paris (métro/RER Invalides, lignes C-8 et 13) / tél : 01 43 17 35 20
ouvert du mardi au samedi de 8h à 20h30.
Une autre boutique au 75 boulevard de Grenelle – 75015 Paris (métro La Motte Picquet Grenelle, lignes 6 et 8) / tél : 01 45 67 17 40
Avis résumé
Pain ? Belles cuissons, pain de campagne à l’acidité bien dosée, pains spéciaux variés et savoureux (le pain raisins-noisettes est un régal, avec ses noisettes torréfiées), baguette de tradition de bon niveau… M. Secco est parvenu à prendre la suite de Jean-Luc Poujauran avec brio, et c’est certainement pour cela que les habitants du quartier continuent à acheter son pain avec confiance.
Accueil ? Professionnel, agréable la plupart du temps, même cherchant à être un peu trop « efficace » aux heures de pointe. Dans l’ensemble, le travail demeure bien fait et la connaissance des produits est là.
Le reste ? L’ensemble des produits sont réalisés dans un bel esprit traditionnel, des viennoiseries au traiteur en passant par les pâtisseries. Il ne faut pas s’attendre à des créations originales, mais cela n’est pas nécessaire quand les classiques sont réalisés avec soin, leur procurant ce petit goût d’enfance si agréable. L’offre salée est large et de bonne facture, même si les plats cuisinés ne m’attirent pas, à titre personnel. Il y a peu de chances d’être déçu, et on se rend dans ces boutiques au décor délicieusement rétro avec plaisir et assurance.
Faut-il y aller ? Bien sûr, rien que le pain et sa réalisation d’excellent niveau justifie parfaitement la visite. Ensuite, le reste des produits est tellement gourmand et généreux qu’il est difficile de résister à l’envie de commettre le fameux péché de gourmandise. Tartes aux fruits de saison, brioches, … Tout est là. Même des pommes, si l’on souhaite croquer sainement !