A Paris, certains quartiers sont devenus de véritables incubateurs des nouveaux concepts de restauration. La forte concentration d’entreprises a créé des foules de cadres toujours plus pressés, en quête de mets à consommer en quelques minutes. Ces derniers étant souvent sensibles aux marques reconnues que sont cojean, Exki ou encore Prêt à Manger, il est difficile d’exister en marge de ces dernières et on ne compte plus les enseignes disparues ou en grande difficulté. Dans cette guerre du snacking, de nombreux artisans boulangers ont cherché à tirer leur épingle du jeu en développant considérablement leur offre salée, au point de muer complètement vers un nouveau modèle où leur ancien coeur de métier n’est plus qu’accessoire. J’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer ici, mais il serait sans doute temps de renoncer dans ce cas à l’appellation d’artisan boulanger, car elle ne se résume plus qu’à un élément de différenciation marketing. Le capital sympathie naturellement confié à un artisan a été beaucoup trop malmené.

Chaque après-midi, Louis Tiry façonne son pain à la vue des clients, derrière cette vitre : une bonne façon de créer de l’animation et de marquer dans l’esprit des passants le caractère artisanal de l’entreprise.

A proximité du métro Miromesnil, les commerces de restauration rapide ne manquent pas. Chaque midi, les queues se forment rapidement devant les boutiques aux superficies restreintes. Deux « boulangers » -Stéphane Louvard (avec notamment son concept élégamment nommé Un jour sans faim (sic)) et plus récemment Eric Kayser- sont bien implantés et débitent sandwiches, salades ou même plats chauds dans leurs boutiques respectives. Depuis début novembre, un nouvel arrivant dans l’univers merveilleux de l’en-cas propose ses créations au 20 bis rue La Boétie. Son nom ? Lamée. Si la référence est directement orientée vers le monde de la boulangerie, Louis Tiry a orienté son discours et son offre autour du snacking : ici, on élabore des sandwichs d’artisans. Le pluriel n’a pas été choisi au hasard, car il exprime la volonté d’associer les savoirs-faire de boulanger et de cuisinier.

L’espace de vente est sobre et met l’accent sur les éléments clés du concept.

En effet, si le jeune entrepreneur a d’abord suivi un cursus dans la communication et le marketing (diplôme de l’ISCOM), il s’est rapidement intéressé au secteur de l’alimentation, jusqu’à se former au sein de l’Ecole Internationale de Boulangerie. Ayant acquis des bases solides dans le domaine de la panification au levain naturel, il pétrit et cuit sur place l’ensemble des pains qui serviront de base pour les sandwichs. Petit épeautre, Seigle aux graines, Polaire à l’encre de seiche et anis, Campagne ou ‘low gluten’ sur farine et levain de riz, les produits trouvent leurs dénominateurs communs dans l’utilisation de farines biologiques (fournies par Decollogne et Chambelland pour la farine de riz), de levain naturel et un format rectangulaire, permettant de réaliser de larges tranches. On néglige trop souvent l’accord mets-pain, qui est ici mis à l’honneur : chacun d’eux se voit associer une garniture parfaitement assortie et mise au point avec le concours d’un chef cuisinier. Louis et son équipe ne se contentent pas d’assembler des ingrédients : ils cuisinent au quotidien des produits frais et bruts, sélectionnés auprès de partenaires proches (Primeurs Passion, un maraîcher situé à Bouafle (78), jambon Prince de Paris, …).

On trouve dans chacun des sandwiches des éléments cuisinés : pickles de concombre, chutney de poires au vin rouge, dahl de lentilles corail et noix de coco, … avec un soin particulier porté à l’accord avec le pain. On est bien loin des saladbar ou autres concepts où l’on empile des ingrédients sans se soucier de la cohérence de l’ensemble. De plus, les produits évolueront au fil des saisons.

Si l’espace de vente n’est pas très grand, il permet à chacun d’apprécier la démarche qui aboutit à la confection du sandwich : les pains sont présentés à l’entrée, puis viennent les garnitures, la table d’assemblage et enfin les desserts à côté de la caisse. Au fond, le four multi-fonctions (marque Wiesheu) et le pétrin entretiennent une atmosphère mi laboratoire-mi boutique qui colle bien avec l’esprit insufflé par l’entrepreneur.
Le chantier d’éducation à mener est d’ampleur : en effet, de trop nombreux consommateurs sont habitués à choisir le sandwich par facilité et à négliger sa saveur ainsi que la qualité des ingrédients qui le composent. En ayant porté soin à chaque maillon de la chaine de valeur, Lamée est en capacité de communiquer précisément et honnêtement sur chacun d’eux.

La courte gamme de desserts, 100% maison : fondant au chocolat, cakes, rochers coco… ils sont tous réalisés sur base de farine de riz.

On touche là un point fondamental : l’honnêteté et la vérité. Louis n’a pas eu la prétention d’ouvrir une boulangerie mais a été humble et cohérent dans sa démarche en adoptant la dénomination de sandwicherie. Pour autant, il porte sans doute beaucoup plus d’attention à la réalisation de son pain que de nombreux artisans boulangers. Sa structure rationnelle et ses horaires d’ouverture adaptés aux besoins du quartier rendent son projet viable et pertinent. Cerise sur le gâteau, ou sur le pain, il est possible d’acheter des morceaux de miche pour les consommer à toute heure de la journée… autant d’éléments qui laissent à penser que Lamée devrait sans difficulté marquer sa signature.

Les prix correspondent au quartier et, s’ils demeurent assez élevés, sont justifiés par la qualité et la fraicheur des produits.

Infos pratiques

20 bis rue la Boétie – 75008 Paris (métro Miromesnil, ligne 9)
ouvert du lundi au vendredi de 11h30 à 15h.
Facebook : https://www.facebook.com/lamee.sandwicherie/

Il pourrait parfois être amusant de se demander ce qu’il y avait dans le biberon des hommes qui ont façonné notre histoire. Einstein a-t-il été nourri avec des aliments très relatifs, Hugo avec des légumes aux noms pleins de belles lettres, Nietzsche avec des recettes pleines de pensées poétiques ou philosophiques ? La question est en réalité de savoir si nos parents nous pré-déterminent à exercer certains métiers plutôt que d’autres, si nous sommes condamnés à une certaine forme de reproduction sociale ou si au contraire les portes d’un merveilleux ascenseur, menant tout droit aux sommets des arts, de la science ou des sphères intellectuelles, nous restent toujours ouvertes. S’il est difficile de formuler des réponses précises sur le sujet, les meilleurs exemples restent ceux offerts par les individus qui ont donné beaucoup de leur personne pour faire grandir leur savoir et accomplir de belles choses.

Julien Dechenaud est le digne héritier d’une tradition familiale : son père est lui-même chocolatier (il l’aide d’ailleurs au laboratoire), et c’est dans son sillage qu’il a épousé ce métier aussi passionnant qu’exigeant. Pour mieux maîtriser la matière, il a fait ses armes chez Patrick Roger, Jean-Paul Hévin ou encore La Chocolaterie Alain Ducasse, où il occupera le poste d’adjoint de production. Un parcours sans faute qui l’amènera notamment à donner des cours de chocolaterie au sein de l’Ecole japonaise Levain d’Antan, fondée et dirigée par ses amis de longue date, le couple Landemaine.

Pour autant, malgré le peu de temps et d’énergie que peuvent laisser les tournées de ganaches et pralinés, le jeune artisan nourrissait le projet de voler de ses propres ailes et ainsi de pouvoir continuer à transmettre son savoir-faire… cette fois par le goût de ses produits, directement auprès de la clientèle.
Paris est un marché hautement concurrentiel en terme de cacao et autres gourmandises issues de la cabosse : les grands noms du chocolat sont déjà bien implantés, et le soleil peut tout aussi bien briller en banlieue. Au cours de ses recherches, l’opportunité d’un local vacant à Vincennes s’est présenté à lui et son épouse, qui l’accompagne dans son projet. La municipalité souhaitait que la boutique conserve son statut de chocolaterie… un objectif rempli puisque la devanture affiche fièrement Julien Dechenaud chocolatier, depuis le 11 novembre dernier.

Le magasin est étincelant : meubles laqués, rampes dorées, l’ensemble s’inscrit dans un registre chic et intemporel.

A l’intérieur, le client est immédiatement immergé dans l’univers sobre et élégant développé par l’artisan : mur en briques, meubles laqués, bois omniprésent… les notes de bleu et l’éclairage délicat -porté par des lampes recyclées, issues de fouets- achèvent de donner à l’ensemble un caractère accueillant, tout en mettant parfaitement en valeur les produits. Au fond de la boutique, le laboratoire vitré rassure sur le caractère artisanal de la production : l’enrobeuse se déroule en longueur, tandis que l’équipe s’affaire pour élaborer les douceurs. A l’avenir, un potager devrait venir compléter l’ensemble et ainsi fournir des herbes et plantes aromatiques au chocolatier.

Parmi ces dernières, on ne pourrait pas repartir sans un coffret de bonbons : pralinés ou ganaches, ils font tous l’objet de la même attention de la part du chocolatier. Attention pour le sourcing des matières premières -les couvertures viennent de chez Domori, ce qui permet de proposer des saveurs différentes de l’omniprésent Valrhona, tandis que les fruits secs proviennent des meilleures origines (amande de Provence des plantations de Patrick Roger, noisette du Piémont IGP, …)-, dans l’élaboration des recettes et à la production pour aboutir à des textures et saveurs parfaitement équilibrés. Entre le croustillant du praliné amande de Provence, le fondant de la ganache pure origine Cote d’Ivoire ou la fraicheur du citron vert, difficile de choisir. L’ensemble est servi par des enrobages fins et typés, Julien ayant pris le parti d’utiliser un chocolat 72% de cacao là où beaucoup préfèrent des écrins plus pauvres en caractère.

Ganaches en attente d’enrobage

En plus de son offre de chocolatier, l’artisan a souhaité proposer des pâtisseries « de voyage » : financiers, madeleines et bientôt cakes (chocolat, vanille ou citron), autant de produits à consommer à tout moment de la journée. Le plus remarquable est sans doute sa tarte chocolat-caramel-fruits secs, librement inspirée de la tarte aux pralines lyonnaise, riche en textures et en sensations. Une gamme courte et beaucoup de fraicheur : Julien a tout compris à ce que doit être la pâtisserie.
Au petit-déjeuner, la pâte à tartiner devrait séduire les plus exigeants : réalisée avec 60% de fruits (amandes et noisettes), elle se distingue très nettement des propositions industrielles.

Les tartes chocolat-caramel-fruits secs… difficile de faire plus gourmand !

Caramels, truffes, bonbons… rien ne manque.

Bien sûr, tout cela a un prix : 100 euros/kg pour les bonbons de chocolat, ce qui se situe dans une moyenne honorable en région parisienne, d’autant plus si on prend en compte la qualité des ingrédients et le soin porté à leur transformation.
A quelques semaines des fêtes, le couple Dechenaud ouvre à temps pour passer sa première épreuve du feu et satisfaire le public vincennois, aussi exigeant que pourvu en pouvoir d’achat. Avec un emplacement intéressant -à quelques pas de la très commerçante rue du Midi-, nul doute que le chocolatier devrait trouver sa place… et longtemps rouler sa bosse ici, avec le fruit des cabosses.

Infos pratiques

32 rue Robert Giraudineau 94300 Vincennes (RER A, gare de Vincennes) / tél : 06 89 27 72 40

Nos yeux nous trompent régulièrement. Pire encore, leurs faiblesses ont été analysées, décryptées, décomposées, théorisées, pour mieux les exploiter. Notre société de l’image et d’apparat est en grande partie basée sur l’idée qu’il faut faire beau avant de faire bon. Ainsi, le consommateur aura l’impression de consommer un produit meilleur qu’il ne l’est réellement, la faute à quelques colorants (coucou le dioxyde de titane dans les sucreries ou la fameuse tarte Infiniment Vanille de chez Pierre Hermé, ou le colorant rouge des pralines roses bas de gamme). L’essor du réseau social Instagram est symptomatique de cette dérive, car on y trouve de nombreux clichés modifiés, ou vantant des produits sans aucun intérêt gustatif. La boulangerie a aussi sa part : les « améliorants » anti-cloque, l’acide ascorbique pour garantir le volume du pain, les ingrédients favorisant la caramélisation de la croûte… sont autant d’exemples qui nous montrent qu’un métier où les produits devraient être porteurs d’une certaine forme de vérité n’est pas épargné par ce fléau. Les sommes d’argent considérables investies dans les agencements de boutique plutôt que dans le personnel et sa formation s’inscrivent dans le même esprit. Les vendeurs d’emballages se frottent les mains, et une certaine catégorie d’artisan se satisfait bien de ces écrans de fumée.
« On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Antoine de Saint-Exupéry avait si bien résumé cette pensée pleine de sens. Détachons-nous du visuel pour revenir à l’authentique.

Une autre preuve que nos yeux sont faillibles réside en l’apparence similaire d’objets pourtant différents. Si l’on se contente de cette approche, on ne saisit pas leur essence. Il faut les croquer, les écouter, leur offrir un peu de notre temps et de notre sensibilité. Essayer de les apprivoiser, et inversement. La fève de Tonka et la fève de Cumaru sont semblables, mais leur parfums diffèrent légèrement : leurs origines sont différentes, comme le décrit d’ailleurs ce blog. Seuls les vrais connaisseurs distinguent réellement les deux produits. Antônia, de la boulangerie De Pâte à Pain, à Jouars-Pontchartrain (78), est de ceux-ci : forcément, ses origines brésiliennes n’y sont pas pour rien.

C’est à quatre mains que le talentueux couple, qui s’est récemment illustré dans l’émission La Meilleure Boulangerie de France en remportant la finale Ile-de-France, a conçu ce pain : une Tourte de Seigle au Cumaru. Richard a apporté tout son savoir-faire boulanger, Antônia sa créativité et sa culture. Ce savant mélange donne un relief tout particulier à ce produit : non seulement la tourte est un modèle du genre -avec une croûte présente mais pas excessive, un levain bien dosé et une farine de qualité sélectionnée chez les Moulins Viron-, mais la fameuse fève relève les parfums miellés et épicés du seigle. L’ensemble est ainsi particulièrement aromatique et addictif. J’y retrouve personnellement des arômes similaires à ceux développés par le mélilot, une plante traditionnellement utilisée comme fertilisant naturel dans les champs. Le voyage réalisé est plutôt surprenant : le seigle nous envoie en Auvergne, la fève s’envole vers les chaudes latitudes du Brésil… pour nous faire revenir là où tout commence, au plus près de la terre.
On peut ainsi déguster cette création seule, mais aussi en accompagnement de viandes rouges. Les plus gourmands l’associeront avec du chocolat ou une pâte à tartiner forte en cacao, ce qui devrait donner un relief tout particulier à leurs goûters et petit-déjeuners.

J’aime quand le pain est source d’évocation, qu’il nous transmet des émotions. On parle parfois d’une « cuisine d’auteur », pourrait-on en faire de même en boulangerie ? Si oui, cette création pourrait sans doute s’y rattacher. Merci à Antônia et Richard pour la découverte !

Tourte de Seigle au Cumaru, De Pâte à Pain, Jouars-Pontchartrain (78), vendue au poids, 7,95€ le kilogramme.

C’est fou comme le ridicule peut vite tourner au grotesque. Il suffit de peu d’efforts, d’une petite phrase en trop, d’un trait d’esprit follement opportun et nous voilà transportés dans un univers merveilleux, où les protagonistes semblent engagés dans une course effrénée vers un fond mal défini. Existe-t-il seulement ? En la matière, la boulangerie semble déterminée à nous prouver que l’on peut repousser toutes les limites, creuser toujours plus profond, vers l’infini et au-delà… Non, nous n’irons pas chercher Buzz l’éclair, mais ils savent en attendant profiter du buzz médiatique pour servir les intérêts d’un petit nombre de personnes.

Il fallait les voir se congratuler sur scène pour cette deuxième édition du « Master du Pain au Chocolat francilien », organisé dans le cadre du Salon du Chocolat. Tout était là : les journalistes, un jury hétéroclite, l’animateur, le public pendu au top départ pour se jeter sur les fameuses gourmandises, et 46 artisans participants. Le croissant avait son concours depuis longtemps, et l’idée d’en organiser un pour son populaire homologue aux deux barres cacaotées n’a rien d’aberrant.

Cela serait encore mieux si l’événement n’était pas une occasion supplémentaire de récompenser beaucoup de boulangers plus concentrés sur la gestion de leur business et le relationnel avec la chambre syndicale que sur la satisfaction de leurs clients. Peut être qu’un jour j’arriverai à comprendre les tours de magie. Heureusement, quelques artisans plus discrets parviennent à se distinguer.

La remise des prix a été menée par Pascal Barillon, le président Anract étant excusé pour des obligations en province. Difficile d’être partout quand on cumule les casquettes.

Les résultats sont donc les suivants :

  1. Maison Lhérault – 81 rue Mirabeau – 92160 Antony
  2. Gontran Julien – 73 avenue Franklin Delano Roosevelt – 75008 Paris
  3. Thierry Audou – Pains et Saveurs – 219 rue du Faubourg Saint Martin – 75010 Paris
  4. Jérémy Julien – 13 rue Pierre Demours – 75017 Paris (Jérémy Julien est le fils de Gontran Julien, ndlr)
  5. François Vacavant – 117 avenue d’Italie – 75013 Paris
  6. Yacine Moudjari – Les Saveurs de Wagram / Gontran Julien – 75017 Paris
  7. Maison Gallet – 36 route de la Reine – 92100 Boulogne-Billancourt
  8. Romain Godard – L’Epi du Bois – 4 place Moreau David – 94120 Fontenay-sous-Bois
  9. Hakem Bakour – 215 avenue Charles de Gaulle – 92200 Neuilly-sur-Seine
  10. Yoann Gressent – Pâtisserie Colbert – 49 rue Houdan – 92330 Sceaux

Avec trois places dans le classement, la Maison Julien semble détenir une recette de pain au chocolat particulièrement magique. J’espère sincèrement que les gourmands des 8 et 17è arrondissements pourront donc en profiter tous les jours… et que les participants seront plus nombreux pour l’édition suivante afin de créer un paysage plus représentatif du marché. A l’année prochaine ?

Nous avons tous notre idée sur la recette d’un bon gâteau : de la farine, des oeufs, de la crème, du lait, du beurre, du sucre… ou bien tout à fait autre chose, selon les goûts et les envies. La partie est plus compliquée quand il s’agit de retrouver les ingrédients nécessaires à la réussite d’un projet, ou dans le cas présent, au succès d’une entreprise de boulangerie artisanale. Chaque jour les dosages sont différents, chaque jour il faut réajuster les quantités d’amour, de passion, de savoir-faire, … sans jamais être bien sûr de parvenir au résultat escompté. Un grain de sucre en trop et c’est le grain de sel qui se coince dans les rouages de l’affaire. On se dit parfois qu’il faut justement avoir un sérieux grain pour faire ce métier, mais que voulez-vous, la reconnaissance de la clientèle et le fait de participer à de beaux moments de partage et de gourmandise sont autant de récompenses qui grisent le coeur de nos artisans.

La devanture est discrète : rien ne distingue cette boulangerie d’une affaire de campagne « traditionnelle », mis à part les logos Bio et CRC bien mis en avant.

Installés à Cugnaux (31) depuis 3 ans, Stéphanie et Blaise Dutilleuil semblent avoir trouvé le savant dosage pour attirer et fidéliser une clientèle toujours plus nombreuse. Le nom de leur boulangerie – Au Pain par Nature – est autant un engagement qu’un prélude à ce qui attend les clients au sein de la boutique. Si cet artisan s’est installé ici, c’est à la fois car il connaissait un peu le secteur de par ses expériences précédentes, mais aussi car nous sommes dans une région d’agriculture, où les céréaliers impliqués dans une démarche qualitative et vertueuse sont assez présents. Il peut ainsi s’approvisionner uniquement en farines CRC (auprès du Moulin du Courneau, détenu par Yann Foricher) et Biologiques (auprès d’agriculteurs locaux). Chacun peut faire connaissance auprès de ces acteurs de la filière grâce à des photos et indications disposées en boutique.

Blaise Dutilleuil (en bleu) et son équipe de production

Au delà d’avoir un bon produit, Blaise et son équipe ont déployé ici un triptyque gagnant dont beaucoup devraient s’inspirer. Une sorte de règle des « trois c » : convictions, compétences et communication.
Convictions tout d’abord, qui sont le fruit d’un parcours professionnel riche. Son engagement chez les Compagnons Restés Fidèles au Devoir et plus de 17 ans d’expérience au sein de multiples entreprises à Nantes, Paris, Bordeaux, Montréal, Bruxelles ou encore La Réunion… ont construit chez lui une vision claire et aboutie du métier. Il lui est apparu comme évident de travailler des matières premières nobles, avec de lentes fermentations, pour apporter chaque jour à sa clientèle des produits à la fois savoureux et sains. C’est dans cette logique qu’il s’est intéressé aux variétés anciennes de blé : leur apport en terme de goût, de qualité nutritive et de digestibilité étant indéniables, l’artisan prend un grand plaisir à les travailler. Petit Epeautre (acheté à un agriculteur spécialisé dans cette culture, avec un goût exceptionnel de miel et d’épices), mélange de blés de population, Kamut ou Khorasan, … le choix ne manque pas, à des prix particulièrement accessibles.

Grâce à une belle maitrise du tourage et des prix très modérés, la viennoiserie 100% maison a trouvé ici un public fidèle.

Les compétences viennent à ce point rejoindre les convictions : il faut beaucoup de savoir-faire pour transformer ces farines délicates, qui sont ici portées par des levains doux mettant bien en valeur les saveurs de chacune des céréales. Grâce à des pâtes bien hydratées, les mies sont légères et alvéolées. Au fournil, les boulangers prennent beaucoup de plaisir à travailler ces matières premières qui font appel à leur sensibilité. Preuve en est que d’anciens apprentis formés par Blaise Dutilleul ont souhaité le rejoindre dans sa nouvelle aventure, ces derniers ayant adhéré à l’état d’esprit du chef d’entreprise. Une mentalité qu’il distille également en boutique, que ce soit par sa présence ou l’accompagnement du personnel de vente. Son expérience en management humain lui est particulièrement utile pour mener les équipes dans la direction qu’il veut donner à son entreprise.

Même si l’artisan s’est spécialisé dans la réalisation de pains au levain très qualitatifs, il n’a pas abandonné le pain « courant », tout en le réalisant à partir de farines CRC (la Bleuette) et en prenant soin de proposer des produits savoureux.

Un bon produit perd énormément de valeur s’il est mal vendu. Il faut ainsi déployer un vrai savoir-faire en boutique, ce qui est le cas chez Au Pain par Nature. Si l’artisan boulanger fait l’effort d’être présent régulièrement pour échanger avec sa clientèle, son équipe de vente est impliquée dans la démarche de l’entreprise et est formée aux spécificités des produits. Elle participe également aux nombreuses animations organisées ici : en effet, des week-ends thématiques ponctuent la vie des lieux et créent un véritable rendez-vous gourmand. Déguisements -avec le plus ridicule pour le patron, cela va de soi !- et spécialités sont au programme. Grèce, Bretagne, Suisse, détour à Angers … ou déclinaisons autour d’un produit (baba, mille-feuille…), les idées ne manquent pas même si la gymnastique à entretenir pour toujours proposer de nouvelles créations peut finir par être épuisante. Au travers de ces actions, c’est le troisième « c » que l’on retrouve : la communication. L’univers créé par Blaise est parfaitement retranscrit au quotidien et c’est ce qui a créé en trois ans une forte communauté autour de cette adresse. Les chiffres parlent d’eux mêmes : l’équipe est passée de 3 à 13 personnes et le chiffre d’affaires est en nette progression, avec une augmentation de plus de 40% entre 2015 et 2016.

De trop nombreux professionnels considèrent qu’il n’est pas possible de proposer des pains au levain et des démarches plus « pointues » en dehors des grandes villes. Cet exemple précis nous montre bien le contraire, même si l’artisan s’est adapté aux goûts locaux en développant le caractère lactique de ses levains. Les gammes de produits se sont étendues en conservant la même exigence sur le choix des matières premières et le respect des saisons, voire même en devenant plus sélectif sur certaines références, comme les oeufs. Les viennoiseries profitent bien sûr de ces engagements : difficile de passer à côté des généreuses brioches « grand mère » du week-end ou de leur homologues feuilletées (nature, aux pralines, aux agrumes, …) ainsi que des incontournables croissants. La pâtisserie n’est pas en reste, entre classiques (éclairs, tartes…), cakes ou entremets créatifs. L’ensemble est ainsi très cohérent.

En vitrine, on trouve un bel assortiment de pâtisseries fines. Lors de la reprise de l’affaire, Blaise Dutilleuil ne proposait que des pâtisseries boulangères, étant seul pour les réaliser. Au fil du temps et des embauches, la gamme s’est développée.

Quand un artisan met en phase ses convictions et ses actes puis construit son projet d’entreprise et d’implantation en fonction de ces éléments fondamentaux, on aboutit à un résultat durable et créateur de valeur pour la clientèle et les salariés. On vante souvent le grand talent des reconvertis pour ce type de tâche, mais je pense au contraire que c’est par l’expérience dans le métier et la construction d’une vision forte, basée sur des éléments de réflexion concrets, qui parvient à créer les plus belles aventures artisanales. Au Pain par Nature en est un excellent exemple, et je souhaite au couple Dutilleuil de pouvoir longtemps en faire la preuve au quotidien.

Infos pratiques

32 place de l’Eglise, 31270 Cugnaux / tél : 05 34 48 02 39
ouvert tous les jours sauf le lundi de 7h à 19h30, jusqu’à 12h le dimanche. Présence sur le marché de Cugnaux le samedi.

Les grandes entreprises semblent parfois être de grandes masses difformes, qui se construisent au fil de réunions interminables, dans lesquelles les individus finissent par ne plus savoir pour qui et pour quoi ils travaillent. Le temps, la taille, les hiérarchies, … font oublier que les plus belles réussites se construisent souvent sur la vision d’un homme, un entrepreneur ayant été capable de s’élever parmi la foule et de faire porter sa voix suffisamment fort pour que l’on puisse entendre son message. L’un des enjeux est ensuite de parvenir à transmettre, à trouver des personnes capables de faire perdurer cet esprit en les plaçant aux bons postes.

Le cas du Pain Quotidien retranscrit bien l’importance des engagements initiaux : c’est autour des idées d’Alain Coumont, ce restaurateur reconverti à la boulangerie, que l’enseigne s’est construite. Lieux chaleureux et faisant la part belle à cette fameuse « table commune », à présent reproduite aux quatre coins du globe, produits simples, souvent biologiques, et cuisine à tendance « saine », les ingrédients du concept sont aussi simple que son exécution a pu être compliquée. Si l’on reconnaît aujourd’hui le succès de l’entreprise, on oublie aussi ses années troublées, qui ont conduit à son rachat par sa filiale américaine, où la marque a connu un succès fulgurant. Présente dans plus de 20 pays avec près de 240 restaurants, la chaine est parvenue à installer cette idée d’un certain savoir-vivre et savoir-faire où l’on peut s’attabler à tout moment de la journée pour bruncher, déjeuner, dîner…

Le « mur à pains » n’est pas vraiment conçu pour valoriser ce type de produit et montre bien que les unités du Pain Quotidien n’étaient pas vraiment conçues pour vendre du pain.

On aurait presque oublié que le nom de l’entreprise contient un mot essentiel : le Pain. L’activité de restauration est prédominante, et même si le pain est souvent utilisé comme un support, sa qualité n’a rien d’extraordinaire. Il faut savoir qu’il est acheminé de Belgique tous les jours pour une bonne partie des succursales d’Europe du Nord : cela permet un certain contrôle sur la qualité, mais le produit est forcément dégradé en terme de fraicheur et les volumes réalisés aboutissent à des résultats discutables.
Même si Alain Coumont n’exerce plus de rôle opérationnel au sein du Pain Quotidien, il en demeure le « Chief Creative Officer » et maintient son engagement pour l’utilisation de produits naturels et biologiques. Il partage son temps entre New York et le sud de la France, où il possède une ferme qui lui permet de cultiver des parcelles de blé ancien et “s’amuser” avec un four à pain.
Forcément, lorsque l’on commence à s’intéresser à ce sujet, il devient difficile de s’arrêter en route. Cet entrepreneur iconoclaste a ainsi fait germer l’idée de fabriquer du pain à partir de blés anciens au sein de la multi-nationale qu’il a fondé.

Les pains sont simplement divisés à la paline et sont donc de taille et de poids différents : ils sont pesés lors de la vente au client.

Vous imaginez bien qu’entre la vision et la concrétisation, les efforts auront été soutenus et les obstacles nombreux. A commencer en interne : l’inertie faisant, il aura fallu convaincre des cadres réticents à voir naître un projet coûteux et aux retombées incertaines. Dans sa tâche, il s’est entouré d’adjoints convaincus, notamment en la personne d’Yves Desfontaines, aujourd’hui directeur de la stratégie et du développement du Pain Quotidien en France. Ce reconverti à la boulangerie aura longtemps cherché sa voie au sein de la profession avant d’apporter ses compétences, développées au sein de grands groupes, à l’aventure.
Plutôt que de réinventer la roue, ces hommes ont fait le choix de s’appuyer sur le savoir-faire reconnu d’un paysan-meunier-boulanger, en la personne de Roland Feuillas. Installé à Cucugnan, cet ex-ingénieur s’est donné corps et âme pour faire revivre un moulin et imposer sa vision d’un pain qu’il décrit comme « 100% Nature »… jusqu’à en faire un concept, aujourd’hui déployé à Paris.

Il faut savoir que quelque chose se trame au fond de la cour du 68 rue Pierre Charron pour l’imaginer : même si la localisation fait rêver les investisseurs étrangers, l’enseigne aurait vendu beaucoup plus de pain dans un quartier résidentiel et vivant… ce qui est loin d’être le cas ici. Plutôt que d’en faire une vitrine et saisir les retours positifs en terme d’image, l’enjeu est aussi de faire manger de ce pain là à un maximum de consommateur pour les sensibiliser aux intérêts inconstestables d’une telle démarche.

Feuillas rêvait de cette vitrine parisienne depuis plusieurs années, elle aurait pu se concrétiser au sein de la Jeune Rue si seulement le projet n’avait pas connu les déboires liés à son créateur, Cédric Naudon. Sans doute est-ce un mal pour un bien, car son message est aujourd’hui porté par une entreprise reconnue. Ils étaient nombreux hier pour inaugurer le « Fournil des Champs » : chefs, journalistes (je n’en suis pas, ouf !), personnalités, partenaires, la communication avait marché à plein pour annoncer l’événement. L’occasion également de faire parler de l’ouvrage fraîchement édité et co-écrit par Roland Feuillas et Jean-Philippe de Tonnac, A la recherche du pain vivant.

Au sous-sol, les clients peuvent voir le fournil et le moulin.

Fournil des Champs, en pleine capitale, vous dites ? Il s’agit d’un clin d’oeil habile à la localisation de cette boulangerie : installée au sous-sol du 68 rue Pierre Charron, Paris 8è, elle fait venir un peu d’Aude à deux pas des Champs-Elysées. L’unité du Pain Quotidien installée ici jusqu’alors a été transformée autour d’un nouveau concept en très peu de temps, ce qui n’est pas sans générer certaines incompréhensions : la clientèle ne retrouve plus les classiques de l’enseigne, et les équipes doivent encore se roder. Au lieu d’une cuisine « healthy », on retrouve plutôt des propositions rustiques et aux fortes connotations de terroir. Cela fait bien écho au pain qui est maintenant fabriqué ici : de belles pièces aux parfums vifs de céréales fraichement moulues.

On retrouve sur les murs de nombreuses photos : le moulin de Cucugnan, Roland Feuillas et Alain Coumont, Gaël au fournil de Cucugnan… la communication a été particulièrement soignée.

En effet, en reprenant le « concept » 100% Nature, le Pain Quotidien a fait installer un mini-moulin à meule de type Astrié. Chacun peut le voir fonctionner depuis la salle du restaurant, tout comme le travail des boulangers est entièrement transparent. Le fournil a été bien équipé, avec notamment un four MIWE qui permet une cuisson optimale des produits.

Le sachet remis au client est particulièrement verbeux : il décrit largement la démarche aboutissant au pain qu’il emballe.

Le matériel n’est rien sans l’humain, d’autant plus dans ce type de démarche. Un boulanger passionné et talentueux, Gaël, a été recruté pour gérer les opérations et l’équipe de production au quotidien. Il s’est formé aux méthodes préconisées par les Maitres de Mon Moulin directement à Cucugnan (avec formation express sur le process de mouture), ce qui a représenté pour lui un nouveau départ dans son métier. Son parcours professionnel l’a en effet amené à évoluer dans des environnements bien différents : formé chez les Compagnons du Devoir, il a pu oeuvrer aussi bien chez Première Moisson au Québec qu’au sein des Grands Moulins de Paris en tant que démonstrateur. Ces expériences ont autant développé son savoir-faire que sa conviction qu’une boulangerie re-connectée avec ses racines était indispensable pour retrouver du sens au métier. Cela passe également par des conditions de travail respectueuses des hommes : pas de travail de nuit, deux jours de repos consécutifs, au moins un week-end libre par mois. Pour autant, les difficultés de recrutement sont nombreuses, car les professionnels sensibles à une telle approche manquent encore à l’appel.

On parle souvent de l’incidence que peuvent avoir les lieux sur l’activité des levains et plus globalement de la fermentation. En ayant choisi d’installer le fournil dans un espace n’ayant jamais connu d’autre farine que celle écrasée à partir des grains « natures » ainsi qu’aucune levure industrielle (les pains sont pur levain, avec un levain par variété de céréale), l’entreprise s’est assurée d’une parfaite qualité de l’ensemble. Blés de population, Barbu du Roussillon, Rouge de Bordeaux et Seigle fermentent ainsi longuement -une quinzaine d’heures- pour aboutir à des pains savoureux et digestes. Le process est largement décrit dans le lieu de vente et sur les sachets remis aux clients. L’effort d’information passera également par la formation du personnel, indispensable pour bien vendre ces produits atypiques.

Dans un coin, on retrouve les croisements de céréales décrits par les Maitres de Mon Moulin, qui témoigne ainsi de la compétence technique singulière développée par l’entreprise.

Même si la production est encore en rodage, on retrouve dans ces pains des arômes singuliers -mention spéciale pour le Rouge de Bordeaux, qui est sans doute le pain le plus typé de la gamme, seigle mis à part-, une texture fondante et d’excellentes qualités de conservation. Les prix sont forcément élevés -pas moins de 9€/kilo- mais ils se situent dans la moyenne de ceux pratiqués pour ce type de produit. A terme, une logistique devrait se mettre en place pour approvisionner les autres unités parisiennes du Pain Quotidien ainsi que des restaurants extérieurs.

Tout cela n’est pas sans poser quelques questions : n’est-il pas incompatible de faire vivre de tels engagements au sein d’une entreprise aussi grande que le Pain Quotidien ? les impératifs de rentabilité n’iront-ils pas à l’encontre de la qualité et de la sincérité de la démarche ? L’avenir nous le dira sans doute. C’est en tout cas une belle vitrine pour un pain plus nature et plus sain, réalisé au plus près des agriculteurs et avec une vision complète sur la filière aboutissant au produit fini. L’ambition du groupe est d’ensuite dupliquer l’expérience à l’international, en transmettant les compétences aux producteurs locaux afin de créer une filière courte à chaque fois. De belles intentions que nous ne manquerons pas de suivre avec intérêt.

Le dernier livre de Roland Feuillas et Jean-Philippe de Tonnac, présenté en bonne place en salle.

Infos pratiques

68 rue Pierre Charron – 75008 Paris (métro George V ou Franklin Roosevelt, ligne 1) / tél : 01 58 12 07 67
ouvert tous les jours de 8h à 17h.
facebook : https://www.facebook.com/lefournildeschampsparlepainquotidien/

Nous sommes tous de grands écrivains. Voyez plutôt : chaque jour, nous rédigeons les pages des histoires singulières qui composent nos vies. Rocambolesques pour certains, tragiques pour d’autres, ou plus souvent paisibles et sans relief, elles se croisent, se mélangent, se lient et parfois s’entrechoquent. Comme pour toute discipline, il faut savoir choisir son matériel afin de pouvoir écrire dans les meilleures conditions : carnet, feuille volante, stylo-plume ou à bille, chacun a ses préférences mais on oublie trop souvent qu’aucun de ses outils et supports ne sont éternels. Dès lors, ils finissent par s’user, se remplir, et l’histoire devient alors moins lisible, voire complètement confuse. L’enjeu est de savoir s’arrêter à temps et de parvenir à transmettre les plus belles phrases de l’ensemble afin de continuer à faire vivre ces histoires et perpétuer ce mouvement continu.

A Dinard, les Biscuits Joyeux font partie des institutions locales. Fondée dans les années 50 par Robert Joyeux, elle a été transmise en 1981 tout en développant son activité sur les marchés de la région. Les sablés, cakes ou rochers coco confectionnés dans le laboratoire de la rue de la Ville-es-Passants (investi en 1963) ont ainsi conquis les habitants et touristes à Saint-Malo, Cancale, Lancieux, Saint-Briac, Matignon, Saint Lunaire … Christine, Daniel, Pierrette et Jean-Claude ont passé la main fin 2016 à un jeune couple en reconversion professionnelle, bien décidé à insuffler une nouvelle dynamique à l’entreprise.

Caroline et Matthieu Gailly ne sont pas boulangers ou pâtissiers : issus tous deux de grandes écoles de commerce (Essec et HEC), leurs parcours professionnels se sont construits dans la gestion financière pour elle et dans l’univers des centres commerciaux pour lui. C’est un retour aux sources pour Matthieu Gailly, qui est originaire de Dinard. Leur première action aura été d’emménager dans un nouveau laboratoire, au 52 rue de la Gare, en reprenant la boulangerie Petit. Quelques travaux plus tard, la devanture a pris un air… Joyeux, avec notamment le fameux nain, devenu l’emblème de la marque au fil des années. A présent, les gammes se sont étoffées et le couple a souhaité développer une proposition de pains au levain naturel. Le meunier Foricher les Moulins, à présent installé en Bretagne avec son entité Foricher Pays des Abers, les a accompagnés dans cette démarche pleine de sens : l’offre locale n’est vraiment pas portée sur la qualité du pain et se contente généralement de la manne touristique pour vivre ou survivre… dès lors, des produits plus savoureux et réalisés dans le respect des règles de l’art deviennent immédiatement un élément de différenciation majeur.

Le mur à pains présente quelques grosses pièces au levain, ce qui n’est pas monnaie courante à Dinard.

L’espace de vente ne manque pas de charme, avec son côté rétro-désuet avec une pointe de modernité, et met bien en valeur les produits intégralement faits maison. La saison estivale est une véritable épreuve du feu pour les nouveaux gérants, qui ont du rapidement prendre la mesure de la tâche que représente le fait de travailler à la fois sur les marchés et au sein de leur boutique. Que ce soit sur la logistique, la qualité du service et des produits, ils ont du redoubler d’efforts pour être en mesure de donner le bon cap à leur entreprise en accompagnant leurs équipes et en se familiarisant avec les multiples métiers d’une affaire de boulangerie-pâtisserie-biscuiterie. Leur parcours dans le commerce et l’entreprenariat a laissé des traces et l’ambition qui va avec ne manquera sans doute pas de poindre, comme ils l’ont déjà annoncé dans des entretiens accordés aux journaux locaux : développement des marchés, d’autres points de vente fixes ou encore des « micro-ateliers »… avant de parvenir à faire éclore ces projets, il faudra consolider l’existant et s’assurer de la régularité des productions. C’est un sujet encore sensible aujourd’hui, car de réels progrès sont à faire : difficile d’occulter une viennoiserie approximative, des pains relativement peu hydratés et des biscuits trop secs et manquant de saveurs pour certains. Malgré tout, la belle gamme de sablés (au sarrasin notamment, très réussi) et gourmandises locales (kouign-amann, pommard…) reste très séduisante, avec des tarifs très abordables (l’ensemble des fours secs sont proposés au tarif de 18 €/kg)

Les fameux biscuits, présentés dans leurs boites en fer blanc. Les gourmands apprécieront leur tarif particulièrement accessible, qui ne manquera sans doute pas d’augmenter avec la flambée des prix du beurre.

On ne peut en tout cas que saluer la démarche du couple Gailly, qui fait perdurer une belle aventure tout en respectant ses fondamentaux -ingrédients de qualité (beurre AOP de Poitou Charentes, œufs plein air des Côtes d’Armor, farines CRC, fruits locaux et de saison), fabrication artisanale- et en y apportant des éléments de modernité bien nécessaires. Souhaitons leur de réussir dans leur tâche, et ainsi de réussir leur reconversion professionnelle en compagnie de leurs 12 salariés.

Le fournil, visible au fond de la boutique.

Infos pratiques

52 rue de la Gare – 35800 Dinard / tél : 02 99 16 04 71
ouvert du mardi au samedi de 7h à 19h30, jusqu’à 19h le dimanche. ouverture 7j/7 en juillet et août.
liste des marchés et autres informations sur http://biscuitsjoyeux.fr/

Nous avons tous tendance à parler trop vite, souvent pour ne rien dire d’ailleurs. Sans pour autant renoncer à toute forme de spontanéité, nous devrions songer à mieux construire notre discours et à enfin remplacer le bruit ambiant par des messages clairs, aussi intelligibles… qu’intelligents. En quelque sorte, remplacer ces flots continus de grisaille par des mots colorés, vifs et empreints de bienveillance. Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour écrire ceci, et c’est une certaine forme d’auto-critique que je formule ici, mais cet apprentissage perpétuel, cette recherche résolue et sincère du « mieux », de l’enrichissement mutuel quotidien, me passionnent. La boulangerie est d’ailleurs un excellent terrain de jeu en la matière : dès lors qu’on y apporte des valeurs, des convictions et du savoir-faire, les échanges deviennent riches et quasi-infinis.

Cécile Khayat -diplômée d’un CAP de pâtisserie et formée au Cordon Bleu, également auteure avec son père du livre « La Cuisine anticancer »- et Victoria Effantin -diplômée du CAP Boulanger-. Des compétences complémentaires… et la fierté commune de montrer leurs miches ! Elles ont notamment reçu le Prix Spécial du Concours des Jeunes Entrepreneurs organisé par l’EBP et les GMP en 2016.

Victoria Effantin et Cécile Khayat ont soigneusement réfléchi le message qu’elles souhaitaient faire passer auprès de leur clientèle avant de s’installer ici, au 45 rue Condorcet, dans le 9è arrondissement parisien. Si la devanture affiche très simplement « boulangerie de quartier », il ne faudrait pas voir dans cette formule une absence d’ambition ou de volonté de faire plus que bon nombre d’artisans. Au contraire, cet habile marketing de la décontraction est pleinement dans l’air du temps et correspond bien aux attentes des consommateurs, qui recherchent de véritables lieux de vie, et pas des bijouteries et autres boutiques reprenant de façon maladroite, voire déplacée, les codes de l’univers du luxe.Pourtant, quand on reprend le parcours de ces deux associées, on aurait pu penser que ce serait le chemin qu’elles suivraient : master 2 en affaires internationales en Ecole de Commerce pour Victoria, master en management spécialisé en entrepreneuriat pour Cécile, avec des expériences professionnelles dans de grandes entreprises renommées (La Fourchette, Orientis Gourmet, …), leur « première vie » professionnelle était aussi riche que prometteuse. En parallèle, elles ont toujours entretenu une vive gourmandise et une passion pour la boulangerie-pâtisserie. Plutôt que d’attendre le profond ennui des années qui passent sans se réaliser, leur démarche a été de prendre très tôt un tournant vers leurs aspirations profondes.

La miche signature, à la farine de blé Rouge du Roc, levain et miel de Châtaignier.

Mamiche, c’est l’aboutissement d’efforts continus et d’une vision aussi jeune que pétillante de la boulangerie. Les jeunes femmes n’ont pas compté leurs heures dans les fournils et laboratoires pour se former et être à même de gérer pleinement leur affaire. Jocteur, La Tour d’Argent, Pierre Hermé, … les références prestigieuses qu’elles cumulent attestent de leur détermination et leur ont permis d’acquérir de solides compétences, ainsi qu’une vraie rigueur dans le travail. Plus que cela, on ressent véritablement du goût et la recherche permanente de l’expression d’une identité singulière. La gamme produit en est la meilleure preuve : côté pain, les grosses pièces (ou miches, forcément) sont à l’honneur, avec un pain de Tradition à la mie crémeuse et alvéolée, une version plus typée au levain ainsi qu’une déclinaison aux fruits secs et graines de courge. On trouve également la miche signature, réalisée à base de levain, farine de blé Rouge du Roc et relevée d’une pointe de miel de châtaignier.

La Babka, un produit très gourmand et déjà apprécié par la clientèle.

Les viennoiseries ne sont pas en reste, avec notamment d’alléchantes propositions briochées à l’image de la Babka – une brioche marbrée au chocolat, bien trop rare à Paris – ou de la Gâche soigneusement façonnée en petites boules à rompre.

La gamme salée, réalisée à partir d’ingrédients frais et de qualité : jambon Prince de Paris, comté Bio, …

L’offre salée tourne autour de sandwiches astucieusement façonnés dans des morceaux de miche ou de pains ronds moelleux, ce qui permet de les passer aisément au toaster. Le fromage fondu étant l’une des passions de nos jeunes boulangères, elles ne pouvaient pas passer à côté de l’idée de pouvoir en proposer à leurs clients.

Cookies moelleux, clafoutis au cerises, tartes abricots-romarin, rhubarbe ou chocolat-cacahuète et fleur de sel, … les propositions sont gourmandes et très boulangères.

La vitrine de pâtisseries a été un sujet intéressant lors de la réalisation du projet : sa taille réduite en a surpris plus d’un, et elle montre bien que les vieilles habitudes ont la vie dure. Si de nombreux artisans nous ont habitué à une profusion de produits mal réalisés, voire d’origine industrielle, s’orienter vers plus de simplicité et une gamme courte tout à fait louable… Quelques tartes aux fruits de saison, des éclairs, des cookies, des barres granola ou les fameux nuages -des chouquettes garnies de crème légère vanille-mascarpone, une inspiration bordelaise-, tout est là. Les produits sont soignés, que ce soit en terme de réalisation ou de sourcing des matières premières.

Les clients peuvent repartir avec un café de grande qualité, réalisé à partir de grains torréfiés par Café Lomi dans le 18è arrondissement. La machine italienne de marque La Marzocco leur fait bien honneur.

Bien sûr, l’aventure ne fait que commencer, la boutique n’ayant ouvert qu’avant-hier. L’équipe -essentiellement féminine d’ailleurs, sans que cela ait été une volonté initiale- se met en place progressivement et s’habitue autant au matériel qu’à la clientèle. Les gammes ne sont pas encore tout à fait complètes. Malgré le calme relatif installé depuis le début du mois sur la capitale, les gourmands sont venus nombreux pour saluer la nouvelle boulangerie du quartier.

Le fournil est entièrement transparent et ouvert sur la boutique. Le four est un des héritages des anciens propriétaires : au vu du budget important que cela représente, il n’a pas pu être remplacé dans l’immédiat.

Il faut dire que les artisans proposant des produits de qualité ne sont pas légion dans cette zone du 9è arrondissement, pourtant doté d’un fort pouvoir d’achat et assez sensible à la gastronomie. Forcément, la transformation des lieux n’est pas passée inaperçue : cette triste affaire d’angle, sombre et ornée d’une devanture Ronde des Pains, a soudainement mué en un espace clair et transparent, où chacun peut observer le travail du fournil. Les murs laissés brut de décoffrage et le mobilier au look vintage se fondent bien dans l’atmosphère : Mamiche est ainsi à sa place, et célèbre la rencontre essentielle mais trop souvent négligée entre un artisan et sa clientèle.

Le chat, à côté de la caisse.

Je suis heureux de voir de telles initiatives naître encore à Paris, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord car je suis persuadé que des boulangeries engagées ont encore leur place dans la capitale, mais aussi parce que ce projet est porté par des entrepreneuses au profil riche et ayant développé un regard singulier sur la profession. Je suis persuadé que leur dynamisme, leur créativité et leur passion pour le métier seront des atouts solides pour fidéliser une clientèle toujours plus nombreuse.

Infos pratiques

45 rue Condorcet – 75009 Paris (métro Pigalle, ligne 2) / tél : 01 53 21 03 68
ouvert du lundi au samedi de 8h à 20h.
Page Facebook : https://www.facebook.com/boulangeriemamiche/

C’est assez amusant comme notre société porte son lot de comportements ambivalents, pouvant à la fois être teintés d’un sombre renoncement et d’un autre côté plus que tout attachés au maintien de petites lanternes, comme si elles devaient parvenir à faire oublier notre triste fond. Ainsi, chaque jour, nous érigeons la vie humaine comme une valeur absolue, à laquelle on doit s’accrocher de manière forcenée, même quand il n’y a plus d’espoir. Cette même vie a, semble-t-il, beaucoup moins de valeur lorsqu’elle concerne le lien qui unit les individus, le partage du quotidien… On laisse mourir des villages entiers, et les villes qu’il nous reste n’ont pas grand chose de mieux : entre centres désertifiés et show-room de grandes enseignes, l’absence de volonté publique et politique ont fini par nous enfermer dans un quotidien triste et sans diversité.

Heureusement, des initiatives privées et singulières éclaircissent parfois ce tableau. C’est au coeur du charmant village de Recloses, en Seine-et-Marne (77), qu’Isabelle Bielikoff a ouvert le 13 mai 2017 sa boulangerie « Au Coeur de la Mie ». Le choix de cet emplacement ne s’est pas fait par hasard : elle possède une maison dans la commune depuis près de 15 ans, et y vit à plein temps depuis 4 ans. La fermeture de l’ancien Bistrot du centre a sonné comme une évidence : il fallait faire quelque chose, ici.

L’ancien bistrot du village a mué en boulangerie, ce qui maintient une animation dans un centre qui aurait sinon été bien désertique.

Les méthodes de travail de Frédéric Gillet (boulangerie Biogourmet, à Héricy (77)), un artisan boulanger travaillant uniquement au levain naturel et à partir de farines biologiques, s’approchaient bien plus de ses convictions, mais c’est avec Franck Debieu que la jeune boulangère a pu prendre son envol. En effet, le célèbre boulanger l’a littéralement pris sous son aile et l’a accompagnée dans toutes les étapes permettant d’aboutir à l’ouverture de sa boutique. Implantation du fournil, choix du matériel, mise en place de la gamme et des recettes, organisation quotidienne, … rien ne leur a échappé.

Si les viennoiseries feuilletées ne devaient être présentes que le week-end, elles sont devenues permanentes et se retrouvent en boutique tous les jours.

Rien, ou pas tout à fait : après seulement deux mois d’ouverture, les objectifs fixés initialement ont été largement dépassés et le succès de la boulangerie a contraint Isabelle à revoir ses plans. S’il était prévu qu’elle travaille seule, en alternant la production et la vente, la charge de travail induite par la clientèle toujours plus sensible à la démarche et au goût des produits l’a incitée à s’entourer pour continuer à développer son affaire. Un boulanger l’a rejoint, et elle recherche activement un apprenti.

Les Farines Biologiques des Moulins Bourgeois ont été choisies pour leur qualité et la proximité entretenue par le meunier avec sa clientèle.

Créer une boulangerie dans un village de 700 habitants pouvait paraître un pari osé, voire complètement fou. Pourtant, cela me paraît être une idée pleine de bon sens : Au Coeur de la Mie créé de la vie à Recloses et fédère un large public : personnes âgées, randonneurs, touristes ou autres résidents des communes alentour, tout le monde se retrouve autour de produits de qualité.

La baguette de Tradition a été nommée « la Jonquille », en clin d’oeil aux fleurs qui décorent le village quand le printemps arrive. Une fête en l’honneur de cette fleur est organisée chaque année.

Ici, toutes les farines sont issues de l’Agriculture Biologique et livrées par les Moulins Bourgeois. Elles sont ensuite transformées dans le respect de la fermentation, avec du levain naturel incorporé dans toutes les pâtes. La viennoiserie bénéficie du même soin.

La Brioche Sonia est un des produits signature du lieu : elle contient de la poudre d’amande et est saupoudrée de graines de sésame, en référence aux origines arméniennes d’Isabelle Bielikoff. Sa forme de coeur rappelle le logo de la boulangerie.

Le caractère rationnel de la gamme est particulièrement appréciable : on trouve une baguette de Tradition, de grosses pièces à la coupe (la Canche et le Pavé du Roy, un pain au miel et fruits secs, le week-end), des brioches et quelques spécialités feuilletées. Les propositions salées s’articulent autour du pain, avec des tartines et baguettes garnies.

Ici, boutique et fournil ne font qu’un : l’espace a été optimisé pour rendre le travail plus aisé malgré une faible superficie.

Cette entreprise est d’autant plus viable qu’elle a été dimensionnée en fonction du projet de l’entrepreneuse : avec un investissement matériel limité et l’accompagnement des collectivités locales (Initiative Melun Val de Seine & Sud Seine-et-Marne, la Région et la communauté d’agglomération du Pays de Fontainebleau), elle bénéficie de bases solides tout en échappant à la spirale infernale dans laquelle sont pris les boulangers qui s’installent dans des affaires tentaculaires.

Le coin épicerie compte plusieurs références de boissons, dont plusieurs sont locales. En effet, en absence d’autre commerce dans le village, les passants apprécient de trouver de quoi se désaltérer.

Toute la famille Bielikoff s’est trouvée prise dans cette aventure : Frank, le mari, soutient son épouse au quotidien et l’aide pour des tâches logistiques, tandis que leur fille Natacha oeuvre à la vente pendant ses vacances. Puisse cette histoire continuer longtemps à s’écrire ici, à Recloses, et ainsi créer de la vie… grâce à de belles mies.

Franck, Natacha et Isabelle Bielikoff

Infos pratiques

38 Rue Grande – 77760 Recloses / tél : 01 72 79 02 58
ouvert les lundis, mardis et vendredis de 11h à 13h et de 16h à 20h, le samedi de 8h30 à 13h et de 15h à 18h, le dimanche de 9h à 13h.

La régularité est un enjeu central en boulangerie artisanale : si les industriels proposent généralement des produits moyens voire médiocres, ils ont le mérite d’être toujours les mêmes, peu importe la force du vent, l’humeur du capitaine, que sais-je encore… Dans les milliers de fournils que compte notre territoire, les variables influant sur la qualité du résultat sont nombreuses et peuvent aboutir à une déception chez le client. Certains ont trouvé de merveilleuses solutions pour limiter le risque : simplifier les recettes, mettre moins d’eau dans les pétrissages, utiliser des préparations, n’employer que du personnel discipliné et contraint dans une organisation du travail complètement éclatée donc aliéante… Ces raccourcis, souvent choisis par des entrepreneurs aux grandes ambitions, aboutissent à des produits sans âme, sans vie. Doit-on considérer l’humain comme un problème ? Doit-on oublier qui l’on est, d’où l’on vient, quelle est notre ADN, pour grandir ? Non, nos racines ne sont pas des contraintes, elles nous aident à tracer des routes vers demain.

A proximité du centre Commercial Leclerc, la Boulangerie l’Amour est dans le blé et sa façade en bardage d’acier pourrait facilement être apparentée aux chaines que l’on trouve habituellement sur ces emplacements. Pourtant, il s’agit bien d’un artisan indépendant, chez qui tous les produits sont faits maison.
Actuellement, la boutique est ouverte 7j/7, la pratique étant autorisée dans le département pendant la période estivale.

Heureusement, certains l’ont compris. A Orvault (44), en proche banlieue nantaise, Etienne Drouet a fait le choix de se différencier par la qualité de ses produits, tout en se positionnant sur un emplacement où l’on retrouve habituellement de grandes enseignes. Le consommateur est forcément plus méfiant, mais cela pousse l’artisan à développer sa communication et à faire preuve de toujours plus de transparence. Ainsi, ce 23 juin 2017, il invitait la clientèle à visiter ses laboratoires à l’occasion de la labellisation Bagatelle obtenue pour sa baguette de Tradition française. Orienté par son associé Mathieu Lemaître -lequel a travaillé pour le compte de la société Foricher par le passé-, il a fait le choix de s’inscrire dans cette démarche pour transmettre auprès de son personnel des valeurs d’exigence et de remise en question permanente, tout en bénéficiant d’audits réguliers et objectifs. Cet outil de management, au delà de la marque, est précieux pour maintenir son niveau de qualité. Je rêve qu’un jour, un ou plusieurs meuniers, parviennent à développer une telle démarche pour leurs clients en l’étendant à bien plus de points de la vie d’une entreprise, sans l’associer à de quelconques outils marketing. C’est beau de rêver, parfois.

La boutique associe avec élégance et sobriété des éléments modernes et l’authenticité du bois. Les vitrines sur un seul niveau offrent beaucoup de lisibilité au client dans les univers produits.

Bien sûr, ici, pas question de rêver : il faut une belle quantité de travail pour garnir les larges vitrines de produits, ces derniers étant tous faits maison. Etienne Drouet a pu développer ses compétences à travers la France et à la Réunion, avant de revenir dans sa région d’origine. Pour lui, pas de concession sur la qualité des matières premières : fruits et légumes locaux (fraises de chez Burban à la Baule, pommes de la Pommeraie nantaise…), beurre AOP d’Isigny, chocolat Weiss, … l’engagement de l’Amour est dans le blé est resté le même, malgré le développement de la marque.

Le mur à pains est bien visible et propose la gamme développée par la maison, travaillée sur levain naturel pour l’essentiel. Si la baguette de Tradition française (1€) est de très bonne facture, relevée d’une pointe de levain et offrant un excellent rapport mie/croûte, il ne faudrait pas négliger le reste de l’offre, avec de grosses pièces offrant une excellente conservation. Au fond, sur le mur, l’engagement local est rappelé : beurre de Montaigu, farines de Nozay et Saint-Omer… Une partie des pains sont réalisés à partir de farines issues de l’Agriculture Biologique.

Cette dernière veut continuer à grandir en maintenant une croissance vertueuse : permettre à des ouvriers de s’installer en leur offrant la notoriété du nom et des bases solides, tout en les respectant (le nom d’Etienne Drouet est clairement indiqué en façade, ainsi il ne disparaît pas derrière l’enseigne) et en conservant les valeurs de l’artisanat. La Minoterie Bourseau, partenaire de Mathieu Lemaître depuis son installation à Blain (44), les accompagne dans cette logique en leur apportant les soutiens techniques (démonstrateurs) et administratifs nécessaires. La proximité se traduit aussi par des événements organisés en partenariat avec le meunier, comme des animations ou des soirées destinées à fédérer l’environnement proche de la boulangerie.

Les pains vendus au poids sont présentés à la verticale, au plus près des clients. L’étal est ainsi particulièrement gourmand et suscite l’envie chez le consommateur. Les tarifs sont très accessibles et les produits variés : du froment « classique » aux saveurs plus typées et acidulées, rien ne manque.

Vous connaissez ma préférence naturelle pour de petites affaires, souvent installées en centre-ville, et le modèle est ici tout à fait différent : une superficie de près de 300m2 et les investissements qui s’en suivent imposent souvent de disperser. L’amour est dans le blé a choisi de soigner ses fondamentaux en choisissant un agencement moderne mais centré sur les éléments clés de sa gamme : un beau mur à pains, accompagné d’une sélection de produits vendus à la coupe et disposés au plus près du client, ainsi qu’une belle mise en avant des viennoiseries et de la brioche à partager (pour laquelle Etienne Drouet a été primé en 2016 à la foire du Loroux-Bottereau). Bien sûr, l’espace dédié à la consommation sur place était inévitable, tout en restant mesuré.

Une viennoiserie maison maitrisée et croustillante.

L’artisan cherche à respecter un équilibre entre ses activités et a restreint son offre traiteur autour d’une déclinaison de sandwiches, tandis que l’offre sucrée s’inscrit dans une ligne très boulangère, avec des tartes, flans et pâtes à choux.

Ouverte depuis avril 2017, les débuts de cette affaire semblent prometteurs et les bases posées par ses créateurs orientent son développement dans le sens d’une production artisanale et qualitative. Souhaitons à sa clientèle et à ses salariés que l’Amour est dans le blé continuera à prouver que l’on peut associer ambition et qualité.

L’identité visuelle a été soignée et séduit par son caractère chaleureux et souriant.

Infos pratiques

2 rue de la Rigotière – 44700 Orvault / tél : 09 53 93 20 57
ouvert tous les jours de 6h à 20h en période estivale.