Je suis parfois trop à l’Ouest. Sans doute un penchant naturel à me rapprocher de l’océan, je ne sais pas. Devrais-je me rapprocher de l’Est, aller voir du côté des montagnes, du continent ? Peut-être. Comme l’aurait si bien écrit Erich Maria Remarque, « A l’Ouest, rien de nouveau »… ce n’est pas tout à fait faux si l’on tient compte de la faible activité de la création boulangère ces derniers temps, la météo et la faiblesse de la chalandise n’y étant sans doute pas étrangers.
Alors c’est décidé, partons voir ce que nos cousins germains nous ont préparé. Pour cela, rendez-vous… au Nord-Ouest de Paris, plus précisément chez Ralf Edeler, au sein de son établissement Kaffeehaus de la rue Poncelet. On aurait tendance à l’oublier, mais cet artisan ne propose pas que des pâtisseries et douceurs : du pain est disponible à la vente. Sa caractéristique ? Reprendre les codes des standards des pays germanophones, où les mies se font souvent riches et sombres. Bien sûr, on connaît le pain noir, ou Schwartzbröt, les Bretzels… mais beaucoup moins les spécialités régionales qui méritent elles aussi d’être sorties de l’ombre.
On peut pétrir un pain à base de bien nombreuses farines – blé, seigle, épeautre, sarrasin, … mais la pâte peut aussi accueillir d’autres éléments à la pétrie, dont… de la pomme de terre. En effet, cette spécialité de la région de Düsseldorf, en Allemagne, inclut des pommes de terre écrasées, mais aussi des graines de Tournesol et de la Coriandre. Ces deux derniers éléments s’expriment particulièrement sur le plan aromatique, j’y reviendrai ensuite, tandis que le premier demeure assez discret au goût. En réalité, le légume permet d’obtenir un pain très moelleux, fondant et hydraté. Sa mie, bien loin d’être compacte, se fait en définitive assez légère et affiche une couleur légèrement jaunâtre, comme pour nous rappeler la composition du produit.
Si nos amis allemands s’étaient arrêtés là, le produit n’aurait pas eu un grand intérêt : en définitive, on aurait retrouvé un pain associant farine de blé et pomme de terre, sans plus de relief. C’est à ce moment que la coriandre entre en scène, en apportant des notes vives, herbacées et fraiches. Bien dosée, elle sait laisser du terrain aux graines de Tournesol, lesquelles craquent délicieusement sous la dent pour laisser se répandre leur parfums chauds, de « grillé ». Cette spécialité joue ainsi sur les contrastes, en textures, goûts et « températures ». Cela correspond bien à l’idée que l’on se fait des pains allemands : ils sont généralement riches en saveurs.
Pour continuer sur cette idée de contraste, c’est sur une table que ce pain à la Pomme de Terre s’épanouit le mieux. Il vivifie les poissons blancs, réveille les saumons, assaisonne des salades… tout en aidant à la digestion, grâce aux vertus reconnues de la Coriandre. Néanmoins, on peut tout aussi bien l’apprécier seul, comme une vraie gourmandise, son caractère très hydraté d’y prêtant tout à fait. On appréciera également sa conservation d’excellent niveau, la cuisson bien menée et le façonnage très soigné. Son prix – 10€ le kilogramme, demeure cependant un peu élevé.
Ralf Edeler n’est pas un novice dans la réalisation de pains spéciaux, il en réalisait déjà au sein de sa pâtisserie L’Ecureuil (un des pains proposés rue Poncelet garde encore ce nom, d’ailleurs) et nous montre bien son savoir-faire avec ce produit atypique, inscrit dans sa culture et ses racines.
Pain aux Pommes de Terre, Coriandre & Graines de Tournesol, Kaffeehaus Paris – Paris 17è, vendu au poids, 10 euros le kilogramme, entier ou en demi.