Le pain n’est pas uniquement français, fort heureusement. Partout, chaque jour, des milliers d’êtres humains en consomment. De formes, de couleurs, de goûts différents, mais cela reste du pain. Comme un lien invisible il nous relie entre peuples. Farine, eau, levure, levain, sel… On trouve ces ingrédients à peu près partout, et c’est ce qui permet cette universalité. Certes, notre pain français est souvent envié, la baguette jouit d’une réputation sans égal, son croustillant fait fondre les plus endurcis, mais on trouve aussi des produits très intéressants dans d’autres régions.
Peu à peu, les pains moelleux type ciabatta ont envahi notre paysage boulanger, ceux-ci étant très appréciés en restauration rapide. On pourrait dresser le même constat pour les buns, bagels, pains pita et autres produits moelleux. Le consommateur aime le moelleux, le facile à manger, il suffit de lui en donner. Seulement, ce serait bien réducteur que de ne s’intéresser qu’aux produits de nos amis italiens, turcs ou américains… Il existe en effet de nombreuses autres spécialités, et ce serait bien dommage de s’en priver.
Commençons tout d’abord par donner des couleurs au pain… du jaune, en l’occurrence. Parlons ensuite de ce qui lui procure cette fameuse teinte : de la semoule de maïs. Le maïs est utilisé pour fabriquer le fameux « cornbread », que l’on retrouve souvent aux USA, tandis que les pains à la semoule sont monnaie courante dans les pays d’orient. Plus près de nous, le Portugal détient une tradition de pain au maïs, le Broa de Milho. Il n’est d’ailleurs pas très répandu par chez nous, et on retrouve bien plus souvent le fameux petit flan sur base de pâte feuilletée « pastel de Nata », très apprécié par les gourmands.
Pourtant, c’est certainement la source d’inspiration employée par notre boulanger voyageur, installé dans les 17 et 18è arrondissement parisiens. Je veux bien entendu parler de Gontran Cherrier, qui nous emmène à la rencontre d’autres cultures autant qu’il en touche lui-même, puisqu’il ouvrira prochainement une boulangerie à Singapour. Curieux jeu d’aller-retour entre proche et lointain, mais ce n’est pas le sujet du jour.
Depuis quelques semaines, le pain à la semoule de maïs que j’avais pu découvrir l’an dernier est de retour en boutique. Toujours aussi jaune, j’apprécie particulièrement de déguster ce poussin gourmand, façonné en de grandes pièces qui sont ensuite vendues au poids. C’est un rendez-vous du week-end, puisqu’il n’est proposé que les samedis et dimanches.
La première chose qui peut nous frapper lorsque l’on se saisit d’un morceau de ce pain, c’est son caractère particulièrement lourd et dense. Une petite « tranche » pèse rapidement son poids, du fait de l’absence totale d’alvéolage. En parlant de tranches et de découpe, celle-ci est loin d’être aisée, puisque la mie n’a pas beaucoup de tenue. On obtient de grosses « miettes » que l’on peut manger sans façon. Les grains de semoule apportent ainsi à la dégustation une texture supplémentaire, on les sent légèrement sur la langue, en opposition au côté assez ferme de la croûte. La mie ainsi formée est très humide, elle exprime bien la saveur particulière du maïs, même si on pourrait lui trouver des notes d’oeuf assez surprenantes.
Ainsi, ce pain est particulièrement agréable pour saucer des plats, mais aussi pour accompagner des mets plus raffinés tels que le foie gras. Au petit-déjeuner, il s’accommode très bien d’une noix de beurre, en complétant la douceur du maïs par la douceur lactique de la crème. Malgré tout, le principal risque est d’en répandre un peu partout… mais dans le fond, cela n’a pas grande importance : on déguste avec plaisir ces morceaux qui s’effritent rapidement, c’est simple et convivial, en bref, comme doit l’être le bon pain.
Gontran Cherrier parvient là encore à nous proposer une expérience originale au travers d’un pain que l’on peinerait à trouver en dehors de ses boulangeries. Même s’il a tendance à avoir peu de tenue (ce qui est aisément explicable par la teneur en semoule de maïs, assez importante), ce pain exprime un parfum à la fois doux et particulier, à la fois presque « terroir » mais également très raffiné. Au delà du goût, la texture ne manque pas d’intérêt également, avec un petit côté granuleux qui surprend et amuse les papilles.
Pain à la semoule de maïs, Gontran Cherrier – Paris 18è, vendu au poids le week-end, 8,20 euros le kilogramme.