Chaque jour, nos artisans boulangers produisent dans leurs fournils des pains destinés à leur clientèle « magasin », mais à cela s’ajoute, pour beaucoup d’entre eux, les différentes commandes et livraisons à honorer auprès de professionnels, qu’ils soient traiteurs, restaurateurs ou encore hôteliers. A cela s’ajoutent des événements plus particuliers, en dehors des produits issus de la gamme « traditionnelle » de l’artisan.
Dans la plupart des cas, cela se fait en toute discrétion, le nom du boulanger n’est pas inscrit à la carte, aucune communication particulière n’accompagne ce contrat. Forcément, lorsque l’artisan n’a pas une notoriété forte, l’intérêt demeure limité. A l’inverse, on peut choisir de mettre en avant la collaboration avec un boulanger plutôt qu’un autre.
Ce dimanche avait lieu le Prix de Diane Longines à l’hippodrome de Chantilly, dans l’Oise. Cet événement est bien plus qu’une course hippique. En effet, il ne fait pas courir uniquement des chevaux, mais également la gente féminine, qui est invitée à se présenter à l’événement parée de son plus beau chapeau. Au programme, de nombreuses animations, dont un concert d’ouverture ainsi qu’un pique-nique.
Justement, c’est ce fameux repas sur le pouce qui nous intéresse aujourd’hui, puisque là encore la tradition veut que ce qui pourrait être un simple casse-croûte participe à la « grandeur » de la journée. En effet, dans ce monde où les apparences sont si importantes, le déjeuner s’habille d’une… boite à chapeaux. Ce dernier voit son usage détourné pour accueillir des gourmandises variées, de quoi satisfaire l’appétit de ces dames avec élégance.
Cette année, c’est notre ami Gontran Cherrier qui avait été appelé pour concocter quelques surprises à déguster sur l’herbe. Un choix tout à fait judicieux, quand on connaît le talent de ce dernier en la matière.
Cela aurait pu satisfaire un « happy-few », puisqu’il fallait s’acquitter du prix de l’entrée (8€) ou bien venir retirer une invitation dans l’une des deux boulangeries de l’artisan. Pour ma part, je manquais de temps et surtout… d’un chapeau. Vous comprendrez bien que je ne pouvais pas me présenter à Chantilly sans la crème des couvre-chef, j’ai donc préféré rester dans mes terrains de conquête habituels. Grand bien m’en a pris, car le boulanger avait choisi de faire profiter de ses créations aux clients du 22 rue Caulaincourt.
Boulanger, boulanger, en réalité, Gontran Cherrier s’est improvisé maréchal ferrant l’espace de quelques heures pour façonner un pain Fer à Cheval. Rien qui ne puisse vous peser sur l’estomac, d’ailleurs. Au delà du clin d’oeil sur la forme, c’est également les ingrédients mis en oeuvre dans ce pain qui rappellent l’événement. En effet, on retrouve dans la mie des flocons d’avoine grillé, céréale qui constitue une bonne part de l’alimentation des chevaux. Pour nous, elle n’apporte au produit que quelques notes sucrées et un peu de texture, en fondant sur la langue à la dégustation.
Cela s’accompagne d’un peu de poivre de Sichuan, une belle expression de la patte de l’artisan. C’est certainement cette épice qui confère à ce pain tout son caractère, au travers d’une saveur florale et légèrement fruitée, qui n’est pas sans rappeler le coquelicot ou la fraise. Ces notes aromatiques se font plus présentes le lendemain, et sont exaltées si l’on toaste légèrement le pain.
Le goût est prolongé par une mie de bonne tenue, relativement dense tout en restant fraîche. La croûte, quant à elle, n’est que peu présente, du fait d’une cuisson assez courte. Cependant, je dois admettre que c’est dans doute mieux ainsi, car cela laisse plus de champ à la douceur du poivre. De plus, les amateurs de croquant et de caramélisation seront satisfaits par les petits picots qui décorent ce pain. À noter également la très bonne conservation de l’ensemble, qui ne sèche que légèrement sans perdre de consistance.
Sous cet aspect très équin, ce pain Fer à Cheval est en définitive assez féminin, par sa douceur et sa subtilité. Idéal pour les palais délicats de ces dames, et le format permet de découper de petites tranches à garnir de tartinables divers (tapenades, pâtés…) pour un pique-nique gourmand et toujours élégant… Tirons donc notre chapeau à Gontran Cherrier, une fois de plus ! De plus, Gontran et les Fers à cheval, ce serait presque naturel pour ceux qui ont, comme moi, eu leur enfance bercée par les bandes dessinées Disney…
Pain Fer à Cheval, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, proposé le dimanche 17 et lundi 18 juin ainsi que dans la boîte à chapeaux du déjeuner du prix Diane de Longines, 2,5€ la pièce.