Il est amusant de voir comme les parisiens et franciliens ont une tendance naturelle à se diriger vers les mêmes endroits lorsqu’il s’agit de choisir leur lieu de villégiature. Ainsi, quand nos zones hyper-urbaines se vident, d’autres se remplissent… Rien de bien dépaysant là dedans, cela me rappellerait presque le roi qui emmenait avec lui toute sa cour lors de ses déplacements en France et Navarre…
Quelques zones remportent la palme : le Sud lorsque vient l’été, mais aussi la Normandie pour de courts week-ends au bord de la mer… c’est sans aucun doute ce qui a permis l’essor de Deauville : située à à peine 2 heures de Paris, la cité ne manque pas d’atouts pour les franciliens en quête d’embruns. Pratique, rempli de casinos, avec une ambiance en définitive très parisienne… Vous repasserez pour le dépaysement, mais qu’importe.
Je l’avoue, je me suis laissé tenter, moi aussi. Hors saison, cependant, en semaine, là où la ville souffle un peu, où elle reprend un peu son apparence de cité de province. Il devient alors agréable d’y respirer, une journée ou un peu plus. La foule est partie, mais les commerces restent. A l’occasion de ma visite, j’ai pu faire un petit tour d’horizon très painrisien de Deauville et Trouville, et malheureusement, d’un point de vue gastronomique et boulanger, elles ont hérité de tout ce qui est désagréable par chez nous : l’apparence est privilégiée au détriment du goût.
Des boulangeries, il y en a. Elles affichent des devantures fort sympathiques pour la plupart, mais une fois la porte passée, le problème devient bien plus épineux.
Commençons par la spécialité locale, le pain Brié. Ce dernier présente une mie serrée et assez moelleuse, ce qui lui permet de se conserver plusieurs jours sans difficultés : c’était d’ailleurs l’objectif, puisqu’il était le compagnon favori des marins et de leurs nombreuses campagnes. On le retrouve de façon assez fréquente dans nos boulangeries parisiennes à présent, parfois mieux réalisé qu’ici, en Normandie. Un comble.
A Deauville, les boulangeries se concentrent principalement autour de la place Morny. Aux Délices de l’Etoile (rattachée au groupement Festival), les deux boulangeries Osouf… Rien de bien intéressant que ce soit du côté des pains ou des gourmandises. Pour ces dernières, on se tournera plus aisément vers l’institution locale, Dupont avec un Thé, qui propose quelques douceurs (pâtisseries & viennoiseries, notamment, ainsi que des chocolats) relativement acceptables, même si sur-tarifées au vu de leur qualité.
En définitive, les adresses les plus valeureuses se situent un peu à l’écart, avec pour le pain la boulangerie de l’Avenir (au 16 rue de l’Avenir) et une gamme axée autour de la baguette Rétrodor, très acceptable… et côté pâtisseries, le méconnu mais non moins excellent François Gayet (75, rue du Général-Leclerc) qui s’offre le luxe de n’ouvrir qu’en fin de semaine, pour proposer des douceurs directement issues de son laboratoire ouvert sur la boutique.
Passons maintenant à Trouville, nettement plus authentique et ayant conservé son aspect de village de pêcheurs. Bien sûr, on pourra faire un arrêt au marché aux Poissons, rénové avec goût, mais les amateurs de pain s’enfonceront un peu plus dans les ruelles de la cité pour découvrir les produits du couple Favris (38, rue Paul-Besson). Même si la maison a fait le choix de se rattacher au groupement Banette, la baguette de la maison, la Trouvillaise et ses 4 croûtons, n’en demeure pas moins savoureuse, en plus d’offrir une bonne conservation. Les pâtisseries sont acceptables, même si celles du salon de Thé Charlotte Corday (172, boulevard Fernand-Moureaux), dédiées à quelques personnalités (Francis Huster, Emma de Caunes, Karl Zéro…) demeurent certainement les plus appréciables.
On s’abstiendra de faire des commentaires sur la qualité du pain proposé par la succursale trouvillaise de Dupont avec un Thé (la baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine de chez Axiane, s’approche dangereusement du pain courant… seuls les pains Biologiques s’en tirent un peu mieux, sans grand relief cependant), sur les produits de Patrick Bligny, au parcours pourtant étoilé (ex Lucas Carton, notamment), ou encore du Fournil de la Touques, situé à quelques pas de la rivière du même nom, et autres Fournil des Halles ou Pâtisserie Lelièvre (bien poussiéreuse, par ailleurs !)…
Il est aussi possible de faire des escales gourmandes dans les boutiques de la fameuse conserverie La Belle Iloise, dans la boutique du chocolatier Au Chat Bleu (que l’on retrouve à Paris, d’ailleurs), ou, pour les plus intrépides, à la Trinitaine, qui propose toujours ses douceurs plus ou moins « artisanales »…
Bref, vous l’aurez compris, mieux vaut sans doute ne pas aller ici si l’on recherche de l’authenticité et de vraies saveurs normandes ou du bon pain. Non, l’essentiel est ailleurs. Là, au bord du l’eau. Mon vrai bonheur était tout simplement de me laisser bercer par les embruns, de profiter de ces fameuses planches, entièrement désertes. Laisser passer le temps, observer les oiseaux et leur ballet aussi improvisé que charmant… Dans ces moments là, le pain, le matériel, importent bien peu en définitive. J’ai arrêté de courir (le pain) quelques minutes, et je crois qu’en fin de compte, j’y serais bien resté.