A force de venir et revenir dans certaines boulangeries, on finit par me voir arriver de loin. Difficile de passer inaperçu, c’est vrai, même si c’est sans doute ce que je préfèrerais car cela me permettrait de vous rendre toujours mieux compte de la réalité de l’accueil dans les différentes maisons que je visite. Néanmoins, cela reste assez marginal, et on ne peut pas dire que je « ramène mon char » pour parler ainsi…
Néanmoins, j’ai choisi d’arrêter mon char, pour le coup, mais pas n’importe où. A Chars, un petit village du Val d’Oise. Cela n’a rien d’un hasard, puisque c’est ici qu’est implanté le moulin éponyme. Ce dernier est détenu par la famille Maurey depuis 1903. Aujourd’hui, c’est Thomas Maurey qui le dirige et le gère au quotidien, en plus de l’autre site de production acquis par la famille en 1996, le moulin de Cherisy.
Ambitieux et dynamique, le jeune meunier (à peine 34 ans) mène de front plusieurs chantiers visant à développer l’entreprise, tout en conservant son ancrage et son goût pour la qualité. Justement, c’est cette dernière qui doit être le véritable facteur différenciant de la meunerie artisanale. Pour la garantir, cela commence par la sécurisation des approvisionnements auprès des agriculteurs situés autour du moulin. Ce travail, déjà engagé depuis longtemps par la famille Maurey, est aujourd’hui tout bonnement crucial au vu des variations des cours du blé ces derniers mois.
En parallèle, l’outil de production doit continuer à évoluer pour assurer une régularité et des rendements optimaux. Ainsi, une nouvelle aile a été récemment adjointe au bâtiment pour réaliser le nettoyage des blés avec des machines de pointe. Ce traitement de la matière première est tout particulièrement important pour l’entreprise, qui est certifiée ISO 22000, un des standards les plus rigoureux en terme de sécurité alimentaire. Cette garantie est nécessaire pour l’activité « technique » des Moulins de Chars : 40% de son chiffre d’affaire est en effet réalisé par la production de farines destinées à des utilisations spécifiques, sous des formes pasteurisées, micronisées ou encore toastées. Cela représente une des spécificités de l’entreprise, car tous les meuniers ne se positionnent pas sur cette activité particulièrement exigeante.
Les Maurey font partie des membres fondateurs du groupement Banette. Aujourd’hui, on trouve derrière cette marque plusieurs acteurs à géométrie variable : cela va de l’industriel, à l’image d’Axiane Meunerie, à des acteurs plus modestes comme justement les Moulins de Chars. Pour exister, il devient essentiel de développer leur propre marque. C’est pourquoi les prochains camions de l’entreprise mettront en avant leur logo, tout comme le moulin sera rhabillé à leurs couleurs dans le courant de l’été. Au delà de ces détails purement cosmétiques, Thomas Maurey et son équipe mènent depuis 2008 – date à laquelle il a pris la tête du moulin – un véritable travail pour développer leur propre gamme de produits et une signalétique propre à ces derniers. Ainsi, vous avez pu voir apparaître des pains tels que la baguette Belle Arôme, l’Impatiente, la « Tradi », mais aussi la marque Artisan Bio, créé en partenariat avec les moulins de Brasseuil.
Au Fournil du Moulin, un ancien transformateur EDF racheté il y a quelques années pour disposer d’un véritable espace de démonstration, les clients des Moulins de Chars bénéficient d’un véritable accompagnement dans la mise en place de leur gamme de produits. En effet, il devient de plus en plus important de se démarquer en proposant des saveurs variées à sa clientèle, en recherche de goûts parfois relativement typés. Baguette Belle Arôme pour les amateurs de levain, tout en restant dans une grande douceur (proposé en « concentré » ajouté à la pâte de tradition, avec un dosage laissé au libre choix de l’artisan, ce qui lui permet de rester maître du goût et du rendu), Impatiente côté céréales (on appréciera l’idée de l’assaisonner avec des épices, en effet, du curry et du cumin sont intégrés au mélange), l’Equilibre en farine T80… La question demeure de savoir jusqu’où le meunier doit intervenir dans la gamme du boulanger : les Moulins de Chars et de Cherisy proposent en effet des « mixes » et différents mélanges prêts à l’emploi, et je ne vous cache pas que ce ne sont pas le type de produits que j’affectionne particulièrement. Néanmoins, tous les artisans ne sont pas prêts à faire l’effort de création et si l’on parvient à leur proposer des solutions « saines », cela va dans le bon sens.
Aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 45 personnes, Thomas Maurey compte bien continuer sur cette lancée tout en cherchant à élever le niveau global de la qualité chez les artisans boulangers. Il me faisait part de la certaine admiration qu’il pouvait avoir quant au travail réalisé au cours de ces dix dernières années. En effet, quelques artisans ont porté haut et fort le message du pain de Tradition Française et sont parvenus à créer un effet d’émulation dans la profession. N’étant lui même pas de formation meunière mais ayant suivi un cursus d’école de commerce, il tente sur le terrain, au côté de ses commerciaux, de partager cet engagement.
Difficile de terminer cet article sans vous parler de quelques uns des clients de cette entreprise : en effet, même si on ne le sait pas toujours, les Moulins de Chars sont très présents dans nos boulangeries parisiennes. Parmi ses clients les plus importants, on compte la famille Julien et ses nombreuses implantations, les « Castelblangeois » d’Olivier Pottier, plusieurs succursales des « Manon » de Guy Crouin, ou encore une partie de la production des boulangeries Gosselin. N’oublions pas pour autant de citer des artisans plus modestes mais non moins dynamiques, à l’image de Guillaume Schou dans le 16è arrondissement, ainsi que Mickaël Reydellet et ses deux Parisiennes. Côté Artisan Bio, Anthony Bosson, Frédéric Pichard ainsi que Michel Fabre à Alforville comptent parmi les plus qualitatifs.
Merci Rémi pour cette visite originale et très intéressante !
Qu’il faille de tels dispositifs pour « nettoyer » les blés est tout simplement horrifiant. Cela tend à vouloir dire qu’ils arrivent au moulin dans des conditions sanitaires potentiellement catastrophiques. Et ça ne choque personne ? Cautionner des dispositifs ou ces façons de faire si imposantes qu’elles puissent être ne donnerait pas naissance à un soupçon même infime qu’il faut revoir tout cela ? Qu’il faut se poser des questions de fond sur comment, où et dans quelles conditions naissent, vivent et son collectés les blés que l’on veut nous faire ingérer ? Et par dessus tout certainement qu’elles sont ces variétés de ces blés collectés ? Comment ont elles été obtenues ?
Il me semble que ce « nettoyage » tient au fait qu’aucun risque ne peut-être toléré dans le secteur alimentaire. Du coup on nettoie non pas parce que le risque est important mais pour qu’il soit le plus proche de zéro.
On ne veut rien nous faire ingérer de malsain, bien au contraire. Et qui dit industrie dit norme sanitaire draconienne.
Belle argumentation très simple et qui semble implacable. Mais malheureusement qui n’est pas le reflet de la réalité profonde. Allez suivre une fois la moisson globale de plusieurs exploitations et vous comprendrez. Allez voir la santé réelle des blés dans la plus part des champs et vous comprendrez. Analysez les résiduels de produits phytosanitaires sur les enveloppes des blés et vous comprendrez. Le système est en profonde perversion par rapport à ce que devrait être une véritable agriculture soucieuse avant tout de la santé humaine et de l’environnement. Malheureusement nous ne sommes pas dans ce cas de figure. L’argument « bon tuyau » facile qui cache la forêt de tuyaux ne tient pas. Ecoutez un peu Claude et Lydia Bourguignon qui parlent de l’état biologique des sols et des méthodes culturales actuelles. Je cite « Nous ne faisons plus de culture en Europe, nous gérons de la pathologie végétale ».
http://www.youtube.com/watch?v=vzMhB1fgWew
L’extrait mentionné ci-dessus est édifiant. Je n’ai pas les compétences pour juger de la véracité de ces propos, mais il me semble que le bon sens est de se rapprocher le plus possible de l’agriculture biologique. Il n’y a encore pas si longtemps, dire manger « Bio » semblait exotique, hors norme, alors que c’est l’agriculture intensive qui n’est pas la norme depuis 40 ans !!!
Bref, à mon modeste niveau, je me tourne vers des boulangers qui proposent des pains à base de farine bio. Ils ne sont pas forcément meilleurs (ni moins bons) que les autres pains mais au moins, j’ai l’impression de faire un geste.
Je m’éloigne de l’article initial mais pour ceux que cela intéresse, ces deux films sont assez instructifs : http://www.solutionslocales-lefilm.com/accueil et http://www.nosenfantsnousaccuseront-lefilm.com/
C’est ce que l’on nomme la mort du vivant … Il n’y à qu’à voir les problèmes des agriculteurs bovins pour se fournir en fourrage de qualité ( si on peu dire qualité ) du fait des choix agronomique … Depuis qu’ils ont coupé le blé avec une variété naine du japon moins de tige , moins de paille et moins de nutritif .
Les blés de pays si on remonte 1 siècle en arrière mesurait jusqu’à 1m50 de haut quand on voit les blés moderne avec des tiges de 40/50 cm ….
Aujourd’hui un blé est dit bon si il obtient autour de 14% de protéine il faut lire gluten c’edt ce qui donne la force boulangère et va pouvoir permettre une bonne hydratation . Sa signifie vendre de l’eau à un client ..
Comprenez : 1 k de farine hydraté à 65% pour la baguette sa donne 1600 g de pâte brute vous hydratés à 68% sa fait 1680 g vous comprenez ? Ce qui compte avec les blés ce n’est plus ce qui les composes mais le rendement qu’il donne ..
Quand on se dis que les variétés ancienne qui subissait très peu de traitement donnait environ 40qtx à l’hectare et aujourd’hui si il ne récolte pas 60qtx ils sont déçus …
Bref tant que le vivant ne sera pas reconsidérer les gens vont continuer à devenir allergique au gluten et un jour bah plus personne ne pourra manger de pain et ce n’est qu’une histoire de quelque génération . Je ne serait plus là pour le voir mais à la vitesse ou sa va je prend les paries pour que à la fin de ce siècle 30% de la population française sera allergique au gluten ce n’est qu’une histoire de 2 ou 3 générations …
Parfaitement d’accords Jacky !
j’interviens humblement sur l’aspect humain de la filière et non sur le technique….. artisan boulanger a st martin (antilles), je travaille exclusivement avec les moulins de cherisy par expedition hebdomadaire….au dela de la qualité certaine, stable, et reconnue du produit, la famille Maurey et plus particulièrement Thomas m’inspire particulièrement. je suis issue d’une famille de boulanger en 3 ème génération, comme lui meme dans la meunerie, j’ai choisi « cherisy » car c’est un moulin a dimension humaine, une affaire presque familiale ou le rapport avec le client va au dela du net a payer en bas de facture, chacune de nos rencontres furtives sur paris me conforte a croire qu’il y a encore des passionnés a developper les meilleurs….et je vous assure que l’expedition sur 6000kms en mer de ce type de produits révèle instantannement ses qualités ou ses faiblesses. experience de 22ans a l’appuis….
combien reste t’il de moulins de ce type…..a coté des monstrueux groupes aux rapports humains aussi standardisés que leurs produits. j’aime savoir que la farine que j’utilise provient des portes de ma normandie natale…… et mes clients me le rendent bien…..