Nous vivons dans la société de la performance. Etre les meilleurs, les plus rapides, les plus réactifs… Cette compétition permanente ne manque pas d’être usante à long terme, mais c’est ainsi. Cela n’épargne pas l’alimentation, où certains redoublent d’inventivité pour trouver les « meilleurs » produits. Dégustations, comparatifs, pourtant, la gastronomie demeure avant tout un livre ouvert, une page blanche où chacun exprime son goût personnel et sa sensibilité dans l’appréciation des mets .
Au delà de ça, sur des critères techniques et « objectifs », on a décrété que certains aliments étaient en réalité de « superaliments », comme si leur consommation avait la capacité de vous rendre beaux-forts-intelligents… (rayez la ou les mentions inutiles). Super-fruits, super-légumes, super-plantes… Le choix ne manque pas, et heureusement : tant qu’à manger, mangeons du « super ».
Parmi ces aliments aux nombreuses vertus, on peut compter les graines de lin. Cette céréale aurait en effet le pouvoir de réduire le taux de cholestérol au travers d’une fourniture importante d’oméga-3, de faciliter la digestion, de prévenir l’apparition de certains cancers… Autant dire que l’on devrait en mettre dans tous nos plats. Pas exactement, en réalité, puisque cela exprime une certaine saveur et qu’il est toujours question d’accords et de goût en matière d’alimentation.
Les pains aux céréales sont légion, je pense même qu’ils sont représentés dans la plupart des boulangeries. Les mélanges qu’ils incorporent varient d’une boutique à l’autre, même si les meuniers et divers fournisseurs de produits boulangers proposent leurs « créations » qui tendent à uniformiser l' »offre » que l’on pourra retrouver chez nos artisans. Tournesol, sésame, pavot, … et très souvent des graines de lin.
Certains boulangers ne font rien comme tout le monde, et c’est pour cela qu’on les aime. Ils développent des pains en dehors des standards, ce qui nous permet de changer de l’ordinaire et de découvrir de nouveaux accords, de nouvelles sensibilités. Je crois que s’ils n’existaient pas, cela fait longtemps que la lassitude m’aurait gagné et que je ne consommerais plus de pain…
Parmi ces trublions, Jean-Paul Mathon compte parmi les plus doués et passionnés, à mon sens. Chacune de ses créations exprime une véritable recherche d’équilibre et de subtilité.
A la Gambette à Pain, on ne trouve pas de pain « aux céréales », mais une « Bise de lin ». Bien énigmatique de prime abord, cette tourte vendue en quarts ne manque pas de qualités, en plus de celle d’incorporer du lin brun et doré, avec tous les atouts que j’ai pu vous présenter. Ce pain est « bis » à plusieurs points de vue : si l’on considère les graines, bien sûr, puisqu’il y en a deux types, mais aussi au travers de l’utilisation de farines plus « complètes », ce qui donne à sa mie cette couleur un peu grise. Parlons justement de la mie : assez bien alvéolée, très hydratée et d’excellente tenue, elle se révèle très gourmande et moelleuse, même si on pourrait la trouver un peu collante le jour de l’achat. Le lendemain, du fait du rassissement, le pain n’en est que plus intéressant.
La croûte, quant à elle, est très fine et peu présente. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les graines, qui craquent sous la dent. L’ensemble exprime un surprenant et prononcé goût de noisette légèrement acidulée, du fait du travail sur levain. Ce pain est en effet certifié biologique, réalisé à partir de farines des moulins Decollogne.
Au final, on prend un grand plaisir à déguster cette création au petit déjeuner, avec une simple noix de beurre. Sa texture et son goût en font un pain presque addictif, et c’est tant mieux puisqu’il est l’ami de notre santé… alors pourquoi se priver ?
La Bise de Lin, La Gambette à Pain, Paris 20è, vendu au quart de 250g, 3€ la part.