Dès lors que l’on parle de boulangerie, on a souvent l’image du boulanger et de sa femme, l’un au fournil, l’autre à la vente. Fort heureusement, ces idées préconçues ont la vie dure et notre époque voit se développer des configurations bien différentes, mais néanmoins intéressantes. Il y a bien sûr la féminisation des fournils, avec pour conséquence directe le fait que les femmes ne soient plus en boutique, mais aussi des hommes qui ne font plus intervenir leur épouse dans leur affaire : pourquoi l’ensemble de leur famille serait-elle impliquée dans ce projet ? Il est souvent préférable de bien séparer vie privée et professionnelle.
On peut également assister à l’association de deux artisans qui ne partagent pas leur vie, chacun apportant son savoir-faire et ses spécificités. Pour moi, le meilleur exemple est sans doute celui de Claire Damon et David Granger, qui se complètent admirablement sur la pâtisserie et la boulangerie. Dans le 14è arrondissement, l’aventure de Joël Portier et Lionel Bonnamy mérite tout autant que l’on s’y intéresse. C’est en effet rue de l’Amiral Mouchez que se sont installés ces deux artisans courant 2011, afin d’y bâtir… une Fabrique aux Gourmandises, le nom donné en baptême à leur boulangerie.
L’intitulé n’est pas trompeur, et l’on ne va certainement pas s’en plaindre. On peut observer ici une belle cohérence entre les gammes de produits, à commencer par le pain associant créativité, prix et qualité. De la craquante baguette de Tradition, au parfum de froment bien prononcé, proposée à 1,05€ à la tourte de Seigle d’excellente facture (6,6€ le kilogramme), en passant par la baguette « signature », la Gourmandise, et ses douces notes sucrées de sarrasin ou encore par le pain Curcuma-Amandes, l’Epeautre, le Campagne… avec petit clin d’oeil pour les gastronomes en culotte courte et leur « pain des Enfants » (un petit pain au Cacao et pépites de chocolat). Difficile de prendre en défaut les pains, que ce soit en terme de façonnage ou de cuisson. Plusieurs pains sont vendus au poids, ce qui permet à chacun de choisir en fonction de ses besoins. Voilà qui met bien en valeur les farines des Moulins de Cherisy, sélectionnées par nos deux artisans.
En ce moment, les galettes sont à l’honneur, même si l’on ne manquera pas d’apprécier la variété de l’offre de pains, en plus de leurs tarifs très raisonnables.
Les becs sucrés viendront chercher ici de quoi assouvir leur péché de gourmandise, et ils ne seront pas déçus : le feuilletage est très bien maîtrisé, avec notamment des croissants d’excellente facture proposés à seulement… 0,90€. N’oublions pas pour autant les spécialités de la maison, comme la trop rare tarte au sucre ou une « Couque pralinée ». Les tartes aux fruits sont tout aussi recommandables, une bonne façon de terminer un repas sur une note sucrée et légère. Puisque nous sommes dans la période de l’épiphanie, les galettes proposées par la Fabrique aux Gourmandises se sont récemment classées 13è au Concours de la Meilleure Galette aux Amandes 2013… un événement fêté comme il se doit dimanche dernier, avec une dégustation arrosée devant la boutique. Cela dénote d’un bel esprit de partage avec la clientèle.
Impossible de ne pas fêter la 13è place obtenue au Concours de la Meilleure Galette aux Amandes d’Île-de-France ! Cela s’est fait dans le partage, puisque les clients étaient invités ce dimanche à déguster la fameuse galette, accompagnée d’un peu de cidre. Une coupe pour fêter la coupe, en somme.
Le reste des pâtisseries demeure assez simple, entre pâtes à Choux et entremets classiques, rien de bien surprenant là dedans mais l’offre a le bon goût de la saveur et de l’honnêteté.
En salé, les sandwiches déclinent classiques et associations plus originales. On peut aussi faire le choix de déguster des petits pains garnis aux ingrédients variés. L’offre traiteur demeure courte et simple, ce que l’on ne peut qu’apprécier : les fondamentaux de la boulangerie n’en sont que mieux soignés et considérés.
Classiques ou spécialités, les viennoiseries sont soignées et abordables.
Difficile également de ne pas être enchanté par l’accueil au sourire sincère, à l’excellente maîtrise des produits et à l’efficacité remarquable. Même lors des périodes d’affluence, telles que le dimanche matin, on a ainsi l’assurance d’être servi rapidement sans pour autant être bousculé.
Le fournil est directement visible depuis la boutique.
Infos pratiques
82 rue de l’Amiral Mouchez – 75014 Paris (RER B gare Cité Universitaire ou Tramway T3 station Stade Charléty) / tél : 01 45 88 53 13
ouvert du mercredi au dimanche de 7h à 20h.
Avis résumé
Pain ? Rien à redire quant à la qualité de réalisation des pains : ici, la baguette de Tradition se fait accessible, élégante et très craquante. Pour 1,05€, elle nous offre mie alvéolée, belle saveur de froment et croûte bien présente, en plus d’un façonnage élégant. Que demander de plus ? Peut-être une gamme variée, et là encore, pas de déception : tourte de Seigle aux notes de miel et d’épices, pain aromatique Curcuma-Amandes – l’ami des poissons fumés ! -, Epeautre ou encore baguette « signature » à la farine de Sarrasin… Prix accessibles, conservation et saveurs sont au rendez-vous.
Accueil ? Efficace mais néanmoins charmant et possédant une belle maîtrise des produits, il accompagne avec beaucoup de professionnalisme la clientèle dans cet « univers gourmand » développé par les deux artisans.
Le reste ? Cette boulangerie n’a pas volé son nom, nous sommes bien dans une Fabrique à Gourmandises : les viennoiseries offrent un feuilletage d’excellente facture, en plus de décliner autant les classiques du genre (croissant à 0,90€, pain au chocolat à 1€, brioches…) comme des spécialités telles que la tarte au Sucre. En parlant de tartes, on appréciera les déclinaisons aux fruits. Rien de bien surprenant sur le registre plus pâtissier, même si les produits sont assez soignés et très honnêtes. En salé, petits pains variés et sandwiches classiques ou plus élaborés satisferont les appétits pressés.
Faut-il y aller ? Sans aucun doute, oui, voilà une excellente adresse, discrète et sincère, où les prix ont oublié d’être élevés – ce que l’on ne peut qu’apprécier et saluer. Joël Portier et Lionel Bonnamy, accompagnés de leur équipe, ont développé des gammes gourmandes et bien vues, en sachant rester dans leurs fondamentaux pour les soigner comme ils le méritent.