Nos artisans boulangers ne sont pas seulement des as du pétrin, des artistes du façonnage, … non, ils doivent aussi être des surfeurs de haut niveau, vous savez, ces maîtres de l’équilibre. Quand ils réalisent leurs produits, ils doivent parvenir à un résultat savoureux, ni trop salé, ni trop humide, en bref tenir sur leur planche et voguer vers le plaisir gustatif. Autant vous dire que certains font plutôt de la brasse coulée, ce qui ne profite à personne. On devrait peut-être ajouter une épreuve sportive à l’examen du CAP Boulanger, pour tester le sens de l’équilibre de nos aspirants artisans…
Je dois bien l’avouer, je ne suis pas un grand adepte des pains aux noix. Je trouve qu’ils dégagent une trop forte amertume au fil de la dégustation, et finissent donc par masquer le repas qu’ils devraient accompagner. On les conseille souvent pour accompagner des fromages, mais j’avoue que je n’adhère pas vraiment à cette idée car il est alors difficile de profiter pleinement du parfum du dit produit. Cependant, tout n’est pas perdu, puisqu’il reste possible d’incorporer à la pâte d’autres ingrédients pour « compenser » cette puissance aromatique.
Justement, les raisins s’entendent bien avec. Dans sa boulangerie de la rue des Petits-Pères, Lionel Favario associe ainsi raisins blonds, bruns et noix dans sa fameuse pâte du Pain des Petits-Pères, réalisée à partir d’un levain très doux et de trois farines. La longue fermentation qui lui est appliqué n’exclut pas les fruits secs, et cette « dégradation » collective a pour effet de colorer la mie dans cette teinte grise. L’intérêt est également aromatique, puisque le pain s’imprègne alors du parfum de ce mélange.
Bien sûr, il existe sans doute des dizaines de déclinaisons plus ou moins réussies autour de cette association. Dans le cas présent, la qualité du produit tient à plusieurs facteurs. Tout d’abord, on ne peut qu’apprécier la cuisson poussée, qui confère à la croûte des notes torréfiées. Ces dernières contrastent nettement avec la mie très hydratée qu’elle renferme, laquelle dégage des parfums de miel et de sucre à ses premières heures de vie.
Justement, ce pain a vraiment une « vie » et évolue de façon intéressante au fil des jours, ce qui rendrait bien dommage une dégustation trop rapide. Le format plutôt généreux (ce sont en effet des pièces de près de 800g qui sont façonnées) permet bien ce vieillissement.
Ainsi, le caractère très gourmand et addictif lié à la forte humidité laisse peu à peu place à des arômes plus vifs. Certes, les raisins continuent à distiller leur moelleux et leur sucre, mais la noix se fait plus présente. La mie devient alors plus ferme, c’est une autre expérience de dégustation qui nous est offerte. Le jeu craquant, croquant, fondant demeure quant à lui.
On appréciera dans tous les cas la générosité en fruits secs et la qualité de ces derniers, ce qui est loin d’être une généralité. Le panachage entre raisins blonds et bruns est, par ailleurs, plutôt bien vu et le gourmand peut s’amuser à tenter la distinction entre les deux, la première variété se révélant plus douce et sucrée que la seconde.
Terminons sur des considérations esthétiques, car même si le façonnage de ce pain demeure très « rustique », je trouve qu’il ne manque pas d’allure et suscite forcément l’envie, que ce soit de par sa croûte foncée ou par sa mie riche en couleurs…
Pain Noix-Raisins, Au Vide Gousset – La Boulangerie – Paris 2è, vendu au poids.
Hmm, tu donnes super envie, je ne suis pas très loin, je vais tâcher d’y aller vite ! Merci !