La culture japonaise fascine autant que la nôtre en retour. On ne peut qu’être admiratif devant cette abnégation, cet effacement de l’individu face au collectif, cette précision, cette attention portée aux détails… En retour, notre gastronomie les fascine tout autant, ainsi que tous ces éléments qui font la grandeur de Paris et de la France (il en reste de moins en moins, mais passons).

Certains parviennent à conjuguer les deux univers, en mélangeant les cultures, comme le fait Sadaharu Aoki. Ce pâtissier japonais, présent depuis quelques années dans la capitale, a développé une gamme de douceurs intégrant des éléments asiatiques tout en gardant un pied dans la pâtisserie française : millefeuille ou Opéra au thé vert matcha, éclairs au sésame noir, … Ses créations sont visuellement très abouties, et caractérisent assez bien l’idée que l’on se fait du soin typique des japonais, avec une succession de couches et des décors taillés au millimètre. Au delà de leur aspect, ses pâtisseries sont pour certaines assez dépaysantes, intégrant des saveurs que l’on ne retrouve pas ailleurs (qui a déjà goûté du Sudachi ?).

En dehors des produits lui même, ce qui est marquant au sein des boutiques de M. Aoki, c’est le service. Quasiment entièrement japonais, très délicat et attentif au moindre détail. Lors de ma visite rue Pérignon, je crois que j’ai du avoir à faire à l’un des seuls collaborateurs occidentaux de l’entreprise. Seul, il l’était, d’ailleurs, pour assurer le service au sein de la boutique et du « salon de thé ». En effet, il est possible de déguster les pâtisseries sur place, moyennant un petit supplément, de l’ordre d’une soixantaine de centimes. Cela pourrait se justifier si seulement l’on n’avait pas cette désagréable impression d’être assis sur un strapontin, pris entre une boutique où défilent les clients et notre table où l’on déguste sa douceur, et si l’envie s’en fait sentir, un thé. J’utilise ce mot car le vendeur doit s’occuper des clients « de passage », forcément plus pressés, nous laissant un peu seuls lorsqu’il s’agit de commander ou d’exprimer un besoin.

C’est dommage mais ce n’est certainement pas si important que cela, au final. Ce qui est plus dérangeant, c’est de trouver dans l’assiette une pâtisserie… ayant subi l’épreuve du temps, disons. Le choix du jour : un entremets Marron-Fruits rouges, composé d’une crème de marron, d’une chantilly à la vanille, d’une couche de crumble noisette, de confiture de fruits rouges ainsi que de fruits et enfin d’un fond de pâte sablée. Parlons-en, de ce fond de pâte. Entièrement ramolli, il ne remplissait plus son rôle en terme de croquant, et contribuait à donner un caractère pâteux à l’ensemble. Même constat pour les morceaux de crumble, à peine perceptibles car très humidifiés. Je ne suis pas certain que ce gâteau ait été réalisé le jour même. Si je l’avais pris à emporter, on aurait pu incriminer le transport. Ce n’est pas le cas.
On se retrouve donc face à un produit au visuel agréable, aux saveurs bien associées, le marron, la vanille et les fruits rouges créant un ensemble harmonieux (bien que la confiture de fruits rouges soit trop sucrée à mon goût)… mais dont l’effet est gâché par une question de fraîcheur. Dommage. Interrogé à ce sujet, le vendeur répondra simplement que cela devait être dû à… la chaleur du jour. Je ne suis pas convaincu.

L’expérience pourrait donc être bien plus agréable, notamment en attribuant le personnel nécessaire pour assurer les activités de vente sur place et à emporter. Cela ne semble pas être le cas de façon récurrente, et c’est bien dommage, car cela ne laisse pas une impression très favorable de la maison Aoki. Si en plus de cela les produits ne sont pas à la hauteur de nos attentes, il devient difficile de recommander ce pâtissier dont les créations sont pourtant intéressantes.

Faut-il y aller ? Pas pour déguster sa pâtisserie sur place, en tout cas. On a alors l’impression de manger dans une boutique, un peu sur le pouce. Pique-nique et pâtisseries fines ne sont pas tellement compatibles, à mon sens. Mis à part ce détail, les produits proposés sont intéressants et assez savoureux. Il faut juste tomber sur une douceur ‘en bon état’. Une incertitude qui est loin d’être agréable, et me fait hésiter à vous recommander les créations de M. Aoki.

Sadaharu Aoki, 3 boutiques dans Paris (rue de Vaugirard, boulevard de Port Royal et rue Pérignon) ainsi qu’un corner aux Galeries Lafayette Gourmet, plus d’informations sur leur site : http://www.sadaharuaoki.com/boutique/paris-fr.html

7 réflexions au sujet de « Sadaharu Aoki, rue Pérignon, un salon de thé-strapontin »

  1. J’ai eu aussi une fois l’impression désagréable d’avoir une pâtisserie pas totalement fraiche lors d’un précédent passage chez Aoki où j’ai voulu goûter le fameux éclair au sésame noir dont on m’avait dit tant de bien. La dégustation m’avait laissé assez perplexe, surtout en comparaison de tout le bien qui est dit habituellement de ce gâteau et je me demande vraiment si la pâte à choux ne datait pas de la veille. Ce n’est qu’une supposition mais si c’est la cas à ce niveau de prix (Aoki fait partie des pâtissiers « de luxe »avec tarif correspondant) c’est lamentable. Pour être honnête c’est tout de même la seule fois où je suis ressorti déçu de sa boutique.
    Sinon bravo pour ce blog que je lis régulièrement avec plaisir.

    • Merci Rémi pour votre commentaire et vos encouragements !
      Oui, c’est vraiment dommage d’avoir ce genre de sensation et d’expérience dans des boutiques de ce type, de luxe effectivement… La fraicheur et la qualité des produits est essentielle, et cela devrait être la première de leurs préoccupations.

  2. Aoki se heurte au problème qui arrive souvent aux boutiques à succès : elles se multiplient et il est ensuite très difficile de pouvoir contrôler la qualité de chaque produit. De plus, S. Aoki est de plus en plus souvent au Japon où il ouvre magasin sur magasin. Personnellement, j’achète souvent mes pâtisseries à la boutique du Port Royal et je n’ai jamais eu ce genre de soucis. Mais je sais que le débit de cet endroit est assez conséquent, ceci expliquant peut être cela.

    • Oui, effectivement, c’est ce qui ressort bien souvent : plus on se multiplie, plus la qualité baisse. C’est dommage mais cela semble presque inévitable.
      Peut être que le débit est meilleur dans la boutique Port-Royal, en effet. Celle de Ségur est assez perdue, d’ailleurs, ils proposaient une formule salée lors de son ouverture il y a un peu plus d’un an. Ils l’ont arrêtée dans le courant de cet été, signe que les affaires n’y sont pas vraiment florissantes…

    • De rien, c’est un plaisir 😉 et je ne doute pas que tu y arriveras! Il y a des choses à ne pas manquer, comme le Sudachi ou le Bamboo, vraiment très réussis.

  3. Rémi,
    Mon mari et moi sommes fans de leurs chocolats dominos : avec une énome faiblesse pour ceux au yuzu et à l’orange sévillane.Mr Aoki produit des chocolats aux fruits rouges que j’aime beaucoup alors que je n’apprécie pas du tout cette alliance d’habitude.
    Il est vrai que la boutique de la rue Pérignon est un peu tristoune par rapport aux deux autres mais c’est la plus proche de chez moi et cela nous permet de poser toutes les questions qui me taraudent quand elle est vide.

    Bien à toi.
    Nathalie qui te félicite encore une foi pour ton blog..

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