Lorsque l’on élabore un plat, un pain ou une pâtisserie, on y incorpore parfois des décors, des détails qui le rendent visuellement plus attrayant. Seulement, il ne faudrait pas que leur intérêt se limite à satisfaire les yeux, ils doivent en effet apporter une touche supplémentaire en terme de goût ou de textures. Que ce soit un fruit, une fleur, une épice… il s’agirait presque de faire en sorte que son absence manque profondément au résultat final.
Bien sûr, cela ne peut pas toujours être le cas, mais en l’occurrence, le pain que je vous présente aujourd’hui n’aurait pas la même saveur et surtout pas le même esprit sans sa finition.
En effet, ce vendredi, le maïs Grand Roux du Pays Basque était à l’honneur dans la fameuse boulangerie Du Pain et des Idées, au travers d’une création que je n’avais pas eu l’occasion de retrouver depuis quelques temps. Cette variété de maïs avait disparu avec l’apparition des cultures industrielles, à tort, puisqu’elle demande très peu d’eau et résiste donc bien à d’éventuels épisodes de sécheresse. Il a fait son retour depuis peu de temps sous l’impulsion de quelques agriculteurs passionnés, à la recherche de variétés oubliées et « hors normes ».
L’idée était de nous faire littéralement croquer dans l’épi, mais avec un pain. Pour ce faire, il fallait proposer un produit plutôt doux et sucré. Cela explique l’utilisation dans le cas présent d’une base de tradition, plutôt que de levain et de farines plus complètes comme c’est souvent le cas pour les « créations du vendredi » proposées dans cette boulangerie. Des essais avaient été réalisés, et cela masquait complètement le goût du maïs. Au final, c’est un mélange de 80% de farine de tradition et de 20% de farine de maïs qui a été retenu. Le résultat est convaincant, avec une mie assez dense, très hydratée, qui contraste bien avec la croûte épaisse et dorée, « signature » des produits proposés au 34 rue Yves Toudic. La douceur sucrée qui se dégage à la dégustation est renforcée par la présence de grains de maïs frais, qui fondent doucement sous la langue au fil des bouchées.
Si j’ai commencé par vous parler de décors et de détails, ce n’est pas sans raison : en effet, ce pain est recouvert d’un mélange bien particulier, un clin d’oeil à la façon habituelle de déguster un épi de maïs. Il est commun de le faire cuire entier, puis de croquer dedans avec une noix de beurre demi-sel. Une façon simple mais très savoureuse de profiter de ce légume, c’est certainement la meilleure façon de profiter du produit en saison. L’idée de Christophe Vasseur et de son équipe était ici de nous faire retrouver cette sensation. C’est pourquoi on retrouve ce fameux beurre demi-sel, accompagné d’un peu de shoyu. On retrouve là la patte de Kenji Kobayashi, preuve d’un travail en équipe réalisé au sein du fournil de la boulangerie. L’association de ces deux produits assaisonne le pain, les notes salées qu’ils expriment viennent « bousculer » la dominante sucrée du maïs. A cela s’ajoute la texture légèrement poudreuse du mélange, cette dernière amuse délicieusement notre langue. Voilà un décor qui n’en a que le nom, car il intègre pleinement notre expérience de dégustation.
J’ai donc pris plaisir à manger un Grand Roux, et même si l’expression peut être terrifiante sortie de son contexte, il est intéressant de voir comment certains boulangers réfléchissent à des façons de nous proposer des produits sortant de l’ordinaire. Le pain sort de sa place habituelle pour devenir un véritable objet d’évocation, de mémoire. Cela devrait être plus souvent le cas, je suis persuadé que nous consommerions alors beaucoup plus de cet aliment, nourriture du corps et de l’esprit…
Pain au maïs Grand Roux du Pays Basque, Du Pain et des Idées – Paris 10è, proposé aléatoirement le vendredi – 4,2€ le morceau de 450g.
Très joli article, Rémi : sensible et profond, il est vraiment agréable à lire. Et heureuse que ton humour décalé refasse surface 😉 Merci !
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